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186 - Géologie alpine, 1999, t.75, p. 91-102

Tectoniques superposées dans le synclinal des Aillons et ses abords (massif des Bauges, Savoie, France)

par Maurice GIDON*

*Rue des Edelweiss, 38500 VOIRON


FIGURES

RÉSUMÉ - .Des observations nouvelles sont exposées et analysées. Elles montrent une nouvelle fois le caractère polyphasé de l'évolution structurale des massifs subalpins septentrionaux. Le rôle des failles extensives antérieures au plissement est notamment illustré sur plusieurs exemples nouveaux (l'une de ces cassures, la paléofaille du Céty, est très importante car elle a dû constituer, à l'Éocène inférieur, le rivage occidental de la mer nummulitique). L'importance de la phase de cisaillement tangentiel de la couverture, antérieure au plissement principal est à nouveau illustrée. L'existence de plis transaxiaux tardifs NE-SW, analogues à ceux de la Chartreuse est signalée. Enfin le prétendu « synclinal des Déserts » se voit dénier une existence réelle, en même temps qu'est rediscutée la signification du chevauchement du Margériaz, qui tranche les plis depuis le Lac d'Annecy jusqu'à la pointe sud-est des Bauges.

MOTS CLÉS - Massifs subalpins, Sénonien, failles synsédimentaires, tectoniques superposées.

 

Superimposed tectonics inside the Aillons syncline and its surroundings (Subalpine Ranges of the French Western Alps).

ABSTRACT - New data, concerning the south-western part of the Bauges massif, are provided and analyse. They illustrate the polyphased caracter of the tectonic evolution of the northern subalpine massifs. New examples of extensive faults, which operated before folding occurs, are given. The most important is the Céty Fault, which represented, during the early nummulitic times, the western shore of the alpine sea. It was first distorted by a large westward shear, before being folded by the Aillons syncline. Some folds trending NE - SW, transversally regarding to the main folding of the Bauges massif are described and compared with those similar already known in the Chartreuse massif. The role of the Margeriaz thrust is discussed.. It is shown that this accident cuts obliquely le N-S folds of the Bauges massif from the Annecy lake, at the North, to the southern edge of this massif, at Montmélian. So it divides up the western limb of the Leschaux syncline into two parts, the so-called « synclinal des Déserts » beeing only the western part of it.

KEY WORDS - Subalpine massifs, Senonian, synsedimentary faults, superimposed tectonics.


Le synclinal des Aillons est un pli majeur de la partie sud-ouest du massif des Bauges. Il se fond vers le nord dans le synclinal de Leschaux, qui héberge la partie septentrionale du Lac d'Annecy, et se poursuit, vers le sud avec une belle continuité, jusqu'au sillon subalpin qu'il atteint à Montmélian (fig. 1).
Ce synclinal occupe une position remarquable en premier lieu parce qu'il représente la limite entre deux domaines de caractère structural différent (fig. 2 ) : les Bauges occidentales (qui englobent le flanc ouest du synclinal), où la tectonique est peu plicative et consiste plutôt en chevauchement de dalles ondulées, et les Bauges orientales, où apparaît une tectonique souple à plis nettement déversés vers l'ouest.
En second lieu (et ceci n'est sans doute pas sans lien causal avec les faits précédents) son axe coïncide avec une ligne isopique de changement des faciès au Berriasien - Valanginien. En effet son flanc occidental comporte, à cette époque, des marnes de Narbonne, surmontées de calcaires du Fontanil, c'est-à-dire une succession identique à celle de la Chartreuse orientale (comme dans ce domaine les calcaires du Fontanil sont peu épais et leur âge ne déborde vraisemblablement que peu vers le bas dans le Berriasien supérieur). Au contraire son flanc oriental appartient à un domaine où les calcaires du Fontanil ne sont plus représentés du tout et où la série néocomienne perd, de ce fait, beaucoup de sa différenciation, en devenant très monotone.
Comme tous les plis des massifs subalpins septentrionaux le synclinal des Aillons est affecté d'un net plongement axial vers le nord, plongement qui s'accentue du côté sud, aux approches du rebord subalpin (massif de la Roche du Guet, dominant Montmélian). Cette disposition permet d'en explorer la structure à différents niveaux, du bas (au sud) vers le haut (au nord).
Les observations nouvelles, un peu disparates, rapportées et commentées ci-après, concernent le synclinal des Aillons lui même, mais aussi ses abords. Elles seront examinées en progressant du nord-ouest vers le sud-est.

a/ Les rapports structuraux entre la vallée des Aillons et la dépression des Déserts

La littérature fait état depuis la fin du XIX° siècle d'un « synclinal des Déserts » (fig. 2 ), qui ferait suite, du côté ouest, au synclinal des Aillons et qui serait recouvert en chevauchement par un « pli-faille du Margériaz » [Gidon P., 1957 ; Perrier, 1960 ; Doudoux, 1975]. Il est plus que temps de mettre un terme à cette tradition, car elle n'était fondée que sur des concepts anciens, entachés de confusions entre morphologie et structure tectonique, qui ne résistent pas à l'examen des faits objectifs.

1) En effet le chaînon du Margériaz ne correspond en rien à un pli-faille car on n'y trouve nulle part de flanc inverse étiré, ni même de crochon qui évoquerait l'amorce d'un tel dispositif. Pire, on chercherait en vain l'ébauche d'une inflexion en voûte anticlinale de la tranche chevauchante (Mont Margériaz lui même), les couches ne montrant aucune tendance à atténuer leur pendage d'est en ouest. Partout, au contraire, depuis le Montgellaz au sud, jusqu'à la Motte-en-Bauges au nord, où le chevauchement du Margériaz disparaît sous les alluvions à l'occasion de la traversée de la vallée du Chéran, les couches chevauchantes (calcaires du Fontanil sur la transversale des Déserts) reposent bien à plat sur celles chevauchées (Oligocène sur la transversale des Déserts). Tout indique donc qu'il s'agit d'une simple faille inverse et que la dépression des Déserts est parfaitement monoclinale.

