La Prouveyrat, La Pousterle

terminaison sud-orientale du chaînon du Chaillol, en rive droite du Drac

Les deux sommets mineurs de La Prouveyrat et de La Pousterle accidentent l'arête orientale du chaînon de Soleil Bœuf avant qu'elle se termine du côté est, tranchée, à partir de la Croix de l'Estang, par la vallée du Drac Blanc. Le sommet de la Prouveyrat tombe directement, du côté nord, sur le ravin du Tourond par des abrupts quasi continus qui sont presque entièrement constitués par l'épaisse succession de Grès du Champsaur (voir cliché plus loin dans la page), tandis que celui de La Pousterle se greffe en retrait sud de la crête (dont il est séparé par le petit vallon de Clot Lamiande).

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Le vallon du Tourond, vu depuis les pentes de sa rive gauche (cliché original obligeamment communiqué par Mr. Daniel Cayron).
ØuD = surface de chevauchement des écailles ultra-dauphinoises de Soleil Bœuf ; DN = surface de discordance des calcaires nummulitiques.

Du côté méridional ces deux sommets dominent, par des pentes dans l'ensemble modérées, la combe d'alpages de la Bonne Herbe, qui se développe au nord du village des Richards (voir la page "Pont du Fossé").

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Le versant méridional de la crête de la Prouveyrat, vu du sud depuis les pentes septentrionales de la Petite Autane.
ØuD
= chevauchement ultra-dauphinois principal (de l'écaille de matériel mésozoïque de Soleil-Boeuf) ; ØB = chevauchement précoce de l'écaille de nummulitique (disposée à l'endroit) de La Baume et de Clot Lamiande. ; ØP = chevauchement (tardif) de l'écaille composite de la Pousterle.
Nss = schistes supérieurs du flysch nummulitique (passant aux grès du Champsaur sous-jacents par des faisceaux de bancs gréseux espacés).

Cette combe entaille de ses ravins du matériel charrié ultra-dauphinois marneux (assez largement masqué sous des placages de dépôts glaciaires) ; le substratum autochtone de ces couches (Grès du Champsaur) réapparaît du côté sud-oriental de cette combe, au NE de Pont du Fossé, où il forme l'escarpement des Reynauds, au dessus duquel la combe est suspendue en rive droite de la vallée du Drac.

Pour l'un comme pour l'autre de ces sommets leur partie culminante comporte un chapeau de matériel jurassique, coiffé de Nummulitique, qui se rattache au chapelet des klippes* de l' écaille ultra dauphinoise de Soleil Bœuf. Ces petites klippes reposent sur les Grès du Champsaur autochtones par l'intermédiaire d'un niveau de schistes pélitiques qui ont par places l'aspect de Terres Noires, car ils sont riches en débris de ce matériel, mais qui contiennent des petits lits de grès : il s'agit sans doute d'un olistostrome*, correspondant au terme ultime de la sédimentation nummulitique, associé à l'avancée "humide" de cette écaille*, sur les sédiments en cours de dépôt.

 C'est sans doute aussi par un tel processus de glissement synsédimentaire qu'il faut expliquer la présence de la puissante dalle de calcaires nummulitiques qui forme le rocher de la Baume et qui repose à l'endroit sur ces schistes pélitiques du sommet de la série nummulitique.

A/ La structure de la klippe de la Prouveyrat est la plus simple : on y voit , sous un chapeau de grès nummulitiques, des Terres Noires qui s'imbriquent sur une lame, à l'endroit, de calcaires nummulitiques (elle-même posée sur des schistes nummulitiques supérieurs).

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 La pointe de la Prouveyrat et les abrupts de rive droite du ravin du Tourond
vue de l'est, depuis le point coté 2331 sur la crête de Clot Lamiande.

ØuD = chevauchement principal des écailles "ultra-dauphinoises" de Soleil-Boeuf.
N Sch.sup. = schistes supérieurs du flysch nummulitique.

Cette vue montre l'aspect stratonomique (= organisation en strates) caractéristique du flysch* typique que sont les Grès du Champsaur : les alternances régulières de bancs de grès et de schistes argileux y sont accidentées de gros bancs de grès ou de vires schisteuses plus épaisses.

Cette lame de calcaires nummulitique semble bien représenter le prolongement de celle de la barre de La Baume et les Terres Noires être le prolongement de celles de la pyramide sommitale de La Pousterle ( voir plus loin).

