Grand Pic de Belledonne |
Le Grand Pic de Belledonne (2977 m) est à la fois le point culminant du massif et sa montagne la plus remarquable. Il n'est en réalité que le plus élevé d'un groupe de trois sommets, souvent désignés en bloc comme "les Trois Pics de Belledonne" qui s'alignent sur une face nord-ouest commune regardant vers la vallée du Grésivaudan. Au pied de ces sévères abrupts subsiste avec peine le petit culot de glace du glacier de Freydane, qui décore encore, au plus haut de la vallée de Saint-Mury, le fond de tableau du Lac Blanc.
La face nord-ouest des Trois Pics de Belledonne De gauche à droite : Grand Pic, Pic central et Croix de Belledonne (vus du Lac Blanc). On voit bien les arcs morainiques récents, datant du "Petit âge glaciaire" ; l'état du glacier de Freydane est celui en 1987. |
Le revers de cette crête est à peine moins abrupt, bien que griffé de couloirs qui y individualisent plusieurs arêtes secondaires dont les principales divergent au SE du Grand Pic (voir 4° cliché de la présente page). Sur ses deux faces la constitution de crête des Trois Pics de Belledonne apparait d'une grande homogénéité : elle le doit à ce qu'elle est exclusivement sculptée dans une puissante masse d'amphibolites*. Cette roche, plutôt massive comme d'ordinaire, ne laisse voir que peu d'indices d'une géométrie interne affectant leur masse rocheuse. Seuls s'y observent, en face sud-est, quelques litages cristallophylliens qui déterminent le léger épaulement qui sépare du sommet du Grand Pic le Doigt de son arête est. Ce sont de telles surfaces de litages qui semblent aussi être à l'origine de quelques plaques rocheuses fortement pentées vers le SE qui semblent bien être des dalles structurales. Au total tout ceci indique que ces amphibolites appartiennent à une lame sub-verticale plutôt inclinée vers le nord-ouest.
Cette puissante lame rocheuse est orientée presque N-S, obliquement à l'arête qui joint les Trois Pics, et s'allonge loin vers le sud, obliquement à la ligne de partage des eaux qui passe par le Pic du Grand Doménon et la Grande Lauzière : à partir de La Croix de Belledonne la bande amphibolique s'écarte de cette arête faîtière du massif vers le SE (voir compléments à la page "Lance d'Allemont").
Si l'on veut comprendre la position et signification structurale de cette lame amphibolique il faut analyser la nature de ses limites, tant du côté SE que NW.
a) Au pied de ses abrupts sud-orientaux, affleurent des gneiss leptyno-amphiboliques dont tous les auteurs ont admis que les amphibolites étaient séparées par un contact tectonique, parfois même considéré comme un chevauchement. Pourtant il s'avère que le pendage de cette surface de contact est proche de celui des litages des amphibolites, c'est-à-dire plus vertical que la pente du versant, de sorte que les gneiss sont plaqués contre les amphibolites et les recouvrent, plutôt que de s'engager dessous. C'est aussi ce qu'indique le sens des chevrons que dessine le contour de leurs affleurements (pointant vers le haut entre les ravines). Enfin cette conclusion est cohérente avec le fait que ces gneiss dessinent un pli (d'ailleurs indiqué sur la carte Vizille) que l'on peut nommer synclinal de la Balmette car il passe au lac de ce nom. En définitive ces données géométriques portent à considérer qu'il y a là un contact simplement stratigraphique qui a été redressé à la verticale avec le flanc ouest de ce pli.
