Structure et histoire géologiques du plateau de Champagnier |
Le plateau de Champagnier est un ensemble de couches caillouteuses anciennes (quaternaires) que l'érosion tant fluviatile que glaciaire a isolé et conservé à une altitude moyenne de 400 m environ, soit donc 200 m au dessus de celle de l'agglomération grenobloise. Ce plateau est limité au Nord et à l'Est par des reliefs calcaires qui donnent aussi la côte isolée de Champagnier - Montavie.
Les reliefs calcaires
Ce sont des calcaires marneux d'âge jurassique
inférieur à moyen appartenant à la couverture
sédimentaire du massif de Belledonne, ce qui explique que
les couches soient inclinés vers l'WNW. Leur âge
augmente d'Ouest en Est : la côte Saut du Moine Champagnier
- Montavie est jurassique moyen (170 millions d'années),
les reliefs de Montchaboud Crêt d'Uriage du Jurassique
inférieur (ou Lias, 190 Ma). Ces calcaires se débitent
en schistes, la schistosité masquant souvent l'ancienne
stratification. Ce débit est la conséquence de l'écrasement
des couches au cours du plissement alpin.
Les crêtes sont séparées par des couches plus
marneuses que l'érosion glaciaire a fortement entaillées
et que les alluvions caillouteuses ou les moraines masquent complètement.
Les terrains quaternaires
Pour comprendre l'histoire de leur dépôt, il est
indispensable de rappeler auparavant les grands traits de l'histoire
géologique de la région au Quaternaire (voir
le tableau chronologique ci-après).
Deux grandes glaciations alpines y sont connues, celle du
Riss (qui se termine vers - 100 000) et celle du Würm (-
70 000 à - 20 000). Elles sont séparées par
un interglaciaire de 30 000 ans, où les glaciers avaient
quitté le bassin de Grenoble qui était devenu un
lac comparable au lac de Côme actuel. Le Würm comprend
quatre stades :
Le Würm 1 : humide et froid, mais au cours duquel
les glaciers n'atteignent pas encore la région grenobloise.
Ses conditions y prolongent donc, en plus froid, celles de l'interglaciaire
Riss-Würm.
Le Würm 2 : très froid, correspond au maximum
d'avancée glaciaire. La cuvette grenobloise est donc envahie
jusqu'à une altitude de l'ordre de 900 m et ce jusque vers
- 45 000 ans environ. Le glacier recule ensuite et quitte la région
grenobloise après l'avoir surcreusée. Le Grésivaudan
devient à nouveau un lac qui est ensuite comblé
d'alluvions fluvioglaciaires.
Le Würm 3 : moins froid mais humide et très
long, il voit une nouvelle avancée glaciaire dans les vallées
de la Romanche et de l'Isère, avancée qui se limite
à des altitudes ne dépassant pas la cote 400.
Le Würm 4 : nouvelle et dernière poussée
du froid qui n'a pas de conséquences sensibles sur l'extension
glaciaire dans la région grenobloise, plus ou moins lacustre
et progressivement envahie par les alluvions fluvioglaciaires
de la plaine actuelle.
L'essentiel des terrains quaternaires constituant
le plateau de Champagnier est représenté par des
cailloutis à galets arrondis emballés dans
une matrice sableuse grossière, le tout disposé
en couches horizontales plus ou moins continues et régulières.
On peut les observer dans de bonnes conditions le long de la petite
route qui part du Saut du Moine et monte à Champagnier
en passant au dessus de l'usine électrochimique, ainsi
que dans la carrière d'Eybens, au départ de la route
rejoignant Bresson..
Il s'agit d'alluvions fluvioglaciaires qui ont comblé l'ombilic
lacustre de Grenoble (car on en trouve des traces en d'autres
points que le plateau de Champagnier). Elles ont été
apportées par les eaux de fonte des glaciers de l'Isère
et de la Romanche et leur volume implique le recul d'un glacier
important qui ne pouvait donc être que celui du Würm
2. On peut donc les attribuer à l'interglaciaire W2-W3
(qui se situe autour de 35-45 000 ans).
En revanche, ce qu'il y a au dessous d'eux est plus difficile à interpréter et à dater, à savoir les argiles d'Eybens. Pour comprendre leur position, il faut partir de la carrière d'Eybens (fig.1).
Les argiles varvées de type Eybens se
rencontrent aussi, ici et là, dans tout le Grésivaudan,
de Tullins à Montmélian et montrent des épaisseurs
de l'ordre de 300 à 350 m. Les varves annuelles étant
de 0,5 à 1 cm, leur empilement implique une durée
de dépôt de l'ordre de 30 à 70 000 ans. On
les attribue donc à l'interglaciaire Riss-Würm,
(probablement prolongé par le Würm 1 jusque vers
50 000), interglaciaire au cours duquel la région
grenobloise était en effet un lac. Le ravinement qui les
sépare des sables et cailloutis sus-jacents (voir fig.
