Praz-sur-Arly, Notre-Dame-de Bellecombe

Talweg et pentes de rive gauche du val d'Arly au sud-ouest de Megève

Les pentes septentrionales du chaînon qui sépare la haute vallée de l'Arly (Megève) de celle du Doron de Beaufort sont constituées d'échines largement boisées que séparent plusieurs vallons, globalement orthogonaux à la vallée principale, lesquels drainent, au nord-est des Saisies, le versant nord de la crête du Mont de Vorès et du Mont Clocher (voir la page "Vorès-Hauteluce"). Ces vallons entaillent la couverture sédimentaire qui recouvre la lourde voûte anticlinale du socle cristallin du rameau externe de Belledonne, socle qui est visible plus à l'ouest, dans le secteur des Saisies, mais n'est nulle part mis à nu par l'érosion sur cette transversale.

Ces montagnes sont constituées de couches calcaréo-argileuses disposées en strates généralement proches de l'horizontale. Elles dessinent, comme la surface du socle qu'elles recouvrent, un anticlinal NE-SW à grand rayon de courbure, et pendent donc vers l'ouest dans le cours inférieur des vallons puisqu'elles y reposent sur le flanc ouest de ce pli. Malgré la faiblesse des différences entre les faciès de leurs roches constitutives on peut y distinguer des lignes d'abrupts soulignant les niveaux les plus calcaires, ce qui a permis de voir qu'il ne s'agissait pas d'une simple succession stratigraphique mais de deux éléments structuraux superposés.

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Les pentes tout-à-fait supérieures de la vallée de l'Arly, vues de l'ouest, depuis Les Avenières, au NW de Saint-Nicolas la Chapelle.
f.L = faille de Lady, à lèvre droite (méridionale) abaissée ; ? = son prolongement vraisemblable dans la vallée de l'Arly ; ØS = chevauchement du Sangle.
Aal. To
= Schistes argileux aaléniens avec leur base de calcschistes toarciens, eux-mêmes reposant sur un niveau d'encrinites qui couronne le niveau suivant ; Lim = Lias inférieur et moyen, plus ou moins riche en bancs calcaires ; Lm = barre calcaire du Lias moyen .

Ce sont, dans l'ordre de leur importance dans le paysage, en s'écartant assez peu de la terminologie de J.L.Epard (voir la coupe générale en fin de page) :

1 - une unité du Sangle (du nom de la butte 1993 terminant l'arête nord du Mont de Vorès), qui est armée par une ligne d'escarpements formée de calcaires du Lias moyen (comme indiqué sur la carte géologique, feuille Saint-Gervais). Cette "barre du Sangle" court à flanc de pente et dessine des rentrants dans tous les vallons tributaires de la rive gauche de l'Arly (voir les cartes) ; elle s'abaisse presque jusqu'au fond de la vallée de l'Arly dans les pentes occidentales de Rochebrune (voir la page "Megève").
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Les confins des crêtes de Megève et de Praz-sur-Arly : vue d'ensemble, du sud-ouest, depuis le sommet du Mont de Vorès.
On distingue clairement l'empilement en tranches sub-horizontales des trois ensembles lithologiques superposés
Bj?-To ? = Bajocien (ou Toarcien selon J.L. Epard) ; Lci = Lias inférieur ; Lcm = Lias moyen .
u.J = unité du mont Joly ; u.mA = unité du Mont d'Arbois (son autochtone relatif) ; u.V = unité de Vorès : l'anticlinal à cœur de cargneules triasiques qui la constitue se boucle apparemment dans le ravin des sources du torrent de Cassioz ; u.S = unité du Sangle ; aut = autochtone de cette dernière affleurant dans le vallon de Cassioz.

