Le Sénépy |
Entre la vallée d'Aveillans au nord et le coude qu'effectue le lit du Drac pour devenir N-S à Mayres-Savel s'allonge la forte échine montagneuse du Sénépy (1769 m) : elle sépare, à l'est les collines de la marge ouest de la Matheysine (Signaraux, pentes de Cognet), de la marge orientale du Trièves, constituée par le plateau de Sinard, à l'ouest. Cette limite occidentale est fortement soulignée par le fait que le cours du Drac y est occupé par le lac de retenue de Monteynard.
On trouvera, dans le site du Patrimoine matheysin, à la page "Senépi" la description d'une excursion géologique au Sénépy. |
Un trait saillant de cette montagne est sa grande simplicité de relief et de structure, qui est celle d'un crêt très émoussé armé par les calcaires (un peu argileux) du Lias inférieur, qui y pendent vers l'ouest, pour s'y enfoncer sous le lit du Drac. Elle présente surtout, de ce fait, une certaine dissemblance selon que l'on en examaine le versant ouest ou celui oriental.
Du côté ouest le versant de la montagne s'abaisse avec une belle régularité en direction du lit du Drac, lequel suit de très près la combe monoclinale de l'Aalénien supérieur (maintenant envahie par la partie méridionale de la retenue de Monteynard-Avignonet). Cependant on observe dans ses basses pentes un alignement replats qui courent de Marcieu à Cléau : ils ont pour soubassement les marno-calcaires du Toarcien même si ces derniers n'y affleurent guère car ils y sont largement garnis par les alluvions fluvio-glaciaires du colmatage wurmien.
En amont de Villarnet et de Cléau le cours de la vallée (dont l'envahissement par la retenue se rétrécit fortement) devient progressivement plus orthogonal aux couches. Peu au sud- ouest de Mayres-Savel il franchit en gorges l'armature de Lias calcaire de l'extrémité sud de la crête du Sénépy et en donne une coupe naturelle qui descend dans la succession stratigraphique en remontant le cours de la rivière : au sud du village de Mayres il en montre les couches de base (spilites et dolomies du Trias) dont les bancs s'élèvent, sur la rive opposée, à flanc de pente de la butte de l'Aurouse : cette petite montagne boisée représente l'équivalent structural du crêt liasique du Sénépy en rive gauche du Drac ; ce dernier trouve son prolongement ultime au Serre Vulson, à l'est de Grand Oriol (voir la page "Mens").
La montagne du Sénépy et les pentes de rive droite du Drac vues du sud-est, d'avion, depuis l'aplomb du Châtel. ØS = chevauchement du Sénépy ; fT = faille de Touage (et du Thaud) ; f.pP = faille de la Pierre Plantée (on voit qu'elle se prolonge très probablement, au sud du Drac, par la précédente) ; a.sJ = anticlinal de Saint-Jean-d'Hérans ; a.C = anticlinal de Cognet. cL = calcaires de Laffrey ; Aai = calcschistes de l'Aalénien inférieur ; all.fluv.anc. = terrasse würmienne de Saint-Jean d'Hérans, réentaillée par la gorge du Drac (c'est l'équivalent plus septentrional de la terrasse de Pellafol). La surface de la pénéplaine anté-triasique est indiquée en rouge. |
Au nord de Mayres-Savel la crête de la montagne s'élève régulièrement jusqu'à son sommet en revêtant l'aspect d'un crêt très émoussé qui regarde vers l'est et qui est séparé, par le profond vallon de Saint-Arey, de la succession de collines mal organisées qui descendent vers le Drac à l'ouest de Prunières. Ce vallon, comme les deux rives du Drac là où il aboutit, est ouvert dans les épais marno-calcaires de l'Aalénien inférieur et ceux-ci s'avèrent reposer sur un soubassement de calcaires de Laffrey car ces derniers affleurent en pointement anticlinaux dans les pentes de sa rive gauche (orientale) notamment à Pellenfrey.
On franchit donc, à Mayres-Savel une limite tectonique et paléo-géographique qui sépare le domaine du Lias réduit à l'est de celui du Lias épais à l'ouest. Elle court à mi-hauteur des pentes du versant oriental de la crête du Sénépy, où le soubassement stratigraphique normal de ce Lias épais, formé par les spilites et les cargneules du Trias affleure en une bande discontinue qui aboutit finalement au col 1526 (du Fumay) entre les sommets du Sénépy et du Serre de l'Horizon. Ce dernier niveau repose clairement sur l'Aalénien qui enveloppe des affleurements de Lias réduit de sorte qu'il convient bien de parler là d'un chevauchement du Sénépy. Mais la surface de ce dernier plonge partout vers l'ouest, ce qui implique un déplacement relatif vers l'est de la succession chevauchante, c'est-à-dire en sens inverse de celui habituel du déversement des structures dans les Alpes occidentales.
