L'extrémité septentrionale du chaînon du Margériaz

Le versant de rive gauche de la vallée du Chéran entre Le Noyer et Aillon-le-Vieux

La vallée des Aillons est un val de type jurassien* bien caractérisé qui correspond au grand synclinal des Aillons, à cœur de matériel tertiaire. Il revêt une importance assez nette en séparant le domaine des Bauges occidentales de celui des Bauges orientales, dont la stratigraphie et la tectonique diffèrent sensiblement (voir la page "Bauges").


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Coupe synthétique simplifiée du massif des Bauges
La limite entre Bauges occidentales et Bauges orientales correspond au synclinal des Aillons.
A l'ouest on observe des chevauchements imbriqués mais peu de plis. A l'est se dessinent deux anticlinoriums* "en feuille de chêne"*, celui de Doucy (entre Colombier et Trélod), puis celui du col du Frêne (entre Trélod et Arclusaz).

On peut observer que l'axe de ce pli, qui est N10 au sud d'Aillon-le-Vieux se tord en sens horaire, au nord de cette localité, pour s'orienter presque N30. Ceci est clairement le résultat d'une interférence avec des ondulations d'axe N45 qui tordent aussi ses deux flancs. Le versant occidental de cette vallée est constitué par la grande dalle structurale urgonienne du Margériaz qui se poursuit au nord jusqu'au lit du Chéran ; on remarque surtout l'ondulation synclinale N45 qui affecte cette dalle : elle est appelée ici le synclinal du Margériaz car elle passe par le sommet de ce nom (sa signification sera examinée plus loin).

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La vallée des Aillons et son prolongement méridional : vue d'ensemble du sud, d'avion, depuis l'aplomb ouest de La Thuile.
Ce cliché est pris dans l'axe du synclinal des Aillons (s.A) ce qui rend la sinuosité de son axe parfaitement perceptible, ainsi que sa liaison avec les plis obliques qui affeceant son flanc ouest (s.M = synclinal du Margériaz ; a.Cr = anticlinal du Mont de la Croix). On voit aussi que ce grand synclinal se prolonge vers le nord par celui de Leschaux (s.L).
ØM = chevauchement du Margériaz ; f.Ch = faille des Chavonettes ; f.C = faille N-S du Mont Céty.
Les tirets roses soulignent la base de la succession nummulitique.

Du côté ouest la vallée des Aillons est en quelque sorte doublée par celle, parallèle, du Noyer qui s'élève, depuis Lescheraines jusqu'au col de Plainpalais (où elle se raccorde par une forte torsion à la dépression des Déserts, elle pratiquement N-S). Cette vallée, également à cœur de matériel tertiaire, est au contraire une dépression monoclinale dont le contenu tertiaire s'engage sous le chevauchement du Margériaz. Son versant ouest est constitué par le chaînon globalement anticlinal du Mont Revard - Montagne de Bange.

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L'extrémité septentrionale du sillon de Plainpalais - Lescheraines, vue du sud, depuis la crête du Margériaz (sommet 1832) : la partie septentrionale de cette crête est vue d'enfilade.
a.S = anticlinal du Semnoz ; a.M = anticlinal de la Motte ; s.E = synclinal d'Entrevernes
ØrB = chevauchement du Roc des Bœufs ; d.M = décrochement de Mont ; Ø.M = chevauchement du Margériaz.


À son extrémité septentrionale les deux vallées du Noyer et des Aillons sont tranchées transversalement par celle du Chéran et leur contenu tertiaire trouve, au delà, son prolongement dans la partie orientale du large val de Leschaux : elles ne sont plus séparées par la lame mésozoïque chevauchante du Margériaz, celle-ci s'effilant avant d'atteindre le lit du Chéran et ne réapparaissant pas plus au nord. Du point de vue structural cette disparition du flanc ouest du synclinal des Aillons pose un problème, qui est de comprendre à quoi correspond en définitive le surgissement, du côté sud, de la dalle urgonienne du Margériaz hors des dépôts tertiaires.

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La combe de Leschaux et la terminaison nord de la crête du Margériaz, vus du sud, depuis le sommet de la Dent de Rossanaz (le lac d'Annecy est masqué par la brume).
a.S = anticlinal du Semnoz ; s.L = synclinal de Leschaux ; a.Mo = anticlinal de La Motte ; s.E = synclinal d'Entrevernes
ØM = prolongement oriental du "chevauchement" du Margériaz ; d.Mt = décrochement de Mont ; Ø.rB = chevauchement du Roc des Boeufs.


