Chartreuse orientale : les plis |
1/ Les plis et le relief
Le plus oriental de ces plis, le grand synclinal chartreux oriental, est aussi le plus remarquable : son Urgonien dessine, depuis le Granier au N jusqu'à la Dent de Crolles au S, un magnifique synclinal perché*, tout-à-fait exemplaire.
Les autres synclinaux n'ont pas conservé leur coeur urgonien ou n'en possèdent plus qu'un fragment de flanc, dégagé en dalle structurale ("volet"). Tel est le cas de celui de Chamechaude, penté à l'W, ou de celui de la Pinéa, penté à l'E. Celui du Néron montre principalement un flanc penté à l'W, mais la charnière est conservée au bas de la dalle structurale.
Les anticlinaux présentent de longues portions de "monts dérivés*" à carapace de Tithonique (surtout vers le N : voir le Colleret), mais sont souvent crevés jusqu'à leur coeur argovien, surtout vers le S, du fait du relèvement axial dans cette direction.
image sensible au survol et au clic
La partie méridionale du sillon de la Chartreuse orientale vue d'avion, du sud-est,
depuis l'aplomb de Meylan (Grésivaudan)
(pour la légende stratigraphique voir
le cliché du même paysage, annoté à
ce point de vue, à la page "Roches de Chartreuse").
Le sillon de la Chartreuse orientale est ici accidenté
par la présence, en son milieu, de la grosse butte témoin
de l'Urgonien de Chamechaude (qui n'a pas d'équivalent
plus au nord où l'Urgonien du synclinal du Sappey a partout
été enlevé).
L'orientation de cette vue est suffisamment oblique aux axes de
plis (matérialisés par des traits gras blancs),
pour bien voir leur plongement vers le nord **(vers
la droite).
s.P = synclinal de la Pinéa ; a.E = anticlinal
de l'Écoutoux ; s.S = synclinal du Sappey ; f.PG
= faille du Pas Guiguet.
** (en toute rigueur
ceci n'est vrai que pour leur partie visible ici ; en effet, plus
au nord-ouest ils sont traversés à angle aigu, à-peu-près
à l'aplomb du sommet de Chamechaude, par le prolongement
du trans-synclinal de Saint-Nizier du Vercors, au delà duquel
les axes de plis plongent beaucoup moins ou remontent même
vers le nord).
2/ Caractères structuraux des plis de la Chartreuse orientale :
a) Leur forme, en coupe transversale :
- Les anticlinaux sont largement ouverts au
nord du massif (secteur de Montagnole) et se referment
très sensiblement (en acquérant des flancs plus
inclinés) vers le sud.
Ceci traduit évidemment un raccourcissement plus accentué
vers le SE, en se rapprochant du secteur où ces plis sont
coupés par le rebord subalpin*. On peut envisager de mettre
cela sur le compte du jeu des déchirures décrochantes
qui les affectent. En effet ces décrochements s'amortissent
du NE vers le SW, ce qui se traduit nécessairement par
un raccourcissement plus important dans leur compartiment SE.
- Ces plis
ont, au nord, un dessin plutôt en genou, en tous cas déversé
vers l'ouest. Plus on va vers le sud, pour chacun d'entre eux
et spécialement pour l'anticlinal de Perquelin, on constate
une tendance au déversement vers l'est, le flanc
oriental des anticlinaux devenant plus raide que le flanc ouest
(voire rompu en chevauchement vers l'est).
Cette tendance au "rétrodéversement"*
traduit un cisaillement de la tranche des terrains sédimentaires,
tel que sa partie profonde migre vers l'ouest - sud-ouest par
rapport aux parties plus élevées. Or elle se manifeste
surtout aux approches de la chaîne de Belledonne : on l'observe
ainsi, hors de la Chartreuse, en Matheysine
(accident du Conest et du Sénépy) et en Vercors
(environs de Gresse).
Elle paraît donc attribuable à un mouvement relatif
de déplacement vers le sud-ouest du socle cristallin de
Belledonne, sous sa couverture. On peut y voir une sorte de "sous-charriage",
à la faveur duquel la couverture a, en quelque sorte, reflué
vers l'est par dessus le socle (en tous cas cette observation
est, bien sûr, incompatible avec l'hypothèse d'une
origine du plissement par l'effet d'un chevauchement
de Belledonne vers le sud-ouest).
b) Leur disposition, en coupe longitudinale :
Ces plis présentent en outre presque tous (à l'exception du synclinal du Néron), un plongement axial vers le nord, partiellement compensé par un soulèvement des compartiments septentrionaux à l'occasion du passage de chaque décrochement.
Ce plongement est particulièrement accusé au sud d'une ligne, orientée N40, qui traverse les plis à angle aigu et passe à-peu-près à l'aplomb du sommet du Néron, puis par Sarcenas et à l'extrémité nord de l'arête rocheuse de Chamechaude : il s'agit du prolongement du trans-synclinal de Saint-Nizier du Vercors. Au nord-ouest de ce pli transverse les axes des plis N-S plongent beaucoup moins ou remontent même vers le nord (cas du synclinal du Néron et de l'anticlinal médian).
Concernant l'origine de ce plongement et de ce synclinal oblique voir la page consacrée à la formation tectonique des massifs subalpins septentrionaux
c) Leur disposition cartographique
Les plis de la Chartreuse orientale se disposent obliquement aux deux bords de ce domaine, tant à sa limite ouest (de nature tectonique, constituée par le chevauchement de la Chartreuse orientale), contre laquelle ils se tordent et se biseautent, qu'à sa limite est (constituée par le rebord subalpin, due seulement à l'érosion mais parallèle à Belledonne).
L'interprétation de ce fait peut relever de deux schémas différents :
- Ces plis ont été recoupés
en biais, après leur formation, par le chevauchement chartreux
oriental (ce dernier serait donc plus tardif).
- Ils se sont formés en même temps que ce chevauchement,
et leur disposition en biais résulte de l'intervention
d'une composante de coulissement dextre lors de leur formation,
selon le schéma classique des "plis en échelons"*
associés aux décrochements dextres.
Divers indices portent à penser que la bonne interprétation correspond plutôt à une combinaison de ces deux schémas : les plis ont sans doute été formés avant les chevauchements puis re-déformés (et accentués) dans une deuxième étape de déformation, responsable des chevauchements et des décrochements. L'auteur du site penche à attribuer cette dernière à des mouvements coulissants du socle de Belledonne, probablement en liaison avec la surrection de ce massif.
Un tel scénario explique aussi la torsion dans le sens des aiguilles d'une montre des plis de l'extrémité sud du massif du Jura (tel celui du chaînon de la montagne du Ratz ou celui de la montagne de l'Épine et du Mont du Chat) : alors qu'ils sont ailleurs orientés NW-SE ils vont, aux approches de la Chartreuse, jusqu'à se paralléliser à ceux de ce massif : cela vient de ce que ces plis, déjà apparus à l'Oligocène, ont été bousculés vers le SW à la fin du Miocène, avec ceux de la Chartreuse W, par le mouvement à composante de coulissement vers le S de la Chartreuse orientale.
Finalement la place tectonique de la Chartreuse dans le cadre des secteurs avoisinants peut se résumer très schématiquement par la figure ci-après (pour plus de commentaires voir la page "tectonique alpine de Belledonne") :
figure de taille normale | version plus grande |
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Tectonogramme très schématique Les grosses demi-flèches délimitent la zone
du cisaillement dextre des massifs subalpins septentrionaux : a.mB = accident médian de Belledonne ; |
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