Montagne de Toussière |
La Montagne de Toussière domine du côté ouest le vallon de Bonneval et du côté est la cuvette de Lus-la-Croix-Haute. Sa crête, orientée grossièrement E-W, est essentiellement
sculptée dans les calcaires du Jurassique terminal (Tithonique) de la voûte l'anticlinal du Jocou (voir
la page "Grimone"), perpendiculairement à l'axe, N-S, de ce pli.
La charnière principale du pli se situe d'ailleurs à proximité de son sommet (1916 m.), entre ce dernier et celui, plus occidental, de La Pare. Sur les deux versants de la crête sommitale le cœur du pli est éventré
jusqu'aux couches inférieures de l'Argovien, au nord par
le vallon de l'Étroit (qui descend du col de Lus), au sud par celui de Vaunières.
Le versant oriental de la montagne est traversé par une faille de Toussière, presque N-S, qui surélève le Jurassique supérieur du sommet par rapport au Crétacé inférieur des pentes situées en contrebas est (vallon de Toussière). Elle se rattache sans doute, en tant que branche secondaire divergente vers le sud-est (du genre "faille de Riedel*), au faisceau de cassures de l'accident de Bonneval.
D'autre part, sur le versant sud-est de la montagne, c'est-à-dire au flanc ouest du synclinal de Lus (qui fait suite du côté est à l'anticlinal du Jocou), la barre barrémienne, loin d'avoir un tracé N-S quasi rectiligne, comme c'est le cas pour le Sénonien, dessine une inflexion vers l'ouest très accentuée, ce qui l'amène à culminer au Roc Bernon. Cette disposition n'est pas un simple "V topographique"*. Elle est due à ce que le synclinal de Lus s'entrecroise là avec un synclinal E-W (anté-Sénonien). Ce pli, plus ancien, a été basculé avec le flanc ouest du synclinal de Lus, plus récent (post-Sénonien) de sorte que son axe plonge maintenant vers l'est, pour passer sous la vallée du Buëch au sud de Lus.
C'est d'ailleurs à la faveur de la présence de ce synclinal que la combe du vallon du Rose est ouverte dans des marnes bleues : logées au coeur de ce pli E-W, elles y ont été ainsi épargnées par l'érosion anté-Sénonienne. Au contraire, plus au nord, au niveau des Fauries, le Sénonien repose soit sur le Barrémien soit même directement sur l'Hauterivien, car ce dernier avait été mis à nu, avant le dépôt du Sénonien, à la faveur de l'érosion de la voûte d'un ancien anticlinal E-W.
La partie occidentale de la montagne (crête de La Pare) correspond fondamentalement à l'enchaînement du flanc ouest de l'anticlinal du Jocou avec un large synclinal, également N-S, de La Pare. Mais elle se termine par des abrupts qui tranchent ces plis en biais tout en dominant les molles pentes de marnes bleues (apto-albiennes) du versant nord du col de Boulc (qui correspondent à l'extrémité orientale de la combe monoclinale de Glandage).
Ce contact tout-à-fait anormal - et les escarpements qu'il détermine - sont dus au passage à cet endroit de l'accident de Bonneval, dont le jeu coulissant est assez important pour donner l'impression qu'il sépare deux systèmes de plis presque étrangers l'un à l'autre (celui du Bochaine occidental avec l'anticlinal N-S du Jocou et celui du Diois oriental, avec le synclinal W-E de Glandage).
Le versant nord-ouest de la crête Toussière - La Pare vu du nord, depuis le collet de la Crête des Aupillons. ac.B = accident de Bonneval ; a.J = anticlinal du Jocou ; s.P = synclinal de La Pare ; f.P = faille de la Pare (à droite de la partie basse de son tracé le Séquanien dessine des plis en accordéon qui sont de typiques "plis d'ancrage" (formés par écrasement tardif contre un plan de faille préexistant). La bosse 1469 est un paquet tassé qui a glissé en recouvrant le tracé de l'accident de Bonneval (il est très comparable à ceux du Serre Long, à l'est de Bonneval) |
Dans le détail la coupe naturelle du synclinal de La Pare, que donne ce versant de la montagne, recèle des complications dont l'interprétation est délicate, voire un peu conjecturale ...
- En premier lieu son flanc ouest est affecté par une faille N-S ("faille de La Pare") dont la surface de cassure est subverticale mais nettement tordue en S. En outre elle est jalonnée par un chapelet de blocs, qu'il faut sans doute considérer comme des navettes*.
Le fait curieux est qu'ils sont formés de Tithonique, ce qui implique qu'ils sont descendus par rapport aux deux lèvres, puisque celles-ci sont formées de Kimméridgien. Cette cassure a donc dû fonctionner d'abord en extension, voire même jusqu'à une ouverture qui a permis l'effondrement de panneaux intercalaires entre ses deux lèvres, puis être soumise à une compression (sans doute lors du plissement N-S) : cette dernière a induit un dispositif bien typé d'emboutissage de ses deux lèvres avec torsion de la faille et de formation de plis d'ancrage*.
- d'autre part son cœur, formé de marnes et calcaires argileux alternés, d'âge Kimméridgien, est affecté de replis, dont la présence dans une telle situation n'est pas, en soi, étonnante et serait même plutôt un cas banal de dysharmonie* (cas 1).
Mais ceux-ci se combinent d'une façon vraiment complexe avec des failles compressives qui semblent, curieusement, s'amortir vers le haut au sein de la succession de strates, en donnant l'apparence d'un cachetage synsédimentaire
de la partie haute des affleurements. Or il est bien difficile d'admettre qu'il s'agisse là d'une tectonique de compression intervenue au cours du Kimméridgien ; par contre on peut se demander si ces failles n'étaient pas originellement des failles extensives synsédimentaires, qui ont été déformées par basculement (et peut-être même par rejeu) lors du plissement ...
On ne peut manquer, en définitive, de se demander si l'activité extensive précoce de ces accidents mineurs n'est pas liée au fonctionnement de même type qu'a connu, à leur voisinage proche, l'accident de Bonneval.
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Carte géologique très simplifiée des
environs de Lus-la-Croix-Haute
redessinée sur la base de la carte géologique d'ensemble
des Alpes occidentales, du Léman à Digne, au 1/250.000°",
par M.Gidon (1977), publication n° 074
contexte régional de ce fragment de carte
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Boulc |
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