La mise en chantier de ce petit texte, qui portait le titre de "Principes et méthodes de la Cartographie géologique en terrains sédimentaires" date de 1989. Mais il est resté depuis cette date dans les cartons de son auteur sans être mené à son terme. Il est présenté ici tel quel (sans les illustrations qu'il était envisagé d'y ajouter et bien que quelques développements n'y soient qu'ébauchés), en pensant que certains lecteurs, parmi les nombreux qui se posent des questions sur les cartes géologiques, y trouveront néanmoins de l'intérêt.
La rédaction de ce texte avait été
suscitée par la demande d'un étudiant étranger
s'enquérant de l'existence d'un manuel de cartographie
géologique en langue française.
Or un tel ouvrage n'existe pas, à ma connaissance. La raison
la plus probable en est que tous les géologues sont bien
conscients que l'enseignement de la cartographie doit se faire
par la pratique sur le terrain et non de façon théorique.
En effet, en cette matière (comme en beaucoup d'autres
d'ailleurs) l'apprentissage "par l'erreur" est le seul
valable. Ceci conduit d'ailleurs à considérer que
le rôle de l'enseignant est principalement de contribuer
à abréger le temps nécessité par cet
apprentissage, en mettant en lumière les erreurs commises
et en indiquant comment les corriger.
La pratique pédagogique montre néanmoins, comme
il est normal, que chaque génération d'étudiants
répète les mêmes erreurs et pose les mêmes
questions que l'on peut donc considérer comme "classiques".
On peut, en conséquence, faire un inventaire et un commentaire
par écrit de celles-ci, de telle sorte que les étudiants
puissent retrouver, sous un plan ordonné, les remarques
qui leur seront faites dans la nature, au hasard des cas particuliers
rencontrés. De surcroît ils pourront aussi entendre
parler d'autres cas de figure, que le volume et la variété
limités des enseignements sur le terrain ne leur auront
pas donné l'occasion de rencontrer. C'est ce que j'ai tenté
ici, mais je m'en voudrais si cela devait conforter l'illusion
que la lecture d'un manuel peut permettre d'apprendre la cartographie.
Le présent texte doit donc être considéré
comme une sorte d'aide-mémoire récapitulatif qui
devrait être lu après avoir commencé
de pratiquer la cartographie, plutôt qu'avant !
Il faut préciser que ce texte concerne tout particulièrement la cartographie géologique des terrains sédimentaires en pays de montagne et qu'il est l'expression de l'expérience acquise, en ce domaine, par son auteur, au cours du lever de plusieurs dizaines de cartes géologiques des Alpes occidentales françaises (à titre de responsable ou de collaborateur) et de la direction de plusieurs dizaines de stages d'étudiants consacrés à cette activité.
La première question qui se pose est évidemment est celle de l'utilité de cette discipline de travail, que d'aucuns ont pu (notamment ces dernières années) considérer comme désuète. Deux réponses sont à apporter, la première étant qu'elle a un intérêt fondamental pour la formation du géologue, la seconde que l'on a encore besoin de faire des cartes géologiques ou de réviser celles existantes.
Le lever cartographique est avant tout un outil
de base, que l'on peut dire "multi-usages" puisqu'il
sert à toutes les disciplines, bien que l'usage structural
soit évidemment prédominant.
D'abord la carte est un mode de représentation privilégié
des observations de terrain. C'est le meilleur carnet de notes,
si l'on veut que les observations conservent leurs relations dans
l'espace (d'ailleurs nombre de praticiens consignent parfois directement
sur leur carte, dans des "bulles" du type de celles
des bandes dessinées, des observations complémentaires
que l'on s'attendrait plutôt à trouver sur leurs
carnets).
En retour la lecture des cartes existantes, qui est une source
fondamentale de documentation, se comprend d'autant mieux que
l'on aura pratiqué soi-même le dessin sur le terrain.
L'apprentissage de la carte se pratique à toutes échelles.
L'échelle qui convient le mieux est celle de la carte détaillée
(1/10.000°) car elle maintient des relations de ressemblance
très étroites entre la représentation cartographique
et le paysage directement observable.
D'autre part cette échelle permet d'être à
l'aise pour porter ses efforts à affiner le dessin et permet
de recueillir un grand nombre de données sur une faible
surface, ce qui permet de ne pas avoir à parcourir de trop
grandes distances pour avoir une base de travail substantielle.
Encore faut-il toutefois que sur une surface ainsi réduite
il y ait suffisamment d'observations à valeur exemplaire
et de type différent à se mettre sous la dent pour
que l'exercice soit aussi largement instructif que possible :
c'est pourquoi les régions vraiment favorables aux camps
de terrain pour étudiants sont plus rares que l'on pourrait
le croire ...
Au contraire lorsque l'échelle est plus petite (par exemple
dès le 1/50000°) la représentation devient plus
symbolique, synthétisant les faits pour dégager
des ensembles en négligeant les fins détails (notamment
ceux servant de repères locaux), de sorte que la carte
s'éloigne plus du paysage et se manipule moins aisément
à tous égards.
Contrairement à ce que l'on pourrait croire, cela restera vrai pour de nombreuses années encore (même à l'intérieur du territoire français), et ce pour plusieurs raisons :
Il n'y a plus de vraies "zones blanches",
du point de vue du lever géologique, sur la carte du monde.
Toutefois de nombreuses régions du monde ne sont levées
qu'à des échelles de l'ordre du 1/100000° ou
du 1/200000°, avec une densité d'exploration sur le
terrain peu serrée, et souvent par larges appels à
l'interprétation photogéologique de clichés
aériens ou de satellites. Le passage à des échelles
plus précises est une évolution naturelle qui change
la nature même des renseignements que l'on peut escompter
tirer de la carte. Un exemple de cette évolution normale
est celui de la couverture de la France : c'est à une date
relativement récente qu'il y a eu passage progressif du
1/80000° (abandonné seulement dans les années
1980) au 1/50000°. De plus on observe un accroissement de
la précision du dessin des cartes à 1/50000°
qui va de pair avec un changement presque généralisé
de l'échelle de travail lors des levés, qui est
passée du 1/25000° au 1/10000°. Il est peu probable
cependant, pour des raisons financières et malgré
la suppression de la carte topographique à 1/50000°
par l'I.G.N., que l'on mette en chantier une carte au 1/25000°
comme celle de la Suisse (dont la couverture est d'ailleurs très
incomplète et très peu homogène au point
de vue des dates de publication des cartes existantes).
