DONNÉES STRUCTURALES |
a- MÉTAMORPHISME |
REGIONS NATURELLES
Le territoire couvert par la feuille se partage en quatre grands domaines structuraux dont les limites sont orientées N.NW - S.SE, de façon sensiblement parallèle à l'une des diagonales de la carte; ce sont, du Sud-Ouest au Nord-Est :
-le massif cristallin autochtone de l'Argentera, sa couverture autochtone mésozoïque et tertiaire et sa pseudo-couverture exotique constituée principalement par la nappe du Flysch à Helminthoïdes;
-la zone des chaînons calcaires briançonnais sensu lato (y compris les unités subbriançonnaises), formant la grande dorsale montagneuse entre Stura et Maïra;
-la zone permo carbonifère briançonnaise (parfois qualifiée de " zone axiale ") formée en quasi-totalité de terrains siliceux d'axe antérieur au Trias moyen;
-la zone des schistes lustrés, traversée, dans l'angle nord-est, par le cours inférieur des affluents de la Maira.
UNITES TECTONIQUES ET STYLE DES DÉFORMATIONS
1 - Autochtone
Il dessine, autour du massif de l'Argentera (qui en constitue le socle anté-triasique), une vaste coupole à allongement N 130° E.
En ce qui concerne les déformations alpines, le fait structural majeur est l'existence d'un système de failles NW-SE dont les rejets comportent une composante verticale (contribuant au soulèvement de la coupole cristalline); une composante horizontale dextre d'ampleur kilométrique est au moins très vraisemblable en ce qui concerne la principale de ces failles ou faille de Bersézio ; celle-ci affecte toute l'épaisseur de l'Autochtone et au moins la partie basse de l'édifice des nappes. La faille du Colle di Stau affecte le Cristallin et son tégument triasique, qui s'y trouve pincé; elle ne se poursuit pas directement dans la couverture post-triasique par contre.
Deux structures plissées seulement affectent cet Autochtone:
-en haute Tinée le synclinal de Tortisse, recouvert par une écaille cristalline chevauchante vers le Sud. Cette structure, ne traversant pas les failles NW-SE, apparaît soit comme antérieure à elles, soit, plus probablement, comme contemporaine de leur fonctionnement (et liée au mouvement coulissant dextre dans le cadre d'un raccourcissement N-S).
-en haute Stura, à l'Est de Sambuco, l'anticlinal du monte Nebius, plongeant vers le N.NE (rétrodéversement). Cette structure, connue plus au Sud-Est jusqu'au delà de la vallée du Gesso (Entracque) tout au long de la bordure nord de l'Argentera, semble dysharmonique par rapport au socle cristallin; elle intéresse également les unités allochtones et apparaît donc comme tardive (au moins par rapport aux phases principales de charriage du Briançonnais).
Les structures du socle cristallin, antérieures au cycle alpin, sont orientées à peu près parallèlement à l'axe actuel d'allongement du massif de l'Argentera (NW-SE). On peut y distinguer deux grands ensembles séparés par une zone d'écrasement antétriasique (mylonite du colle della Valletta, feuille Saint-Etienne-de-Tinée):
-un complexe oriental (Complexe de Châtillon-Valmasque, A. Faure-Muret) fortement migmatisé mais rétromorphosé (chloritisation généralisée);
-un complexe occidental (Complexe de la Tinée, A. Faure-Muret) non rétromorphosé et possédant un type métamorphique de haute pression (disthène-sillimanite).
Le complexe oriental était considéré (A, Faure-Muret) comme plus ancien (antécambrien) et repris dans le cycle métamorphique de la Tinée (peut-être hercynien). Cette interprétation est controversée en raison des âges de 210 MA fournis par les migmatites du complexe oriental (R. Malaroda). D'autre part le type de métamorphisme (haute pression) du complexe occidental est différent de celui de l'Hercynien des autres massifs cristallins externes des Alpes: certains (P. Vialon) envisageraient de comparer ce complexe occidental au complexe ancien à faciès granulitique du " noyau " du Pelvoux.
Les structures du complexe occidental sont étudiées par S. Bogdanoff qui en donne la description suivante: " le complexe occidental est formé de deux ensembles lithologiques différents, superposés tectoniquement: les migmatites d'Anelle-lglière et les migmatites et gneiss de Rabuons, La tectonique la plus ancienne visible est matérialisée par les plis d'amplitude moyenne décimétrique, synchisteux. La structure suivante, post-schisteuse, est un pli couché pennique déversé au Nord-Est d'amplitude kilométrique. Un épisode de tectonique cisaillante fait suite à cet épisode de tectonique souple: il est bien visible dans les gneiss leucocrates massifs à biotite . L'ensemble est ensuite déformé une nouvelle fois par des plis au style complexe, centimétriques à hectométriques, accompagnés par une linéation coaxiale pénétrative. Puis des plis en Z, d'amplitude métrique moyenne, succèdent aux plis en U. Enfin une déformation souple, à vaste rayon de courbure et dont l'axe de pli plonge fortement, achève le cycle des déformations anté-alpines ".