2) Le fait que les auteurs aient cru à la présence d'un rebroussement synclinal sous ce chevauchement est sans doute en partie dû à ce que la barre urgonienne du Mont Peney, qui vient se faire trancher par le chevauchement à l'est des Déserts, détermine avant cela un rebord que la vallée de la Leysse doit franchir en gorge, en aval du village. Mais la présence de cette barrière urgonienne ne doit rien à une structure d'entraînement sous le chevauchement. Elle est dûe en fait à deux structures qui sont totalement obliques à ce chevauchement, puisqu'orientées W-SW - E-NE. Ce sont d'une part la faille de la Doria et d'autre part un synclinal qu'il est préférable d'appeler « synclinal de la Doria », bien qu'il passe sensiblement par les Déserts, pour éviter toute confusion avec l'ancien concept d'un « synclinal des Déserts », supposé N-S (fig. 1).
La faille de la Doria est un décrochement dextre comparable à ceux de la Chartreuse. Il est postérieur au chevauchement du Peney car il abaisse la lame urgonienne de l'extrême sommet de cette montagne (qui chevauche l'Oligocène du col de la Doria) jusqu'au niveau de l'Oligocène du compartiment NW du décrochement. Vers l'ouest la faille de la Doria semble s'amortir progressivement, mais on la suit néanmoins jusque dans les calcaires du Fontanil du soubassement du Nivolet, au nord-ouest de Lovettaz.
Plus à l'est, en rive gauche de la Leysse, dans le secteur de Fougère, la faille de la Doria (jalonnée d'un placage vertical de copeaux de calcaires du Fontanil) occasionne un fort décalage dextre de la surface du chevauchement du Margériaz. En effet cette dernière est reportée, au sud de la faille, jusqu'au niveau du lit de la Leysse, alors qu'au nord elle passe au Sauget, 1,5 km plus à l'est. Mais ceci intervient sans que la dalle chevauchante (calcaires du Fontanil et couches plus récentes) ne soit traversée par la cassure (1), c'est-à-dire que la surface de chevauchement décrit là une torsion en rampe latérale. La faille de la Doria est donc un accident associé au fonctionnement du chevauchement du Margériaz, qui a joué de façon synchrone avec ce dernier.
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(1) Les cassures mineures du col de la Verne et du revers sud du Mont de La Croix, qui affectent l'Urgonien de cette dalle chevauchante, y représentent peut-être l'écho amorti de la faille de la Doria, mais elles ne s'y connectent pas directement et n'en ont pas l'ampleur.
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Le synclinal de la Doria est orienté N-45°E et représente donc un trans-synclinal vis-à-vis des deux chevauchements du Margériaz et du front occidental des Bauges, ainsi que vis-à-vis des des plis N10 à N20 du Revard - Semnoz et des Aillons. Il fait partie d'un train de plis qui est analysé ci-après.

3) Il n'est donc pas vrai que le chaînon du Margériaz sépare deux synclinaux parallèles (celui des Aillons et celui, mythique, des Déserts). Le chevauchement du Margériaz doit être considéré comme une simple faille inverse redoublant la succession du flanc ouest d'un même synclinal, celui des Aillons au sens large (fig. 2).
C'est d'ailleurs ce qui apparaît clairement lorsque l'on examine la transversale des Bauges au nord de la vallée du Chéran : on n'y trouve effectivement qu'un seul synclinal, celui de Leschaux, entre l'anticlinal du Semnoz et celui de la Motte-en-Bauges. Rien n'annonce que le chevauchement du Margériaz puisse s'amortir au coeur de ce pli (ce qui serait même relativement étonnant sur un plan théorique). Au contraire, le synclinal est traversé là par le décrochement dextre de Monts - Prépoulain, de sorte qu'il faut certainement rechercher plus vers l'est le prolongement du chevauchement, dans le compartiment septentrional de ce décrochement (fig. 1). Celà rend très plausible l'hypothèse selon laquelle ce chevauchement viendrait s'y poursuivre par celui qui rompt, précisément à partir de là, l'autre flanc du synclinal (c'est-à-dire le flanc ouest de l'anticlinal de la Motte-en-Bauges).

Cette interprétation est d'ailleurs en accord avec deux faits :
- le premier est que le prolongement méridional de l'anticlinal de la Motte-en-Bauges, au sud du Chéran (dans la montagne du Grand Colombier), n'est pas chevauchant ;
- le second est que le chevauchement du flanc ouest de l'anticlinal de la Motte-en-Bauges se poursuit vers le nord en coupant en biais cet anticlinal, puis le synclinal d'Entrevernes [Doudoux et al., 1992].
En d'autres termes il faut sans doute considérer le chevauchement du Margériaz comme une faille inverse qui recoupe les plis en oblique, par l'intermédiaire de portions décrochantes. Il est à noter que cette obliquité par rapport aux plis (qui sont coupés successivement des plus orientaux jusqu'aux plus occidentaux lorsque l'on suit la cassure du nord vers le sud) est un caractère que cet accident possède en commun avec les deux plus importants chevauchements du massif de la Chartreuse, celui de la Chartreuse orientale et celui de Voreppe.

4) En définitive les deux dépressions à remplissage tertiaire, parallèles et sensiblement N-S, que sont celle des Déserts et celle des Aillons représentent respectivement les prolongements méridionaux du flanc ouest du synclinal de Leschaux et de son coeur, et non deux plis distincts. Quant au chevauchement du Margériaz, qui coupe ce pli en biais il est clair qu'il ne se prolonge pas dans les Bornes au nord du lac d'Annecy. Une hypothèse séduisante pour interpréter cette terminaison à la latitude du lac consiste à admettre qu'il se connecte là avec le chevauchement du Mont Veyrier (fig. 1) et que le redan du tracé résultant est un des effets du cisaillement sénestre du Vuache (le prolongement, au moins jusqu'à Annecy, de cet accident est attesté par ses effets séismiques actuels).

b) Les plis transaxiaux du flanc ouest du synclinal des Aillons

La dalle urgonienne du Margériaz, qui représente le flanc ouest du synclinal des Aillons sensu stricto, est gaufrée par des ondulations très ouvertes mais bien marquées, qui sont orientées environ N50. Grâce à un relief conforme elles sont particulièrement visibles quand on regarde le synclinal des Aillons d'enfilade sud, par exemple depuis le sommet de la Galoppaz (fig. 3). Par contre on ne les distingue pas du tout en regardant les falaises urgoniennes de l'ouest parce que l'érosion leur fait décrire successivement des redans en saillant et en creux qui coïncident avec ces plis (ce dessin sinueux du rebord urgonien de la dalle du Margériaz résulte d'ailleurs très vraisemblablement de l'intervention, ici aussi, d'une érosion par aplanissement [cf. Gidon, 1994]).

