Le bassin du Drac au Quaternaire |
- Les dépôts et les reliefs associés qui datent du Quaternaire ont fait l'objet, en 1978, d'une importante étude d'ensemble par Guy Monjuvent. - Ils sont assez attentivement explorés et illustrés sur le site Les Paysages glaciaires. - Le site "Géologie et Patrimoine de la Matheysine" permet, à sa page "historique", à la date du 27 mars 2014, le chargement d'une remarquable conférence sur le quaternaire de cette région, par Mr Maurice SÉCHIER. |
Au Quaternaire, en particulier à l'époque du maximum de Würm ("Würm II"), le bassin du Drac a surtout subi la forte empreinte laissée par le passage des glaciers qui descendaient des massifs montagneux voisins. Ils suivaient le cours des rivières qui drainaient ces massifs antérieurement et parfois en débordaient latéralement (comme en Matheysine), voire remontaient le cours d'affluents non englacés (comme dans la basse vallée du Drac au sud de Grenoble). Le bassin hydrographique du Drac se singularise en particulier, à plusieurs niveaux de son cours, par le fait d'avoir hébergé à cette époque plusieurs lacs dus à l'obturation de la vallée du Drac par des langues glaciaires. Les remplissages de ces lacs masquent maintenant les anciens cours de la rivière et de ses affluents, dont les tracés on pu être reconstitués à l'aide des sondages notamment géophysiques.
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Carte d'ensemble des langues glaciaires qui occupaient les vallées des Alpes situées à l'ouest du Massif du Pelvoux-Écrins, au maximum d'extension de la dernière glaciation, (extrait de Guy Monjuvent 1978 ). |
Les anciens cours du Drac et de ses affluents (extrait de Guy Monjuvent 1978 ) |
En ce qui concerne le bassin supérieur du Drac (en amont du Trièves) les cartes ci-après permettent de comparer l'occupation des vallées par la glace aux trois étapes que l'on sait distinguer.
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Cartes schématiques de l'extension des glaciers à trois étapes des dernières grandes glaciations dans la vallée supérieure du Drac
Le cadre intérieur correspond aux limites de la carte géologique au 1/50.000°, feuille Saint-Bonnet. Au Riss toutes les vallées sont largement occupées par la glace. Au Würm II le glacier de la Bonne s'avançait jusqu'à barrer le cours du Drac au sud de La Mure, alors que le front de celui de la Séveraisse n'atteignait pas Corps. Entre les deux s'étendait une dépression non englacée que l'on appelle le Lac du Beaumont (voir plus loin dans cette page). Au Würm III quelques langues glaciaires avancent sur les sépôts "cataglaciaires" du retrait du Würm II. Seule la langue du glacier de la Séveraisse s'avance suffisamment pour barrer la vallée supérieure en y retenant un petit lac du Champsaur.
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1/ Le cours aval du Drac
En aval de la Mure et des gorges qui entaillent le versant sud de la Matheysine, le lit du Drac atteint le bedrock en entaillant un puissant colmatage alluvial glacio-lacustre dont les restes déterminent de larges replats à flanc de vallée sur les deux rives.
Ce colmatage est constitué par les alluvions déposées dans un lac du Trièves qu'avait créé, à l'époque würmienne le barrage de la basse vallée du Drac par la langue glaciaire iséroise qui remontait la basse vallée du Drac à partir de l'emplacement de Grenoble.
Ce sont surtout les argiles lacustres du plateau de Sinard (voir la page "Monestier de Clermont") qui témoignent d'un remplissage de la vallée par un véritable lac. Ses eaux ont dû monter progressivement car elles étaient retenues par le glacier de la vallée de
l'Isère, qui prenait à l'emplacement de Grenoble une épaisseur de plus en plus grande, au cours de la progression des glaciers au début du Würm II.
Les alluvions morainiques qui recouvrent ces argiles, dépourvues toutefois de relief caractéristique, ont été
amenées par la langue diffluente qu'a finalement envoyé
ce glacier et dont le front devait tremper dans ce lac. Elle est remontée de plus en plus haut dans la basse vallée du Drac, presque jusqu'à la latitude de Monteynard, au maximum de la glaciation de Würm.
Le cours actuel du Drac s'est ensuite encaissé jusque à ré-entailler le substratum rocheux de ce remplissage alluvial en "oubliant" évidemment ses trajets antérieurs, comblés d'alluvions, et en traçant un cours nouveau (voir la page "Commiers") .
version
plus grande de cette image
Les lacs d'obturation dans la vallée du Drac au Würm II.
hachures horizontales serrées = lacs de barrage par les langues glaciaires
hachures obliques = zones non englacées
les langues glaciaires sont désignées du nom de la vallée qu'elles empruntent.