2 - Unités briançonnaises
Elles constituent les éléments d'un dispositif fondamentalement imbriqué mais secondairement plissé (axes NW-SE) et fracturé (notamment par des accidents longitudinaux par rapport à la bande d'affleurement, c'est-à-dire NW-SE).
On a coutume d'y distinguer trois groupes:
- un groupe inférieur, externe, dit subbriançonnais dont la caractéristique principale est de posséder une série stratigraphique qui débute seulement au Trias supérieur: les terrains y présentent dans l'ensemble une grande plasticité, favorable aux replis multiples.
On peut y distinguer trois unités superposées
dont les séquences stratigraphiques sont assez différentes
(fig. 1). Ce sont de bas en haut (de la plus externe à
la plus interne) (M. Gidon, 1972):
. l'Unité du monte Salé
. l'Unité de la Piconiera
. l'Unité du monte Giordano
- un groupe moyen ou " Briançonnais calcaire proprement dit ", qui se caractérise par le développement d'une ossature de Trias moyen calcaréo-dolomitique. Ceci lui impose un style tectonique assez rigide avec de larges voûtes ou d'épaisses lames redressées (dans le détail les replis et les fractures sont nombreux néanmoins). Toutes ses unités semblent appartenir à une nappe unique, ou nappe de Sautron, clivée accessoirement en digitations que rien ne distingue particulièrement les unes des autres du point de vue stratigraphique. Les surfaces de chevauchement empruntent souvent le niveau de décollement du Werfénien supérieur mais une semelle siliceuse permo-werfénienne est souvent entraînée à la base des unités.
De bas en haut on y reconnaît trois unités (M.
Gidon, 1962):
. une nappe de Rocca Peroni à laquelle il faut sans
doute rapporter l'unité de la cima di Test et du monte
Omo;
. une nappe du Haut Rouchouze formant l'essentiel des montagnes
de Larche; il est probable que l'on doit lui rattacher l'Unité
de Tête Dure (compte tenu du rejet de la grande faille du
Ruburent qui isole cette dernière de la masse principale
de la nappe);
. une nappe de Sautron proprement dite, surtout représentée,
plus au Nord, sur la feuille Aiguille - de - Chambeyron. Elle
constitue ici la grande arête calcaire subverticale qui
court du monte Freid au Becco Grande par le Bric Cassin, le Monte
Cassorso et surtout Rocca la Meja; on lui rattache également
la belle klippe de la Tête de Moïse.
Ces trois unités sont ployées en un vaste anticlinal
d'axe NW-SE, à plongement axial vers le Nord-Ouest (anticlinal
de Rocca Peroni) et s'enracinent du côté nord-est
dans une zone subverticale et même renversée au Nord-Est.
- un groupe interne ou " zone permo - carbonifère
", où les terrains calcaires mésozoïques
et tertiaires sont pratiquement absents (sauf dans la bande
de Chialvetta, à valeur synclinale, qui se termine
par effilement vers l'Est, avant d'atteindre la vallée
de Preit).
La rigidité du matériel lui confère un style
en large voûtes ou en dalles rigides le plus souvent déversées
vers le Nord-Est. Une structure en nappes superposées,
secondairement replissées, s'y décèle également
mais la distinction des unités y est plus délicate
et leur coordination en grandes nappes n'y est guère possible.
Il est probable que ces " nappes siliceuses " sont venues
chevaucher les nappes calcaires du groupe moyen comme l'indique
la klippe siliceuse de l'Auta Vallonasso qui repose sur la nappe
de Sautron.
Il est certain, du point de vue paléogéographique
notamment, que cette zone réunit des affleurements qui
appartenaient à deux domaines différents au Trias
et au Jurassique, savoir :
. un briançonnais " classique " avec Trias
moyen bien développé: la bande calcaire de Chialvetta
y représente le dernier témoin important de cette
couverture calcaire qui, décollée en nappes de sa
semelle siliceuse, constitue vraisemblablement les unités
de la haute Ubaye (feuilles Aiguille-de-Chambeyron et Embrun)
et notamment les diverses digitations constituant la nappe de
Peyre-Haute au sens large;
. La zone d'Acceglio, avec Trias moyen érodé
dès le Jurassique supérieur, à laquelle se
rattachent les affleurements du bord nord-est de la zone permo-carbonifère
(Rocca Corna, à l'Ouest de Canosio; massif de la Punta
Tempesta entre vallone di Marmora et val Grana).
