La Nappe de Digne et les structures connexes


Les déformations tectoniques des chaînons de Digne et des chaînons au NE de Sisteron sont fondamentalement liées à la formation et de l'évolution de l'entité structurale majeure que constitue la nappe de Digne.

La nappe de Digne est une puissante dalle rocheuse, de l'ordre de 5000 m d'épaisseur totale, depuis le Trias de sa base jusqu'au Tertiaire du sommet de sa succession. Géographiquement son matériel inclut tout le secteur s'étendant depuis une ligne occidentale Digne - Turriers (correspondant à son front), jusqu'à la basse vallée de l'Ubaye, où elle "s'enracine", ce matériel s'enfonçant vers le NE, sous les nappes subbriançonnaises de l'Embrunais-Ubaye.
Son chevauchement vers le SW se manifeste, dans la nature actuelle, par le fait que l'on voit, en règle générale, s'enfoncer les couches de son autochtone* sous une lame de matériel triasique, riche en gypses, qui représente la base de la succession de la nappe et dont la présence, souvent bien visible, souligne le tracé de son actuel front d'érosion.
L'individualité de cette nappe par rapport à son autochtone est, en outre, bien caractérisée par l'opposition entre la grande épaisseur de sa succession des couches du Jurassique inférieur et moyen (de l'ordre de 2000 m) et la réduction de la même succession (0 à 200 m) dans l'autochtone.

En marge sud-ouest de la nappe, son autochtone est débité par des déchirures et des chevauchements qui y découpent, sur une frange d'une largeur déca-kilométrique, une succession d'écailles* imbriquées sous la nappe qui se relaient du nord au sud, ou "lobes chevauchants".

figure agrandissable

Carte schématique du cadre régional de la nappe de Digne
1, affleurements du Jurassique inférieur et moyen, épais et hémipélagique, caractéristique de la nappe de Digne. 2, bord d'érosion de la nappe. 3, zones d'écrasement par plissement et cisaillement dextre relayant le charriage. 4. fronts de chevauchement et coulissements majeurs créés par l'avancée de la nappe. 5, domaine à affinités provençales. 6, chevauchements majeurs entre les domaines provençal et subalpin.
R = dôme de Remollon ; T = Turriers ; B = demi-fenêtre de Barles ; Bm = Barrême.


A/ La structure de la nappe de Digne

Les coupes ci-après en donnent un aperçu selon deux transversales particulièrement représentatives de la structure l'une de sa marge occidentale (écaille de Valavoire) l'autre du lobe principal de la nappe selon l'entaille qu'y a pratiquée la vallée du Bès :


figure agrandissable
Deux coupes synthétiques simplifiées, aux confins des bassins hydrographiques du Sasse et du Bès.
A : coupe de l'écaille de Valavoire, à l'ouest de l'accident des Monges.
B : coupe de la demi-fenêtre de Barles, à l'est de l'accident des Monges.
Les éléments structuraux sont désignés par les mêmes symboles que sur la carte ci-dessus et leurs correspondances éventuelles sont indiquées sous la coupe A. La localisation des coupes est indiquée en figures sur la carte structurale de la demi-fenêtre de Barles.

Noter la différence de style entre les plis très ouverts de l'écaille de Valavoire et ceux de la demi-fenêtre de Barles, très serrés et basculés vers le S dans leurs parties hautes. Le gros pointillé subhorizontal indique le plan axial de la charnière de renversement qui reploie tous les grands plis postoligocènes et en déverse les parties hautes vers le sud (c'est aussi ce pli qui détermine le renversement du flanc nord du synclinal d'Auribeau).



version plus grande de cette image
Deux coupes de la demi-fenêtre de Barles, montrant des détails de sa structure en rive droite du Bès :
A/ Partie nord : Crête Chine - Petite Cloche.
B/ Partie sud : Crête Grande Cloche-Coustagne (flanc N du synclinal d'Auribeau).
Ces deux coupes se raccordent dans le prolongement l'une de l'autre (A à droite, B à gauche). Pour plus de détails se reporter aux pages des environs de Barles.



figure agrandissable
Coupe de la demi-fenêtre de Barles, en rive gauche du Bès (orientation inverse des coupes de rive droite, ci-dessus)
Cette coupe, passant peu à l'W du Pas de Blayeul, montre en premier lieu la forme de la surface de charriage de la nappe.
Pour plus de détails se reporter aux pages des environs de Barles.