1/ Les ondulations de la dalle du Margériaz

On peut y distinguer au moins trois plis transaxiaux, qui sont, du nord-ouest vers le sud-est (fig. 1) :

a - un trans-synclinal du Margériaz dont l'axe passe entre le point culminant (1845) et le promontoire sud-ouest de la montagne (sommet 1784), pour se diriger vers le NE en direction du Châtelard en traversant la vallée des Aillons vers Chainay-dessous.
b - un trans-anticlinal du Mont de la Croix, qui forme l'essentiel du substratum de la forêt du Margériaz et dont le flanc oriental s'ennoie sous le Tertiaire du coeur synclinal en le rétrécissant par un redan saillant vers l'est.
c - un trans-synclinal du Col des Prés, qui est largement à l'origine de l'inflexion fortement concave vers l'est du contour de la limite des affleurements de Nummulitique à la latitude de ce col.
Par leur direction axiale et leur forme très ouverte ces plis sont tout à fait comparables à ceux qui ont été récemment reconnus en Chartreuse [Gidon M., 1994].

2/ Prolongations vers le sud-ouest

Vers le SW, au-delà du chevauchement du Margériaz (dont le passage est caché, au sud des Déserts, par un large masque de dépôts fluvio-glaviaires), les axes de ces plis se dirigent respectivement vers le Mont Peney et vers le massif de Curienne : ils semblent effectivement y trouver des correspondances structurales.

a - En ce qui concerne le trans-synclinal du Margériaz, la direction de l'axe de ce pli le fait coïncider exactement avec celui du synclinal de la Doria, de sorte que l'on ne peut éviter d'y voir un seul et unique pli.

b - La prolongation de l'anticlinal du Mont de la Croix l'amène à coïncider, dans le massif de Curienne, avec la culmination anticlinale de l'« anticlinal de La Roche » des auteurs [P. Gidon, 1950 ; Doudoux, 1963]. En effet la voûte de Tithonique de ce pli a la forme d'une demi-coupole qui s'ennoie vers le nord-ouest et qui est tranchée, du côté sud-est, par la faille de Curienne -Challes-les-Eaux (faille de Camelot des auteurs) (fig. 1). Cette faille subverticale, dont le compartiment oriental est fortement abaissé (mise en contact de l'Argovien avec du Berriasien), est jalonnée de navettes de Tithonique broyé. Elle avait été interprétée comme un flanc étiré de pli-faille, déversé vers l'est, mais son pendage est trop fort et elle semble plutôt représenter un décrochement dextre. Quoi-qu'il en soit, elle a l'orientation voulue pour se prolonger exactement par le flanc sud-est de l'anticlinal du Mont de la Croix, qui traduit un décalage vertical de même sens.

c - Dans le prolongement de l'axe du trans-synclinal du Col des Prés le massif de Curienne est traversé par le "synclinal de Bellevarde" des auteurs [P. Gidon, 1950 ; Doudoux, 1963]. Même s'il ne s'agit que du crochon de la lèvre sud-orientale de la faille de Camelot, cette structure déprimée a la même direction NE-SW que le trans-synclinal du Col des Prés : elle paraît donc pouvoir en représenter l'équivalent, à un niveau plus bas dans l'édifice structural.
Il faut souligner que le fait que ces plis se poursuivent de part et d'autre du chevauchement du Margériaz indique qu'ils sont vraisemblablement postérieurs a cet accident.

3/ Prolongations vers le nord-est

Divers indices portent en outre à penser que ces plis transaxiaux se prolongent vers le NE au delà du synclinal des Aillons.

a - En ce qui concerne le trans-synclinal du Margériaz, cette prolongation le ferait passer successivement à travers le synclinal d'Entrevernes, par le Châtelard, puis à travers le synclinal Trélod - Charbon, par la Dent des Portes. Or on sait qu'à ces deux endroits, ces plis sont effectivement l'objet de déformations transverses :

- le synclinal d'Entrevernes subit, au sud du Châtelard, une nette remontée axiale, telle que l'Urgonien du fond du synclinal passe de l'altitude de moins de 700 m, qui est la sienne (au pont d'Escorcherel) dans la vallée du Chéran, à celle de 1400 m à l'est de la Dent de Rossanaz. Cette inflexion correspondrait bien au flanc sud-est d'une torsion synclinale affectant l'axe du pli.

- le synclinal Trélod - Charbon, qui est nettement déversé vers l'ouest dans sa moitié sud (flanc est du pli vertical au Trélod), passe, au nord de la Dent des Portes, en déversement vers l'est (flanc ouest du pli vertical sur toute l'arête de Banc Plat) [Doudoux et Colletta, 1975]. Compte tenu de ce que l'angle d'intersection entre l'axe du synclinal Trélod - Charbon et le trans-synclinal du Margériaz serait de 45°, une telle intersection devrait effectivement aboutir à une torsion spirale du plan axial du premier de ces deux plis (fig. 4 ).

b - L'axe de l'anticlinal du Mont de la Croix se dirige à peu près vers la Dent de Rossanaz. Ce sommet se situe sur la voûte de l'anticlinal de la Motte-en-Bauges, qui plonge doucement vers le sud (à l'inverse de ce qui se passe au sud du Colombier). De plus le flanc oriental de ce pli, d'abord peu penté, s'infléchit fortement vers l'est au col de Rossanaz, où les couches se redressent presque jusqu'à la verticale, en prenant un azimut N 35. Ceci se traduit par une inflexion azimutaire identique de l'axe du synclinal, immédiatement plus oriental, du Colombier. Pourtant, au sud du col de Rossanaz, l'axe de ce synclinal est banalement orienté N15 et son flanc occidental est beaucoup plus modérément penté. Il y a donc bien là une déformation transverse, et celle-ci a effectivement les caractères de celle que l'on attend dans le flanc sud oriental d'un anticlinal transaxial.