2/ Le couloir matheyzin a été ennoyé sous la glace au Riss. Au Würm il se trouvait à une altitude de
peu inférieure à celle de la surface des langues
glaciaires qui descendaient par les vallées de la Bonne
et de la Romanche :
- Le glacier de la Bonne ne s'y est pratiquement pas engagé
et n'a fait que barrer le passage aux écoulements de ses pentes et de ses eaux de fonte. Il a
abandonné, sur sa rive droite (nord) la moraine du Calvaire,
sur le revers sud de laquelle est bâti l'essentiel de la
ville de La Mure.
- Le glacier de la Romanche a, au contraire, envoyé une
langue de diffluence* qui s'est avancée vers le sud jusqu'à
la latitude de Pierre-Châtel. Lors du retrait de cette langue glaciaire
elle a laissé une succession d'arcs morainiques enserrant
des ombilics frontaux qui hébergent chacun un lac.
Coupe d'ensemble du plateau matheysin (extrait de Guy Monjuvent 1978 ; N.B. une erreur dans la légende originelle a été retouchée)
Les grosses flèches indiquent le sens d'écoulement de la glace ; elle sont par contre disposées à l'envers du sens chronologique des étapes de retrait du front des langues glaciaire.
Entre les deux fronts de ces langues glaciaires s'est formé un vaste lac dont il ne reste comme témoin que le petit étang du Crey et le vaste comblement d'alluvions fluvio-lacustres qui occupe la zone plate entre Pierre Châtel et La Mure ("marais de La Mure"). Les eaux de ce lac débordaient vers l'ouest par dessus les affleurements de socle du col de la Festinière et leur déversoir était constitué par la vallée de La-Motte-d'Aveillans (ce qui a certainement contribué fortement au creusement de cette dernière, dans son tracé transversal aux chaînons du Sénépy et du Conest).
3/ Au sud de La Mure la vallée de la Bonne a creusé jusqu'au bedrock des formations quaternaires de la Matheysine au nord et du Beaumont au sud, montrant ainsi leur forte épaisseur (plus de 200 m). Celle-ci, ainsi que leur large extension horizontale est due à ce qu'elles ont presque rempli l'ombilic frontal du glacier wurmien dont le fond ne s'élève qu'à moins de 600 m, soit plus de 300 m en contrebas de la crête morainique.
Les alluvions les plus basses sont constituées partout par des lits de cailloutis qui attestent qu'un creusement fluviatile avait précédé l'avancée du glacier. Plus haut
la constitution de l' accumulation alluviale diffère sensiblement d'une rive de la Bonne à l'autre.
- Au nord du confluent de la Bonne avec le Drac on observe, sur une semelle assez épaisse de "callloutis basaux" fluviatiles, des alternances de matériel morainique argileux de niveaux discontinus d'argiles lacustres et de cailloutis fluviatiles. Dans la partie orientale du vallum, à partir des environs du Pont Haut se développe un ensemble alluvial similaire mais plus récent car il s'emboite à l'intérieur et en contrebas du vallum principal : son terme inférieur est constitué par du matériel morainique, de sorte que sa présence atteste d'une ré-avancée tardive du glacier (rattaché au Würm III).
Coupe orientée selon l'axe de la vallée de la Bonne en amont du coude du Pont Haut (extrait de Guy Monjuvent 1978 , présentation retouchée).
Cette coupe suit sensiblement le tracé de la D.26 en amont du confluent de la Roizonne (il passe, en rive droite de la Bonne, par Siévoz). Plus au NW elle traverse les pentes douces de la partie intérieure la plus élevée du vallum wurmien de La Mure.
La flèche noire localise la surface de discordance par laquelle le matériel du Würm III s'emboite dans celui du Würm II.
- Au sud du confluent de la Bonne avec le Drac cette rivière suit la marge occidentale des montagnes du Beaumont en parcourant le sillon subalpin, installé comme plus au nord dans la combe monoclinale* des Terres Noires. Mais ce sillon du bedrock a été comblé par des alluvions de caractère fluvio-lacustre dont le sommet forme une surface plane dont l'altitude atteint à peu près uniformément 880 m, tant au sud (Pellafol) qu'au nord, au delà de Cordéac, (elle se raccorde d'ailleurs là, aux environs de Saint-Sébastien, à la surface aplanie de la moraine du maximum du Würm II). Ce qui en reste maintenant, depuis que le Drac a creusé son lit assez profondément dans le bedrock pour l'entailler en gorges. constitue la terrasse de Pellafol qui est maintenant morcelée par les entailles conjuguées du Drac et de ses affluents la Sézia (en rive droite) et la Souloise (en rive gauche).