B/ La formation de la nappe de Digne et des structures connexes.

La synthèse des observations des divers auteurs (et notamment de l'auteur du site "geol-alp") conduit à se faire de la tectonique de la nappe de Digne une image dont on peut résumer les points particuliers comme suit :

1 - La nappe s'enracine vraisemblablement dans un accident de socle à peu près N-S, formé au Jurassique par l'expansion océanique alpine.
Cette cassure a joué en coulissement extensif au début du Tertiaire. Cette phase d'extension du Nummulitique a été à l'origine de la rupture de la couverture sédimentaire par une déchirure en pull-apart*, agrémentée de montées diapiriques. Cela a conféré au futur front de la nappe un découpage en redents successifs, profonds de plus de 5 km chacun, limités par des cassures alternativement N160 à N170 et N30 à N40.


figure plus grande
Schémas montrant le découpage du contenu de l'hémigraben par un jeu en pull-apart (à l'origine de montées diapiriques) à l'oligocène précoce (étape B), avant le décollement et l'imbrication de la couverture (étape C)
extrait de la publication183 (présentation retouchée)

Cet accident a acquis un jeu compressif (en fait décro-chevauchant) dès l'Oligocène. Le détachement de la tranche charriée s'est ensuite fait, en profondeur, en faisant rejouer (mais en faille inverse) l'ancien accident extensif du socle. Dans la tranche de la couverture post-triasique, ce détachement s'est fait le long des zones de faiblesse qui ont pu correspondre, selon les transversales considérées, soit au secteur du plus grand amincissement des séries (crête du bloc basculé jurassique) soit (le plus souvent) à la déchirure coulissante créée au Paléogène : ceci est à l'origine du détachement d'écailles, ou"lobes", à la marge avant du charriage.
Ces deux "rampes" de chevauchement, obliques aux couches ("rampe profonde" et "rampe superficielle"), sont raccordées par un "palier" de longueur déca-kilométrique où la surface de chevauchement suit le niveau du Trias supérieur, riche en argilites et surtout en gypse.

(voir les schémas d'évolution regroupés en fin de page).

2 - De l'une à l'autre des étapes de déformation la direction de raccourcissement est restée orientée N20 à N30. Cette obliquité de la cassure profonde sur laquelle "s'enracine" la nappe, par rapport à son déplacement, est cause d'une déformation en transpression, par décro-chevauchement* du type de celle des rampes latérales*.

Ceci s'est d'abord manifesté par la formation, de part et d'autre de la marge de la future nappe, de plis N110 à N130 formant une large bande plissée en échelons. Puis lorsque la déchirure détachant la nappe a joué, sont apparus, en marge du front de charriage, des plis N170 "d'entraînement latéral" (synclinal de Barrême et plis de la marge du bassin de Valensole à l'ouest de Digne). Ces derniers sont toutefois plus ou moins contemporains de la fin de l'évolution des plis N110 à N130, avec lesquels ils se connectent parfois en continu, et se sont en fait formés depuis le Miocène jusqu'au Pliocène (ils ne sont pas nécessairement tous de même âge et les uns ou les autres ont pu apparaître et/ou se figer plus ou moins tard au cours de cette période).

 

 

Formation des principales familles de plis dans le domaine intéressé par la nappe de Digne (schémas théoriques).

La vue est à peu près dirigée du sud vers le nord. La grosse flèche indique la direction de déplacement du matériel allochtone. Les hachures correspondent au matériel Jurassique inférieur et moyen, seul représenté.

A = état après l'extension jurassique

B = plissement préliminaire (avant détachement de la nappe).

C = plissements liés au charriage de la nappe proprement dite.

 

figure plus grande

3 - L'avancée de la nappe proprement dite sur ses écailles bordières ou sur son autochtone s'est faite au prix d'un partage en lobes autour de poinçons de l'avant-pays. Le premier de ces poinçons est constitué par le redent de Turriers, architecturé en môle résistant autour du paléo-accident du linéament de Clamensane. Un poinçonnement analogue se manifeste au sud de Barles : il a entraîné la formation d'une autre déchirure du front de charriage, la faille du Bès, qui sépare les deux lobes méridionaux (de La Robine et de Cousson) dont le comportement a été largement indépendant. L'emplacement de ce second poinçon de l'autochtone amène à l'identifier avec la terminaison en coin vers le NE du bassin mio-pliocène de Valensole.

