La zone subbriançonnaise : |
La zone subbriançonnaise est un domaine qui a été initialement individualisé en Maurienne et dont on a ensuite recherché et trouvé les prolongements plus au nord et surtout plus au sud. Divers aspects de la tectonique de cette zone, dans le secteur qui est son domaine de définition, sont remarquables et demandent à être pris en compte pour comprendre la signification que revèt l'existence de cette zone dans l'édifice tectonique alpin.
1 - La série stratigraphique connue
y commence seulement avec le Trias supérieur. C'est
même la seule zone de cette transversale des Alpes dans
laquelle on ne connaisse aucune trace de son substratum paléozoïque
(voire même triasique) originel. On ignore donc quelle était
la nature de son soubassement, qui comportait vraisemblablement
un socle cristallin, et à quel endroit ce dernier se trouve
actuellement.
Cette originalité suggère que cette zone devait
posséder une particularité qui a été
à l'origine du décollement de sa couverture sédimentaire
par rapport à ce soubassement inconnu. On ne peut manquer
de se demander s'il ne s'agirait pas de la présence d'un
puissant niveau de gypses au Trias supérieur car de telles
roches sont fortement représentées à l'affleurement,
de nos jours, spécialement à la marge orientale
de la zone.
2 - Les limites, externe et interne, de la zone subbriançonnaise correspondent à deux bandes gypseuses (au sein ou sur les marges desquelles ces roches font place localement à des cargneules) :
- Dans la bande occidentale les gypses (et les cargneules qui les accompagnent) apparaîssent le plus souvent comme les couches basales de la succession stratigraphique de la zone car ils passent sans discontinuité, vers le haut, aux argilites à lits dolomitiques du Trias supérieur. Toutefois il est aussi des secteurs où la bande gypseuse semble représenter un couloir tectonisé.
Par exemple dans le secteur du Galibier la bande gypseuse se révèle emballer une lame tectonique de matériel briançonnais qui se trouve ainsi coincée en position anormalement avancée entre le subbriançonnais et la zone ultradauphinoise. Vers le nord (vallon de Valbuche) la zone gypseuse recoupe les plis renversés de la Grande Moendaz et passe à un mélange chaotique, sans doute un olistostome, au flanc est du Mont du Fût .
D'autre part les gypses et cargneules de la bande occidentale recouvent souvent un ensemble un peu disparate de terrains exotiques qui avaient été regroupés par R.Barbier sous le nom d'"écailles externes" : on attribue plutôt cet ensemble à un olistostrome.
- La bande orientale ("zone des gypses" de R.BARBIER) est au contraire formée par une masse en général fortement tectonisée, contenant des lentilles de terrains d'âges variés, la grande majorité rapportables à une origine briançonnaise. En outre elle a un pendage très redressé et sa limite ouest recoupe en biseau les plis de la zone subbriançonnaise (ceci est particulièrement net à l'ouest de Saint-Martin de Belleville où il tranche en travers l'anticlinal de série renversée de la Tête de Fer). Il semble également, mais d'une façon moins patente, que sa limite orientale coupe en biais les plis de la zone briançonnaise, comme on le voit pour le synclinal de Saint-Martin de Belleville, dont l'axe diverge par rapport au tracé de la cassure du sud vers le nord.
Cette bande gypseuse est donc une simple cicatrice tectonique (et non une ancienne zone paléogéographique). Elle souligne d'une frange presque continue le front occidental de la zone briançonnaise, mais semble plutôt en rapports originels avec la zone subbriançonnaise car ses gypses semblent localement - notamment au Perron des Encombres - constituer le soubassement stratigraphique de la succession subbriançonnaise.
On a longtemps pensé que cette bande gypseuse représentait un coussinet lubrifiant, injecté le long de la surface originelle du chevauchement du Briançonnais. En définitive la géométrie des limites de cette zone par rapport aux deux autres qui l'encadrent porte plutôt à y voir des failles tardives, dotées d'une composante extensive importante et peut-être même d'un jeu coulissant, qui auraient repris les anciens contacts chevauchants entre zones tectoniques majeures.
3 - La disposition tectonique interne de
la zone subbriançonnaise varie du nord au sud mais
répond en gros à un même schéma. Elle
est globalement synclinale, organisée autour d'un pli majeur
dont l'axe, à peu près N-S, est orienté grossèrement
selon l'allongement de la zone, le synclinorium* de Varlossière
- Valloirette.