- c Enfin le trans-synclinal du col des Prés semble bien se prolonger vers le nord-est dans le flanc oriental du synclinal des Aillons. En effet, alors qu'au nord de la cluse d'Aillon-le-Jeune (Rochers de la Bade) la dalle urgonienne n'est pas renversée vers l'ouest, elle le devient franchement au sud, à partir du Mont de la Buffe et tout spécialement à la Pointe de la Galoppaz (ce qui représente en définitive une déformation du même genre que celle si nette dans le synclinal du Trélod).

4/ Autres ondulations transverses

Il faut sans doute ajouter à la liste des plis transaxiaux un groupe d'ondulations plus septentrionales que les trois précédemment examinées. En effet le flanc nord-ouest du trans-synclinal du Margériaz - Doria.s'élève jusqu'à une large ondulation anticlinale, d'axe également N50, le trans-anticlinal de la Montagne de Lachat, dont l'analogie de forme et d'orientation avec les structures précédentes est flagrante. Elle se greffe, à La Féclaz, sur le flanc oriental du monoclinal N-S du Nivolet - Revard. et elle est séparée de l'anticlinal du Revard par une très large ondulation, à peine synclinale, toujours NE-SW, dont l'axe passe aux alentours du col du Pertuiset ("trans-synclinal du Pertuiset").
L'anticlinal du Revard lui-même a également un axe NE-SW, mais sa charnière est beaucoup plus fermée, déversée vers le nord-ouest : Ce dernier caractère semble être dû au fait qu'il est affecté, de ce côté, par le chevauchement frontal des Bauges et par ses cassures satellites, au point d'apparaître presque comme un crochon de ce chevauchement (en fait ces accidents le sectionnent progressivement, vers le nord-est, jusqu'à faire disparaître complètement sa retombée ouest dès la latitude de Saint-Offenge).

L'ondulation anticlinale de Lachat et plonge doucement vers le nord-est et vient à la rencontre de l'extrémité méridionale de l'anticlinal du Semnoz à la latitude de Lescheraines. Mais elles ne se prolonge pas par cet anticlinal du Semnoz, qui est orienté N15 (comme les plis « normaux » du reste du massif) et qui s'enfonce ici vers le sud pour y mourir par terminaison conique. Il est en outre remarquable que le secteur où se rencontrent ces deux systèmes de plis est traversé par deux décrochements dextres NE - SW, celui de Montagny - col de la Cochette au nord et celui de Prépoulain au sud. Cette coïncidence suggère que les plis obliques du plateau du Revard représentent des plis en échelons induits par le coulissement dextre de ces décrochements. Quant au jeu de ces derniers il est lui même en corrélation assez évidente avec l'accroîssement, du nord vers le sud, que manifeste la flèche du chevauchement frontal des Bauges.

En définitive les ondulations transverses du plateau du Revard apparaîssent comme des structures probablement associées à l'existence d'une zone de cisaillement dextre. Celle-ci serait à la fois à l'origine du relais de l'anticlinal du Semnoz par celui du Revard et de l'accentuation du chevauchement des Bauges sur le sillon molassique au sud de la latitude d'Aix-les-bains.

5/ origine de ces plis transverses

Concernant ce point, l'hypothèse formulée pour ceux de Chartreuse [Gidon, 1997], bien que médiocrement fondée, paraît trouver une certaine confirmation.

En effet on constate, comme en Chartreuse que la direction axiale de ces accidents est fort proche de celle des décrochement dextres. De plus les flancs de ces plis qui regardent vers l'est se placent dans le prolongement de certains de ces décrochements. C'est notamment le cas ici pour le flanc oriental du trans-anticlinal du Mont de la Croix vis-à-vis de la faille de Curienne - Challes-les-Eaux, avec cette circonstance supplémentaire que le sens et la valeur du basculement de ce flanc de pli correspondent bien au rejet vertical de cette faille. Enfin les relations entre les ondulations tranverses du plateau de Revard et les décrochements du secteur de Lescheraines vont également dans le sens d'une liaison entre plis transverses et décrochements NE-SW.
Ce genre de constatation encourage donc à envisager que les plis transaxiaux NE-SW puissent représenter l'amortissement, vers le haut de l'édifice structural, de cassures qui s'expriment par une rupture franche à des niveaux inférieurs (ou plus à l'extérieur de l'édifice tectonique).

Une autre hypothèse serait d'envisager que ces plis traduisent la déformation d'une tranche de roche chevauchante au passage d'une rampe de sa surface de chevauchement ("plis de rampe au toît"). Cette idée est en effet suggérée par les relations qui semblent exister d'une part entre l'anticlinal du Revard et le chevauchement frontal des Bauges (dont il apparaît comme un crochon) et d'autre part entre l'anticlinal du Mont de la Croix et la faille de la Doria, rampe latérale du chevauchement du Margériaz (qui s'engage sous lui). Toutefois ces relations peuvent être fortuites et leur caractère causal n'est appuyé par aucun autre fait, de sorte que cette hypothèse n'est guère séduisante.

c) Les failles longitudinales du Mont Colombier

On sait [Lugeon M,.1900 ; Perrier, 1960] que le flanc oriental du synclinal des Aillons, qui s'élève jusqu'au Mont Colombier, est accidenté d'un repli qui est visiblement le prolongement méridional de l'anticlinal de la Motte-en-Bauges (fig. 5). Le synclinal du Colombier, qui succéde à ce repli du côté est, n'est visible qu'aux abords du sommet car le coeur sénonien de ce pli disparaît « en l'air » vers le sud, au niveau des rochers de la Bade, par suite de la montée axiale du faisceau des plis baujus dans cette direction (il passerait, à ce niveau stratigraphique, nettement au dessus du sommet de la Galoppaz et il correspond sans doute, au niveau du Tithonique, au premier des synclinaux du faisceau anticlinorial du col du Frêne, immédiatement à l'est de l'anticlinal du Mont Pelat).

