Le Sirac, Vallonpierre |
Le sommet du Sirac (3440 m), le plus méridional des grands sommets de l'Oisans, est le promontoire occidental d'une longue arête de roches cristallines orientée E-W qui se branche à la Pointe de Verdonne sur le chaînon N-S des Bans et qui se termine brutalement au dessus de la dépression suspendue du lac de Vallonpierre, ouverte quant à elle dans les roches sédimentaires.
La montagne est intégralement formée par des gneiss amphiboliques du type Lavey (c'est-à-dire migmatitiques). Du côté nord du ravin de Chabournéou ces gneiss font place à des migmatites franches (anatexites du type "Pigeonnier"). Ces deux ensembles de roches sont en contact par la faille de Chabournéou (qui détermine le vallon de ce nom) : c'est une cassure verticale, presque E-W, le long de laquelle sont pincés des affleurements triasiques (voir la page "Jocelme").
Le chaînon du Sirac vu du nord, depuis les replats de Jassirette, au nord du refuge de Chabournéou. La répartition des deux faciès de gneiss migmatitiques suggère une structure anticlinale : cela s'accorde bien avec la forme de la surface du socle qui, plus à droite, dessine le synclinal de Vallonpierre (voir le cliché suivant). |
Les gneiss migmatitiques du Sirac comportent en outre un faciès moucheté, à ocelles centimétriques de feldspath, qui intéresse la face ouest sur toute sa hauteur. Sa répartition, de part et d'autre de la crête de la montagne, suggère que le socle cristallin y présente une structure anticlinale déversée vers l'ouest ("anticlinal du Sirac") , ce qui s'accorde bien avec le dessin de la surface de la pénéplaine anté-triasique telle qu'on l'observe au pied sud-occidental des abrupts sommitaux (voir ci-après). |
Du côté ouest le sommet du Sirac domine de plus de 1000 m la dépression du lac de Vallonpierre, où se ferme l'extrémité sud-orientale des affleurements sédimentaires du "synclinal" de Morges. Cette cuvette a été surcreusée par un ancien glacier de cirque, maintenant fondu, qui a affouillé ce matériel sédimentaire, imperméable car argileux (calcschistes du Domérien). Il a, outre, déposé une crête morainique qui fait barrage et sur le revers amont de laquelle est construit le refuge. Le matériel caillouteux de cette moraine interrompt les affleurements de cristallin du Sirac, mais ceux-ci se poursuivent au delà vers l'ouest avec la crête du Pic de Vallon Clos, bordée de spilites triasiques à son pied sud (voir le premier cliché de la page "Aiguille de Morges") .
Les faces nord et ouest du Sirac, vues du nord-ouest, depuis le Pic Gazonné. s.pa = ancienne surface de la pénéplaine anté-triasique, masquée sous les éboulis entre le cristallin du Sirac et les terrains sédimentaires que ce dernier surplombe ; elle se prolonge dans le vallon au NW (à droite) du refuge ; s.Vp = synclinal de Vallonpierre : noter que sa disposition spatiale est cohérente avec celle de l'anticlinal du Sirac qui semble affecter les gneiss de ce dernier ; f.vC = faille de Vallon Clos : noter qu'elle ne se prolonge nullement sous les abrupts ouest du Sirac, contrairement au tireté dessiné sur la carte géologique Orcières (plus de détails à la page "Vallon Clos"). |
Le matériel morainique déborde du côté septentrional de la cuvette du lac, jusqu'au confluent avec le torrent de Chabournéou, en une langue qui s'apparente à un glacier rocheux*. Il masque le contact, par la faille de Vallon Clos, entre le cristallin du Sirac et l'extrémité orientale des affleurements de calcschistes noir du Lias supérieur du Vallon Clos, lesquels sont donc sans rapport avec les couches sédimentaires de Vallonpierre.