En fait on peut dire que l'on éprouvera la nécessité
d'établir de nouvelles cartes (en général
précises) chaque fois qu'il s'agira de satisfaire des besoins
locaux ou circonstanciels. Par exemple pour des applications pratiques,
telles que les travaux publics, l'échelle du 1/50000°
n'a d'intérêt qu'au stade du dégrossissage
des connaissances et il est nécessaire de pratiquer des
levers plus précis, souvent jusqu'au 1/2000°, pour
chaque problème étudié.
La nécessité de la révision
d'une carte vient de ce qu'elle "vieillit", c'est à
dire qu'elle ne répond plus suffisamment bien à
la demande du moment.
Cela peut d'abord résulter de la parution de nouveaux fonds
topo (eux mêmes révisés). Ce fut le cas lors
du passage des cartes dites "d'Etat major", au 1/80.000°,
à celles en courbes, au 1/50.000°, mais cela se reproduit
aussi à l'occasion de la réfection, encore en cours,
de ces dernières : elles ont en effet été
d'abord basées sur des levés à la planchette,
puis sur une photogrammétrie au sol, enfin sur l'exploitation
de photos aériennes, avec des compléments sur le
terrain de plus en plus améliorés d'une édition
à la suivante.
Mais surtout ce vieillissement se fait jour en général
de façon progressive. Cela résulte par exemple de
modifications du terrain (routes, grands travaux, éboulements
naturels, etc...) qui occasionnent la mise en évidence
de données non accessibles lors du lever de la carte. Les
données enregistrées sur la carte apparaissent aussi
insuffisantes, au bout d'un certain délai, du fait de l'évolution
des techniques d'analyse (mesures microtectoniques, microfaciès,
analyse du métamorphisme).
Enfin les cartes sont, comme les hommes qui les font, sujettes
aux erreurs (aux différents stades de leur fabrication,
d'ailleurs). Chaque auteur qui parcourt une nouvelle fois un terrain
qu'il a levé en fait l'amère expérience.
En France la couverture à 1/50000° est maintenant presque
complète et les cartes à cette échelle font
maintenant l'objet de révisions et de nouvelles parutions
lors de leur épuisement ou même avant, lorsque l'évolution
des connaissances et des concepts ou les faiblesses du travail
des auteurs de la première édition les font paraître
suffisamment désuètes. Le délai moyen est
de l'ordre de 25 ans.
Le profane se fait souvent une idée
fausse de ce que l'on peut attendre des cartes géologiques,
ce qui l'amène à être surpris, lors des premières
utilisations, par l'écart entre la représentation
cartographique et l'observation du terrain. Cela tient essentiellement
à ce que la carte ne saurait être un document parfaitement
objectif (comme le serait une photo) mais est l'expression par
un dessin de ce qui a été vu, et donc, comme tout
dessin, le fruit d'une interprétation.
En outre ce dessin est basé sur des explorations effectuées
selon des tracés foncièrement linéaires (voire
ponctuels) qui ne permettent donc pas de balayer toute la surface
représentée. En d'autres termes il est impossible
au cartographe d'aller partout et il est donc astreint à
pratiquer des interpolations pour "couvrir" les surfaces
non parcourues.
a) Il y a donc un problème d'objectivité,
puisque le lecteur se trouve, devant la carte, dans l'impossibilité
de savoir si la représentation fournie en un point donné
résulte d'une observation réelle ou d'une interpolation.
Ce problème, qui avait été totalement négligé
dans les premiers temps de la cartographie, se manifeste de façon
de plus en plus aiguë avec la précision accrue que
les auteurs comme les lecteurs souhaitent voir introduire dans
les cartes modernes.
Il est notamment un cas commun où ce problème est
tout particulièrement crucial : c'est celui des limites
d'extension des terrains de couverture. Ces dernières,
qui sont celles qui cachent le bed-rock, ont, en tant que masque,
une efficacité qui n'est nullement proportionnée
à leur épaisseur ni, par conséquent, à
l'importance qui devrait leur être accordée sur la
carte. C'est ainsi que selon le degré de scrupule des auteurs
la surface cartographique des affleurements de bed-rock peut se
rétrécir comme peau de chagrin vis à vis
de celle attribuée aux terrains de couverture ou vice-versa.
Disons immédiatement qu'il n'y a aucune recette miracle
pour trouver le juste milieu et que, même si l'on a déjà
une grande expérience, on reste exposé à
voir par exemple, à l'occasion de l'ouverture d'une tranchée
de route, que le bed-rock y est mis à nu sous seulement
50 cm de formations superficielles alors que l'on avait cru ces
dernières fort épaisses. Un exemple spécialement
représentatif de ce cas est celui des glacis quaternaires
où la tranche sédimentaire est parfois fort mince,
aussi bien au plein coeur de l'affleurement de la formation que
sur ses bords.
Sur un plan plus général ce problème impose
donc d'essayer de donner un rendu objectif des observations afin
de mieux préciser le degré de fiabilité du
document fourni à l'utilisateur. La solution consiste,
dans la mesure où cela est matériellement possible,
à utiliser deux types de figurés, tant pour les
contours que pour les couleurs, selon que le dessin traduit une
observation ou une interpolation. En fait c'est là une
distinction elle même peu objective car un affleurement
représenté comme certain n'aura jamais été
parcouru intégralement et une certaine part de "vu
à distance" (variable selon les conditions topographiques
et météorologiques) est toujours prise en compte
comme observation objective.
En fait on constate que cela reste peu pratiqué sur les
cartes régulières. La raison en est que leur échelle
est trop petite (et souvent plus petite que celle à laquelle
ont été pratiqués les levés), de sorte
que les plages d'incertitude seraient à la fois très
nombreuses et très petites, donnant une impression de mosaïque
qui nuirait à la lisibilité.
Il n'en reste pas moins que sur les levés de terrain, où
l'échelle plus grande permet en général de
faire la distinction entre ce qui vu et interpolé il est
très précieux de pratiquer cette double figuration.
Cela permet de conserver un document plus proche du vécu,
consultable ultérieurement lorsque les impressions de terrain
et même son souvenir se seront dissipées de la mémoire.
