Aiguille Croche |
Aperçu d'ensemble sur la structure du secteur Megève - Val Montjoie |
L'Aiguille Croche (2487 m) est le point culminant sud-occidental du chaînon du Mont Joly. Elle se situe à l'endroit où ce dernier se termine en faisant place à deux crêtes qui lui sont transversales : l'une s'oriente vers l'ouest jusqu'au col de Véry pour séparer la haute vallée de l'Arly (Megève) de celle d'Hauteluce (Le Dorinet) et l'autre se dirige vers le SE jusqu'au col du Joly en séparant cette dernière vallée du val Montjoie (Les Contamines, le Bon Nant).
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La structure de la montagne présente une grande parenté avec celle du Mont Joly (qu'elle prolonge d'ailleurs géographiquement). Toutefois son interprétation détaillée ne peut se contenter d'une comparaison avec les géométries visibles sur le versant ouest de cette montagne (voir la page "Mont Joly") car leur géométrie n'y est représentée qu'en coupe et leur prolongement vers le SW par endroits ambigu. En fait elle s'appuie surtout sur les données plus accessibles offertes par ses pentes sud-orientales, notamment dans celles qui tombent sur les Contamines et celle des alpages septentrionaux du col du Joly (voir la page col du Joly), qui seront donc examinées en premier.
a) Versant sud-oriental (rive gauche du haut vallon de Montjoie, drainé par le Nant Rouge).
On parvient sans trop d'incertitudes à suivre dans les raides alpages qui tombent de la crête de Véleray sur les Besoëns et Colombaz les surfaces de chevauchement qui ont permis de mettre en évidence l'imbrication de plusieurs écailles de Lias dans les pentes qui tombent sur les Contamines. Il est à souligner, à cet égard que ces surfaces s'élèvent du nord vers le sud par rapport à la ligne de crête, de sorte qu'elles la recoupent et que l'écaille sommitale et celle du Véleray disparaissent ainsi "dans le ciel" avant le sommet de l'Aiguille Croche.
Cette disposition participe à l'évidence d'une remontée générale des structures qui fait que le bloc de socle cristallin de Montjoie reste largement dénudé jusque haut dans les pentes de rive droite du Nant Rouge et que la voûte du cristallin n'est enveloppée que par ses couches triasiques au niveau du col du Joly. Il est ainsi patent que ce bloc de socle cristallin se prolonge, du sud de la crête du col, par celui de la Grande Pierrière : voir la page "col du Joly").
Le versant oriental du col du Joly vu des approches nord du refuge de Tré-la-Tête. éc.m = écaille médiane de l'Aiguille Croche ; éc.h = écaille haute de l'Aiguille Croche ; éc.s = écaille du sommet de l'Aiguille Croche ; éc.V = écaille du Véleray ; éc.st = écaille du sommet du Joly. "rh" = Rhétien : couches de passage Trias-Lias de la succession renversée de l'écaille moyenne aux environs des Besoëns. La charnière synclinale couchée qui y est dessinée traduit plus une interprétation des rapports cartographiques des affleurements qu'une véritable observation. On peut envisager que le Lias de la couverture orientale du bloc autochtone de Montjoie (Tête du Lac de Roselette) se raccordait avant érosion, du côté ouest des affleurements triasiques du co , par celui des écailles de l'Aiguille Croche mais y à été débité en lames imbriquées par l'intervention d'un cisaillement sub-horizontal. Les affleurements liasiques du col (partie renversée de l'écaille moyenne) se rattachent par contre plutôt à la couverture des blocs de socle d'Outray, qui affleurent sur l'autre versant du col (voir la page "col du Joly"). |
En outre on voit se développer dans le vallon du Nant Rouge une grande largeur d'affleurements triasiques, ce qui correspond à une accumulation tectonique à la marge occidentale du bloc de socle cristallin de Montjoie.
Des replis serrés à plan axial presque vertical y sont décrits par J.L. Epard. Or ce matériel triasique émet du côté occidental un prolongement constitué par la lame de cargneules du versant sud de l'Aiguille Croche, qui jalonne la base de l'écaille haute de l'Aiguille Croche (voir ci-après). Son pendage est au contraire peu incliné vers le SE : cette différence d'attitude résulte de ce que les plis du fond de vallon sont serrés entre les blocs de socle alors que ceux de la crête sont entraînés tangentiellement par le glissement de la couverture par rapport au socle (voir le schéma général en page "Megève-Montjoie"). |
Il s'ensuit que les affleurements liasiques, à l'endroit, que l'on trouve de part et d'autre du vallon du Nant Rouge et du col du Joly, savoir ceux de l'écaille haute de l'Aiguille Croche à l'ouest et ceux de la Tête du Lac de Roselette à l'est, se correspondent et pouvaient se raccorder avant que l'érosion ait ouvert le col du Joly : la couverture liasique orientale du bloc de Montjoie peut donc apparaître assez plausiblement comme la "racine* du charriage de l'écaille haute de l'Aiguille Croche, lequel se serait produit par décollement, au sein du Trias gypseux, de la voûte de cet anticlinal de socle.