Cette faille, subverticale, rejoint, en direction de l'est, la faille de Chabournéou. Elle se branche sur cette dernière à angle assez peu ouvert (un peu à la façon d'une faille de Riedel*) de sorte qu'elle doit absorber une partie du rejet dextre de cette dernière (voir la page "Jocelme"). |
Du côté est de la cuvette du lac de Vallonpierre les terrains sédimentaires affleurent au dessus du lac jusqu'à près de 2500 m ; ils sont séparés des abrupts cristallins de la face ouest du Sirac par le vallonnement du Creux de Mourière : ce dernier est rempli par des éboulis qui masquent le contact entre ces deux ensembles rocheux. Mais on constate, plus au SE, dès le Cros de Sirac, au pied des arêtes qui descendent vers le sud depuis le sommet en direction des cols de Gouiran et de la Valette (voir clichés suivants) que les couches triasiques et liasiques du soubassement sont en contact stratigraphique avec le socle cristallin.
Elles y sont disposées en série inverse avec un très fort pendage vers le NE, ce qui est la raison pour laquelle elles s'engagent un peu sous la masse des gneiss qui les surplombent.
Le versant sud du Sirac vu du sud depuis le col de Prelles L'extrémité orientale du "synclinal" de Morges s'étrangle vers l'est (vers la droite) entre le flanc ouest, déversé vers la gauche, de l'anticlinal dessiné par le socle cristallin du Sirac et la faille de Clapouse (f.C), orientée perpendiculairement au regard, qui le recoupe orthogonalement. vue d'enfilade depuis l'est. |
Certes la base de cette succession sédimentaire est plutôt mince : le Trias y est le plus souvent réduit à une lame de spilites triasiques (épaisse de quelques dizaines de mètres) et les calcaires liasiques y sont peu épais (moins de 100 m). Mais cela est simplement imputable à une réduction stratigraphique, similaire à celle que l'on en observe notamment au pourtour septentrional du "synclinal de Morges" (on ne peut toutefois exclure, que soit intervenu en outre un peu d'étirement tectonique, du fait de la différence de compétence des deux masses rocheuses juxtaposées au flanc de ce pli). |
Il n'existe donc pas, à proprement parler, de "chevauchement du Sirac" qui aurait fait avancer en bloc le cristallin de ce sommet vers le SW par le jeu d'une cassure compressive. Cette interprétation erronée a conduit à supposer la présence d'une telle cassure masquée par les éboulis du pied des escarpements de la face ouest (c'est en particulier ce qui est suggéré par des tirets sur la carte géologique Orcières). Au contraire il apparaît que le cristallin du Sirac est ployé en un vaste anticlinal dont le flanc occidental se déverse sur un pli d'axe NW-SE, le synclinal de Vallonpierre, lequel affecte la couverture sédimentaire remplissant l'hémigraben W-E de Morges . |
La charnière de ce pli est d'ailleurs observable dans les affleurements de Trias et de Lias au SE du refuge (voir les deux clichés précédents et le suivant). Son cœur sédimentaire se développe dans les crêtes, plus occidentales, qui portent le col de Vallonpierre et son axe, NW-SE, passe peu au nord du sommet de l'aiguille de Morges. Son flanc normal, oriental, correspond, à l'ouest du refuge de Vallonpierre, à la surface stratigraphique de contact des spilites triasiques affleurant dans le vallon sur le cristallin de la crête de Vallon Clos (voir la page "Morges")
Dans le versant sud du Sirac, que draine le Drac de Champoléon, les affleurements de la marge méridionale du contenu sédimentaire du grand "synclinal de Morges" se poursuivent, mais ils s'effilent progressivement d'ouest en est. Ils y déterminent un alignement de cols et de vallonnements suspendus qui sont séparés du fond du Champoléon par un grand abrupt, formé par des gneiss œillés "de Crupillouse", que couronne un chapelet de petits pitons rocheux (Puy des Agneaux, Puy de Rivarol et Puy de la Chaumette).
Cet alignement de petits cols est déterminé par la faille du col de Clapouse, c'est-à-dire par l'accident majeur qui limite le synclinal de Morges du côté méridional (voir la page "La Chapelle"). De fait, tout au long de cet alignement orienté presque E-W, le contact du socle cristallin avec les terrains sédimentaires, très plan et assez fortement incliné vers le nord, tranche brutalement les couches ainsi que les dispositions structurales qui les affectent :
À l'ouest du col de Vallonpierre (fond du Vallon Plat) ce contact par faille est jalonné du par des cargneules et par des spilites. Mais ces terrains s'organisent en un chapelet de lames discontinues, lesquelles s'avèrent représenter le prolongement disloqué de la base de l'unité chevauchante de Clapouse: c'est en fait cette unité tectonique qui se termine ici, sectionnée en biseau par la faille du col de Clapouse.