Diverses raisons y poussent :
- d'abord se souvenir soi-même au moments des synthèses
interprétatives, notamment structurales, de ce qui est
sûr et de ce qui, au contraire, est incertain et ne contraint
donc pas l'interprétation ;
- ensuite garder trace des points qui seront à revisiter
(car insuffisamment vu) si l'on veut ultérieurement préciser
le lever ;
- enfin permettre de répondre ainsi à d'éventuels
utilisateurs ultérieurs soucieux de connaître les
bases les plus solides de la carte.
b) Ceci amène à parler de la maille du réseau
d'observations, c'est à dire de l'intervalle séparant
les observations ponctuelles ou (plus généralement)
les cheminements le long desquels elles sont faites. Cet intervalle
varie en fonction des besoins et de l'échelle de la carte,
mais on peut considérer que la valeur moyenne est (à
l'échelle du document final imprimé) de l'ordre
de un à deux centimètres de distance entre les cheminements
(cela correspondant à une surface non visitée, mais
néanmoins examinée à distance dans la plupart
des cas).
Toutefois d'autres facteurs de variabilité de la maille
interviennent : ce sont l'intérêt (notamment structural)
du secteur et la finesse de ses motifs structuraux et les difficultés
de cheminement. Par exemple les grandes falaises abruptes et les
vastes épandages alluviaux ne bénéficient
pas fréquemment d'une maille d'observation bien serrée
(dans le premier cas l'exploration se fait au "marteau suisse",
c'est à dire aux jumelles ...).
La cartographie géologique est un travail
qui doit être avant tout scrupuleux et méthodique.
Il exige une grande vigilance, pour exploiter au maximum les cheminements
parcourus, et présente des aspects pénibles (aller
à des endroits difficiles ou désagréables)
et parfois fastidieux (aller à des endroits sans intérêt
géologique).
Il ne faut pas croire cependant que le cartographe doit se conduire
comme une machine non dotée d'intelligence et n'être
qu'une sorte d'aide géologue rapportant fidèlement
des données objectives (non "entachées"
d'interprétations), à partir desquelles pourront
ensuite se bâtir vues d'ensemble et interprétations.
Certes une "observation objective" est souvent prônée
pour contrebalancer la tendance à trop vite construire
des édifices théoriques mal fondés (l'opposé
du cartographe scrupuleux serait le "petit génie"
qui essaye de comprendre rapidement, à l'aide de seulement
quelques observations bien choisies). Si le principe en est bon
l'application pratique à en faire doit être fortement
nuancée.
Il faut en effet souligner le caractère illusoire de cette
prétendue "observation objective", non dirigée,
qui conduirait d'une part à se déplacer sur le terrain
au hasard ou suivant une règle abstraite de tout présupposé
géologique, et d'autre part à ne pas se laisser
influencer par les faits connus lors de l'observation. En effet
les faits ne viennent pas tout seuls à l'observateur (notamment
pas ceux qui sont le plus significatifs) : il faut les détecter
("on ne trouve que ce que l'on cherche"). D'autre part
le "fait" objectif, enregistré scrupuleusement,
hors de tout cadre interprétatif, ne saurait exister, en
raison du "filtre interprétatif" lié aux
connaissances générales de l'observateur et à
celles qu'il a du contexte régional.
Plusieurs aspects se rattachent à ces remarques :
a) Le mode opératoire préconisé pour
la majorité des situations et pratiqué (implicitement
sinon consciemment) par la plupart des praticiens est le suivant
:
- Chaque nouvelle observation est confrontée, sitôt
faite, avec les précédentes pour aboutir sur le
terrain à un schéma interprétatif. Celui-ci
sera souvent très simple voire simpliste, tel que "compte
tenu de son pendage cette couche prolonge bien son équivalent
précédemment observé".
- Si le schéma déduit des observations antérieures
s'avère inadapté on a coutume de dire qu'il y a
une anomalie. Ceci veut dire en fait qu'il faut vérifier
qu'il n'y a pas d'erreur. Ainsi l'observation est mieux exploitée
et éventuellement contrôlée ou complétée
sur le champ.
Si l'observation est correcte il faut alors changer le schéma
ou y introduire des paramètres complémentaires.
Chaque fois qu'un nouveau schéma est envisagé il
est préférable de le matérialiser par un
croquis (pour mieux en distinguer les difficultés éventuelles).
En procédant ainsi l'interprétation dirige éventuellement
l'exploration en suggérant les points de vérification
à visiter (c'est la mise en action des "hypothèses
de travail"). C'est de cette façon que l'on peut "rentabiliser"
ses déplacements et gagner du temps en s'épargnant
des trajets inutiles ou peu fructueux.
b) La cartographie assistée par ordinateur a été
prônée, parfois avec le prétendu souci d'objectivité
évoqué plus haut, en considérant (de façon
fort réductrice par conséquent) que le géologue
de terrain n'était qu'un outil de récolte de données,
dont le rôle se limite à faire la diagnose plus ou
moins précise des échantillons prélevés
et le pointage du lieu de prélèvement. Le principe
est de porter sur la carte le résultat de ces observations,
réalisées de préférence selon une
maille prédéfinie, puis de charger un logiciel de
tracer des contours tels qu'ils regroupent en plages les points
où la roche observée est la même.
Il est de fait qu'une aide peut être ainsi apportée
par l'ordinateur dans le tracé de la carte. C'est notamment
dans le cas du levé en régions très couvertes
ou lors de l'exploration de très vastes espaces, cas où
les processus mentaux envisagés ci-dessus sont inapplicables
et où un levé par observations ponctuelles répétées
selon un maillage établi à l'avance tend à
s'imposer pour "couvrir" la région.
Dans les autres cas les remarques faites plus haut montrent que
le processus de levé "bête", vers lequel
on risque ici d'être orienté par l'option informatique,
conduiront immanquablement à une baisse de qualité
de l'information recueillie et du rendement informatif en conduisant
à négliger les secteurs à problèmes
et à passer au contraire trop de temps à relever
des données dans les aires où il ne "se passe
rien" .....
Enfin on peut souligner que c'est surtout lors de l'exploitation
des données d'observation à d'autres fins que le
dessin d'une carte classique que le fait d'avoir stocké
informatiquement ces données aura des cotés positifs.
Par exemple la recherche et les mesures portant sur toutes les
plages d'affleurement d'une même roche sont énormément
facilitées.