Dans son ensemble cette barre rocheuse est considérée par J.L.Epard comme disposée à l'envers : il l'interprète comme le flanc inverse d'un anticlinal couché dont le flanc normal (supérieur) serait dépourvu de ses calcaires du Lias moyen comme de ses calcschistes toarciens et ne serait formé que d'Aalénien.
Mais on ne voit pas comment les schistes aaléniens du toît de ce dispositif pourraient recouvrir stratigraphiquement les alternances marno-calcaires du sommet de la barre, attribuées à un "Lias moyen inférieur" qui serait en série renversée. J.L.Epard imagine expliquer cette disposition par une lacune stratigraphique due au jeu extensif d'une paléofaille jurassique, accident qui aurait ensuite été repris en un anticlinal couché. Cette géométrie est invraisemblable et l'interprétation qui en est proposée n'est pas plausible.

En définitive il est beaucoup plus raisonnable de suivre la carte géologique, en plaçant une surface de chevauchement sous la barre des calcaires liasiques du Sangle, même si cela conduit à considérer les couches marno-calcaires couronnant cette barre comme toarciennes ou correspondant à un Lias moyen "supérieur" (non identifié par Epard et ayant le même faciès que le Lias inférieur).
Un argument supplémentaire allant en ce sens est le fait que cette structure est très clairement celle que suggére la coupe ci-après, telle que l'a publiée J.L. Epard lui-même : en effet le prétendu contact stratigraphique renversé de la base de la barre y est dépourvu de marnes toarciennes et sa schistosité est orientée à l'opposé de celle que devrait montrer là un flanc inverse de pli couché.


Coupe de l'extrémité septentrionale de la crête du Chard du Beurre (en rouge commentaires de M. Gidon) : elle montre l'existence d'une nette discontinuité stratigraphique qui implique un chevauchement (et non un synclinal couché). L'attitude de la schistosité n'est pas celle d'un flanc inverse : elle est au contraire en accord avec un cisaillement à vergence NW, tout-à-fait compatible avec un tel chevauchement.


Le Chard du Beurre, vu de l'est depuis le col de Grattary (1790), sur la route de Véry.
ØS= chevauchement du Sangle ; on voit que la barre calcaire du Sangle (Lm) est ployée en une antiforme : celle-ci est moulée sur la courbure de la voûte qui affecte la surface du socle cristallin, qui est son soubassement proche.


2 - Au dessus de cette barre calcaire, l'Aalénien de la pente du Mont de Vorès (censée être le flanc ouest du synclinal du Mont d'Arbois) semble bien envelopper la tête d'un pli couché, qui est dessiné par un Lias calcaire très réduit. Cet anticlinal du Mont Clocher semble se fermer aux abords des chalets de Douce, où se trouverait sa charnière et comporterait deux flancs encadrant son cœur, qui est formé par la lame de cargneules qui couronne la butte et le flanc NE du Mont Clocher.

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Les hauts alpages du vallon de Douce, vus du sud depuis le pylône de télésiège de la butte 1907 (1,5 km à l'ouest du Mont Clocher).
Interprétation alternative à celle de J.L.Epard : ici la barre du Sangle est considérée comme à l'endroit, avec du Toarcien, ou du Lias moyen terminal, à son sommet (et non du Lias inférieur)
Le dessin de l'anticlinal couché du Mont Clocher ne correspond pas à une charnière observable ; les tirets gras qui limitent le Lias de son flanc inverse indiquent la possibilité d'une discontinuité par chevauchement ; ØS = chevauchement du Sangle.


3 - le soubassement autochtone de l'unité du Sangle, à l'endroit sans ambiguité, est visible en rive gauche de l'Arly entre Praz-sur-Arly et Les Saisies, notamment dans la vallée du Nant Rouge aux abords de Notre-Dame de Bellecombe. On y voit un Lias peu épais (et dont l'épaisseur décroît rapidement vers l'est), formé d'alternances plus riches en schistes qu'en calcaires, qui reposent sur un talus de dolomies triasiques cargneulisées.

 Le Lias moyen calcaire s'y individualise progressivement, d'ouest en est, à partir du vallon du Planay, en formant une petite corniche qui court dans les basses pentes du Mont Rond et du Chard du Beurre : l'apparition puis l'épaississement de cette barre calcaire correspond sans doute au passage progressif à la barre du Sangle, dont le secteur de dépôt originel devait effectivement se trouver plus à l'est.