La crête de Belledonne et les hautes pentes de la rive droite de l'Eau d'Olle vues du sud-est, depuis le lac Noir (au nord de l'Alpe d'Huez) (suite de ce cliché vers la gauche à la page "Lance d'Allemont"). Ø3P = accident limite occidental (chevauchement ?) de l'unité des Trois Pics de Belledonne ; f.pL = faille du Pic Lamartine (elle passe entre ce piton 2736 et la crête de Roche Rousse) : sa lèvre supérieure est abaissée et décalée vers la droite ; f.rH = faille du Rocher de l'Homme : sa lèvre supérieure est abaissée mais décalée vers la gauche (elle est conjuguée de la précédente pour délimiter le petit graben* dont l'effondrement permet la conservation d'un peu de houiller) ; s.Ba = synclinal de la Balmette, d'axe proche de N-S ; ac.tA = accident de la Traverse d'Allemont. Les tirets vert clair correspondent aux diverses surfaces de juxtaposition des amphibolites et des gneiss leptyno-amphiboliques (réputées, sans doute à tort, être des contacts de chevauchement). |
L'examen du versant oriental de la crête faîtière, au nord du col de la Balmette, montre en outre que si ces amphibolites n'affleurent plus sur cette crête cela est dû à ce que leur bande d'affleurements a été décalée dans le sens dextre par une faille du Pic Lamartine, car on la retrouve dans la lèvre nord-occidentale de la faille, mais abaissée nettement en contrebas est de la crête faîtière.
Cette cassure subverticale passe au pied nord du monolithe dénommé Pic Lamartine (voir le second cliché de la page et celui ci-dessous). C'est le contraste de nature des roches qu'elle juxtapose (amphibolites au sud contre micaschistes au nord : voir plus loin) qui est cause de sa mise en saillie, d'ailleurs un peu en contrebas est de la ligne de crête. Elle est oblique à la crête, plus précisément orientée dans le prolongement nord-oriental du pied des abrupts des Trois Pics. |
Mais sur ce versant oriental les amphibolites ne forment, en contrebas de la crête au nord de cette faille, qu'une bande relativement étroite qui est intercalée, au niveau de la Pointe du Muret, entre deux niveaux de gneiss leptyno-amphiboliques. D'autre part ceux sous-jacents, qui furent supposés être la réapparition en fenêtre anticlinale de ceux du versant opposé (de Freydane) se montrent plissés en un synclinal ouvert vers l'est et d'axe proche de N-S qui est le prolongement évident de celui de la Balmette.
Au nord du Rocher de l'Homme les affleurements d'amphibolites se développent de nouveau, jusqu'à former la crête principale avec le sommet Colomb et la crête du Ferrouillet (voir la page "Ferrouillet"). Dans le même temps l'aire d'affleurement des gneiss leptyno-amphiboliques qui leur sont sous-jacents se ferme vers le nord. À ces gneiss succède, plus bas dans le versant, une bande inférieure d'amphibolites qui se connecte, au Ferrouillet, avec la bande supérieure. Or cette géométrie cartographique était aussi interprétée en admettant que la surface de charriage de la nappe amphibolique était reployée là en un anticlinal plus ou moins couché vers l'est. Pourtant c'est au contraire un dispositif synclinal que l'on y observe assez clairement (voir les pages "Ferrouillet" et "Belledonne proprement dit").
b) Du côté NW de la crête de partage des eaux l'abrupte paroi de la face septentrionale des Trois Pics ne correspond pas à la surface limitant cette bande d'amphibolites du côté ouest. Sa direction, NE-SW, qui lui est franchement oblique, est celle d'une faille qui abaisse d'au moins de 150 m, en contrebas des amphibolites de la Croix de Belledonne, les affleurements de Houiller des Rochers Rouges qui coiffent les gneiss de sa lèvre NW : il s'agit en réalité du prolongement sud-occidental de la faille du Pic Lamartine qui affecte, au col de la Balmette l'extrémité opposée du berceau du glacier de Freydane (détails plus haut).
Le rejet de cette faille a pour autre effet que, au NW de son tracé, affleurent des gneiss leptyno-amphiboliques*, moins résistants car moins massifs (ce qui a dû y favoriser le creusement du vallon de Freydane). Ces roches, qui sont rapportées au Dévono-Dinantien, forment le Grand Replomb, le Rocher de l'Homme, le cirque et le verrou du Lac Blanc ainsi que le Pic Couttet et la Grande Lance de Domène, en rive sud-ouest de ce vallon (voir la page "Lac Blanc"). On les retrouve du côté SE au Pic du Doménon et à la Lauzière, à l'est desquels se poursuit le tracé de cette faille avec un rejet vertical apparemment un peu atténué.