B/ La structure de détail de la Pousterle se révèle beaucoup plus complexe. Son analyse, à la faveur de la bonne coupe de son versant ouest, montre qu'elle porte, en première évidence, des traces de mouvements de chevauchement vers le nord par le jeu d'une faille inverse à surface assez plane, le chevauchement de la Pousterle.
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Le versant occidental de la Pousterle
vu sud-ouest depuis le sommet du Palastre.
ØuD = chevauchement précoce de l'écaille ultra-dauphinoise de Soleil-Boeuf (ici = Terres Noires sur grès nummulitiques) ; ØB = chevauchement précoce de l'écaille de nummulitique (disposée à l'endroit) de La Baume (et de Clot Lamiande) ; ØP = chevauchement (tardif) de l'écaille de la Pousterle ; Ø? = faille inverse basculée (énigmatique) ; ØPa = chevauchement du Palastre (prolongement éventuel) ; s.cL = synclinal du Clot Lamiande ; f.e = faille extensive (voir cliché de détail plus loin).
Nss = schistes supérieurs du flysch nummulitique (passant aux grès du Champsaur sous-jacents par des faisceaux de bancs gréseux espacés).



Coupe interprétative (extraite Gidon et Pairis 1980, publication n° 089, détails et présentation retouchés).
1 = Terres Noires ; 2 = Argovien ; 3 = Séquanien ; 4 = Tithonique ; 5 = Calcaires à Nummulites ; 6 = calcaires argileux nummulitiques ; 7 = grès du Champsaur (y inclus les niveaux de "schistes supérieurs").


En fait l'analyse plus détaillée de cette structure montre qu'elle résulte nécessairement de plusieurs étapes de déformation que l'on peut essayer de simplifier en les ramenant à deux principales :

- Dans une première étape une lame de calcaires et de marnes nummulitiques a été traînée, à l'endroit, sur les grès du Champsaur qu'elle recoupe en biseau, par un chevauchement de la Baume (ØB), lequel s'est vraisemblablement mis en place à peu près dans la même étape par le jeu du chevauchement ultra-dauphinois (ØuD).

- Dans une étape ultérieure l'ensemble a été reployé en un synclinal d'axe E-W, déversé vers le nord, le synclinal de Clot Lamiande (s.cL) qui tord la lame de calcaires nummulitiques de la Baume et sa surface de chevauchement. Le flanc oriental du synclinal est alors rompu par la surface très plane du chevauchement de la Pousterle (ØP), selon une géométrie qui suggère que le synclinal soit un crochon induit par ce chevauchement.

Mais un examen plus fouillé met en évidence plusieurs complications dont les interprétations sont ambiguës.

 En premier lieu, on voit que ce chevauchement de La Pousterle a affecté non seulement les grès nummulitiques de l'autochtone, mais aussi le matériel jurassique charrié, rapportable à l'écaille ultra-dauphinoise de Soleil Bœuf, qui affleure dans les pentes nord et ouest de la pyramide sommitale : il semble donc avoir fonctionné après la mise en place de cette écaille de Soleil Bœuf.

D'autre part le caractère franchement tectonique du chevauchement de la Baume n'est pas évident. Cette écaille intermédiaire précoce, antérieure au chevauchement de la Pousterle, a fort bien pu s'être mise en en place par un glissement contemporain du charriage ultra-dauphinois, éventuellement même par glissement en olistolite durant les derniers dépôts nummulitiques.

Enfin diverses complications affectent la pyramide sommitale de la Pousterle :
- les bancs de grès très redressés qui surmontent le chevauchement de la Pousterle sont tranchés par un contact discordant, jalonné de copeaux de calcaires nummulitiques, au dessus duquel s'intercale un paquet de Terres Noires ; la position de ce contact, vraisemblablement tectonique, suggère qu'il pourrait (?) représenter le prolongement du chevauchement ultra-dauphinois ØuD ;
- une faille inclinée vers le nord (Ø?) isole enfin les grès du sommet lui même, qui sont donc en situation de klippe : cette faille semble bien redoubler la succession sous-jacente et donc avoir un rejet compressif à vergence nord, mais la raison pour laquelle sa surface pend dans cette même direction est énigmatique.