D'autre part il est clair que l'ordinateur peut constituer, au même titre que la plume et les crayons de couleur, un outil de dessin : son emploi de cette façon est très positif car il améliore grandement la netteté du résultat et facilite énormément les corrections et additions. Mais cela ne constitue pas un traitement informatique des données géologiques de terrain et ne change rien au travail du cartographe (à part la nécessité de se procurer et d'apprendre à utiliser un logiciel ad hoc).
La réponse à cette question, pour la cartographie en terrains sédimentaires, renvoie en fait à se rappeler quelques notions stratigraphiques fondamentales.
On sait que l'un des buts essentiels du stratigraphe
est de dater les couches, au moins relativement les unes par rapport
aux autres, en se référant à l'Echelle stratigraphique.
Le cartographe ne saurait en aucune manière se désintéresser
de cet aspect mais il accordera toujours un rôle second
de la datation et un rôle prioritaire de la reconnaissance
des ensembles lithologiques (formations, membres, niveaux repères).
Diverses raisons justifient cela :
- l'incertitude chronologique : L'age d'une couche n'est
connu qu'après recherches supplémentaires, le plus
souvent par datation de récoltes paléontologiques.
La cartographie ne peut attendre que ces résultats soient
(éventuellement) acquis et doit se faire en l'absence de
ces résultats.
- L'obligation pratique : Les limites des ensembles chronostratigraphiques
(par exemple des "étages") sont, dans le cas
général, situées à l'intérieur
même des ensembles lithologiques (par exemple des "formations").
Comme telles elles ne sont repérables que ponctuellement
et ne peuvent être tracées sur une carte. Bien que
des générations de stratigraphes-cartographes aient
déployé des efforts considérables en vue
de déterminer des repères lithologiques coïncidant
avec des limites d'étages il faut voir que le résultat
n'est jamais qu'approximatif.
- L'intérêt intrinsèque pour l'utilisateur
: Ce dernier cherche à connaître avant tout la répartition
des ensembles naturels et ceux-ci sont des ensembles lithologiques.
Lorsque l'intérêt porté à la carte
est motivé par des raisons pratiques, telle que la recherche
de matériaux d'exploitation, ceci est encore plus évident
On peut cartographier toutes les limites lithologiques,
depuis celle des formations jusqu'à celle des niveaux repères
les plus fins ou les plus subtils. Dans la pratique on ne peut
multiplier à l'infini et le choix sera fonction de divers
facteurs :
- le degré de diversification de la colonne stratigraphique
(séries compréhensives et différenciées)
: exemples.
- Adaptation à l'échelle et aux conditions matérielles
du travail.
1- Comment traiter les passages transitionnels ?
On peut procéder de façon variable
en fonction de l'échelle et de la progressivité
du passage :
- Les représenter par des limites en tracés spéciaux
(autres que des tiretés si l'on utilise déjà
le tireté pour les limites incertaines !) : cas des transitions
rapides.
- Distinguer une succession de plusieurs niveaux correspondant
chacun à un degré de changement dans la transition
: Cas des transitions progressives, c'est à dire occupant
une bonne surface à l'échelle de la carte.
2- Comment représenter des "détails trop fins" ?
En fonction de leur importance ces derniers
devront être négligés (s'ils ont peu de signification)
ou, au contraire, caricaturés. Deux méthodes :
- les représenter à leur vraie place, en les dilatant
par rapport à l'échelle. Cela est particulièrement
facile pour les affleurements isolés, car on empiète
alors sur le Quaternaire, ce qui est rarement grave.
- donner une carte agrandie du site où ils s'observent,
en annexe : on peut faire que de cette façon dans les secteurs
où se juxtaposentde nombreux affleurements minuscules.
- regrouper plusieurs affleurements sous un sigle compréhensif
(par exemple représenter globalement un olistostrome plutôt
que les olistolites qui le constituent).
L'interpolation des contours est souvent grandement
aidée par l'observation de morphologies structurales (c'est
à dire induites par les changement de nature du sous-sol).
Plusieurs cas sont classiques (voir le cours de tectonique) :
- Morphologies de cuestas, permettant de suivre un niveau
donné.
- Morphologies de collapses (Niches d'arrachement et loupes
de glissement) permettant de les délimiter et de ne pas
les confondre avec des chevauchements d'origine tectonique.
- Morphologies de failles (abrupts de miroirs de failles)
aidant à rechercher leurs prolongements (mais rarement
à les tracer sans visite de contrôle).
Le tracé des contours géologiques
dépend d'abord des rapports d'intersection entre les surfaces
cartographiées et celle de la topographie. Le principe
fondamental est celui de la formation des "V topographiques".
Il s'applique aussi bien aux failles qu'aux couches (voir
les T.P. de cartographie).
De plus ces tracé expriment souvent la géométrie
des surfaces-limites stratigraphiques et/ou de leurs rapports
entre elles. Les complexités de cette géométrie
peuvent découler d'une organisation originelle, stratigraphique
(ce que l'on a tendance à oublier), ou de déformations
ultérieures (tectoniques).; quelques développements
sur cet aspect sont donnés en
annexe (pour plus de compléments voir les ouvrages
de tectonique et de stratigraphie).
En fait l'oeil d'un géologue exercé voit assez rapidement, par la manière dont s'organisent les contours, quelle est la disposition, en coupe et même en 3 D, des couches dans le secteur concerné : c'est notamment par ce caractère que la carte géologique s'avère être le document de base dans la description structurale d'une région. Cette propriété est mise à profit dans l'enseignement en l'utilisant comme base pour la construction de coupes, de blocs et de schéma structuraux (= T.P. de cartographie).
C'est une question souvent posée, mais
à laquelle on ne peut donner de réponse précise.
Le temps consacré à la "rédaction"
d'une carte se partage entre l'exploration du terrain et la mise
en forme des données recueillies.
Le temps nécessité par le lever lui même
est variable en fonction de multiples facteurs :
- degré de précision souhaité (lui-même
fonction de l'échelle)
- difficulté intrinsèque du secteur (présence
ou non de complexités d'organisation tectonique et/ou stratigraphique)
;
- niveau des connaissances antérieures, notamment sur l'échelle
stratigraphique ;
- conditions matérielles du travail : facilités
ou génes dans l'hébergement et le cheminement :
abondance du couvert végétal et météorologie
;
- enfin niveau d'expérience et de "sens tactique"
du praticien.
