Structure du chaînon du Mont Joly : |
Le dernier auteur ayant analysé la structure du Mont Joly avant la rédaction de la présente page est J.-L. Epard (1990). Il a fondé son interprétation sur la comparaison entre la coupe de l'arête septentrionale de son sommet avec celle de la crête du col de Voza, en rive opposée (rive droite) du Bon Nant. Cela lui a fait reconnaître dans les schistes aaléniens de la crête de La Joux (au nord du Joly) l'équivalent de ceux du col de Voza et à voir dans leurs affleurements le cœur d'un synclinal du Mont d'Arbois prolongeant celui de Chamonix. Il a donc été amené à essayer de retrouver, dans les répétition de niveaux calcaires du Lias du Joly, les larges plis que dessine ces mêmes niveaux dans le Mont Vorassay (E. Paréjas, 1925), ce qui l'a conduit à y dessiner des plis déversés vers le NW qui devraient être plus ou moins transversaux à la crête du Joly (voir son croquis ci-dessous).
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Dans ce contexte l'échine qui descend du sommet du Joly vers le Mont Joux en passant par le Mont Géroux a paru à cet auteur fournir la coupe clef de la structure. En effet il a cru voir, dans l'ample voussure que dessinent les bancs de ce dernier sommet, le flanc normal d'un anticlinal couché dessiné par le Lias moyen. Ce pli serait doté d'un flanc inverse reposant en contact stratigraphique, par l'intermédiaire de niveaux attribués au Toarcien, sur l'Aalénien du Mont Joux (lui-même représentant là le flanc inverse d'un grand synclinal du Mont d'Arbois, dont l'existence n'est d'ailleurs que supposée). Il représenterait l'anticlinal médian d'un "faisceau" de plis couchés (c'est-à-dire d'un anticlinorium* couché).
Mais, sous quelque angle et de quelque manière qu'on l'examine cette échine, on est bien en peine pour distinguer cette prétendue charnière (voir les "clichés annexes" en fin de page) car les affleurements du pied de l'escarpement montrent sur les deux versants de la crête que les couches s'y succèdent vers le bas de façon normale (voir aussi le cliché d'affleurement localisé sur le cliché ci-après : il montre des rapports schistosité - couches qui caractérisent un flanc normal). |
En définitive l'analyse des dispositions structurales observables sur le versant oriental de la montagne conduit à en proposer l'interprétation alternative du cliché ci-après (laquelle bénéficie de la même perspective que le croquis de J.L. Epard).
On y constate déjà la vue de la montagne à distance sous cet angle n'incite vraiment pas à suivre l'interprétation par un faisceau de plis proposée par Epard : l'on est frappé au contraire par le manque de toute charnière de renversement qui soit visible (notamment aux emplacements où leur présence est supposée) autant que par le long parallélisme N-S des bandes de strates qui parcourent presque horizontalement le versant. L'invraisemblance de la valeur synclinale des bandes de Lias moyen y semble déjà flagrante.
Toutefois c'est un examen tectonique plus affiné qui amène à se convaincre que cette disposition résulte plutôt d'un empilement de plusieurs tranches de roches à la base desquelles se reconnaissent des surfaces de friction tectonique, d'autant que l'on reconnaît au sein de chacune la même séquence stratigraphique typique du Lias de ce secteur : c'est ce que veulent illustrer les documents ci-après.
Il a donc paru pertinent d'essayer d'étayer la vue tectonique d'ensemble par l'observation de structures mineures ayant des caractéristiques susceptibles de fournir des indications sur le style de la déformation et sur la localisation des éventuelles structures de plus grande taille (dont l'évidence échappe à l'examen d'ensemble). Ce sont quelques exemples de telles structures de détail, seulement révélées par une analyse fine, qui sont présentés ci-après.
A/ Vues rapprochées d'affleurements (observations "micro-tectoniques")
Les deux exemples micro-tectoniques présentés ci-dessous témoignent de ce que la pile des couches du Mont Joly a subi un fort cisaillement* selon des surfaces proches de l'horizontale. Le glissement de la matière, par le jeu des surfaces de schistosité, s'est fait presque parallèlement aux surfaces de couches et avec une faible inclinaison par rapport à l'horizontale, à la façon du glissement (et du froissement éventuel) des feuilles de papier dans une pile que l'on aurait poussé vers le nord en appuyant par dessus.
1) Rapports entre stratification et schistosité :
2) Froissements selon des bandes de froissement peu obliques au couches, constituées par des couples associés synclinal-anticlinal :
Plissotis dans le versant sud-ouest du sommet du Mont Joly Les bancs calcaires, alternés de lits marneux, du Lias moyen sont ici affectés par une bande de froissement qui ne rompt pas les bancs mais les tord en une succession de charnières emboitées, déversées vers la gauche, dont les axes sont sensiblement E-W (transversalement à la crête de la montagne).. Le cisaillement se fait selon un plan, peu incliné vers l'est, qui est parallèle à la schistosité (s) des lits marneux, cette dernière étant disposée selon un angle très aigu avec les couches (voir l'angle supérieur droit du cliché). La schistosité des bancs calcaires (c), est plus espacée, et plus fortement inclinée (c'est le phénomène, classique, de sa "réfraction"). |
Les rares charnières de plis de taille plus grande qui peuvent être observées semblent relever du même processus de froissement par couples de plis déversés. C'est en particulier le cas des replis de bancs liasiques sur le versant ouest de la crête, entre Mont Joly et Tête de la Combaz, qui sont bien visibles lorsqu'ils sont soulignés par l'enneigement automnal.
