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Mont de Vorès, Hauteluce |
Au delà de la crête de l'Aiguille Croche la ligne de partage des eaux entre la haute vallée de l'Arly (Megève) et celle du Dorinet (affluent de rive droite du Doron) se poursuit vers l'ouest, par le Col de Véry et le Mont de Vorès, jusqu'aux abords de la station des Saisies. Mais au dessus des escarpements dominant le village de Hauteluce le relief s'y modifie en faisant place à une large zone d'alpages où prédominent des pentes très molles. Ce relief résulte clairement de ce que le sous-sol de ces dernières est constitué par des couches les unes essentiellement argilo-calcaires du Lias et les autres purement argileuses de l'Aalénien.
La seule différenciation lithologique qui y soit bien visible correspond à l'interstratification, dans cet ensemble calcaréo-argileux, de plusieurs lames de cargneules triasiques, chacune d'épaisseur pluri-décamétrique. Cette disposition des couches résulte d'une déformation tectonique intense qui les a cisaillé presque horizontalement (avec un déplacement vers l'ouest) par rapport au socle cristallin sous-jacent.
Il faut rappeler en premier lieu qu'une étude détaillée de tout le secteur au sud-est de Megève a permis à J.L. EPARD (1990) de mettre en évidence 3 ensembles majeurs superposés, dont les surfaces de séparation sont proches de l'horizontale. Ils se distinguent relativement bien dans le paysage, malgré la faiblesse des différences entre les faciès de leurs roches. Ce sont de haut en bas: a - une unité du Joly, qui forme les escarpements supérieurs et les crêtes acérées constituées de Lias calcaire de l'extrémité sud-ouest du chaînon du Mont-Joly et de l'Aiguille Croche. Les couches y sont disposées de façon très parallèle sur toute la hauteur des escarpements, en dépit des imbrications qui y sont repérables (voir la page "Aiguille Croche"). b - une unité du Mont d'Arbois, où affleurent essentiellement des schistes argilo-calcaires du Toarcien et des argilites de l'Aalénien. Dans le paysage elle forme un talus intermédiaire dans lequel est ouvert le col de Véry et qui se poursuit au pied des crêtes du Joly. c - une unité du Sangle (du nom de la butte 1993 terminant l'arête nord du Mont de Vorès). Elle forme la ligne d'escarpements, armée de calcaires liasiques, qui domine un talus d'argilites aaléniennes et court à flanc de pente du versant NW de la montagne (voir la page "Praz-sur-Arly") en dessinant des rentrants dans tous les vallons tributaires de la rive gauche de l'Arly. |
1/ Aux environs de Hauteluce, dans la partie aval de la vallée du Dorinet, le versant sud-est du Mont Clocher donne une coupe naturelle qui entaille la seule partie inférieure de ce dispositif (c'est à dire l'Unité du Sangle et son autochtone) ; elle montre en outre des complications dont l'interprétation proposée ci-après est en fait inédite.
L'ensemble liasique de l'unité du Sangle, à l'endroit, y chevauche sur la série autochtone qui se singularise par son Lias moyen calcaire relativement mince et d'aspect peu distinct de celui du Lias inférieur. La bande d'Aalénien qui couronne cet autochtone affleure à mi-hauteur des pentes du Dorinet au dessus de Hauteluce. Mais plus au NE, à partir d'Annuit, la tranche autochtone est masquée par les formations de pied de versant ; quant à la succession du Sangle, elle y est apparemment clivée par un chevauchement des Lanches d'Annuit qui la redouble, lui même surmonté par le chevauchement d'une écaille de Vorès, cet empilement donnant les forts escarpements qui soutiennent le Mont Clocher.
2/ Dans la partie plus amont de la vallée du Dorinet son versant NW s'ouvre assez largement, au dessus des abrupts du fond de ses basses pentes, formés par les imbrications de l'unité du Sangle. Ces larges alpages de Véry sont traversés par une lame presque continue de cargneules et de dolomies triasiques qui court à la base de l'unité du Mont d'Arbois, en soulignant grossièrement sa limite basale. Elle se prolonge vers le SW jusqu'au Mont Clocher avec des caractéristiques assez remarquables qui ont incité sur la carte géologique à 1/50.000°, feuille Saint-Gervais à en considérer les affleurements comme des klippes.
image de plus
grande taille
Le haut versant de rive droite du Dorinet : carte de la
répartition de affleurements (extrait de J.L. Epard 1990,
présentation retouchée !).