Du côté septentrional le chevauchement du Sénépy se prolonge symétriquement à flanc du ravin qui descend (sur le versant d'Aveillans) du col du Fumay (1526) vers Treffort mais il y est moins évident. En effet la bande de couches triasiques qui le souligne court bien de la même manière à flanc du versant est de la crête ; mais les témoins de la succession chevauchée (couches liasiques réduites et Aalénien) s'amenuisent vers le nord au point que la série épaisse semble reposer directement sur le houiller au niveau du village des Côtes.
ØS = chevauchement du Sénépy ; d.P = prolongement vers le sud-ouest du décrochement de Petichet. |
Cela traduit sans doute le fait que la série orientale, à Lias réduit subit à un biseautage qui correspond à la "rampe" de décollement du chevauchement. Quoi qu'il en soit le chevauchement se poursuit clairement plus au nord dans les pentes méridionales de La Peyrouse (voir la page "Conest"). |
A propos de l'"anomalie" que représente le sens de déversement (= vergence) du chevauchement il faut d'abord remarquer que le socle cristallin du Dôme de La Mure proprement dit (qui affleure à l'est du Sénépy) est solidaire de la partie basse de sa couverture, formée par les séries à Lias réduit bioclastique. Cette couverture réduite lui est restée adhérente, certainement parce que son Trias n'était pas gypsifère. Au contraire la couverture de la partie la plus occidentale du flanc ouest du bloc basculé du Dôme de la Mure (formée par le Lias épais du Sénépy et du Conest) est dotée d'un Trias gypsifère qui lui a permis de se décoller du socle. Le fait que cette série occidentale, décollée, soit venue recouvrir en chevauchement les séries adhérentes plus orientales ne nécessite pas d'envisager une inversion du sens du déplacement général des masses rocheuses, mais implique simplement une inversion locale du sens de cisaillement* (notamment lors d'un décollement à l'interface socle -couverture). En d'autres termes le sens du chevauchement témoigne seulement du fait que la partie haute de la pile de roches a été, ici, moins entraînée par le mouvement général, vers l'ouest, des masses rocheuses que les termes les plus bas de la succession (et notamment que le socle). Compte tenu du pendage général vers l'ouest des couches (comme de celui de l'interface socle -couverture) cela veut dire que le socle a dû ici s'enfonçer sous la couverture plus occidentale lors de son déplacement (tardif) vers l'ouest. Il ne serait donc pas impropre de parler d'un "sous-charriage*" du socle cristallin par rapport aux termes supérieurs de sa couverture. On ne manquera pas de remarquer que cette conception des mouvements relatifs socle - couverture aux marges externes de la chaîne de Belledonne, va exactement à l'encontre de celle des tenants du charriage des massifs cristallins externes, qui voudraient voir là le socle cristallin s'avancer vers l'ouest sur sa couverture. |
Le fonctionnement "rétroverse" de cet accident est une anomalie locale mais que l'on doit rapprocher de ce qui se passe un peu plus à l'ouest dans le Jurassique supérieur de la marge orientale du Vercors aux abords de Gresse. Son interprétation est abordée à la page "Matheysine", ainsi qu'à la page "Vercors-Drac". |
À l'est de la crête du Sénépy : pentes méridionales du Dôme de la Mure
Les pentes mamelonnées qui descendent entre le ravin de Saint-Arey et Prunières, depuis le Serre de l'Horizon jusqu'au thalweg du Drac ont une relief qui se caractérise par un système de buttes boisées entaillées de ravins. Ces buttes sont en général déterminées par de petits anticlinaux à la voûte desquels sont dénudés les calcaires liasiques de Laffrey, tandis que leurs flancs, garnis par les calcschistes de l'Aalénien inférieur, donnent des zones déprimées.
C'est là une structure très différente de celle de la crête du Sénépy et beaucoup plus confuse : en effet les plis sont qui se développent sur ce versant semblent fréquemment avoir des axes E-W (ce qui en ferait l'écho le plus septentrional des plis anté-sénoniens qui se manifestent largement, peu au sud, dans le massif du Dévoluy). Mais ils sont rompus du côté oriental par des failles extensives N-S, dont les principales sont celles de la Pierre Plantée et de Prunières (voir la page "Signaraux").
D'autre part ce dispositif est caractérisé en outre par un abaissement progressif de l'altitude des voûtes anticlinales vers le sud qui fait que les plis dessinés par le Trias et le Lias disparaissent sous leur enveloppe de marno-calcaires aaléniens qui affleure seule au niveau du du lit Drac, à l'exception toutefois des gorges en amont de Cognet.
voir l'aperçu général sur la Matheysine
On trouvera des renseignements complémentaires sur les localités des abords du lit du Drac, à ce niveau de son cours, dans le site du Patrimoine matheysin, aux pages "Passerelles du lac de Monteynard", "Saint-Arey : tuf" et "Saint-Arey : demoiselle".
cartes géologiques au 1/50.000° à consulter : feuilles La Mure et La Chapelle-en-Vercors
Carte géologique simplifiée,
redessinée sur la base de la carte géologique d'ensemble
des Alpes occidentales, du Léman à Digne, au 1/250.000°",
par M.Gidon (1977), publication n° 074
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Le Monestier |
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