Ces deux plis sont en fait compliqués par des cassures longitudinales. En particulier, deux d'entre elles délimitent un compartiment effondré qui correspond au coeur de Sénonien du synclinal du Colombier. Or les pendages de ces failles sont subverticaux, avec une tendance à penter vers l'est pour la faille orientale : ils sont donc plutôt divergents vers le bas, tendant ainsi à refermer vers le haut le graben limité par ces deux failles. On reconnaît là un dispositif structural très proche de celui des failles de la montagne d'Arclosan, dans le sud du massif des Bornes [Gidon, 1998]. Ici aussi il s'agit donc, très vraisemblablement, du résultat de la déformation, par la création du synclinal, d'un système de failles extensives antérieures au plissement, encore qu'aucune observation ne permette de dater l'âge de fonctionnement des deux failles.
Ce genre de structure commence à accéder à la banalité, compte tenu du nombre de fois où il a maintenant été rencontré dans les massifs subalpins septentrionaux [Gidon, 1997]. Il est intéressant de noter, à ce titre, qu'une fois de plus un synclinal se trouve coïncider avec un graben de formation antérieure, comme si la présence de ce dernier avait servi de facteur de localisation du pli [Gidon, 1998].

d) La Faille du Mont Céty

Le flanc ouest du synclinal des Aillons est affecté, au sud du col des Prés, par une cassure dont l'orientation est longitudinale par rapport à l'axe du pli. Elle juxtapose, le long de la D20B (au sortir amont des gorges de la Reysse) les marnes à Meletta, du Paléogène, aux calcaires de la masse inférieure urgonienne (fig. 3).
Cette faille avait été omise ou mal interprétée (dessinée en cassure transverse) sur la carte géologique [Gidon P., 1963] et elle ne semble pas avoir été étudiée jusqu'à ce jour [Doudoux, 1969]. J'ai eu l'occasion de la citer allusivement dans plusieurs publications [Gidon, 1964, 1997 et 1998].
Le nom ici proposé est tiré du fait que cette cassure est à l'origine de l'individualisation du Mont Céty (sommet secondaire situé à l'ouest de la montagne de la Galoppaz), en portant l'Urgonien de ce sommet en relief par rapport au coeur nummulitique du synclinal (fig. 7).

Dans le versant sud du Mont Céty elle juxtapose l'Hauterivien (compartiment ouest) au Sénonien (compartiment est). Plus au sud elle passe en contrebas ouest du Pic de la Sauge, où elle surélève, à Entrenants, les marnes de Narbonne du compartiment occidental de la cassure jusqu'au contact de l'Urgonien (fig. 6 et fig. 7), ce qui manifeste un rejet de plus de 500 m (il en résulte d'ailleurs qu'il y a un hiatus d'affleurement de l'Urgonien sur deux kilomètres dans le flanc ouest du synclinal, entre Arvey et Entrenants). En dépit de cet important rejet, cette faille semble disparaître vers le nord, avant le col des Prés, et vers le sud, avant La Thuile, ce qui pose en fait deux problèmes distincts (leurs solutions seront données ci-après).

1/ Âge de cette cassure

Au nord des gorges de la Reysse rien n'indique que cette faille puisse se poursuivre dans les douces pentes du col des Prés, uniformément garnies de Nummulitique. En outre on constate là que, partout à l'ouest de la ligne qui devrait prolonger le tracé de la faille, le Sénonien est absent (alors qu'il affleure largement sur le flanc est du synclinal) et que ce sont même des niveaux déjà élevés (calcaires marins et marnes à Meletta) du Nummulitique qui viennent en contact avec l'Urgonien du flanc ouest du synclinal des Aillons.
Le contour de la limite entre l'Urgonien et les couches nummulitiques (rendu bien visible par la différence de végétation) décrit une sinuosité qui déborde largement vers l'ouest le tracé que devrait avoir la faille. De plus son dessin sinue en fonction de la variation de l'azimut des couches, ce qui indique clairement qu'il s'agit d'un contact stratigraphique (et non par faille).
Immédiatement au sud des gorges (terminus de la route forestière de la combe de l'Orme), la nature stratigraphique de ce contact se confirme car on peut y voir que les bancs urgoniens, tranchés en escalier, sont recouverts en onlap par les calcaires nummulitiques. Une telle géométrie est évidemment le résultat du dépôt transgressif de ces couches sur la lèvre ouest, surélevée et érodée, de la cassure.
Tous ces faits montrent que la faille du Céty est cachetée par les dépôts nummulitiques. Son âge est donc anté- ou syn-nummulitique et son fonctionnement a donc été antérieur au plissement du synclinal des Aillons.
Il faut enfin souligner le rôle paléogéographique qu'a dû avoir cette faille : en effet, à l'ouest du rebord que constituait sa lèvre occidentale, il n'affleure plus ni Sénonien ni Éocène inférieur continental et les premiers calcaires marins n'y sont présents que marginalement. La lèvre ouest de cette paléofaille a donc dû constituer durant un assez long temps le rivage occidental de la mer nummulitique, avant que le comblement sédimentaire ne soit venu la cacheter. En raison de l'ampleur du rejet vertical de cette cassure (de l'ordre de 500 m), ce rivage a même dû revétir durant une assez longue période l'aspect d'un abrupt rectiligne (ce qui est assez excitant pour l'imagination et ce qui a dû avoir des conséquences sur la répartition des types de dépôts).

2/ Géométrie de la surface de cassure

Depuis les abords méridionaux du col des Prés jusqu'au versant ouest du Pic de la Sauge l'observation locale, comme la cartographie, montrent que la surface de cassure reste subverticale. Compte tenu du pendage moyen de 30° vers l'est qui est celui du flanc ouest du synclinal, cela veut dire que la faille avait, avant plissement, un pendage de l'ordre de 60° vers l'est, ce qui est tout-à-fait cohérent avec son interprétation comme une simple faille normale.
On suit la cassure jusqu'à la vallée de la Ternèze (fig. 6), en rive droite de laquelle on la repère encore aisément à ce qu'elle tranche, un kilomètre au nord de la Thuile, la barre des calcaires du Fontanil (dont l'épaisseur est d'ailleurs déjà fort réduite).
Mais la poursuite de la faille cesse d'être évidente, au-delà, dans les molles collines boisées de la rive gauche de la Ternèze, en bordure orientale de la dépression de la Thuile. En particulier la coupe qu'en donne la route qui mène, depuis le col de Maroccaz, au relais de télévision du Molard de l'Oua, ne montre aucun indice d'un décalage par une quelconque faille : elle reste en effet dans les marnes à petits bancs et à patine rousse, attribuables à la partie moyenne de la formation des marnes de Narbonne, qui sont régulièrement disposées en pente douce vers le NW.
D'autre part, plus au sud, la cartographie (feuille Montmélian [Gidon & Barféty, 1969]) montre, sans discussion possible, qu'aucune faille N-S de rejet comparable ne saurait traverser les reliefs de Tithonique qui limitent la dépression de la Thuile du côté sud.