1) correspond à une longue période d'érosion
ou de non-dépôt par suite du stationnement du glacier
würmien.
A une exception près toutefois : il existe, en un seul
point du plateau de Champagnier, une moraine ancienne que l'on
pourrait rattacher à l'un des épisodes glaciaires
de cette longue période d'érosion ou de non-dépôt.
Cet affleurement se situe sur le bord ouest du plateau, à
la base du Bois de Marcelline, là où il atteint
la voie ferré (fig. 2). On y voyait jadis une argile bleue
sombre, compacte, non varvée, à cailloux striés.
Elle est désormais masquée par les éboulements
des cailloutis sus-jacents. Sa nature argileuse pourrait la faire
considérer comme une moraine de fond (c'est-à-dire
déposée sous le glacier). On l'attribue au Rissien
mais elle pourrait aussi être du Würm 2. Ses relations
avec les argiles d'Eybens ne sont malheureusement pas visibles.
Les moraines supérieures (Würm
3). Elles
appartiennent au glacier de l'Isère et à celui de
la Romanche qui sont redescendus dans la région vers 35
000.
Les moraines iséroises s'observent au débouché
de la combe d'Eybens, surtout en rive droite, au camp de Poisat.
Les moraines romanchoises n'existent sur le plateau de Champagnier,
ainsi que dans les vallées mortes de la Basse Jarrie et
de Vaulnaveys. Sur le plateau, et contrairement à ce qu'indique
la carte géologique (feuille Vif, 50000e), elles forment
seulement des placages discontinus, notamment autour de l'étang
de Jarrie, ceinturé au NW par un véritable arc morainique.
Par ailleurs, ces placages se limitent à la région
de Champagnier même, d'altitude moyenne 400 m, donc plus
bas (60 m environ) que le plateau de Brié qui est, lui,
dépourvu de moraines.
La disposition des vallums morainiques des environs de Champagnier
montre qu'ils ont été déposés par
une langue glaciaire tardive qui remontait de la Romanche par
la vallée morte de la Basse Jarrie. A son débouché
sur le plateau, cette langue glaciaire a raboté le secteur
de Champagnier qui s'est ainsi trouvé abaissé par
rapport au secteur de Brié sur lequel le glacier n'a pas
pénétré.
Du bord Nord de cette langue glaciaire sortaient des torrents
d'eau de fonte qui ont creusé de petites gorges descendant
vers l'ombilic de Grenoble, gorges devenues sèches après
la disparition de la calotte glaciaire stationnant à l'emplacement
de l'étang de Jarrie. Certaines de ces vallées mortes
arrivent jusqu'à la plaine actuelle (et même se prolongent
au dessous) comme la Grand Combe, tandis que d'autres restent
suspendues (ravin de la Gouderie, vallons de l'Oratoire et de
Bresson, terminés par de petits cônes de déjection
également fossiles). La raison en est que le niveau de
base où elles aboutissaient pouvait être soit le
glacier de l'Isère dont la surface devait avoisiner 250
m, soit le lac qui lui a succédé, à une cote
plus basse.
Sur sa marge Est, la langue glaciaire de Champagnier-Jarrie donnait
aussi naissance à des écoulements qui ont creusé
deux vallons (morts, une fois de plus), le premier joignant le
golf de Bresson au village de même nom (vallon de Jolie-Vache),
le second, d'abord moins marqué, que suit la D 112 jusqu'à
Tavernolle, mais qui s'approfondit ensuite dans la Combe d'Eybens
où il reçoit les eaux drainant le bassin d'Herbeys.
Vallée de Vaulnaveys-Uriage
Elle est extérieure au plateau
de Champagnier mais a participé à l'histoire de
son cadre géologique et mérite donc un bref développement.
C'est encore une vallée morte, aménagée par
le glacier würmien à son maximum. A ce stade, se déposaient
partout des moraines que l'on retrouve encore, en hauteur, sur
le versant oriental de la vallée, de St Martin d'Uriage
à Belmont (au dessus de Vaulnaveys), et en quelques points
du versant ouest (Villeneuve, Haut Brié). Au niveau d'Uriage,
le glacier würmien provenait de la soudure d'une langue dépendant
du glacier de l'Isère, langue qui occupait la vallée
du Sonnant, et d'une autre langue dépendant, elle, du glacier
de la Romanche et qui occupait la vallée de Vaulnaveys.