Les environs du confluent Drac-Bonne, vus du sud depuis le sommet du Châtel. (image encore en préparation) voir la suite de cette image vers la droite à la page "Beaumont occidental". |
Ce dispositif témoigne du remplissage d'une dépression fermée, le lac du Beaumont, remplissage qui s'est donc arrété alors que son déversoir atteignait l'altitude de 880 m. Or cette dernière n'est que peu inférieure à celle (930 m) de la moraine du front occidental du vallum de La Mure (moraine de Peychaux) : cela suggère fortement que c'était le front du glacier wurmien de la Bonne qui faisait barrage, lorsqu'il a abandonné cette moraine qui marque son maximum d'extension.
Dès le début du retrait de cette langue glaciaire ce barrage a dû commencer à s'abaisser, ce qui a arrété le colmatage alluvial et entrainé son creusement par les eaux du Drac et celles de la Bonne.
Toutefois la nature et la stratonomie de ces alluvions n'est pas typiquement lacustre, mais souvent fluviatile, formé de cailloutis lités horizontalement sur une bonne partie de leur hauteur. On peut donc s'interroger sur les modalités exactes du comblement de cette dépression : y a-t-il eu véritablement là un lac, retenu assez longtemps pour se combler grâce à un stationnement prolongé du front glaciaire ; ou la dépression du Beaumont s'est-elle comblée rapidement, au fur et à mesure de l'épaississement de la langue du glacier, par des épandages torrentiels en nappes successives (voir le site "paysages glaciaires"). |
La langue glaciaire du Würm III diffluait vers le sud (en s'avançant vers l'observateur) depuis la vallée de la Bonne. A cette latitude le colmatage de la vallée du Drac est essentiellement formé par le matériel glaciaire de progression du Würm II (noté 3), que recouvre seulement un peu de matériel fluviatile (4, 5 et 6), représentant l'extrémité NW de la terrasse de Pellafol. |
En rive droite du Drac, au NW de Saint-Laurent, les alluvions de la terrasse de Pellafol ont été recouvertes par le front du glacier de la Bonne lors de son retour au Würm III : il y a creusé le petit vallum des Terrasses et abandonné la moraine frontale du Serre de l'Aigle et des Miards, qui l'enserre.
4/ En Champsaur
Bien qu'il soit assez large, le fond du sillon subalpin n'est pas constitué, dans le Champsaur, par une large plaine alluviale (comme dans le Grésivaudan au nord de Grenoble), mais par une zone de collines dans laquelle le Drac s'inscrit par une entaille assez étroite (sauf en amont de Saint-Bonnet).
Ces collines ont un substratum de Terres Noires qui n'affleure en général qu'au fond des ravins car il est recouvert par une nappe assez épaisse d'alluvions fluviatiles et glaciaires. La vallée du Drac a en effet été occupée par une puissante langue glaciaire, en grande partie issue d'une diffluence depuis le glacier de la Durance, qui passait par dessus le col Bayard.
En outre lors du maximum de Würm le bas Champsaur a été occupé par l'extrémité de la langue du glacier de la Séveraisse et rejoignait le glacier principal du Drac pour s'y fondre. Lors de la ré-avancée du Würm III cette langue glaciaire est encore allée jusqu'à s'appuyer sur le verrou rocheux du Motty (voir la page "Aspres"). alors que le glacier du Drac s'arrétait plus en amont : ceci a amené, aux alentours de Saint-Eusèbe, la formation d'un lac d'obturation dont les alluvions en grande partie argileuses sont maintenant à l'origine de glissements de terrain avec coulées de boue (voir la page "Chauffayer") .
Carte schématique de l'extension des glaciers au Champsaur au Würm : en blanc les langues glaciaires : tiretés = dépôts d'obturation du Würm extrait de Guy Monjuvent 1978 |
En amont de Saint-Eusèbe la vallée du Haut Champsaur est assez largement occupée par les terrasses et les crêtes de moraine qui permettent de reconstituer les étapes de retrait du glacier wurmien du Drac.
(voir plus de détails sur le quaternaire du Haut Champsaur à la page "Saint-Bonnet")
Carte des dépots quaternaires du Champsaur (extrait de la publication n° 046, 1969, retouché)
localités indiquées en abrégé : V = Le Villard; P = Poligny ; StLC = Saint-Laurent du Cros ; StLM = Saint-Léger les Mélèzes.
Les numéros désignent les stades de retrait du glacier wurmien (0 = dépots rissiens). Le figuré diminue de taille et/ou de densité des stades les plus anciens aux plus récents ; le stade 5 correspond à la "récurrence" du Würm III car ses moraines reposent en chapeau sur les alluvions fluvio glaciaires du Würm II.
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