Il semblerait donc que la faille ne se poursuive pas au sud de la Ternèze. Pourtant il est difficilement concevable que plus de 500 m de rejet puissent être absorbés par amortissement dans les marnes de Narbonne. Deux groupes de données fourrissent la solution de cet apparent paradoxe.

a - La cassure se poursuit bel et bien à flanc des pentes qui tombent du Molard de l'Oua sur le lac de la Thuile. En effet des calcaires gris du Berriasien inférieur-moyen y affleurent en bas de pente, alors la partie haute de la butte est formée par des marnes à plaquettes rousses des niveaux déjà élevés des marnes de Narbonne. Or ces deux formations sont là en contact direct. On peut constater à la faveur de l'entaille de la route du relais de télévision, qu'au sud-est du sommet du Molard de l'Oua ce contact est même subhorizontal : le fait que la cassure n'atteint pas le Tithonique qui affleure plus au sud est donc dû à ce que sa surface s'infléchit jusqu'à devenir presque parallèle aux strates et à ce que son tracé s'en trouve ainsi fortement dévié vers l'est (fig. 6 et 7).
En fait cette torsion correspond d'assez près à celle que décrit ici l'azimut des surfaces de couches et elle résulte donc largement du fait que l'on se trouve au voisinage de la charnière du synclinal des Aillons : elle signifie que la surface de faille est également affectée par cette charnière, ce qui ne saurait surprendre puisque que nous savons déjà que cette faille est antérieure au plissement.

b - À l'est du Molard de l'Oua la direction que prend ainsi le tracé de la faille lui fait suivre une combe dépourvue d'affleurements qui conduit au village des Beaux (fig. 6), c'est-à-dire au débouché amont des gorges du torrent du Crousat (qui descend vers Cruet).
Or le lit de ce torrent suit une faille verticale [Gidon et Barféty, 1969], la faille du Crousat, qui a un rejet comparable à celle du Céty, car son compartiment oriental est abaissé de plusieurs centaines de mètres (fig. 7). Cette faille est également orientée N-S et il est remarquable que l'on perd son tracé, à ce même endroit : en effet elle ne saurait s'y poursuivre en direction du nord, puisque, entre le col de Maroccaz et l'arête sud du Mont Charvet, les couches néocomiennes décrivent un synclinal que ne perturbe aucune cassure.
Les similitudes d'orientation et de rejet de ces deux failles, leur symétrique disparition apparente et les indices de connection de leurs tracés sont autant de faits qui conduisent à admettre que la faille du Céty et celle du Crousat ne sont qu'un seul et même accident, dont le tracé dessine une sinuosité en baïonnette, en coupe comme sur la carte.

La faille du Céty constitue donc un nouvel exemple de cassure extensive ancienne, déformée ultérieurement.
Par ailleurs le tronçon transverse de la sinuosité résultant de cette torsion de la surface de cassure est long de plus de deux kilomètres (fig. 7). Cette étonnante longueur ne peut s'expliquer par la simple torsion due au plissement. Elle implique, en fait, que cette faille ait d'abord été tordue en baïonnette par un mouvement cisaillant, déplaçant ses parties hautes vers l'ouest (on peut, a priori, penser que ce cisaillement de la faille a dû se produire par un processus de déformation continue, par glissements couche sur couche au sein des niveaux marneux néocomiens). Ce n'est qu'après cette première déformation que le tracé de sa portion ainsi rabattue vers l'ouest a été incurvé en creux par la formation du synclinal des Aillons.
Les deux déformations superposées qui, depuis sa formation au Nummulitique, ont affecté cette faille s'inscrivent parfaitement dans le scénario tectogénétique déjà mis en évidence pour les massifs subalpins septentrionaux et notamment pour celui des Bornes [Gidon 1997]. La pertinence de ce schéma évolutif s'en trouve d'autant mieux confortée que cet exemple est peut-être encore plus démonstratif que ceux précédemment décrits.

e) Quelques autres remarques sur la structure du synclinal des Aillons

1/ Au niveau de l'Urgonien le synclinal des Aillons comporte en fait, dans le secteur de la Thuile, deux charnières distinctes, apparemment coaxiales (fig. 7) :
- la charnière du synclinal des Aillons proprement dit, très ouverte et dont le plan axial est presque vertical.
- une charnière synclinale très déversée vers l'ouest, que l'érosion recoupe vers 1450 m sur l'arête sud du Pic de la Sauge et qui cause le renversement de la succession qui s'observe, plus au nord, à la latitude de la Pointe de la Galoppaz. On peut la désigner du nom de synclinal de la Galoppaz.

2/ On peut s'interroger sur les rapports entre ces plis de la partie haute de la série stratigraphique et les déformations qui affectent, à un niveau inférieure de la série, le Tithonique et le Berriasien inférieur (fig. 7).
Il est clair, compte tenu de son azimut axial, que le synclinal des Aillons proprement dit passe entre la Roche du Guet et le Roc de Tormery (fig. 6) et que c'est lui qui déforme là, en les resserrant vers le haut, les failles de ce secteur [Gidon M., 1964 et 1982].
En ce qui concerne le synclinal de la Galoppaz deux plis peuvent, a priori, en représenter le prolongement profond :
- Le plus occidental est le « synclinal du Roc de Manette » (fig. 6), dont le flanc oriental.ne se déverse qu'à peine au delà de la verticale. On suit très bien ce pli, et surtout la voûte anticlinale qui lui fait suite, par le Molard de l'Oua, où l'inflexion des couches se montre déjà très atténuée, jusqu'au col de Maroccaz, où il ne représente plus qu'une discrète ondulation.
- un second synclinal, au moins aussi déversé vers l'ouest que le synclinal de la Galoppaz, se dessine au contraire de façon très accusée dans le Néocomien à l'est du col de Maroccaz. Ce « synclinal de Maroccaz » détermine le vallon qui descend vers Cruet et le Tithonique de son flanc oriental, franchement renversé, forme la crête du Mont Charvet.
Compte tenu de l'évolution vers le haut du dessin de ces plis, en particulier au niveau du Néocomien marneux, il apparaît donc que le synclinal de Maroccaz doit représenter le prolongement profond du synclinal de la Galoppaz. Le pli de Manette, d'ailleurs de bien moindre amplitude, doit, quant à lui, être considéré comme un repli plus dysharmonique, amorti avant d'avoir atteint l'Urgonien.