Il est sans doute important d'observer d'amblée que le raccourcissement E-W supplémentaire introduit par la naissance de ce chevauchement ne fait finalement que compenser la réduction du raccourcissement dû à l'effacement, à la même latitude, de l'anticlinal du Semnoz (voir la page "Montagne de Bange") : il se produit là en quelque sorte un relais entre le premier et le second de ces accidents l'un et l'autre compressifs mais de géométrie différente.

Un second point à observer est que le tracé du chevauchement du Margériaz se tord de 90° à la latitude du sommet du Margériaz : dans le vallon du Noyer c'est seulement la branche nord de ce tracé que l'on observe : cette simple considération porte à penser que la direction du mouvement chevauchant doit être plus proche de la bissectrice de l'angle entre tracé sud et tracé nord, c'est-à-dire proche de N100.

Carte structurale schématique des Bauges occidentales
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Chevauchements : Ø B = chevauchement frontal des Bauges ; ØM = chevauchement du Margériaz ; ØV = chevauchement du Veyrier.
Failles subverticales : d.M = décrochement de Montagny ; d.P = décrochement de Prépoulain ; f.C = faille du Céty ; f.CC = faille Challes - Curienne ; f.D = faille de la Doria.
Plis accentués, sub-méridiens (en rouge) : a.M = anticlinal de la Motte; a.S = anticlinal du Semnoz ; s.A = synclinal des Aillons ; s.E = synclinal d'Entrevernes ; s.L = synclinal de Leschaux ; s.T = synclinal du Trélod.
Ondulations transverses (en bleu) : a.C = trans-anticlinal du Mont de la Croix ; a.L = flexure anticlinale de la Montagne de Lachat ; a.R = anticlinal du Revard ; s.CP = trans-synclinal du Col des Prés ; s.D = trans-synclinal de la Doria ; s.M = trans-synclinal du Margériaz ; s.E = flexure synclinale des Ébats.
s.S = synclinal de Serraval - Arclusaz.

La manière, malheureusement inobservable, dont se fait, à la latitude du lit du Chéran, la terminaison de la tranche de terrains chevauchante du chaînon du Margériaz peut a priori s'interpréter en envisageant trois dispositions différentes :
- un amortissement du chevauchement du Margériaz, du sud vers le nord, par réduction de sa flèche de chevauchement ;
- son sectionnement par un décrochement oblique qui décale la surface de chevauchement et la transfère plus à l'est en rive nord du Chéran ;
- la simple intersection en biais, par cette surface de cassure, de la charnière du synclinal des Aillons.

Il faut d'abord observer que, comme toute faille inverse, la surface de cassure de cette branche nord du du chevauchement du Margériaz coupe en biseau la succession de sa lèvre chevauchante. Cela s'exprime, par un biais cartographique plus ou moins important du tracé du chevauchement sur la topographie selon que celui-ci est parallèle ou est plus ou moins transversal aux tracés des limite stratigraphiques.

Or ici, lorsque l'on suit les couches de base du chevauchement du sud vers le nord le long de la combe de Plainpalais - Lescheraines, on voit qu'elles sont partout constituées par les calcaires du Fontanil, depuis le col de Plainpalais jusqu'à l'extrémité nord du tracé repérable du chevauchement (village de Rossillon) ; de plus ce dernier reste à une distance presque constante de la corniche urgonienne. Cela signifie que la valeur de la flèche du chevauchement ne se réduit pas et que le chevauchement ne meurt pas par réduction de son rejet du sud vers le nord.

Par contre la surface de chevauchement suit la combe de Plainpalais (orientée N45) et, vers l'aval, elle se rapproche progressivement de l'axe du synclinal des Aillons, car ce dernier est plus méridien (en dépit du début de torsion en sens horaire qu'il manifeste au nord d'Aillon-le-Vieux) : de ce fait la largeur de la dalle urgonienne du Margériaz se réduit progressivement vers le nord entre le bord de son crêt et la charnière synclinale : à la traversée de la vallée du Chéran ce rétrécissement devient tel que la surface de cassure coupe en biseau aigu la charnière urgonienne du synclinal, quelque part aux environs NW de La Motte-en-Bauges. La direction de la surface du chevauchement n'est donc pas parallèle mais oblique à celle des plis, ce qui jette un doute sur le fait que ces accidents soient contemporains

Carte géologique schématique des environs du Châtelard

montrant dans quel cadre s'effectue la terminaison septentrionale de la dalle urgonienne du Margériaz (= bande rouge passant sous le mot "Aillon le Vieux"), coupée en biseau au niveau de la vallée du Chéran.
(le chevauchement du Margériaz est représenté par la ligne barbulée).