Ces gneiss se juxtaposent du côté oriental, au sud comme au nord de la faille, aux amphibolites du Grand Pic, à ceci près qu'ils en sont séparés presque en continu par une bande intercalaire, de largeur pluri-hectométrique, de micaschistes à grenats. Elle passe notamment du côté nord au pied nord du Pic Lamartine, au Rocher de l'Homme et au col de la Mine de Fer (voir la page "Lac Blanc") et, du côté sud, dans le vallon descendant de la Croix de Belledonne pour passer à l'est du Pic du Grand Doménon. Ces micaschistes sont considérés comme d'anciennes mylonites, de sorte que leur présence constitue un argument pour considérer que les amphibolites (attribuées au paléozoïque inférieur) font partie d'une unité tectonique particulière, peut-être charriée (?) : on peut l'appeler "unité des Trois Pics de Belledonne".
Dans les publications les plus récentes (notamment la carte géologique Domène, 2° éd., 2000) les amphibolites des Trois Pics et celles qui les prolongent vers le nord (Ferrouillet, Dent du Pra) ont en outre été considérées comme appartenant à la nappe
ophiolitique de Chamrousse. |
Par ailleurs ces roches, pourtant considérées comme l'autochtone de l'unité des Trois Pics de Belledonne, supportent en plusieurs points (parmi les plus élevés des crêtes), des panneaux peu inclinés (en général vers l'ouest) de grès et de schistes indubitablement houillers. Ils coiffent les sommets de la Grande Lauzière, de la Grande Lance de Domène et de la Roche Noire de Freydane et apparaissent comme les fragments d'une chape presque plane et peu inclinée, donc à peine tectonisée, de dépôts qui ont cacheté les structures d'une chaîne hercynienne déjà arasée (voir la page "Grand Colon") : cela oblige à considérer qu'en fait la formation de la pénéplaine anté-triasique avait débuté ici dès le Houiller.
La partie occidentale de la pente terminale (relativement douce) d'accès au sommet de la Croix de Belledonne par le sud-ouest, appelée les Rochers Rouges, est également un chapeau houiller mais limité à une simple dalle structurale*. Or ni cette dalle ni son soubassement de gneiss amphiboliques ne sont chevauchés par les amphibolites du sommet de La Croix : au contraire ils butent contre elles par une faille subverticale qui est donc d'âge post-houiller. Or il s'agit assez clairement du prolongement de la faille du Pic Lamartine, si l'on en juge par son orientation NE-SW, qui la fait passer au revers SE de la crête du Pic du Grand Doménon. Cela rend peu vraisemblable l'interprétation par charriage de la surélévation relative des amphibolites du Grand Pic, car le rejet de la faille verticale du Pic Lamartine suffit à expliquer cette dernière !.
http://www.alpimages.net/montagne_photo/montagne_date.php et un autre (accompagné d'interrogations) à l'adresse http://www.bivouak.net/forum/viewtopic.php?t=7837&start=0&id_sport=2 . Ce débit résulte de ce que la roche est affectée de deux réseaux de diaclases* orthogonales à la surface de la dalle, qui se recoupent à peu près à angle droit. |
À l'extrémité NE des abrupts des Trois Pics la manière dont les amphibolites des Trois Pics font place vers le NW à ces gneiss plus récents ne ressemble d'ailleurs en rien à un chevauchement. On a vu plus haut que c'est en fait la faille du Pic Lamartine qui y coupe en biais la bande de micaschistes qui flanque du côté ouest la bande N-S des amphibolites des Trois Pics et la décale dans le sens dextre.
Page d'introduction à la géologie
de la chaîne
de Belledonne au sens large. aperçu d'ensemble sur le massif de Belledonne |
Carte géologique simplifiée des crêtes entourant les pics de Belledonne
redessinée sur la base de la carte géologique d'ensemble
des Alpes occidentales, du Léman à Digne, au 1/250.000°",
par M. Gidon (1977), publication n° 074
plus au nord ;
plus à l'ouest ; cartes voisines : plus à l'est
plus au sud
Saint- Mury | Lac Blanc | Gd Replomb, Ferrouillet |
LOCALITÉS VOISINES | ||
Grande Lauzière | gorges de la Romanche | Gde Lance d'Allemont |
|
|
|