3/ Il est difficile de penser que des plis dont le déversement est aussi différent aient pu se former en même temps. Cette constatation implique que deux étapes ont dû intervenir dans le plissement lui-même, et la seconde est nécessairement celle de la formation du synclinal des Aillons proprement dit, faute de quoi son plan axial aurait été basculé. D'ailleurs le fait que le déversement s'accroîsse, en passant du pli de Manette à celui - plus oriental - de Maroccaz, c'est-à-dire en s'éloignant de la charnière du synclinal des Aillons proprement dit, s'accorde bien avec cette manière de voir.

4/ Enfin on notera combien la coïncidence est frappante, entre le tracé de l'axe du synclinal des Aillons proprement dit et celui de la faille du Céty, d'une part, et entre le tracé de l'axe du synclinal de Maroccaz et celui de la faille du Crousat, d'autre part. Tout se passe, dans les deux cas, comme si ces failles avaient déterminé la localisation du pli, respectivement avant le cisaillement qui a dissocié ces deux tronçons de faille, pour le synclinal de Maroccaz et après, pour le synclinal des Aillons.

f) Conclusions

Cette partie du massif des Bauges recèle d'abord un certain nombre de faits qui viennent en confirmation des vues exprimées déjà à plusieurs reprises sur l'évolution tectonique polyphasée des massifs subalpins septentrionaux. Ces données illustrent notamment le rôle qu'y ont joué les failles extensives N-S antérieures au plissement. L'une de ces failles, celle du Céty, est particulièrement importante et elle a dû constituer assez longtemps, à l'Éocène inférieur et moyen, le rivage occidental de la mer nummulitique. Le synclinal des Aillons - Col de Leschaux et celui, plus mineur, du Colombier, constituent de nouveaux exemples de plis dont la localisation semble avoir été déterminée par la présence de failles extensives plus anciennes.

Par ailleurs des plis transaxiaux NE-SW, analogues à ceux décrits en Chartreuse [Gidon M., 1994], s'avèrent être également présents dans les Bauges. Il semble même qu'ils se décèlent assez loin en direction du NE dans le massif. Leur origine reste conjecturale mais paraît vraisemblablement associée au jeu des décrochements dextres. C'est en partie l'existence de l'un de ces plis, le trans-synclinal de la Doria, qui a fait croire jusqu'à ce jour que l'on pouvait distinguer, sur la transversale méridionale des Bauges, un « synclinal des Déserts », parallèle et de statut comparable à celui des Aillons.

Concernant les grands traits de l'organisation tectonique du massif, le large synclinal du Col de Leschaux (qui héberge la partie septentrionale du lac d'Annecy) voit certes ses affleurements tertiaires se partager, au sud du Chéran en deux bandes parallèles. Mais ceci est le fait du chevauchement du Margériaz, dans lequel rien ne justifie de voir un anticlinal rompu. Cet accident, qui traverse très vraisemblablement l'axe du synclinal en biais, à la latitude de la vallée du Chéran, n'est qu'une faille inverse qui détermine, plus au sud, un simple redoublement de succession dans le flanc ouest du synclinal (le coeur de ce pli étant alors représenté par le synclinal des Aillons sensu stricto).

Le grand synclinal des Aillons - Col de Leschaux apparaît en définitive comme une structure majeure car, outre son rôle de frontière structurale entre les Bauges occidentales et les Bauges orientales, le tracé de son axe correspond à une frontière paléogéographique au Néocomien et au début du Nummulitique. On peut s'interroger pour savoir s'il n'y a pas à celà une raison structurale profonde, d'autant plus que ce pli s'avère coïncider avec l'importante cassure subméridienne que représente la faille du Céty.

NB : on trouvera sur mon site internet (http://www.i-France.com/geol-alp/), des pages consacrées aux Bauges, qui comportent quelques illustrations photographiques portant sur les données analysées ici.


RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES :

Doudoux B. (1963). - Nouvelle étude sur le massif de Curienne. Ann. centre d'Ens. sup. Chambéry n°1, p. 79-94.
Doudoux B. (1969). - Les gorges de la Reysse, à la sortie du synclinal des Aillons (Savoie) (massif des Bauges). Ann. Centre Ens. Sup. Chambéry n° 7, pp. 23-29.
Doudoux B. (1973). - Nouvelles données tectoniques sur le massif des Bauges (Savoie). Ann. Centre Univ. Savoie t. 1, pp. 125-139.
Doudoux B. (1975). - La géologie des Bauges. Centre régional de documentation pédagogique de Grenoble, formation permanente n° 39, 10 p., 9 pl.
Doudoux B. & Colletta B. (1975). - Le synclinal Charbon - Trélod (Massif des Bauges - Savoie). Ann. Centre Univ. Savoie t. 2, pp. 69-93.
Doudoux B., Rosset J., Barféty J.C., Carfantan J.C. & Pairis J.L. (1992) - Carte géol. France (1/50.000°) Feuille Annecy-Ugine (702), Orléans, B.R.G.M.
Gidon P. (1950). - La bordure orientale de la vallée de Chambéry. Travaux du Laboratoire de Géologie de l'Université de Grenoble t.28, p. 57
Gidon P. (1957). - La vallée synclinale des Déserts (Savoie) et ses bordures anticlinales. Bulletin de la Carte géologique de la France n° 250, fasc. B, tome LIV (1956), p. 5-12.
Gidon P., Perrier R. et Doudoux B. (1963). - Carte Chambéry à 1/50.000. B.R.G.M. Fr. édit. Orléans
Gidon M. (1964). - Vues nouvelles sur la Géologie de la Chartreuse septentrionale et de l'extrémité sud des Bauges. Annales du centre d'Enseignement supérieur de Chambéry, t.2, p. 7-25.
Gidon M. & Barféty J.C. (1969). - Carte géologique détaillée de la France à 1/50.000° feuille Montmélian, 1° édition. B.R.G.M., Orléans, une carte avec notice explicative de 18 p.
Gidon M. (1982). - La reprise de failles anciennes par une tectonique compressive: sa mise en évidence et son rôle dans les chaînes subalpines des Alpes occidentales. Géologie alpine t.58, p. 53-68.
Gidon M. (1994). - Quelques aspects des rapports entre l'histoire tectonique et la morphogenèse dans le massif de la Chartreuse. Géologie alpine, t.70, p. 13-27.
Gidon M. (1997). - Vues nouvelles sur la structure des massifs des Bornes et des Bauges orientales. Géologie alpine, 1996, t.72, p. 35-59.
Gidon M. (1998). - Failles extensives antérieures au plissement dans les massifs subalpins : un exemple nouveau dans le massif des Bornes (France). Géologie alpine, 1998, t.74, p. 91-96.
Lugeon M. (1900). - Les dislocations des Bauges (Savoie). Bull. Serv. Carte Géol. Fr. n° 77, XI, p. 1-116.
Perrier R. (1960). - Monts Margériaz et Colombier, vallées du Noyer et des Aillons (massif des Bauges). Trav.Lab.Géol.Grenoble, t.36, pp. 59-74.

