Note (*) de Maurice Gidon, transmise par Jean Aubouin.
Trois étapes de déformation post-miocène peuvent être reconnues : mouvement tangentiel vers l'Ouest de la couverture par rapport au socle; plissement principal sans cisaillement avec plis droits, enfin mouvements de basculement, de chevauchements vers l'Ouest et de décrochements; seuls ces derniers pourraient être détermines par la déformation du socle, qui est surtout ployé en voûtes.
Three stages of postmiocene deformation are recognized. tangential westward displacement ol the cover over the basemenl, major faulting with subvertical axial planes and finally tilting, westward thrusting and right-lateral faulting of folds. The last stage is the only one to be possibly related with the deformation of the basement, which consists mainly in arch-folding.
La structure des massifs subalpins des environs de Grenoble est classique; si l'on néglige les structures antémiocènes dont l'importance est modeste [1] elle est caractérisée par l'association de plis plurikilométriques d'orientation subméridienne et de chevauchements à vergence Ouest. Ce motif structural a, en général, été considéré comme édifié par une seule phase de déformation dont la cause et les rapports avec la tectonique du socle ont été appréciés de diverses manières: raccourcissement par chevauchements dans les massifs cristallins, glissements gravitaires déterminés par leur soulèvement ou plissement en échelon le long d'accidents coulissants du socle. Les rapports entre chevauchements et schistosité régionale suggèrent pourtant ([2], [3]) l'intervention de plusieurs phases de déformation. Une analyse plus serrée des données de terrain porte effectivement à distinguer plusieurs étapes et, en en précisant les caractères, à envisager sur des bases nouvelles les relations entre tectonique de couverture et déformations du socle.
I. LE ROLE DE LA DÉFORMATION ALPINE, TERTIAIRE, DES MASSIFS CRISTALLINS a été certainement surestimé car les études récentes [4] soulignent combien la paléotectonique liasique en distension a été importante dans l'individualisation de ces massifs; elle permet dans une large mesure d'expliquer la formation des dépressions tectoniques allongées qui séparent ces massifs et dont le contenu sédimentaire est actuellement plissé par le pincement dû à leur rapprochement : telle peut être en grande partie l'origine du brutal abaissement de la surface du socle indiqué par la géophysique [5] à l'Ouest de Belledonne. En fait la déformation tertiaire par compression se limite apparemment à créer de vastes bombements allongés de socle et à redresser, ou dans certains cas, même, à renverser les miroirs de failles jurassiques. Aucun écaillage tangentiel ne semble exister et les mouvements de coulissements NE-SW restent hypothétiques.
Cette voussure du cristallin est tardive par rapport à l'apparition des plis de la couverture ; en effet ces derniers, qui se suivent avec une belle continuité jusque dans les assises les plus inférieures (P 2, fig. 1), subissent tous, dans le prolongement de la chaîne de Belledonne (secteur de La Mure) une torsion d'axe autour de la voûte du cristallin: elle se manifeste à la fois par une virgation, l'azimut axial passant de N 15° en Chartreuse à N 160° en Dévoluy, et par une inversion du sens de plongement axial. Parallèlement à ce transanticlinal de Belledonne (P 3', fig. 1 et 2) un transsynclinal passant par Villars-de-Lans (P 3",fig. 1 et 2) indique peut-être aussi un ploiement synclinal du socle.
La belle continuité longitudinale des plis et l'absence d'inversions alternatives de plongement axial ne sont guère en accord avec une formation en échelon par coulissements dans le socle. D'autre part la forme même de ces plis P 2 ne plaide pas en faveur d'une origine par glissement gravitaire consécutif à la surrection du cristallin de Belledonne: loin d'être déversés vers l'Ouest ils sont coffrés (et d'ailleurs sans doute ébauchés avant le Miocène [1]) dans le Vercors et la Chartreuse occidentale et plutôt rétrodéversés dans la partie orientale de ces massifs ( fig. 3). Ce fait qui a été observé depuis le massif de Curienne dans la Cluse de Chambéry [6], en Chartreuse [7], en Vercors [8] et dans le Dôme de La Mure [9] n'a pas été assez souligné : il traduit l'effet d'un cisaillement, sans doute tardif, qui indique un déplacement relatif vers l'ouest du socle (3 a, fig. 3) sous la couverture. On peut envisager par exemple que ceci résulte du glissement relatif, vers la voûte, de la partie extérieure des roches affectées par le pli de fond de Belledonne, par rapport à son coeur cristallin [10] ou d'un véritable sous-charriage du socle [11], sous la couverture (3 b, fig. 3).