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Détail de la partie médiane du versant ci-dessus vu du nord, depuis le Mont Joux On voit clairement qu'il ne s'agit pas de la charnière d'un pli couché, mais de plissotis de couches au sein d'un flanc normal (l'angle aigu entre l'orientation du versant, proche de N-S et celle de leur axe, voisine de N45, leur donne ici une apparence plus déversée qu'il n'en est réellement). Il s'agit d'une bande de froissement par cisaillement, comparable, en plus grand, aux petites bandes froissées visibles sous le sommet même (cf. ci-dessus). |
En fait de tels plis déversés dont le flanc basculé a une longueur bien inférieure à celle de leur flanc normal sont assez communs. On en voit notamment d'autres exemples dans les abrupts orientaux du sommet du Mont Joly (voir le premier cliché ci-après). Mais tous indiquent un cisaillement à vergence nord. Or une structure en plis couchés devrait comporter des niveaux à disposition inverse, c'est-à-dire à flancs courts déversés vers le sud (voir à ce sujet la rubrique "anticlinorum")
B/ Analyse tectonique par "suivi des couches" dans les escarpements orientaux du Mont Joly :
Dans ce versant de la montagne les grandes surfaces qui ont été dénudées par les ravinements permettent, depuis le versant opposé de la vallée du Bon Nant, de suivre avec précision le tracé des strates. Celui-ci a donc été surligné sur une série de clichés de la qualité que permettent les appareils actuels, c'est-à-dire dont la définition est suffisante pour les y repérer. On trouvera sur la photo d'ensemble du versant, à la page "Mont Joly", la localisation des secteurs analysés dans les clichés ci-après (lesquels sont des réductions des clichés ayant servi au travail exploratoire).
1 - Pyramide sommitale du Mont Joly
L'analyse détaillée du tracé des strates met en évidence trois "tranches" de roche que séparent des surfaces de discordance. De plus leur l'empilement correspond à des redoublements de la succession stratonomique des couches, compte tenu de ce que l'on sait que celle-ci se caractérise par la superposition de niveaux relativement riches en bancs calcaires, lotharingiens à carixiens, à des niveaux plus marneux, hettangiens à sinémuriens (ceci sans précision sur la position exacte des limites d'étages, d'ailleurs).
2 - Basses pentes méridionales du Mont Joly (ravins de La Combaz)
L'analyse détaillée du tracé des strates dans les versants de ces ravins permet d'y voir des figures qui caractérisent clairement des surfaces de chevauchement à vergence vers le NW (c'est-à-dire presque perpendiculaire à la surface topographique du versant). Elle confirment que la tranche dite "écaille du Véleray" est en contact tectonique sur la tranche sous-jacente dite "écaille haute de l'Aiguille Croche".
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3 - Basses pentes septentrionales du Mont Joly
Les imbrications des chevauchements quisont caractérisés dans les ravins de la Combaz se poursuivent jusqu'à l'extrémité septentrionale des escarpements. Mais les derniers de ceux-ci qui se terminent en pointe sous le vallon herbeux de La Clochette montrent une cassure plus oblique aux couches qui a l'apparence d'un pli-faille déversé vers le NE.
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Cet accident est un exemple supplémentaire montrant que les torsions de couches du Mont Joly ne correspondent pas à des charnières de plis couchés "isoclinaux" (à flancs parallèles).
Quant à la place de ce chevauchement dans le schéma tectonique général elle n'est pas évidente en raison du fait que ses prolongements sont masqués vers le haut comme vers le bas. La disposition du plan de cassure le conduit apparemment à se prolonger vers le haut en suivant le pied des abrupts le plus septentrionaux du Mont Géroux, ce qui porte à se demander s'il ne pourrait pas s'agir d'une cassure satellite associée au chevauchement basal de l'unité du Mont Joly (voir le cliché d'ensemble en début de la présente page) |
En conclusion aucune observation ne montre le moindre dispositif géométrique laissant penser qu'il y ait une structuration en plis couchés au sein des couches liasiques de l'Unité du Joly. Les seules torsions de couches observables s'avèrent être des crochons ou des torsions en "bandes froissées"* qui résultent d'un cisaillement par glissement couches sur couches au sein d'une pile de strates, laquelle reste par ailleurs presque totalement disposée à l'endroit et à peu près monoclinale.
En annexe voici la vue qui frappe tous les visiteurs lorqu'ils atteignent le sommet du Mont Joly et dirigent leur regard vers le nord.
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... et voici la façon dont cet escarpement se termine du côté nord : on constate l'inexistence de la charnière par laquelle, selon l'interprétation de J-L Epard, se termineraient vers le nord les affleurements de Lias moyen du Mont Géroux.
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