En noir = niveaux rhétiens (repères de la limite entre Trias supérieur et Lias inférieur)
Le repos de ces cargneules sur des niveaux typiques du rhétien et la datation paléontologique en tant qu'Hettangien des calcaires sous jacents (Barféty et Mouterde, 1978) a conduit J.L. EPARD à considérer ces cargneules comme le coeur d'un anticlinal couché aplati dont le Lias calcaire de son flanc supérieur est très mince (voire absent) sous les schistes aaléniens.
Toutefois cela n'explique pas que les couches du flanc inverse de ce pli vienne en contact direct avec l'Aalénien disposé à l'endroit qui affleur plus à l'ouest : cela implique qu'un contact tectonique, le chevauchement de Vorès, coupe ces couches en biseau (on observe d'ailleurs cette disposition dans les abrupts du versant SE du Mont Clocher, voir le cliché panoramique plus haut dans cette page)).
Quoi qu'il en soit, ces affleurements du Mont de Vorès témoignent de la superposition par chevauchement d'une écaille de Vorès qui se distingue assez bien des autres imbrications sous-jacentes par l'épaisseur très réduite de sa succession liasique et le développement de ses cargneules. En fait il faut apparemment y voir simple diverticule occidental de l'unité du Mont d'Arbois, qui se raccorde sans doute à la partie plus nord-orientale de celle-ci (voir la page "Megève") en traversant les pentes dominées par l'Aiguille Croche au NE du col de Véry.
3/ Dans les pentes les plus orientales de la vallée du Dorinet, le dispositif des lames cargneuliques du versant oriental du Mont Clocher se raccorde, au delà du vallon de Véry, aux importants amas de matériel triasique des Gibloux.
Ces derniers s'élèvent depuis le village du Planay vers le nord jusqu'au pied des escarpements de l'Aiguille Croche et constituent vers le bas l'enveloppe sédimentaire directe des blocs sous-jacents de socle cristallin d'Outray et de La Girotte. Dans cet amas cargneulique il semble que l'on peut distinguer, sur le versant Dorinet, deux lames de cargneules superposées, qui se rejoignent du côté est :
- La plus haute est le prolongement oriental de
celle du col de Véry, dont les affleurements se dilatent peut-être là
par l'effet de glissements de versant.
- La plus basse se prolonge vers l'ouest jusqu'aux Lanches de
Belleville (voir cliché plus haut) : elle semble s'y raccorder
à la surface de clivage la plus haute de l'unité du Sangle (= chevauchement des Lanches d'Annuit).
image sensible au survol et
au clic |
La coupe donnée par le torrent du Planay, sous La
Grange aux Pauvres, permet d'examiner les rapports micro-tectoniques
entre cette lame inférieure et son substratum (cliché ci-dessous).
De fait ils portent à considérer qu'il s'agit de la base d'une écaille
chevauchante, plutôt qu'à un flanc inverse de pli. En outre le fait que
cela amène à considérer que les terrains chevauchés ne sont pas en
série renversée (comme le supposerait une structure en pli couché)
s'accorde beaucoup mieux avec le contexte environnant. En effet ces
affleurements se situent à proximité du toit du socle cristallin,
puisque 600 m plus à l'ouest et à peine 50 m en contrebas de la base
des cargneules, la gorge du torrent du Sonjon met à jour, sous le
hameau de Lécheru, un affleurement de granite (on comprendrait mal la
relation qu'auraient avec lui ces couches liasiques si elles
représentaient le flanc invers d'un pli couché ...).
En tout état de cause la position, très
élevée dans le versant, de cet affleurement du socle cristallin (qui
est d'ailleurs doté de sa couverture adhérente de grès triasiques) pose
un autre problème structural : il doit, dès lors, représenter le
substratum stratigraphique de l'écaille liasique du Mont Clocher. |
Aperçu d'ensemble sur la structure du secteur Megève - Val Montjoie
carte géologique au 1/50.000° à
consulter : feuille Saint-Gervais
Carte géologique simplifiée (présentation provisoire)
redessinée sur la base de la carte géologique d'ensemble
des Alpes occidentales, du Léman à Digne, au 1/250.000°",
par M.Gidon (1977), publication n° 074
N.B. le figuré "Permien" correspond ici aux couches de base (grès etc ...) du Trias.
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(Flumet) |
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Vorès |
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