Cependant on constate dès la latitude du hameau de Buisson, au nord du Noyer, une accentuation de ce rétrécissement qui s'aggrave au niveau de Rossillon et du tracé de la D.59 avant que la largeur de la dalle urgonienne se réduise à zéro en atteignant le lit du Chéran. Ce dernier point semble en faveur de l'hypothèse d'un sectionnement du pli à cet endroit par une faille presque E-W ; cette hypothèse est d'autre part appuyée par le fait que c'est précisément là que devrait aboutir l'éventuel prolongement oriental de la faille de Prépoulain, qui a une telle orientation et un rejet possiblement dextre (voir plus haut). Toutefois, sur l'autre flanc du synclinal des Aillons la barre urgonienne, qui passe au village de La Motte, ne montre aucun décalage dans le prolongement du tracé de cette hypothétique cassure.

Par contre, 4 km plus au nord-est que La Motte-en-Bauges, cette même barre du flanc oriental du synclinal des Aillons est décalée dans le sens dextre par le décrochement de Mont (qui sépare les chaînons du Mont Chabert et du Mont d'Étrier de ceux du Roc des Bœufs plus au nord : voir la page Entrevernes). Or l'orientation de la branche principale de cette cassure n'est pas N90 (comme celle de la faille de Prépoulain) mais identique (N45) à celle du chevauchement du Margériaz dans le vallon de Lescheraines - Plainpalais ; d'autre part ce décrochement ne montre aucun prolongement détectable en direction du SW.
Cela conduit à envisager que le chevauchement du Margériaz prolonge en fait ce décrochement de Mont, mais au prix d'une inflexion en baïonnette de leur tracé : par celle-ci leur mouvement dextre est transitoirement transféré de l'un à l'autre par transformation en chevauchement dans l'intervalle entre Mont et La Motte-en-Bauges : en d'autres termes le chevauchement, étant de direction oblique au décrochement, en a décalé le tracé.

La prise en considération de l'ensemble des données discutées ci-dessus porte en définitive à adopter l'interprétation selon laquelle la branche septentrionale du "chevauchement" du Margériaz est plutôt un décrochement fonctionnant en rampe latérale ("décro-chevauchement"* en bord de tiroir), alors que le vrai front tectonique de la lèvre chevauchante, à tracé N-S, passe entre le sommet du Margériaz et Les Déserts et se poursuit par un rebord d'érosion qui est bien orienté grossièrement nord-sud au delà de cette latitude.


Schéma d'évolution des rapports entre les accidents qui se rencontrent à la latitude de la vallée du Chéran, entre La Cluse de Bange et le Châtelard.
En bleu : extension grossière des zones saillantes (anticlinales), débarrassées de leur couverture de couches tertiaires.
1 = début du serrage E-W (Éocène ?) : ébauches des plis ; une faille extensive (f.ext) préfigure le futur front de détachement du chevauchement du Margériaz et une autre peut-être, de nature indéterminée, le futur décrochement de Mont ;
2 = accentuation du serrage
: rupture du flanc oriental du synclinal de Leschaux par le chevauchement du Roc des Bœufs (ØrB) et raccourcissement par écrasement du synclinal au sud du décrochement de Mont (domaine déplacé = en grisé) ;
3 = accentuation du déplacement N110 du chevauchement et propagation (atténuée) du chevauchement du Roc des Bœufs plus au sud que La Motte-en-Bauges.

Le détachement frontal de la tranche chevauchante a dû se faire aux dépens d'une faille pré-existante plus ou moins N-S, dont la lèvre orientale était surélevée, ce sens de rejet initial étant celui qui lui permettait d'acquérir un jeu compressif (chevauchant) sous l'effet de la compression E-W.