4 - Lors du charriage le corps de la nappe n'est pas resté une dalle plane. Il a subi, en liaison étroite avec son déplacement global vers le S-SW, une déformation qui s'exprime par une torsion selon trois bandes de cisaillement dextre. La position de celles-ci par rapport aux structures de l'avant pays (écailles et autochtone proprement dit) indique qu'elles sont induites par le poinçonnement dû aux indentations de la marge est de son autochtone relatif. Ce déplacement coulissant a induit, en contrecoup, des poinçonnements symétriques, de l'autochtone relatif par le bord indenté de la nappe, ce qui est à l'origine de structures locales témoignant d'un serrage presque E-W.

Ce cisaillement a déterminé de vastes plis transverses NE-SW qui sont des flexures monoclinales à plongement accusé vers l'est. L'autochtone pincé au coeur de ces flexures a subi un accroissement de sa déformation compressive : c'est le cas dans la demi-fenêtre de Barles (pincement des plis) et dans le redent de Turriers (chevauchement des Sarces, écailles du massif de la Grande Gautière).



figure plus grande

Schéma structural en relief des chaînons entre Gap et Digne.

Bloc tectonogramme très schématique de l'ensemble de la dalle liasique de la nappe de Digne et des lobes chevauchants qui la frangent du côté sud-ouest (la vue est orientée du sud vers le nord.)

Remarquer l'analogie de situation, par rapport au corps principal de la nappe, des différents lobes chevauchants situés en avant de la nappe. Le décalage dextre des fronts de ces lobes, les uns vis-à-vis des autres, est mis en évidence par le repère que constitue l'amincissement du Lias en direction de l'ouest - sud-ouest. Seuls les deux lobes extrêmes (lobe NW et lobe de Cousson) sont solidaires du corps de la nappe ; les lobes intermédiaires (de Valavoire et de La Robine) en sont désolidarisés.

On voit que le découpage de ces lobes est en rapport avec les inflexions cisaillantes qui affectent le corps de la nappe, mais les accidents de l'autochtone avec lesquels il est aussi en relation (faille de Turriers, faille des Monges et faille du Bès) n'ont pas été figurés ici .
(pour plus de commentaires se reporter à la publication n°183)



C/ les étapes successives de la déformation régionale :

On peut en définitive essayer de schématiser la succession des déformations reconnues de la façon suivante (voir les figures) :

1. Extension jurassique

Pendant la sédimentation du Jurassique le jeu des blocs basculés créés par l'expansion océanique individualise deux groupes de domaines qui sont séparés par des zones de hauts-fonds instables. Le domaine oriental (patrie de la future nappe de Digne) est un hémigraben où les séries sont très épaisses ; les domaines occidentaux (futur autochtone) sont des zones peu profondes, à sédimentation néritique, qui correspondent aux parties surélevées du bloc basculé adjacent.

2. Plissement anté-nummulitique

Toute la région est affectée par les plis E-W (en fait plutôt NNE-SSW) qui ont été fortement érodés avant le Priabonien. Ils sont donc peut-être rapportables à la phase provençale mais relèvent plus probablement de celle, anté-sénonienne, du Dévoluy.

3 .Soulèvement du front nummulitique

Au début du Tertiaire un soulèvement important crée une dorsale méridienne qui est alors dénudée par l'érosion jusqu'aux Terres Noires. L'emplacement de cette dorsale, qui deviendra une limite paléogéographique importante (le "front nummulitique"), correspond aux confins orientaux de l'autochtone actuel et se calque sur le tracé de la limite occidentale du bloc de socle de l'hémigraben des séries jurassiques épaisses (de la future nappe). On peut donc sans doute voir, dans son soulèvement, l'effet d'un réajustement isostatique intéressant le secteur où la croûte avait été amincie par le fonctionnement antérieur du paléo-accident distensif (selon un schéma classique dans les domaines de "basins and ranges").

À peu près au même moment s'instaure un contexte distensif, avec une direction de raccourcissement est proche de N30, qui a ouvert, à la voûte de la dorsale méridienne, une grande déchirure en pull-apart, d'orientation proche de N-S, le long de laquelle s'est disposé un chapelet de montées diapiriques. Ces dernières ont été favorisées à la fois par l'érosion de la série sédimentaire, qui crée là une zone de moindre charge lithostatique, et par la distension associée à la surrection de la dorsale du front nummulitique.