On peut donner comme vitesses moyennes de lever des valeurs de
1 à 2 km2 par jour, en terrain moyennement tectonisé
et d'accès moyennement aisé. Par exemple dans les
chaînes subalpines une carte au 1/50.000° demande environ
200 journées de travail de terrain.
La mise en forme des données par l'auteur, pour leur transmission
est plus ou moins longue selon le caractère plus ou moins
approfondi de l'exploitation qui en est prévue. On peut
l'évaluer à une demi-journée par journée
de terrain.
En France, la publication des cartes
"régulières" (à 1/50.000°)
est assurée par le BRGM qui confie la responsabilité
des levers à un auteur principal qui doit assurer la coordination
des travaux de ces divers auteurs. La mise au point du dessin
de la légende et de la notice est assurée par l'auteur
principal (selon les règles de normalisation adoptées
par le BRGM). La minute de la carte est dessinée et remise,
accompagnée de sa notice, au service de la Carte. Elle
est alors examinée par une commission spéciale et,
suivant les avis de deux rapporteurs, acceptée ou soumise
à des modifications plus ou moins importantes (comme il
est coutumier chez les autres organismes éditant des publications
scientifiques) : cette étape demande encore au minimum
6 mois ...
Les travaux d'impression proprement dits, sont assurés
par un service spécialisé du BRGM (avec correction
d'épreuves à trois niveaux : contours et notations,
couleurs, notice). Pour des raisons d'organisation du travail
(planification d'ensemble d'un service à effectif réduit,
allers et retours entre le service et les auteurs) ces travaux
durent le plus souvent guère moins de deux à trois
années ....
Trois méthodes
(dont la distinction est un peu théorique) sont à
la base de tous les comportements envisageables :
- balayer la surface, en procédant par aller-retour, comme
on laboure un champ ou comme le spot télé balaye
l'écran. En ce cas l'idéal est de suivre des tracés
en moyenne orthogonaux par rapport aux lignes structurales (azimuts
des couches et des axes de plis) pour recouper en divers points
chacune d'entre elles. L'amplitude et la longueur d'onde sont
variables et seront surtout à choisir en fonction de la
dimension de la zone à balayer, en fonction du temps imparti.
Diverses autres considérations "tactiques" telles
que les possibilités ou les facilités de cheminement
les détermineront aussi.
- filer le contour : luxe à réserver à des
levers de haute précision ou au traitement de problèmes
particulièrement épineux, donc plutôt occasionnel.
Le balayage se fait comme ci dessus mais avec une amplitude très
modeste (parfois de quelques décimètres seulement)
les trajets retour débutant dès que l'on reconnaît
se trouver dans l'un ou l'autre des deux ensembles à délimiter
par le contour. La longueur d'onde dépend étroitement
de la précision souhaitée.
- Parcourir les noeuds d'un réseau prédéterminé,
avec une maille définie a priori, et y pratiquer des observations
ponctuelles. Cette méthode est surtout appliquée
en terrains très couverts, les observations consistant
alors en sondages.
Trois pratiques sont également communes, bien que
théoriquement moins logiques :
- Emploi des suivis de thalwegs et crêtes : intérêt
pour qualité des affleurements mais pb de repérage
associés (notamment à l'altimètre).
- Emploi des suivis de sentiers et routes : intérêt
pour aider au repérage et pour mise à nu d'affleurements
- Lever en deux étapes : Première exploration lâche
et rapide suivie de retours plus précis sur des secteurs
ainsi délimités. Le retour, au cours d'une 2°
mission plutôt que dans l'immédiat, sur ces secteurs
tests est souvent la meilleure solution. Elle présente
en effet le gros avantage de donner le temps de décanter
les faits recueillis et donc de favoriser l'éclosion des
hypothèses de travail.
Au total toutes ces méthodes sont à combiner intelligemment,
en fonction des divers impératifs (notamment de spécificités
du terrain et de temps imparti), sans surtout qu'aucune ne soit
exclusivement adoptée.
En fait le cartographe doit lutter contre deux tendances (d'ailleurs
contradictoires) qui sont également nuisibles, celle du
choix de l'itinéraire confortable et celle de l'approfondissement
des problèmes rencontrés par un "décorticage"
approfondi des secteurs où ils se posent (c'est ce que
l'on appelle communément "s'y planter", si l'on
exagère ...). L'équilibre est délicat à
trouver et pose même des problèmes de conscience
professionnelle.
Il faut tout voir au passage, sous les pieds,
à gauche et à droite et à distance (intérêt
des changements de perspective) pour "rentabiliser"
son parcours. C'est là une tension nerveuse fatiguante
que les débutants ne parviennent pas à soutenir
une journée durant (tous les enseignants connaissent la
rupture d'attention des étudiants vers 16 h. ...). Si l'on
manque à cette vigilance, des observations (éventuellement
très communes, comme une mesure de pendage) manqueront
et nécessiteront la perte de temps d'un retour sur des
lieux déjà visités.
D'autre part un affleurement doit être examiné sous
différents angles : l'un d'entre eux seulement sera peut-être
favorable pour observer la stratification (notamment les accidents
sédimentaires tels que micro-chenaux, qui nécessitent
une section perpendiculaire à leur axe pour pouvoir être
distingués), la schistosité ou les divers clivages.
La cartographie par visite d'affleurements
successifs est évidemment la méthode la plus
sure et celle qui permet de recueillir le plus d'informations.
Elle a parfois cependant l'inconvénient de montrer plus
les détails que les ensembles dans lesquels ils prennent
place (comme on dit : "l'arbre cache la forêt").
C'est également la méthode la plus longue et les
débutants ont de la peine à gérer leur temps
en ne passant sur chaque affleurement que le temps convenable
compte tenu des délais impartis pour le travail total.
La cartographie à distance est la seule praticable
dans les parois abruptes ou sur la rive opposée d'un cours
d'eau infranchissable. Sa pratique peut être améliorée
par l'emploi des jumelles, qui sont traditionnellement qualifiées
de "marteau suisse" (en raison de la fréquence
de belles parois, bien lisibles, en Suisse mais aussi dans d'autres
régions alpines). Une variante moderne est l'emploi de
photos aériennes zénitales, très pratiqué
(parfois exclusivement, par certains spécialistes).
Il faut souligner l'importance de la combinaison de ces deux
manières de procéder : C'est une grave erreur
de trop se fier à l'observation à distance, mais
c'en est une, non moins grave, de s'en priver. Certes, seule l'observation
locale donne des certitudes sur la nature et la texture des roches,
mais l'observation à distance donne le contexte et les
rapports entre les affleurements. En outre elle suggère
souvent des hypothèses qui impliquent d'aller visiter les
points qui, à sa lumière, paraissent cruciaux ou
intriguants.