L'écaille moyenne de l'Aiguille Croche apparaît quant à elle comme la couverture du flanc ouest du bloc de Montjoie, sans doute décalée par l'avancée du flanc oriental de ce bloc. Dans ce contexte il semble que la lame de Rhétien des Besoëns doit être considérée comme un reste de crochon retourné en flanc inverse et entraîné par le chevauchement sous le Trias basal de l'écaille haute ; c'est sans doute cette lame qui se poursuit par la mince bande de calcschistes hettangiens qui existe sous l'écaille haute de l'Aiguille Croche (voir ci-après). |
b) Versant sud-occidental (pentes supérieures de rive droite du bassin du Dorinet).
Ce versant permet d'observer un fait capital pour la compréhension de la structure qui est l'opposition entre le style tectonique du bas versant des sources du Dorinet et celui des crêtes. Le premier est caractérisé par des limites de bloc de socle correspondant à des lames sédimentaires sub-verticales souvent limitées à des cargneules ; le second se caractérise par des strates et des surfaces de chevauchement au contraire sub-horizontales : c'est l'opposition entre infra-structures par serrage horizontal entre blocs et super-structures déplacées par glissement tangentiel au géoïde. Cette modification du bas vers le haut est bien illustré par l'accident médian de Belledonne qui ne se poursuit ainsi vers le haut en se "rabattant" vers l’ouest pour devenir le chevauchement de l'unité du Joly.
Un détail important est la présence, à flanc du versant sud-est de la pyramide sommitale de l'Aiguille Croche, d'une mince lame de Trias épaisse seulement de quelques mètres, principalement formée de dolomies cargneulisés. Comme elle s'intercale entre deux niveaux de couches qui avaient été rapportées au Lias inférieur par les auteurs les plus récents elle avait été interprétée comme le coeur d'un anticlinal couché. En fait on peut plus vraisemblablement y voir le reste complètement effilé du crochon triasique de base de l'écaille moyenne, rebroussé sous le chevauchement de l'écaille haute de l'Aiguille Croche, ce qui correspond plutôt à la rupture du flanc inverse d'un pli-faille* (voir la coupe en fin de page, ainsi que la page "col du Joly").
De fait la disposition des couches porte à penser que la lame triasique de l'Aiguille Croche se raccorde, dans le secteur du "monument funéraire", aux affleurements triasiques du col du Joly. En tous cas, contrairement à ce qu'indique la carte géologique Saint-Gervais, on ne peut donc pas considérer ces derniers comme des klippes flottantes d'une nappe d'origine plus orientale. En réalité ces affleurements se raccordent, plus au sud-est encore, à des amas plus importants de matériel triasique, qui se rattachent finalement à l'enveloppe sédimentaire autochtone des blocs de socle cristallin sous-jacents (voir la page "col du Joly"). |
Sous le sommet de l'Aiguille Croche de forts ravinements permettent de mieux voir l'organisation des couches dans ces abrupts sud-occidentaux. Les observations à distance faites à la jumelle y montrent des froissements (mais pas de charnières de renversement) ainsi que l'existence de surfaces de chevauchement, qui y sont repérables par des biseautages de couches. Il apparaît que l'on peut y distinguer deux, voire trois tranches superposées ("médiane", "inférieure" et "basale"), dont les limites s'observent de façon spécialement probante dans les ravins du descendant immédiatement à l'ouest du sommet mais qui sont difficiles à suivre hors de ce secteur.
La rupture de pente du pied des escarpements correspond à la base des affleurements liasiques. Le talus peu incliné qui lui fait suite appartient à l'unité du Mont de Vorès (= u.V) dont les schistes aaléniens (le plus souvent masqués sous les éboulis) reposent directement sur la lame triasique du col de Véry. Celle-ci s'épaissit ici pour former une grande partie des pentes de Gibloux, puis traverse les pentes des Aiguilles et s'y raccorde aux
affleurements qui enveloppent l'extrémité septentrionale du bloc
cristallin d'Outray occidental (micaschistes chloriteux de la forêt du
Revers).
Or c'est là qu'aboutit, à son extrémité septentrionale, l'accident médian de Belledonne (a.mB) : il apparaît ainsi comme la racine* vraisemblable du chevauchement du Joly qui amène l'ensemble des écailles du chaînon du Joly à repose sur l'ensemble inférieur "du Mont d'Arbois", c'est-à-dire des basses pentes de Megève.
c) Versant nord-ouest de la montagne.
