(LES ROCHES DE CHARTREUSE)
Ils représentent le repère majeur
dans les paysages de Chartreuse. Ce sont notamment eux qui constituent
la plupart des sommets et des crêtes dépassant 1600
m (à l'exception notable du chaînon de la Grande
Sure) et ils sont entaillés en gorges profondes lorsque
les torrents les traversent.
La raison de cette situation est que ces calcaires sont constitués
des bancs les plus gros et les plus massifs, et ce sur la plus
grande épaisseur (leur falaise atteint 350 m de puissance,
mesurée perpendiculairement aux couches, lorsque l'érosion
ne l'a pas écrêtée).
Les calcaires urgoniens ont été exploités dans diverses carrières des environs de Grenoble (voir plus de détails à la page "anciennes carrières").
Ce sont le plus souvent des calcaires très clairs, même en cassure (blanc un peu rosé, parfois jaunâtre à certains niveaux). Cette cassure est presque aussi esquilleuse que celle d'un silex : Cela tient à ce qu'ils ont une pâte parfaitement cimentée par des cristallisations de calcite pure. Cette pâte abrite de nombreuses coquilles de foraminifères dont les sections sont presque toujours visibles à la loupe. Mais on voit très souvent aussi, à l'oeil nu, des sections de coquilles de gastéropodes et surtout de bivalves sur les surfaces attaquées par la dissolution météorique, où elles se détachent en léger relief (fig.). Les plus fréquentes, en forme de grosses virgules pluri-centimétriques, appartiennent au groupe des rudistes (fig.) : il arrive que le moule interne de la coquille se détache et montre sa forme en trois dimensions, analogue à celle d'une huître très creuse). On y rencontre également des zones difformes, de quelques centimètres de coté, ou la roche parait plus mate et moins transparente, parfois même comme fibreuse : ce sont des fragments de polypiers.
L'Urgonien
est une formation* et non un étage,
encore qu'il ait été considéré originellement
comme tel par son créateur (D'Orbigny, 1847). Cette
dénomination est utilisée historiquement depuis
le XIX° siècle pour désigner, dans les massifs
subalpins septentrionaux, les calcaires comparables à
ceux qui étaient exploités à la localité-type d'Orgon (extrémité
orientale des Alpilles, 6 km au sud de Cavaillon). Ce type de roche occupe une surface particulièrement importante en Vercors, où sa constitution et ses variations ont été analysées finement, à une époque récente, par H. Arnaud (on trouvera des données complémentaires sur les calcaires urgoniens du Vercors à la page qui leur est spécialement consacrée) |
Les calcaires urgoniens se repèrent dans le paysage, entre autres critères, à ce que leur falaise ne présente que de rares vires (appelées ici "sangles"). La mieux marquée forme un talus d'une trentaine de mètres de haut, souvent garni de végétation. C'est la vire des "couches à orbitolines", qui marque la limite entre la "masse urgonienne inférieure", la plus épaisse (plus de 200 m., soit les 3/4 de la hauteur totale) et la "masse urgonienne supérieure", plus mince (50 à 100 m.).
Cette "vire à orbitolines" est occupée par des alternances de bancs de calcaires jaunâtres plus ou moins épais mais bien distincts les uns des autres, entre lesquels s'intercalent plusieurs niveaux métriques de marnes franches ou de calcaires très marneux. Dans ces marnes on trouve souvent en abondance et tout dégagés les petits fossiles de ces foraminifères "géants", de 4 à 10 mm de diamètre (fig.) que sont les orbitolines.
Face inférieure d'un banc calcaire des couches à Orbitolines. Rive gauche du Guiers Mort, dans les gorges de Fourvoirie. Le banc est redressé à la verticale (hauteur visible = 2 m) ; sa surface est mamelonnée par la contre-empreintes de traces en forme de sillons ramifiés, dues à des organismes fouisseurs. |
D'assez nombreux itinéraires empruntent ce niveau sur une partie de leur trajet au cours de leur traversée de la falaise urgonienne.
Un autre niveau lité s'observe une cinquantaine de mètres en contrebas des couches à Orbitolines. Il forme assez souvent une autre vire, moins continue mais souvent bien visible, par exemple sur l'éperon sud de la dent de Crolles ou en contrebas de la crête de Bellefond.
L'observation rapprochée est nécessaire
pour reconnaître et différencier les couches formant
le pied de la falaise urgonienne et celles de son sommet (la Lumachelle) car elles
sont l'une comme l'autre plus litées et formées
de calcaires à patine roussâtre (qui peuvent aussi
être confondus - et l'ont été - avec ceux
des couches à Orbitolines).
Les couches basales de l'Urgonien (appelées en général
"Barrémien inférieur" sur les cartes
actuelles) se caractérisent par leur patine jaune ocreuse,
plus claire que celle de la Lumachelle. De plus leur pâte
n'est pas grossière ni encrinitique, mais formée
de fins débris coquillers, ce qui lui donne un aspect
sableux et une relative friabilité. Ceci joint à
une alternance de bancs plus ou moins argilo-calcaires conduit
souvent le Barrémien inférieur à déterminer
un surplomb au pied de la falaise urgonienne, mais il est plus
souvent masqué par les éboulis de cette falaise.
Enfin le passage de l'Urgonien véritable au Barrémien
inférieur est transitionnel (et non brutal comme le passage
de l'Urgonien à la Lumachelle).