un détail de l'arête sud de la Pousterle (altitude 2000 au dessus de la cabane de la bonne Herbe) vu de l'ouest, depuis le sentier de La Baume (coin inférieur droit du cliché d'ensemble).
Le Mésozoïque qui chevauche sur les Grès du Champsaur par le chevauchement de la Pousterle est affecté de diverses complications de détail : on voit ici une faille extensive (F) qui abaisse son compartiment méridional (droit) et, dans ce dernier, le repos des calcaires nummulitiques sur le Tithonique (dont les bancs sont plus fortement pentés que la surface de discordance D)

C/ À son extrémité nord-orientale, au delà de La Pousterle, la crête de Soleil-Bœuf se partage en deux par l'ouverture de la petite combe de Clot Lamiande : on peut qualifier cette dernière de "combe suspendue" car elle est limitée du côté aval (nord-oriental) par les abrupts qui tombent, en rive droite du Drac Blanc sur le hameau du Clapier (entre Les Gubias et Les Borels).
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Les abrupts de rive droite du Drac Blanc à la latitude du Clot Lamiande, vus du sentier du Roc d'Alibrandes, 60 m. en contrebas ouest du sommet.
ØuD= chevauchement ultra-dauphinois principal (écaille de matériel mésozoïque de Soleil-Boeuf) ; ØB = chevauchement précoce de l'écaille de nummulitique de La Baume et de Clot Lamiande. ; ØP = chevauchement (tardif) de l'écaille de la Pousterle : il recoupe et décale les deux précédents ; s.cL = synclinal du Clot Lamiande ; s.C = synclinal du Clapier (flanc SE du synclinal de Méollion rebroussé en crochon sous le chevauchement de la Pousterle) ; f.C = faille verticale, NW-SE du Clapier.
Nss = schistes supérieurs du flysch nummulitique (interstratifiés dans les grès du Champsaur supérieurs).

Cette combe est ouverte dans les grès interstratifiés de pélites du sommet de la série nummulitique (disposés à l'endroit) et du côté aval dans des marno-calcaires nummulitiques (de la base de cette série). Or ces marno-calcaires reposent normalement (donc à l'endroit) sur une dalle de calcaires nummulitiques (discontinue du côté nord-ouest) qui repose à son tour sur les schistes pélitiques du sommet de la succession nummulitique.
Ce dernier contact, bien qu'apparemment stratigraphique, est nécessairement tectonique : ici comme à l'ouest du sommet, on retrouve une klippe de matériel nummulitique reposant sur le sommet de la série par le jeu d'un chevauchement dans lequel on reconnaît les mêmes caractères que possède celui de la Baume.

En outre les couches de cette écaille tectonique occupent le cœur d'un synclinal de Clot Lamiande, déversé vers le nord-ouest et d'axe NE-SW. Ce pli est surtout dessiné par les calcaires nummulitiques que l'on voit s'enfoncer vers le SW sous le chapeau chevauchant de La Pousterle, à l'évidence pour rejoindre au delà la barre nummulitique de La Baume qui montre d'ailleurs la même géométrie synclinale (voir plus haut). Or ce pli affecte également les grès du Champsaur sur lesquels repose la dalle calcaire, et donc également sa surface de chevauchement : cette dernière, reployée par le synclinal, est donc antérieure au jeu du chevauchement de la Pousterle.

 L'ensemble de ces faits implique en définitive que, avant qu'intervienne la compression qui est responsable de ces deux accidents à vergence NW, des panneaux de matériel provenant de la base de la succession nummulitique s'étaient détachés d'un secteur voisin pour se mettre en place ici, sans doute par glissement en milieu humide lors de la fin de la sédimentation des grès du Champsaur.


 Les chevauchements complexes de La Pousterle prolongent en fait, de ce côté ouest du Champoléon, le dispositif décro-chevauchant de la faille de Méollion qui affecte le versant opposé. Il n'est donc pas surprenant que les complications de sa géométrie montrent que son fonctionnement a également dû avoir une histoire polyphasée.

 

voir l'aperçu général sur le Champoléon

Pour plus de données consulter la publication n° 089


cartes géologiques à 1/50.000° (*) à consulter : feuille Orcières


Carte géologique simplifiée du Champsaur oriental et du Bas Champoléon
redessinée sur la base de la carte géologique d'ensemble des Alpes occidentales, du Léman à Digne, au 1/250.000°", par M. Gidon (1977), publication n° 074 .


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