Ce pli se suit avec une belle continuité en rive droite
de la Maurienne (voir les pages "Varlossière" et "Croix
des Têtes") et s'étrangle
quelque peu en rive gauche (voir la page "Télégraphe"). Au sud de Valloire, après un secteur où
les affleurements de la zone se rétrécissent sur
quelques kilomètres, il semble que seul le flanc ouest
de ce grand synclinal réapparaisse ; au niveau du Galibier
ce flanc du pli se complète, du côté ouest,
par une retombée anticlinale. Il semble donc en définitive
que ce système plissé majeur soit oblique à
angle aigu avecf les limites de la zone.
Si on l'analyse plus dans le détail
la zone subbriançonnaise se montre constituée par
un faisceau de plis, parmi lesquels il faut distinguer
deux générations :
- une première génération de plis très
obliques au limites de la zone et qui sont actuellement en grande
partie renversés (voir notamment les pages "Grande
Moendaz" et "Tête de Fer")
;
- une seconde génération, cause du basculement des
plis de la précédente, constituée par le
grand synclinal N-S de Varlossière - Valloirette et par
ses replis parasites..
Au sein de ce système les anciens auteurs
(principalement R. BARBIER, 1948) avaient distingué plusieurs
"digitations"* en se basant sur les variations
de faciès et de séries stratigraphiques,
Parmi ces digitations la mieux individualisée était
en fait la digitation du Niélard, mais les
études plus récentes ont conduit à la rattacher
aux domaines plus externes, ultradauphinois ou plutôt valaisan.
De ce fait seules subsistent, comme appartenant à la zone
subbriançonnaise sensu stricto, les anciennes digitations
de la Grande Moendaz et du Perron des Encombres. A leur
sujet il serait faux de croire qu'il s'agit de deux nappes imbriquées
l'une sur l'autre par une surface de chevauchement : elles sont au contraire juxtaposées
l'une à l'autre et ne représentent, respectivement,
que le flanc occidental et le flanc oriental du grand synclinorium*
de Varlossière - Valloirette.
4 - L'extension vers le nord de la zone subbriançonnaise pose un problème qui retentit sur ce que l'on peut penser de sa place structurale et de sa signification paléogéographique. En effet la bande de terrains constituée en Murienne par la zone subbriançonnaise est prolongée vers le nord (en Tarentaise) par des unités qui s'en distinguent par de telles différences de successions stratigraphiques que l'on préfére désormais les rattacher à la zone valaisane. On peut s'interroger sur la signification de ces différences brutales, qui se manifestent pourtant au sein apparaître dune même bande structurale qui jalonne la frontière entre domaines externes (dauphinois) et internes (briançonnais) des Alpes.
Une interprétation relativement récente (M.Lemoine
et al., 1989)
a été inspirée par la géométrie
des dorsales océaniques actuelles. Elle envisage que ces
différences viennent de ce que les domaines sédimentaire
des zones subbriançonnaise et valaisanes
représentaient originellement deux tronçons d'un sillon constituant l'ébauche d'une ouverture océanique. Leur dissemblance viendrait de ce qu'elles étaient séparées, dès la paléogéographie
jurassique, par une zone transformante faisant passer d'un sillon septentrional (valaisan) relativement ouvert (pourvu d'un fond océanique) à un sillon méridional
(subbriançonnais), moins ouvert (dépourvu de fond océanique). Mais cette hypothèse a été fortement battue en brèche par une hypothèse plus récente sur la zone valaisane (Masson et al 2005 ; voir la page "Versoyen").
On peut aussi penser (selon un schéma d'organisation paléogéographique
plus classique) que ces deux zones étaient originellement disposées
sur une même transversale, la première à l'ouest
de la seconde. Leur disposition actuelle, en lanières successives
disposées plus ou moins plus ou moins bout à bout
du nord vers le sud, résulterait de déplacements
tectoniques tardifs (postérieurs aux charriages majeurs).
Ceux-ci, dotés d'une forte composante de coulissement longitudinal
dextre par rapport à l'allongement de l'arc alpin,
auraient tronçonné ces deux zones en segments, translatés
longitudinalement jusqu'à les disposer presque bout à
bout (on trouvera des arguments en ce sens à
la page "faille de la moyenne Tarentaise") .