Le débutant scrupuleux sort sa carte
tous les 10 m, même si, à son échelle de travail,
cela ne représente que 0.4 mm (ce qui est le cas à
1/25.000°).
En fait il faut savoir attendre d'avoir couvert une surface minimale
(de l'ordre de quelques millimètres sur la carte) pour
dessiner ainsi un petit ensemble dans lequel toutes les observations
ponctuelles trouvent leur place relative. Il faut donc emmagasiner
dans la tête pendant quelque temps les observations. Mais
il est préférable de ne pas aller trop loin dans
ce sens et il est très souhaitable, si cela est possible,
de "carter" avant d'avoir perdu de vue les points visités
(choisir même un point d'où on les englobe du regard
pour en voir les relations).
Certes on travaille mieux assis que debout,
mais si l'observation à noter est sur une pente (ce qui
est fréquent) il faut lui faire face, et non lui tourner
le dos. C'est seulement ainsi que l'on placera correctement les
contours, avec leur obliquité correcte, par rapport aux
lignes topographiques telles que crêtes, thalwegs, chemins
et courbes de niveau.
Il faut perdre l'habitude de disposer la carte de façon
à lire les écritures (c'est à dire "le
nord en haut"). Cela n'a 99 fois sur 100 aucun intérêt.
Il est très important (et ce d'autant plus que l'on est
plus débutant, d'ailleurs) de l'orienter correctement par
rapport au nord géographique, pour que les rapports entre
les points observés soient dans le même sens sur
la carte que sur le terrain.
C'est alors au cartographe de se déplacer, par rapport
à la carte correctement orientée, pour être
face à l'observation à noter : On s'habituera assez
bien, après une période d'accoutumance, à
maintenir la carte orientée immobile et à "tourner"
autour d'elle, par un jeu de mains, à chaque changement
de la direction du regard.
Il s'agit de ne pas les confondre avec les
formations superficielles qui peuvent aussi affleurer sous forme
de gros blocs (glaciaire, éboulements) :
Pour cela il faut pratiquer une sorte de statistique des orientations
et pendages. Les panneaux rocheux ayant une disposition conforme
à celle mesurée sur les affleurements sains voisins
seront réputés "en place".
Lorsque la nature des éléments rocheux apparents
change de façon rapide et aléatoire il ne s'agit
pas de roche "en place" (la réciproque n'est
pas vraie).
Pratiquer une sorte de statistique surles valeurs
des pendages : des pendages varient entre des valeurs très
fortes et faibles, tout en restant de sens opposé à
la pente et d'azimut presque constant sont un indice de fauchage.
C'est la valeur la plus forte mesurée qui est la plus proche
de la valeur correcte.
Rechercher les entailles et arrachements permettant de voir ce
qui se passe en profondeur mais se souvenir que le fauchage peut
agir parfois sur une dizaine de mètres de profondeur.
Pour guider le tracé des contours utiliser
- la morphologie (les photos aériennes sont particulièrement
efficaces à cet égard) ;
- les changements de végétation (limites entre plantes
acidophiles et calcophiles, plantes de terrains secs et humides
etc...). Toutefois il faut faire preuve de prudence ;
- les "pierres volantes" disséminées sur
le sol (à ne prendre en compte que sous l'angle statistique
et en réfléchissant à la possibilité
d'une origine allochtone) et les divers autres indices de la constitution
du sous-sol : rechercher et examiner les chemins creux, les fondations
d'ouvrages, les racines des arbres renversés, les déblais
de terriers d'animaux (marmottes).
Elles sont très utiles pour faire des
interpolations et tracer des contours intermédiaires entre
observations trop distantes.
Elles aident, lorsque l'on n'a plus le terrain sous les yeux à
faire la coordination des observations et à échafauder
des hypothèses interprétatives
Elles sont souvent utilisées comme support de dessin (pratiquer
le lever direct sur photos aériennes zénithales
agrandies plutôt que sur des calques), en cas de cartes
défectueuses ou à trop petite échelle : meilleur
repérage et dessin correct des contours ultérieurement
réduits.
Stéréoscopes "de poche"
pliants (ils peuvent même être emportés sur
le terrain).
Clichés "contact" sur papier brillant (à
peu près 20 x 20 cm) pour l'examen stéréoscopique.
Agrandissements sur papier mat (restent nets jusqu'au format 60
x 60) pour le dessin
- Attention aux déformations perspectives
:
. changement d'échelle entre centre et bords ;
. versants faisant face au centre élargis et ceux faisant
face aux bords rétrécis ;
. Azimuts des lignes inscrites sur les pentes non respectés
- Attention aux artefacts :
. lignes d'origine non structurale (coupes de bois, anciennes
installations humaines, entailles d'érosion dans des alluvions,
etc...)
. alignements fortuits de points ou de tronçons de lignes
L'imagination fait souvent "voir" des images structurales
qui ne correspondent à rien et, inversement, bien des faits
passent inaperçus, notamment en cas de couverture végétale
ou alluviale importante.
- distinguer d'abord les surfaces structurales
des surfaces d'érosion : utiliser plutôt les surfaces
qui s'engagent dans la roche (y insinuer le porte carte et mesurer
sur la partie dépassante) que celles qui ont été
dénudées (commodes à utiliser mais résultant
souvent d'un biseautage par l'érosion).
- distinguer ensuite les litages obliques et les clivages tectoniques
des surfaces de strates (employer une manière différente
pour noter leurs paramètres). Les surfaces de strates ne
sont en général pas de simples plans mais correspondent
à une bande, plus ou moins mince, de nature un peu différente
du reste de la roche.
Elle est fonction de la variabilité
d'attitude de la surface mesurée (la présence de
gondolements est fréquente).
Il faut donc trouver quelle est la meilleure mesure, significative
de l'ensemble et cela s'apprécie mal, lorsqu'on a le nez
sur le point de mesure : il est très fructueux de se faire
aider par un coéquipier qui reste un peu en recul. On peut
aussi faire plusieurs mesures et prendre une moyenne.
Contrairement à un avis répandu
les mesures faites à distance, par visée, sont très
recommandables car elles permettent, en traitant une surface plus
grande d'un seul coup, de se dégager des causes d'erreur
liées aux mesures ponctuelles sur l'affleurement.