Si ces deux domaines sont clairement séparés par
des accidents tectoniques dans le cadre de la feuille Aiguille-de-Chambeyron,
il n'en est plus de même ici : par raison de continuité
structurale la limite orientale de la bande de Chialvetta doit
constituer la frontière entre ces deux domaines mais il
est difficile de préciser la trace de sa prolongation vers
l'Est; d'autre part des séries de type Acceglio s'observeraient
(R. Lefèvre) jusqu'au bord méridional de la zone
permo-houillère, à la Rocca la Verde, en rive gauche
de la vallée del Preit. On peut donc envisager soit que
ces deux zones cessent d'être distinctes soit que leurs
terrains soient ici intriqués tectoniquement.
3 - Unités piémontaises
Elles affleurent en deux groupes, respectivement à
l'angle nord-est du territoire de la feuille (Schistes lustrés)
et à son bord ouest (flysch à Helminthoïdes);
les relations initiales entre ces deux groupes d'unités
sont inconnues bien que l'on suppose fréquemment que les
flyschs à Helminthoïdes aient pu représenter
la couverture des schistes lustrés, avant d'être
charriés plus loin qu'eux vers le Sud-Ouest, par dessus
le Briançonnais et l'Autochtone. Toutefois une origine
encore plus orientale," ultra-piémontaise ",
est de plus envisagée aussi pour ces unités.
A/ Unités de Schistes lustrés.
On y distingue deux complexes, superposés par un cisaillement
à cargneules fréquentes, désignés
par A.Michard (1967) sous le nom d'Unité III (inférieure)
et Unité IV (supérieure, supportant le Briançonnais
rétrocharrié).
En fait, on est conduit à voir dans ces Unités un
empilement de termes hétérogènes, séparés
par des contacts anormaux précoces donc peu visibles, et
à regrouper ces termes en trois ensembles lithostratigraphiques
(F. Schumacher, 1972; A. Michard et F. Schumacher, 1973):
-Série de Narbona, ensemble fossilifère et
continu, en série généralement normale, à
la base de l'Unité III; au-dessus de dolomies triasiques
épaisses, elle comporte des Schistes lustrés calcaires
à brèches calcaréo-dolomitiques. Vers le
milieu de la série: Ammonites du Pliensbachien inférieur;
il est peu probable que la série dépasse le Lias
moyen-supérieur. Elle affleure peu en dehors des limites
de la feuille et peut être comparée à la Série
du Gondran, du Queyras.
-Série ophiolitifère supérieure, ensemble
de terrains plus ou moins disjoints mais susceptibles de dériver
d'une série unique, comparable à la Série
de Chabrière, en Queyras ou à ses équivalents
corses et apenniniques. Outre des ophiolites (empruntées
à une croûte océanique 7), on y trouve des
Schistes lustrés d'âge probable Malm- Eocrétacé.
Ces terrains constituent un faisceau supérieur, essentiellement
à l'endroit, discontinu et coincé sous le Briançonnais
(Punta la Piovosa) et un faisceau inférieur, essentiellement
renversé, développé au monte Festa et à
S. Giovanni-di-Canosio. Vers l'Ouest, leur présence est
possible vers le haut de l'Unité III (M. Plum).
-Série intermédiaire, dont les termes métasédimentaires
ont en commun une grande richesse en éléments détritiques
siliceux, avec des éléments dolomitiques parfois
énormes (olistolites), quelques niveaux d'ovardites (Piovosa)
et peut-être d'autres roches vertes ? (M. Plum, hors la
carte). D'origine énigmatique, ces terrains ne sont pas
datés; ils forment un faisceau apparemment anticlinal entre
les précédents, dans l'Unité IV (Tolosano),
et sont bien développés aussi au toit de l'Unité
III (Marmora).
B/ Unités de flyschs à Helminthoïdes.
Elles sont à rapporter à deux nappes distinctes
(C. Kerckhove, 1969) séparées par un chapelet de
copeaux tectoniques, parfois minuscules, ou " écailles
de base de la nappe du Parpaillon ":
-la nappe du Flysch à Helminthoïdes de l'Autapie,
inférieure , affleure médiocrement sur la feuille
(cime de Voga et Tête de l'Alpe en haute Tinée, Lauzanier
et vallon de Pourriac); elle s'y présente dans un état
très disloqué (Flysch dissocié);
-la nappe du Flysch à Helminthoïdes du Parpaillon
forme un ensemble beaucoup plus cohérent qui se développe
largement dans le massif du Lauzanier, au Sud-Ouest de l'Ubayette:
il est affecté de nombreux plis, souvent couchés
et presque isoclinaux, dont les coeurs anticlinaux sont marqués
par les schistes pourpres de son "Complexe de base".
Un certain nombre de ces plis présentent une direction
axiale NE-SW, complètement oblique par rapport à
la limite du flysch à Helminthoïdes et du Briançonnais.
Coupes d'ensemble extraites de la feuille Larche à 1.50.000° (B.R.G.M., 1978) (marge inférieure de la carte).