Plus à l'est ce contact coupe en sifflet le matériel liasique de l'écaille de Clapouse et converge progressivement avec le tracé de la surface de base du chevauchement de l'Aiguille de Morges (voir la page "Morges"), qu'il sectionne à son tour à l'ouest du col de Gouiran.
À l'est du col de Gouiran la faille de Clapouse sectionne en biais le flanc normal, puis le cœur du synclinal de Vallonpierre.
Plus à l'est, à partir du col de la Valette on ne trouve plus la moindre trace, sur la dalle de gneiss de la lèvre sud de la faille, de couches de base de la succession stratigraphique du flanc sud de ce synclinal.
Ce sont au contraire les terrains plus récents (Lias supérieur en général) de la série renversée du versant sud du Sirac (c'est-à-dire du flanc NE du synclinal de Vallonpierre) qui s'appuient alors contre les gneiss du miroir de faille.
À l'est du col de la Valette les affleurements de terrains sédimentaires cessent, sans doute masqués par la jupe d'éboulis qui garnit le pied de versant, jusqu'au fond du vallon de La Pierre. Au delà, en rive orientale de ce vallon, il est clair que la faille de Clapouse ne se prolonge pas car elle bute à 90° contre la lame discontinue de spilites triasiques qui traverse le pied des abrupts des Goudemards, dans les pentes dominant le refuge de la Chaumette, laquelle représente le prolongement septentrional de la faille de Méollion (voir les pages "Rouite" et "Cavale").
L'intersection de la première de ces deux failles par la seconde ferme complètement du côté NE le bloc de socle de Crupillouse, caractérisé par sa constitution de gneiss œillés. Cela dessine sur la carte un poinçon ouvert de 70°, saillant vers le NE : c'est ce dispositif qui avait été désigné du nom de "coin du Champoléon" (GIDON M. 1979). Le devenir septentrional de la faille de Méollion (qui rejoint l'accident d'Ailefroide) est examiné à la page "Rouite". |
En conclusion on retrouve, sur cette transversale de l'hémigraben de Morges, la coupe schématique habituelle des dispositifs de blocs basculés, à ceci près que la surface du socle du bloc originellement effondré (ici celui du Sirac) s'incurve au point de dépasser la verticale et que la faille limite de l'hémigraben (ici la faille du col de Clapouse) prend un pendage relativement modéré, de l'ordre de 45°. Cette disposition, un peu particulière encore qu'elle corresponde à une tendance générale, témoigne donc, en définitive, de ce qu'il s'est produit ici un basculement global, vers le sud-ouest, de l'ancien hémigraben, en plus de l'écrasement de son contenu. Ceci témoigne de l'intervention d'un cisaillement "tangentiel" vers le sud-ouest des parties saillantes du socle cristallin, ce qui est sans doute attribuable au déplacement relatif de la couverture lors de la déformation compressive alpine. La faille de Clapouse quant à elle est un accident ancien, vraisemblablement un escarpement de paléofaille jurassique ; mais elle a eu un jeu relativement récent car elle tranche toutes les structures déversées vers la SW qui sont liées au déversement du socle cristallin du Sirac. Son attitude et la manière dont elle coupe en sifflet les autres accidents porte à y voir un décrochement sénestre. Enfin il est à remarquer que rien n'indique, pas plus ici qu'ailleurs, que cette déformation alpine ait mis en jeu des failles inverses de socle. En effet, dans ce dispositif, les seuls véritables chevauchements par failles inverses sont ceux que l'on observe au sein du contenu sédimentaire de l'ancien hémigraben (Aiguille de Morges, notamment) et ils résultent sans doute de l'écrasement et du cisaillement horizontal que ce contenu a subi. Par contre il faut souligner le jeu en coulissement dextre NE-SW de la faille de Chabournéou car ce jeu est un des aspects propres à la déformation alpine de la bordure sud-occidentale du socle du massif du Pelvoux (voir aussi à ce sujet la page "Cavale"). |
cartes géologiques à 1/50.000° (*) à consulter : feuille Orcières
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Morges |
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