On peut déterminer azimuts et pendage de surfaces ainsi
que, plus exceptionnellement, axes de plis ou d'intersections
de surfaces.
Toutefois pour éviter les dangers de cette méthode
il est fondamental de respecter deux principes :
. Ne faire de mesure que si le regard est orienté de telle manière que la ligne de visée soit dans le plan de la surface à mesurer : pour obtenir ce résultat il faut se déplacer latéralement. D'autre part on n'appréciera vraiment bien le fait que l'on soit dans une telle situation que si la surface présente des secteurs un peu dégagés et des redans permettant d'apprécier si on la voit "de dessus" ou "de dessous".
. La mesure de la valeur du pendage
proprement dit est des plus simples puisqu'il suffit de faire
coîncider le bord de la boussole, tenue à la distance
de vision distincte, avec la surface à mesurer.
Pour les mesures d'azimut il faut veiller à viser
à l'horizontale, c'est à dire qu'il faut le faire
en direction d'un point de la surface concernée qui soit
à la hauteur de l'oeil. Deux remarques en découlent
:
a) Cela implique en fait de disposer d'une boussole donnant une
visée horizontale directe (monture en clisimètre
: type Méridian-Oulianoff) ou un contrôle de l'horizontalité
par observation d'un niveau à bulle, à l'aide d'un
miroir, en cours de visée (type grosse Topochaix).
b) Si l'affleurement est au dessous ou au dessus de l'oeil, on
prolongera, par le porte-carte vu de profil, la surface à
mesurer jusqu'à ce qu'elle coupe l'horizontale.
Les affleurements ne sont pas toujours faciles
à délimiter avec précision. On a donc intérêt
à combiner deux techniques de dessin, celle des affleurements
cernés d'un contour et celle des taches de
couleur à limites non tracées.
En fait la première technique s'applique plus aisément
aux limites entre roche en place et couverture quaternaire : en
effet cette dernière se repère souvent à
sa morphologie propre, qui permet de bien délimiter les
plages qu'elle occupe (cas notamment des jupes d'éboulis
cones de déjections et terrasses, caractérisés
par l'uniformité de la pente qui leur correspond).
La seconde technique s'impose plus particulièrement dans
le cas des affleurements partiellement masqués où
ce n'est qu'en fin de travail qu'il conviendra d'apprécier
comment et dans quelle mesure on peut interpoler entre deux point
d'observation du même terrain. Il est avantageux d'indiquer
au vu même du terrain les interpolations qui paraissent
pertinentes (par exemple par de hachures plus ou moins légères
de la teinte correspondant à la formation masquée).
On distinguera avantageusement les contours de divers types
(stratigraphiques / anormaux "tectoniques", observés
/ interpolés, morphologiues, etc...) par des traits différents
(gras, fins, tiretés, pointillés, barbulés
et autres).
Le choix des couleurs doit être fait en fonction
de la lithologie (de façon à ménager
éventuellement des intermédiaires et des alternances
et à bien faire ressortir les différences entre
formations telles qu'on les voit dans la nature) et non d'une
échelle stratigraphique plus ou moins standard (en ce cas
on serait en permanence confronté à des problèmes
de distinction entre des nuances trop proches).
L'application de la teinte sur la carte peut se faire de diverses
manières, pour nuancer le degré de précision
de l'observation :
- hachures pour les affleurements mal visités ou incertains
car masqués,
- à plats pour ceux bien établis (roche nue),
- figuration de traces de bancs pour ceux où la disposition
des couches est bien visible (il s'agit de tracés symboliques,
car seuls quelques bancs peuvent être représentés,
mais ils doivent être disposés selon le tracé
réel observé sur le terrain). Cette dernière
manière de faire est très avantageuse pour mettre
en évidence les éventuels problèmes d'organisation
structurale.
Un grand principe est de ne rien faire de définitif
ni d'irrémédiable : la carte se construit toujours
par corrections successives (sauf explorations rapides évidemment).
Cela a des conséquences dans le choix du matériel
de travail : pas de dessin à l'encre ni aux crayons indélébiles
("Prismalo" à proscrire !). Importance de la
manière dont sont taillées les mines des crayons
noirs et de couleur ....(préférer des crayons un
peu tendres mais bien taillés plutôt que durs).
D'une façon générale il est souhaitable de réaliser trois exemplaires de carte à partir des levés
- l'un, à même échelle
que la minute de terrain, est l'exemplaire "propre"
de sauvegarde, où sont reportées aussi vite que
possible les observations nouvelles, avec le plus de fidélité
(mais aussi de clarté) possible.
- une carte simplifiée, à échelle
plus petite, sera avantageusement confectionnée : on y
tentera une synthèse des observations en remplissant les
intervales correspondant aux zones masquées et elle pourra
servir de base à l'élaboration d'un schéma
d'organisation (schéma structural pour les régions
tectonisées).
- les minutes de terrain sont en outre à conserver
précieusement, car aucune copie n'est aussi fiable que
le documùent original. À ce propos l'auteur préfère
multiplier les minutes, en photocopiant autant de fois que nécessaire
le fond topographique, plutôt que de risquer de perdre sur
le terrain les levés faits antérieurement. Cela
a pour second avantage d'éviter les ratures et surcharges,
si l'on repasse dans le même secteur en l'abordant sous
un angle différent.
Toutefois cette méthode doit être nuancée
car elle a l'inconvénient de ne pas mettre sous les yeux
ces levés antérieurs pour les confronter sur place
avec les nouvelles observations : un report préparatoire
du dessin des zones marginales de celle à visiter, sur
le fond nouveau à emporter, constitue une bonne parade.
Elle a l'avantage supplémentaire de faire un inventaire
des données acquises et, par conséquent, des hypothèses
en découlant pour le secteur à visiter : celles-ci
peuvent être exprimées par un dessin hypothétique,
en teintes légères (qui sera modifié lors
de la visite).
Pour les formations et les membres qui les subdivisent, la plupart des auteurs adoptent des abréviations tirées du nom de la formation (cFs pour "calcaires du Fontanil supérieurs" par exemple). L'emploi d'une notation conventionnelle basée sur les étages, comme celle des cartes du BRGM est totalement à déconseiller car impraticable pour le travail de terrain (elle est systématiquement à modifier pour l'adapter aux besoins locaux et n'est pas aisée à mémoriser sans risque d'erreur).