FIGURES

 

Fig. 1 - Carte structurale schématique des Bauges occidentales

Chevauchements : Ø B = chevauchement frontal des Bauges ; j M = chevauchement du Margériaz ; j V = chevauchement du Veyrier.
Failles subverticales : d.M = décrochement de Montagny ; d.P = décrochement de Prépoulain ; f.C = faille du Céty ; f.CC = faille Challes - Curienne ("de Camelot" auct.) ; f.D = faille de la Doria.
Plis subméridiens : a.M = anticlinal de la Motte (axe non tracé, correspondant à la bande de terrains néocomiens); a.S = anticlinal du Semnoz ; s.A = synclinal des Aillons ; s.E = synclinal d'Entrevernes (axe non tracé, correspondant à la bande de terrains post-urgoniens) ; s.L = synclinal de Leschaux ; s.T = synclinal du Trélod.
Plis transverses : a.C = trans-anticlinal du Mont de la Croix ; a.L = trans-anticlinal de la Montagne de Lachat ; a.R = anticlinal du Revard ; s.CP = trans-synclinal du Col des Prés ; s.D = trans-synclinal de la Doria ; s.M = trans-synclinal du Margériaz ; s.P = trans-synclinal du.Pertuiset.

 

 

 

 

 

 

 

 

 


(figure agrandissable)

Fig. 2 - Coupe schématique des Bauges méridionales
Cette coupe ne vise ni à la précision, ni à une représentation très fidèle des structures, mais elle résume la nomenclature des accidents. On y perçoit cependant le contraste de style tectonique entre Bauges occidentales et orientales.
Ø3 = chevauchement frontal des Bauges (prolongement septentrional du chevauchement de la Chartreuse orientale) ; fV = chevauchement de Vérel ; fP = chevauchement du Peney ; fM = chevauchement du Margériaz.

 

 

 

 

 

 

(figure agrandissable)

Fig. 3 - La dalle urgonienne du Margériaz et le synclinal des Aillons (à la latitude du col des Prés).

Vue prise depuis le sommet de La Pointe de la Galoppaz, c'est-à-dire du sud vers le nord. : la perspective donnée par ce point de vue souligne la sinuosité du rebord occidental de la falaise urgonienne du Margériaz, due à la troncature des ondulations du flanc ouest du synclinal des Aillons par une surface subhorizontale (qui correspond vraisemblablement à une ancienne surface d'aplanissement).
ØM = chevauchement du Margériaz ; s.M = trans-synclinal du Margériaz ; a.C = trans-anticlinal du Mont de la Croix ; s.CP = trans-synclinal du Col des Prés. Le tireté fin qui aboutit à la faille du Mont Céty représente la position approximative de la surface de transgression du Nummulitique sur l'Urgonien du flanc ouest du synclinal des Aillons.

 

 

 

Fig. 4 - Schéma théorique de la torsion d'un pli par un transsynclinal peu oblique.

Du fait de l'angle très réduit qui sépare les deux axes de plis (orientés respectivement N15 et N50) le plissement autour de A2 se traduit par un basculement du plan axial (PA1) du pli préexistant. Ce basculement est dirigé vers l'est dans le flanc ouest du pli transaxial et vers l'ouest dans son flanc oriental : il en résulte que le plan axial PA1 subit une torsion spirale
Pour mieux la représenter, cette déformation a été exagérée par rapport à celle des cas examinés ici, mais elle se rapporoche beaucoup de celle qui affecte le synclinal Charbon - Trélod).

 

 

 

Fig. 5 - Coupe transversale à la vallée des Aillons et au chaînon du Grand Colombier.

Us = masse supérieure de l'Urgonien ; c0 = couches à Orbitolines; Ui = masse inférieure de l'Urgonien.
La faille du Céty (cf. fig. 6) a été représentée dans sa position probable, bien qu'elle n'ait pas été observée sur cette transversale (sans doute en raison de son cachetage).

 

 

 


(figure agrandissable)

Fig. 6 - Carte géologique simplifiée de l'extrémité méridionale du synclinal des Aillons.

f.C = failles du Céty et du Crousat ; s.A = synclinal des Aillons ; s.M = synclinal de Manette. Le synclinal de Maroccaz n'a pas été indiqué (il passe par Saint-Laurent de Cruet) car son déversement est tel que le tracé de son axe décrirait des sinuosités non significatives.


 



(figure agrandissable)

Fig. 7 - Deux coupes transverses au synclinal des Aillons, à la latitude de la Pointe de la Galoppaz et à celle de La Thuile

ØM =chevauchement du Margériaz ; f.C = faille du Céty.
Bei = calcaires argileux gris du Berriasien inférieur-moyen ; mN = marnes de Narbonne (Berriasien supérieur - Valanginien ?) au sens large, y inclus les marnes à petits bancs calcaires à patine rousse notées n2C sur la feuille Montmélian [Gidon & Barféty, 1969] ; cF = calcaires du Fontanil (Valanginien) ; H = Hauterivien ; Nc = calcaires nummulitiques ; Nm = marnes nummulitiques ("marnes à Meletta")