4 .Mouvements oligocènes

La mer priabonienne a atteint les confins orientaux de l'autochtone actuel, sans franchir la dorsale du front nummulitique, et a laissé rapidement place dans ce secteur à la sédimentation continentale des molasses rouges (à l'ouest de la dorsale c'est ce type de dépôt que l'on rencontre dès le début de la reprise de sédimentation paléogène). Ces molasses rouges ennoient (peut-être incomplètement ?) les paléoreliefs issus de la précédente structuration.

Avant la fin du dépôt des molasses rouges, se forment, à la limite sud-ouest de la zone de dénudation des Terres Noires du front nummulitique, des écaillages à vergence ouest, associés à la mise en place d'olistolites de jurassique supérieur et de Nummulitique basal (écailles de Faucon). Ils semblent en liaison avec le jeu de déchirures dextres N-S (faille du Grand Vallon, décrochement de Turriers, faille orientale de Vermeil) à la faveur des quelles a dû commencer à se détacher l'écaille de Valavoire et a se partager le futur front de la nappe de Digne (de part et d'autre d'un poinçon destiné à devenir le redent de Turriers).

5 .Plissement post-oligocène

Après le dépôt des molasses rouges s'instaure un régime de compression horizontale généralisée, qui s'exprime par le plissement d'axe NW-SE. Il est à noter que cela correspond à ce que l'allongement, qui était horizontal, devient vertical, mais que la direction de raccourcissement reste N30. Les plis se répartissent en une large bande de plis en échelons qui court depuis le Dévoluy jusqu'à l'arc de Castellane, le long de la marge ouest de la future nappe de Digne (ce qui indique qu'ils ont des rapports de parenté avec le futur charriage).

Avec l'accroissement du taux de raccourcissement le décollement du prisme sédimentaire de marge ouest de la nappe perce la couverture en donnant naissance aux écailles (="lobes") de l'avant-pays. À la faveur du jeu dextre de la faille orientale de Vermeil le compartiment situé au sud-est du linéament de Clamensane s'individualise en une écaille de Valavoire qui s'avance sur le Miocène de la marge nord du bassin de Valensole.
Plus au sud-est, la faille du Bès commence à fonctionner en décro-chevauchement et déborde vers l'ouest sur le bassin en induisant le détachement d'une "écaille d'Aiguebelle" à matériel oligocène, puis des amas d'olistolites de Tanaron - Esclangon.
Cette étape atteint probablement son paroxysme au Miocène inférieur (Langhien), époque, dans la vallée du Bès, de l'immobilisation du front de l'écaille d'Aiguebelle. C'est alors que se produit le violent accroissement du taux des apports continentaux, qui marque la fin de la sédimentation marine miocène dans la marge du bassin de Valensole et qui témoigne de la forte surrection de son domaine bordier (au moins oriental).

6. Début du charriage de la nappe de Digne

C'est probablement le blocage frontal des écailles qui entraîne la mise en mouvement pour son propre compte du domaine de la série épaisse, par transformation en chevauchement de la déchirure de pull-apart qui le séparait de celui des écailles. Cela s'est produit à peu près au Miocène moyen (Serravalien) car, à la latitude de Barles, c'est à cette époque que le lobe de La Robine se met en place sur la marge nord du bassin de Valensole [Gidon & Pairis, 1992].

7. Suite et fin du charriage

Le déplacement de la série épaisse s'amplifie et elle se désolidarise franchement des écailles de sa marge externe pour déborder sur elles ou pour les contourner, et ce plus ou moins largement selon les transversales mais de plus en plus amplement du nord vers le sud :

- Le lobe nord-ouest a contourné simplement l'obstacle du redent de Turriers par coulissement sénestre sur la faille du Grand Vallon et écrasé sous lui le bord interne de l'écaille de Barcillonnette - Pey-Rouard.

- La partie médiane de la nappe (entre Turriers et Barles) s'est avancée sur l'écaille de Valavoire en contournant par le sud-est la partie occidentale, autochtone, du redent de Turriers, au prix d'un cisaillement dextre qui a induit une déviation vers l'ouest du mouvement du front de la nappe.