Il est donc à présumer que cette cassure originelle ait été une faille extensive éocène, comparable à celle du Céty (voir la page "Galoppaz") ; mais devait être située plus à l'ouest que le sommet du Margériaz et devait constituer son symétrique, doté d'un rejet de pendage et de sens opposé, qui avait abaissé son compartiment occidental : il est donc vraisemblable que ce soit à ce dernier que correspond maintenant le petit bassin sédimentaire à remplissage continental particulièrement épais et diversifié des Déserts. (voir la page "Déserts").

Le coulissement dextre "décro-chevauchant"* de la bordure septentrionale a dû rejoindre, depuis l'extrémité nord de cette cassure originelle, la bordure orientale du synclinal de Leschaux en prenant le relais du décrochement de Mont, c'est-à-dire avec la même obliquité (d'ailleurs imparfaitement cohérente avec l'orientation N20 des plis plus orientaux) : cela l'a conduit à se raccrocher au front du chevauchement du Roc de Bœufs plus au sud, à la latitude de La Motte.

De fait, au sud de cette localité le chevauchement du Roc des Bœufs semble bien s'atténuer fortement et ne se prolonger vers le sud que sous la forme d'un simple biseautage de la barre urgonienne verticale du flanc ouest de l'anticlinal de La Motte. Par ailleurs il est très vraisemblable que l'effacement, au sud de Montagny, de l'obstacle que constituait plus au nord l'anticlinal du Semnoz ait été un élément déterminant de l'apparition de ce jeu, en supprimant l'obstacle que cet anticlinal pouvait présenter à l'avancement vers l'ouest de la dalle du Margériaz (de fait un tel obstacle réapparaîtra plus tard lorsque le front de chevauchement viendra buter contre le flanc de l'anticlinal du Revard).

Le décro-chevauchement, qui traversait en biais le synclinal de Leschaux, en a donc séparé la partie sud-orientale, qui s'est avancée vers l'ouest ; mais lorsque le bord de cette tranche rocheuse s'est avancé suffisamment il s'est trouvé affronté au flanc oriental de l'anticlinal du Revard, ce qui a occasionné un freinage à son avancée. Cela a occasionné, entre les latitudes de Lescheraines et de Plainpalais, plusieurs effets maintenant bien observables, qui ne sont guère explicables que par ces circonstances :

1- La tranche chevauchante s'y est froncée en un repli, le synclinal des Aillons, de même azimut N-S que son front ;

2 - par suite de l'orientation N45 de son bord NW, donc oblique par rapport la direction azimutale originelle (N20) de ce pli, elle a bousculé l'anticlinal du Revard en le tordant selon cette direction oblique (voir la page "Sierroz") ;

3- La marge décro-chevauchante s'est, elle même, rebroussée contre l'obstacle de ce pli, ce qui se traduit par la formation d'une ondulation synclinale d'axe N45 (logiquement parallèle à cette marge), le synclinal du Margériaz.

4 - Le pivotement en sens horaire ainsi provoqué par l'avancée du chevauchement du Margériaz s'est enfin propagé vers le NW jusqu'à orienter également selon cette direction N45 la surface du chevauchement frontal des Bauges.

Enfin il convient de se demander pourquoi et par suite de quelle particulatité ce mouvement de torsion et de coulissement dextre est intervenu sur cette transversale. On doit remarquer à cet égard que le flanc oriental du synclinal des Aillons est affecté en rive gauche du Chéran par le mouvement à la fois pivotant et chevauchant vers le nord du chaînon du Colombier (voir la page "Colombier") : de plus il apparaît que le bord occidental de ce chevauchement de la Compôte s'est avancé suffisamment vers l'ouest pour emboutir horizontalement le contenu du synclinal des Aillons et tordre son axe de façon sigmoïde : cela correspond en fait à la torsion de son flanc ouest qu'est le synclinal du Margériaz.

On peut donc envisager que ce soit l'avancée vers l'ouest du chevauchement de la Compôte qui soit en définitive la déformation première dont l'effet s'est répercuté de proche en proche vers le sud-ouest ; rappelons enfin que ce mouvement correspond à un pivotement horaire centré sur les environs de Doucy.


 



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Carte géologique très simplifiée
redessinée sur la base de la carte géologique d'ensemble des Alpes occidentales, du Léman à Digne, au 1/250.000°", par M.Gidon (1977), publication n° 074

cartes géologiques au 1/50.000° à consulter : feuilles Chambéry et Albertville

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