Plus importante que celle de l'Isère, elle s'avançait
jusqu'au hameau de Villeneuve, dominant la gorge du Sonnant, où
les cailloux de la moraine sont typiques du glacier de la Romanche.
A la décrue, ces deux langues se sont séparées
: on voit encore à la sortie sud d'Uriage les moraines
frontales abandonnées par la langue de Vaulnaveys.
Au Würm 3, le glacier de la Romanche a réoccupé cette vallée et l'a remontée jusqu'aux Guichards où existe un petite arc morainique presque complet. Mais le rempart liasique de la côte de Montchaboud ne lui a pas permis de déborder sur le plateau de Brié. Tout au plus la surface du glacier pouvait-elle atteindre la trouée de Brié Bas, envoyant ainsi des écoulements diffus sur le plateau de Brié. La brèche de Brié Bas est donc un seuil où se mélangent des produits morainiques variés, appartenant au Würm 3 (arc morainique des Guichards) et au Würm 2 (moraines résiduelles de Haut Brié).
On peut résumer la structure géologique du plateau de Champagnier par la figure 2.
Histoire géologique du plateau de
Champagnier
(voir le tableau chronologique,
fig. 3, ci-après)
Replaçons-nous par la pensée
à 40 ou 45 000 ans de nous. Le glacier du Würm 2 a
reculé et nous sommes dans l'interglaciaire qui a suivi.
La cuvette grenobloise est remplie par des alluvions fluvioglaciaires
(les cailloutis de Champagnier) apportées par les eaux
de fonte des glaciers de l'Isère et de la Romanche qui
ont comblé l'ombilic lacustre de Grenoble.
Vers 35 000, une nouvelle période froide commence,
le Würm 3. Ces deux glaciers redescendent dans le bassin
grenoblois et, comme aux stades précédents, surcreusent
les alluvions qui le remplissent, en épargnant le secteur
du futur plateau de Champagnier qui va donc apparaître comme
une sorte de terrasse résiduelle dominant le glacier.
Le glacier de la Romanche, mieux alimenté
que celui de l'Isère par sa proximité des reliefs,
envoie des langues dans des vallées adjacentes comme celle
de Vaulnaveys ou de la Basse Jarrie [ Dans la plaine,
ce glacier a-t-il franchi l'obstacle que représentait l'arête
calcaire de la côte de Champagnier et son prolongement sud
(Les Mollots) ? C'est probable mais rien ne permet de l'affirmer,
si bien que certains géologues pensent que le front du
glacier de la Romanche était entièrement représenté
par le lobe de Jarrie. L'érosion du bord W du plateau de
Champagnier serait donc fluviatile et due au Drac.].
Dans la première, le glacier monte jusqu'aux Guichards
où il dépose une moraine frontale, sans pénétrer
sur le plateau de Brié dont il est séparé
par une crête rocheuse. Dans la seconde, il monte jusqu'à
la Haute Jarrie où il s'étale en édifiant
un amphithéâtre morainique, au travers duquel ses
eaux de fonte creusent de petites gorges de raccordement dans
lesquelles ils descendent vers l'ombilic de Grenoble où
la glace constitue le niveau de base.
Le glacier de l'Isère, moins alimenté, envahit à
peine la marge nord du plateau, car ses traces ne subsistent que
sur les replats situés au pied de la butte de Montavie
et au Camp de Poisat.
Puis la décrue commence (vers
30 000 ?). Côté Romanche, le lobe de la Haute Jarrie
s'isole en un culot de glace qui fondra peu à peu en donnant
naissance à l'étang de Jarrie. Ses eaux de fonte
se tarissent et les gorges de raccordement deviennent des vallées
mortes. Dans celle de Vaulnaveys, le glacier redescend aussi vers
Vizille et va fondre en laissant place à un lac remplissant
l'ombilic de cette localité
Côté Isère, le lobe de Montavie disparaît
et celui de Poisat descend vers la vallée en édifiant
des arcs morainiques de retrait. Comme témoin de cette
décrue, on peut aussi citer la petite terrasse sableuse
du Crey, en contrebas du village de Bresson et pratiquement au
niveau de la vallée actuelle, déposée par
les eaux de fonte du glacier au cours de son retrait (fig.4) .
En résumé, le plateau de Champagnier est un témoin du remplissage alluvial ou lacustre de la cuvette grenobloise tel qu'il était à 40 000 ans de nous. Il nous montre aussi quelques témoins morainiques de la dernière poussée glaciaire qui l'a envahi entre - 35 000 et 30 000 ans. Il est donc précieux pour les géologues car tous ces évènements n'ont laissé que bien de traces dans le reste de la cuvette grenobloise devenue un lac après le départ définitif des glaciers, lac actuellement comblé par les alluvions que nous y connaissons.