- La partie la plus sud-orientale de la nappe s'est partagée de part et d'autre de la faille du Bès :
. à l'est la nappe a continué à avancer presque librement sur la marge orientale du bassin de Valensole, formant ainsi le lobe de Cousson, qui n'est de ce fait affecté que de plis peu serrés.
. à l'ouest le matériel de la nappe qui est passé par dessus le domaine de la demi-fenêtre de Barles et avait "bavé" vers l'ouest sur le bassin, constitue le lobe de la Robine. Le front de ce dernier "se plante", à l'emplacement de Digne, dans les matériaux, en cours de rapide accumulation, de la formation de Valensole. Son avancée frontale étant ainsi bloquée, cette portion de la nappe subit une compression qui s'exprime par un plissement de plus en plus serré lorsque l'on progresse de La Robine vers Digne - Courbons.

Structure des alentours de la ville de Digne

À l'arrière, le prisme chevauchant constitué par le soubassement anté-triasique de Verdaches commence à exercer sa poussée sur le froncement de plis qui s'était formé, avant le charriage, dans l'autochtone sous-jacent : ce nouveau serrage des plis de l'autochtone a pour effet la formation, entre Verdaches et Esclangon, d'un bombement qui intéresse également les deux lobes de la nappe sus-jacente (et que l'érosion crèvera en donnant la demi-fenêtre de Barles).

Le déplacement du prisme de socle associé à la nappe lui fait alors retrouver sa position avant l'extension et même la dépasser : il forme, en franchissant le rebord occidental de l'ancienne faille extensive, un anticlinal de rampe. C'est sans doute ce pli que l'on observe dans la coupe du Bès, aux clues de Verdaches [Gidon & Pairis, 1992].
N.B. : On ne peut retenir l'hypothèse, a priori séduisante, d'une mise en mouvement de la nappe par décollement au niveau des gypses du Trias supérieur (contrairement à l'interprétation adoptée et figurée sur la carte "La Javie"). En effet on trouve bel et bien des calcaires du Trias moyen, entraînés à la base de la nappe, dans la vallée du Sasse (Le Cerveau, vallon d'Esparron), et dans la vallée du Bès, au flanc sud de l'antiforme de la demi-fenêtre de Barles (page "Tanaron").


SCHÉMAS
relatifs à l'évolution tectonique au cours du temps
Schéma élémentaire de la mise en place de la nappe de Digne
Aucun des détails structuraux, tels que plis et failles de la nappe et de l'autochtone, ne sont représentés sur ces coupes, délibérément très schématiques. En effet celles-ci sont uniquement destinées à montrer que la tranche charriée, qui repose sur son autochtone par une surface parallèle à ses couches (palier de chevauchement), a été détachée par la formation de deux rampes (surfaces obliques aux couches). Dans la partie charriée la position de ces deux rampes s'est déplacée conjointement, vis-à vis de l'autochtone, depuis l'étape de détachement initial de la nappe (coupe 1), jusqu'à la fin de son étape de charriage miocène (coupe 2).

Dans les niveaux post-triasiques le détachement frontal de la nappe s'est opéré par une "rampe superficielle" qui s'est localisée dans le domaine du maximum de réduction de l'épaisseur du Lias (50 m au lieu de plus de 1000 m dans le domaine dauphinois, plus septentrional). Les ondulations figurées en avant de cette rampe symbolisent la tectonique plicative (aux dépens de plis préexistants, non représentés), qui à préludé au détachement du front de la nappe.

Entre Barles et Digne, sur environ 20 km, la surface de chevauchement a emprunté un "palier" qui suit les niveaux gypsifères du Keuper. Plus au nord elle se raccorde à la "rampe profonde" qui traverse les niveaux anté-Keuper pour s'enfoncer dans leur substratum. Le bord sud de ce substratum charrié s'est avancé jusqu'aux confins nord de la demi-fenêtre de Barles, où il est visible dans l'anticlinal de Verdaches.

Coupes très schématiques résumant l'évolution tectonique qui a abouti au charriage de la nappe de Digne.