II. LES RAPPORTS ENTRE LES PLIS ET LES CHEVAUCHEMENTS amènent en fait à distinguer deux groupes de chevauchements, d'âges différents :
(a) les uns (Ø3, fig. 1 et 3) sectionnent les axes de plis P 2 et décalent des surfaces d'aplanissement probablement pliocènes [12] : ils sont donc relativement tardifs mais, étant dirigés vers l'Ouest et associés à des coulissements conjugués, dextres NE-SW (prédominants) et sénestres NW-SE [1], ils n'impliquent aucune modification des contraintes par rapport au serrage responsable des plis P 2, de sorte qu'ils représentent sans doute les effets du stade final de la même phase de déformation ;
(b) les autres ( Ø1, fig. 3), moins évidents, avaient été méconnus [12] ou confondus avec les précédents. Leur antériorité par rapport aux plis P 2 est attestée ( fig. 2) par le reploiement des surfaces de chevauchement qui gardent, en dépit des changements de pendage, un angle sensiblement constant, et d'ailleurs faible, avec les couches qu'elles tranchent. Ils traduisent un cisaillement, initialement très tangentiel, déportant vers l'Ouest la partie haute de la succession sédimentaire, et sont associés à des plis décamétriques (également déversés initialement vers l'Ouest) qui basculent dans leur plan axial la schistosité régionale associée aux plis P 2 (tout en étant eux mêmes basculés dans les flancs de ces derniers plis): ce dernier fait indique sans doute que ce cisaillement est contemporain d'une étape précoce du plissement P 2 où la schistosité régionale était déjà suffisamment exprimée mais où les plis majeurs n'avaient pas encore atteint leur forme actuelle. Là encore la direction de serrage est sensiblement la même (mouvements Est-Ouest).
Ill. EN CONCLUSION la tectonique postmiocène de la couverture des environs de Grenoble s'est effectuée par un enchaînement de trois étapes au moins: La première qui consiste en un cisaillement tangentiel de la couverture est trop précoce pour résulter du soulèvement des massifs cristallins; il faut sans doute y voir une déformation analogue à celles qui ont été signalées dans d'autres secteurs, tant à l'est qu'à l'ouest de l'axe Belledonne - Mont-Blanc ([10], [14], [15], [16]) et apparentée au charriage des nappes helvétiques (ces dernières sont également reployées par l'antiforme du massif cristallin des Aiguilles Rouges). La seconde, qui a créé des plis sensiblement droits semble n'attester que d'un raccourcissement horizontal sans cisaillement de la couverture.
Seules les dislocations tardives par chevauchement et décrochement et les basculements et torsions d'axes paraissent avoir pu être commandées par la déformation du socle, dont le rôle paraît en définitive beaucoup plus limité que l'on ne l'admettait.
(*) Remise le 6 avril 1981.
[1] M GIDON, Comptes rendus, 258, 1964, p. 3518.
[2] J. RODGERS, Mémoire Soc. Géol. France, 1962, p. 83-96.
[3] M MATTAUER, Les déformations des matériaux de l'écorce terrestre, Hermann, Paris, 1973, p. 301.
[4] M. LEMOINE, M. GIDON et J. C. BARFÉTY, Comptes rendus, 292, série II, 1981, p. 917.
[5] G. MÉNARD, Comptes rendus, 290, série D, 1980, p. 299.
[6] M. GIDON, Annales Centre d Ens. Sup. de Chambéry, 2, 1964, p. 7-25.
[7] M. GIDON, Trav. Lab. Géol. Grenoble, 42, 1966, p. 117-125.
[8] E. AUDEBAUD, Dipl. Et. sup. Grenohle, 1963.
[9] J. SARROT REYNAULD, Bull. Soc. Géol. France, 6° s., VII, 1957, p. 475-487.
[10] B. PIJOLAT, Thèse 3e cycle, Lyon 1978.
[11] G. MENARD, Thèse 3e cycle, Grenoble 1979.
[12] M. GIDON, Carte Géol. France à 1/50000°,Feuille Grenoble, Bur. Rech. Géol. Min., 1978.
[13] M. GIDON, Trav. Lab. Géol. Grenoble, 39, 1964, p. 187-205.
[14] P. PLOTTO, Thèse 3e cycle, Grenoble, 1977.
[15] J. P. DEPARDON, Thèse 3e Cycle, Lyon, 1979.
[16] J. F. GAMOND, Bull. Soc. Géol. France, 7°s., XXII, n° 3, p. 429-436.
Laboratoire de Géologie alpine associé au C.N.R.S., L.A. n° 69,
Institut Dolomieu, 38031 Grenoble Cedex.