Pour les mesures structurales on adoptera des
symboles de pendages distincts pour les strates (pendage indiqué
par une simple barre orthogonale à l'azimut), pour les
clivages (pendage indiqué, par exemple, par la pointe d'un
triangle) et pour les surfaces de cassure (azimut indiqué,
par exemple, par une double barre)
Inscrire la valeur de l'azimut, en degrés (ou grades) :
il est en effet impossible de l'indiquer de façon suffisamment
précise par le simple dessin orienté du symbole
de pendage. Il en va de même pour la valeur du pendage,
que le systéme des traits de longueur proportionnelle au
pendage, anciennement utilisé au 1/80.000°, ne peut
indiquer de façon suffisamment précise pour les
besoins actuels.
Sur le terrain il est recommandé de bien contrôler
le sens du pendage en le formulant en clair, par
une indication sur le secteur de l'hrizon dans lequel se trouve
l'azimut : N ou S, W ou E (des erreurs de 180° ou 90°
sont en effet faciles à faire, surtout si la carte n'est
pas bien orientée).
Pour les plis il est toujours bon de marquer
un symbole de charnière en le disposant de la façon
dont celle du pli se dessine réellement dans le versant
où on l'observe. C'est par une terminaison en pointe ou
en queue de flèche que l'on indiquera s'il s'agit d'un
pli antiforme ou synforme.
Les avis sont partagés en ce qui concerne le tracé
des contacts anormaux tectoniques (trait gras, trait de couleur,
trait ordinaire ?) et les symboles à utiliser pour les
désigner (x-- ou Ø--) : il est vrai que ce genre
de notation relève plus de l'interprétation que
de l'observation objective.
Selon l'échelle et la densité des observations, c'est-à-dire selon la place disponible, on peut procéder de diverses manières : en clair, en noir ou en couleur (rouge sur fond de carte noir par exemple) ; au dos de la carte (à l'emplacement d'un trou d'épingle repérable ainsi sur la face endroit sans la surcharger d'écritures) ; sur carnet avec numéros sur la carte ; double notation : sommaire et allégée sur la carte (signe de pendage et numéro), plus détaillée sur le carnet (un croquis est utile dès que plusieurs surfaces de recoupent).
Croquis de carnet : fragments de carte agrandis pour les secteurs complxes et/ou à forte densité d'observations, coupes et schémas d'affleurements (cas de mesures de schistosité interférant avec des couches notamment, ou de localisation de récoltes paléontologiques ou autres).
Morphologie et coupes naturelles
altérations.
contours = morphologiques : surfaces et rebords
couleurs = chronologiques
caractère ponctuel des observations lithologiques : en
garder la trace sur la minute par un symbole adéquat
1- Géométries se traduisant par une sinuosité des contours
Dans les cas où elles ne peuvent être
expliquées par la simple intersection des couches par une
topographie onduleuses on peut en déduire qu'elles traduisent
des plissements. Les plis se dessinent sur la carte différemment
selon la disposition de leur axe.
En ramenant schématiquement le problème au cas d'une
surface topographique plane et horizontale :
- si l'axe est vertical (cas relativement rare) la surface topographique
en donne une coupe parfaite ;
- plus l'axe se rapproche de l'horizontale plus le dessin est
caricatural, la courbure du pli étant étirée
dans le sens de l'axe (et affectée de sinuosités
parasites liées à l'intersection avec les accidents
de la topographie) ;
- si l'axe est horizontal les flancs sont parallèles.
Si l'on prend en compte l'influence d'une topographie accidentée
on doit se dire que le schéma précédent est
valable mais que le résultat sera plus complexe, le dessin
des contours dans les flancs de pli étant seulement rendu
sinueux par les V topographiques introduits par chaque vallée
et chaque crête traversée.
2- Géométries se traduisant par une convergence ou des intersections des contours
Elles peuvent être dûes à
des dispositions soit sédimentaires soit tectoniques.
- Les contours convergent lorsqu'il y a amincissement des
couches :
- cela peut aussi être simplement lié à des
changements latéraux de faciès, par changement de
taux de sédimentation d'un faciès à l'autre.
- lorsque cela affecte successivement plusieurs niveaux, dans
le même sens, il s'agit souvent de "discordances progressives"
liées à des basculements pendant la sédimentation.
Les deux peuvent d'ailleurs se produire simultanément.
- Lorsque un contour coupe successivement, en oblique,
une série d'autres contours il y a discordance entre deux
séries.
Deux interprétations sont a priori possibles, l'une tectonique (contact anormal par faille ou chevauchement), l'autre purement sédimentaire (disparition d'un ou plusieurs niveaux, par "lacune").
L'origine tectonique
est facile à caractériser dans le cas des failles
inverses et des chevauchements : en effet l'ordre de succession
stratigraphique n'est conservé que de part et d'autre de
la discordance alors que cette dernière ramène des
terrains relativement anciens sur les plus récents. Par
contre les failles normales ne font qu'introduire une lacune dans
la succession et des critères autres que la simple discordance
géométrique devront être recueillis pour lever
l'incertitude.
Dans le cas où l'origine tectonique est écartée
plusieurs cas sont encore possibles.
a) Si les couches supérieures à
la discordance sont seules coupées en biseau il s'agit
- soit de couches qui se sont déposées horizontalement
en s'appuyant sur d'autres inclinées ("onlap"
par ennoiement d'un talus sédimentaire sous une sédimentation
débutant à son pied) ;
- soit de couches qui se sont déposées inclinées
sur d'autres plus horizontales ("downlap" de progradation
d'un corps sédimentaire vers le large).
b) Si les couches inférieures à la discordance sont
seules coupées en biseau, les strates situées au
dessus d'elle étant disposées parallèlement
à la discordance, il s'agit de reprise de sédimentation
sur des strates érodées en oblique.
c) Enfin si les biseaux affectent les couches des deux cotés
de la discordance il s'agit de onlaps sur paléopentes érodées
(en général à la suite d'un basculement).
- Les dispositions lenticulaires, c'est à dire par doubles biseaux de sens opposé sur la même strate, sont le plus souvent dûes à la répartition originelle du sédiment, en loupe ou en langue, ou encore en remplissage de cuvette ou de chenal. Elles peuvent aussi être dûes à une disposition synclinale sous une discordance, voire à une navette le long d'une surface de faille.