A - Au Jurassique moyen ; B - Bombement et érosion du début du Paléogène ; C - Début du raccourcissement (collapses fini-oligocènes) ; D - Formation des écailles (et plissement) = Oligocène final - Miocène inférieur ; E - Charriage de la nappe proprement dite (Mio-pliocène).




version orientée en sens inverse

figure plus grande // version plus grande orientée en sens inverse

Schéma récapitulatif de l'évolution des structures, en liaison avec la mise en place de la nappe de Digne, dans la demi-fenêtre de Barles.
A/ Dès le début du Miocène (voire même dès la fin de l'Oligocène) un raccourcissement NNE-SSW a créé des plis qui reprennent largement des plis anté-oligocènes. A ce stade l'unité de Chine représente alors le flanc S, encore non renversé, d'un anticlinal qui jouxtait du côté N le synclinal des Sauvans et d'Esparron. Cet ancien "anticlinal de Chine" semble même avoir été le siège de montée diapiriques, au moins dans le secteur d'Astoin.

B/ Au cours du Miocène moyen l'instauration du régime de sédimentation continentale correspond au fait que la marge est du bassin est soulevée par un accident subméridien, décro-chevauchant (embryon de la faille du Bès) qui déverse dans le bassin du matériel varié, en grande partie à l'état d'olistolites (Esclangon).
À l'ouest du cours actuel du Bès il y a seulement concentration de la déformation par raccourcissement à la marge N du bassin de Valensole, qui se renverse alors progressivement vers le S en dessinant progressivement le grand synclinal couché d'Auribeau. Le renversement du flanc nord de ce pli anticipe le détachement du front de la nappe, seulement effectif alors au niveau de la tranche profonde de celle-ci (ce n'est encore qu'un chevauchement non émergent).

C/ Au Miocène supérieur la demi-fenêtre de Barles a été débordée par l'avancée du front de la nappe qui glisse dans la dépression du bassin, sur les conglomérats inférieurs de la formation de Valensole, après avoir franchi le reliefs structuraux créés sur la bordure nord du bassin au cours des étapes antérieures.

D/ Tardivement, lors des derniers mouvements, vraisemblablement d'âge fini-pliocène, le prisme délimité par la rampe profonde (constitué par l'essentiel du Trias, le Houiller et sans doute du socle cristallin) atteint Barles et bute sur le méga-crochon de l'unité de Chine qu'il repousse devant lui, provoquant une accentuation du serrage de l'autochtone de la demi-fenêtre de Barles (flèches horizontales). Corrélativement, a lieu un surhaussement de la voûte de la demi-fenêtre (flèche verticale). C'est sans doute alors que se forme aussi (au nord d'Esclangon) l'anticlinal du Martellet (non représenté en figure D), qui replisse les accidents de la marge septentrionale du bassin de Valensole et qui confère à la surface de chevauchement de la nappe de Digne un pendage accentué vers le sud (ce qui est à l'origine de la fermeture aval de la demi-fenêtre de Barles).
Les doubles demi-flèches symbolisent le cisaillement générateur des plis rétro-déversés qui affectent le Lias de la nappe, à l'aplomb du front de la rampe profonde, par suite de la surélévation de la partie de la nappe qui recouvrait le bombement de la demi-fenêtre.

 

D/ En définitive la nappe de Digne est un charriage assez particulier à deux titres principaux :

(1) sa surface de charriage a fonctionné en décro-chevauchement (elle a avancé en crabe vers le sud, par rapport au tracé de son front) et elle a la signification d'une faille transformante* car elle décale la limite paléo-géographique et structurale entre les chaînes subalpines et provençales en inversant leurs sens de déversement relatif ;


Bloc tectonogramme très schématique
montrant que le chevauchement de la nappe de Digne peut aussi être assimilé, du fait des coulissements qui l'affectent, à un accident transformant. En effet il décale la ligne d'affrontement des domaines dauphinois et provençaux et dissocie les chaînons subalpins occidentaux des Baronnies, (à l'ouest), qui sont déversés vers le nord, de ceux de l'Arc de Castellane (à l'est), qui sont au contraire chevauchants vers le sud.
(figure extraite de la publication122 , redessinée)

(2) sa déchirure frontale avait un tracé initial en zigzag : ce second aspect, combiné avec le précédent, a conduit à créer, lors de sa mise en place, des structures annexes complexes (lobes chevauchants de bordure de son front).


pour des développements complémentaires, voir les publications n° 156 et 183
Structure des alentours de la ville de Digne
Aperçu d'ensemble sur les environs de Barrême



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