La Pointe de Thivelet |
La Pointe de Thivelet est un petit sommet qui représente la terminaison méridionale du chaînon de l'Outheran. Il attire l'attention, vu du sud, par son allure de piton rocheux surplombant le village de Corbel. Mais il ne correspond en fait qu'au ressaut terminal de la longue crête, presque horizontale, qui court assez longuement depuis la cime de la Cochette en séparant le vallon de Corbel de celui du col des Égaux. C'est seulement à partir de ce point, coté 1231 m, de cette crête qu'elle s'abaisse rapidement et définitivement jusqu'au Guiers Vif, d'abord par une arête rocheuse puis par une raide échine boisée accidentée d'escarpements.
Contrairement à ce que l'on attendrait de son relief rocheux et abrupt cette crête rocheuse n'est pas formée par l'Urgonien mais par des strates, redressées à la verticale, de calcaires du Fontanil à faciès "sub-récifal" (proche de celui de l'Urgonien). Certes ces couches se détachent en saillie à cause de leur pendage et du fait que celles qui leur font suite des deux côtés sont moins résistantes ; toutefois on peut s'étonner que cette crête ne soit pas bordée du côté ouest par une autre que devrait déterminer l'Urgonien : mais si ce dernier affleure bien dans le versant occidental ce n'est que sous forme de pointements s'alignant de façon discontinue à flanc de la pente boisée.
En réalité cette situation vient de que la lame rocheuse qui arme cette crête n'est qu'un fragment du flanc occidental de l'anticlinal médian qui a été isolé tectoniquement lorsque celui-ci a été rompu par la formation du chevauchement de la Chartreuse médiane. Cette rupture s'est accompagnée, sous la surface de chevauchement, de l'étirement d'une tranche de couches épaisse de plus de 200m, fragmentée par un faisceau de failles secondaires (essentiellement du type "de Riedel"*). La surface limite occidentale de cette lame tectonique est notamment jalonnée par des témoins de l'Urgonien réduits à l'état de copeaux disjoints : on peut la désigner sous le nom de faille occidentale du chevauchement médian.
Coupe de la crête de Thivelet, à l'ouest de Corbel. Cette coupe, parallèle à la vallée du Guiers Vif, a été dessinée en tenant compte aussi des observations que l'on peut faire en rive droite (nord) de cette dernière. On constate que le chevauchement de la Chartreuse médiane sur la Chartreuse occidentale n'est pas une surface de cassure unique, mais une bande de terrain cisaillée, épaisse de quelques centaines de mètres, que limitent deux failles à pendage assez fort : la faille orientale (Ø2), qui possède le plus fort rejet, et la faille occidentale (Ø'), sensiblement parallèle, qui met en contact cette zone broyée avec la molasse miocène. La bande de terrain intermédiaire est hachée par des failles secondaires R ("de Riedel"), disposées en échelons obliques. C'est là un dispositif tout à fait exemplaire qui illustre l'aspect classique des zones qui ont subi un cisaillement* tectonique (c'est-à-dire des "couloirs de failles"). Noter que le synclinal des Égaux, sous le chevauchement, se réduit à un long flanc ouest et à un simple crochon synclinal (le Sénonien, présent à son coeur, manque plus haut sur les flancs, où il a été enlevé par l'érosion anté-Miocène). |
En définitive le chevauchement de la Chartreuse médiane n'est pas une grande cassure bien définie mais un épais couloir de failles, soumis à un cisaillement en compression. Au sein de ce couloir les couches du flanc ouest de l'anticlinal médian ont subi un étirement qui n'a pas été pas ductile (sauf peut-être dans les niveaux les plus marneux), mais discontinu, par fractures multiples. Cet étirement effile progressivement le flanc du pli vers le bas, comme on le voit dans le lit du Guiers, où il n'atteint plus qu'une dizaine de mètres ; par contre, à la faveur de la moindre profondeur atteinte par l'érosion, on observe plus au nord (dès la latitude de La Cochette) son amortissement vers le haut.
Cette géométrie justifierait que l'on considère cet anticlinal comme un pli-faille, si ce n'était que les couches y sont sectionnées en oblique et ne subissent aucun basculement qui les aurait amené à se disposer parallélement au plan de cisaillement. Elle évoque plus précisément celle dite des "plis de propagation", par lesquels s'amortit vers le haut d'une succession de couches un chevauchement qui en affecte le soubassement(voir la page Glossaire des plis, article "plis rompus") |
La crête de Thivelet, vue du sud, depuis le sommet du Petit Som. Cette vue lointaine et légèrement plongeante restitue une perspective qui montre mieux la place de ce petit sommet dans son environnement. a.M = anticlinal médian ; f.cM = faille du Col du Mollard ; s.E = synclinal des Égaux ; Ø2E = chevauchement de la Chartreuse médiane (cassure orientale) ; Ø2W = chevauchement de la Chartreuse médiane (cassure occidentale). On a représenté sans les nommer les principales cassures qui découpent leur bande rocheuse intercalaire, notamment les failles "R" du schéma ci-dessus. On trouvera d'autres clichés de cette crête, dans son environnement, aux pages "Sermes" et "Corbel" |
Ces mêmes traits de la géométrie de ce pli s'observent également plus au sud, au niveau de la coupe du Guiers Mort (voir la page "Chartroussette ouest"). Par contre au nord, à partir des pentes de l'Outheran et vers le sud à partir du col de la Charmette cet étirement du flanc ouest de l'anticlinal cesse pour faire place à un flanc de pli simplement vertical traduisant le fait que ce pli est déjeté vers l'ouest, mais non rompu. |
La route D.45 permet d'atteindre le village de Corbel à partir de Saint-Jean-de-Couz (par le col des Égaux. Elle traverse déjà assez bas (850 m) l'extrémité méridionale de l'échine boisée de Thivelet : elle en donne une assez bonne coupe, qui montre de façon assez représentative la structure à cette altitude de la tranche rocheuse qui s'intercale entre les deux failles majeures du chevauchement de la Chartreuse médiane.
Un examen pas à pas de cette coupe montre différents termes de la succession stratigraphique qui y sont seulement
représenté très partiellement par quelques petits tronçons très disjoints (l'Hauterivien y est, en particulier, pratiquement absent). Pour l'essentiel les
couches de ces tronçons, dans l'ensemble verticales, sont juxtaposées tectoniquement par des cassures à faible pendage vers l'est.
C'est le jeu de ces cassures qui aboutit globalement à un étirement "discontinu", du flanc ouest
de l'anticlinal médian.
même fenêtre < image plus grande > nouvelle fenêtre Coupe de détail du flanc occidental de l'anticlinal médian donnée par les tournants en encorbellement de la D45, à l'ouest de Corbel. Ø2E = faille orientale du chevauchement de la Chartreuse médiane ; Ø2W = faille occidentale. Les cassures notées R1, R2, R3 sont des cassures mineures, de la même famille que celles notées R sur les clichés et sur le schéma d'ensemble ci-dessus. NB : le développement de la végétation et le glissement de matériel ébouleux font que, depuis 2006, la partie la plus occidentale de cette coupe (dans la carrière) est devenue partiellement masquée : un faible déblaiement par quelques coups de pelle mécanique permettrait de l'observer de nouveau.. |
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col des Égaux | LOCALITÉS VOISINES | Corbel |
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