Au dessus du talus aalénien, qui coiffe l'ensemble structural dans laquelle s'ouvre la dépression de Megève, s'étage une succession de vires et de falaises dans laquelle on peut retrouver et suivre les imbrications reconnues sur les deux autres versants et notamment celui sud-occidental de la partie sud du chaînon du Joly.
Le panorama d'ensemble du versant ouest du chaînon (voir la page "Mont Joly") permet de voir globalement que les écailles de l'Aiguille Croche s'abaissent en direction du Mont Joly pour se poursuivre sous la crête, formée par l'Unité du Véleray (qui est la plus basse de celles du Joly).
image sensible au survol et au clic |
Le versant nord-ouest de l'éperon sud-occidental de la montagne, qui se termine au col de Véry après avoir culminé au sommet coté 2283 est assez simple à analyser. Il est caractérisé en premier lieu par l'existence, dans le cirque de l'Ètret, d'une zone de relief mou où est implanté le terminus supérieur des remontées mécaniques. son relief bosselé témoigne de la dislocation de son matériel : de plus elle est ceinturée à l'amont par la jupe d'éboulis qui longe le pied de la falaise et qui y masque une spectaculaire crevasse d'arrachement en la remplissant presque totalement : ce sont là des caractères qui permettent d'y reconnaître sans ambiguité un important paquet glissé.
Pour le reste la crête nord-occidentale elle-même est formée par la barre du Lotharingien - Sinémurien qui s'y allonge presque horizontalement. Elle y prolonge l'écaille inférieure de l'Aiguille Croche et y est coiffée par un mince chapeau hettangien qui représente la base de l'écaille médiane.
Le versant septentrional de l'Aiguille Croche, vu du nord depuis le Petit Croise Baulet. ØJ = surface de base de l'unité du Joly, à Lias calcaire épais, sur celle du Mont d'Arbois, à Lias calcaire peu épais. Cette "unité" est constituée par les écailles imbriqués suivantes : éc.st = écaille du sommet du Joly ; éc.V = écaille du Véleray ; éc.s = écaille du sommet de l'Aiguille Croche ; éc.h = écaille haute de l'Aiguille Croche ; éc.m = écaille médiane ; éc.i = écaille inférieure ; éc.b = écaille basale de l'Aiguille Croche. f.Pj = faille du Pavillon du Joly ; f.L = faille de Lady ; u.mA = unité du Mont d'Arbois ; ØS= chevauchement du Sangle ; ØS? = chevauchement de la Stassaz (prolongement de celui du Sangle ?) ; aut. = succession sédimentaire autochtone. a.fl. (en vert vif) = alluvions fluviatiles (ancienne lave boueuse) ; Li = Lias à prédominance de lits marneux (Hettangien- Sinémurien) ; Lm = Lias à prédominance de bancs calcaires (Lotharingien-Carixien). (voir le panorama complet du chaînon à la page "Megève") |
Par contre la structure des abrupts qui, plus à l'est, culminent à l'Aiguille Croche est plus difficile à décrypter en raison de sa difficulté d'accès et de son exposition au nord qui nuit à son éclairage et donc à sa lecture d'en face. Un trait majeur de leur relief est le dessin en cirque de ces Rochers des Grands Fonds : celui-ci est en fait la niche d'arrachement d'un énorme éboulement dont les matériaux ont fini d'être évacués par la coulée boueuse occupant le fond de vallée à partir et en aval de l'altiport.
En définitive le secteur de l'Aiguille Croche et du col du Joly est particulièrement intéressant en ceci que l'on peut y observer les modalités du passage de la tectonique du socle à celle de la couverture (se reporter à la page d'aperçu tectonique, pour un exposé plus circonstancié sur ce sujet).
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Le raccord entre ces deux domaines s'y accompagne notamment d'une inflexion importante des contacts entre les formations, qui passent d'une disposition sub-horizontale des couches liasiques dans les parties hautes à un pendage sub-vertical des limites couverture - socle dans la partie basse.
Ce changement d'attitude peut être attribué pour partie au ploiement (tardif) de la voûte du massif cristallin de Belledonne - Aiguilles rouges. Mais il est certainement dû aussi, pour une large part, au changement de niveau dans l'édifice structural, qui fait passer de la tectonique du socle, à larges voussures séparées par des cassures sub-verticales, à celle de la couverture où prédominent l'aplatissement et le cisaillement sub-horizontal du matériel sédimentaire (ce style se poursuit en effet bien loin, à l'est de la zone du col du Joly, où s'enracinent les écailles imbriquées du chaînon du Joly). |
Documents d'analyse structurale concernant le chaînon du Joly : voir la page "Mont Joly détails". |
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Hauteluce, Vorès | LOCALITÉS VOISINES | col du Joly |
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Aiguille Croche |
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