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Les montagnes de rive gauche (sud-orientale) de la vallée de l'Arly, vues de La Croix Cartier (sud de La Giettaz).
s.pa = surface de la pénéplaine anté-triasique (garnie par quelques mètres de grès du Trias basal) : noter son abaissement progressif de l'arrière droit vers l'avant-gauche sur le flanc ouest de la voûte du socle cristallin.
Ø.S
= chevauchement du Sangle ; li-m = Lias inférieur à moyen, réduit, de l'autochtone proprement dit ; sous ce dernier les dolomies et cargneules du Trias sont relativement épaisses à l'ouest de N.-D. de Bellecombe mais s'amincissent énormément vers l'est (au pied du Mont Rond par exemple).
En avant-plan gauche le versant nord-occidental de la vallée de l'Arly montre le redoublement de la barre bajocienne par le synclinal de Flumet (s.F), couché et même basculé vers l'ouest (voir la page "Flumet").

L'épaisse lame continue d'Aalénien que l'on suit d'un vallon et d'une crête à l'autre sous l'unité du Sangle apparaît comme le terme le plus récent de la succession autochtone (on n'y observe pas de faciès pouvant évoquer le Bajocien).

A partir de ces données deux interprétations peuvent être proposées, celle de J.L. Epard et une alternative qu'il m'a paru judicieux de proposer ici.

a) Selon J.L. Epard la bande d'Aalénien sous jacente à la barre du Sangle serait le coeur d'un synclinal couché très aplati (son "synclinal du Sangle") et la succession de l'unité du Sangle serait le flanc supérieur renversé de ce pli. C'est dans cette même disposition que cette barre se poursuivrait jusque dans le soubassement de Rochebrune.

 De plus, pour lui, et contrairement à ce qu'indique la carte géologique Saint-Gervais, ce seraient les argilo-schistes aaléniens, en position renversée sous cette barre, qui forment, à l'est de Praz-sur-Arly, le pied du versant boisé de Cassioz. Ils y reposaient sur les dolomies triasiques du fond de vallée qui constituent pourtant la base de la succession autochtone ...



Coupe transversale schématique, selon J.L.Epard, à peu près selon le vallon de Douce.
li-m = lias inférieur - moyen très réduit en épaisseur ; sca = surface de contact anormal (Aalénien reposant sur Lias inférieur renversé (?) ; s.S = synclinal du Sangle (entité propre à cette interprétation).

Remarques diverses sur cette interprétation :

Ce schéma admet que le Lias moyen de la barre du Sangle, flanc inverse d'un "synclinal du Sangle", est séparé, vers le haut, du Lias supérieur par une surface de contact anormal (sca) qui serait d'origine paléo-structurale (?). Or on a vu, plus haut dans cette page, que cette géométrie suppose une tectonique synsédimentaire qui est dénuée de fondement et en outre très peu concevable.

En outre on ne voit pas comment dans le même intervalle stratigraphique entre Trias et Aalénien on pourrait observer à l'ouest de Megève, dans le soubassement de Rochebrune, une succession liasique renversée, tandis qu'à l'est de Megève, sous le Mont d'Arbois, les couches de même âge sont disposées à l'endroit.

Enfin cette interprétation ne semble étayée par aucune donnée de datation paléontologique. Au contraire la présence, au sommet topographique de la barre du Sangle, notamment à Rochebrune (page "Megève"), de calcaires échinodermiques ailleurs considérés de longue date comme carixiens vient plutôt contredire son prétendu renversement.

Le point crucial concerne donc la datation des couches plus marneuses qui coiffent directement la barre du Sangle sous les argilites aaléniennes, couches que J.L. Epard attribuait au Lias inférieur. En fait il paraît beaucoup plus vraisemblable qu'elles soient toarciennes, donc intercalées à leur place stratigraphique normale, sous l'Aalénien des abords du Mont de Vorès (voir le 3° cliché de la présente page).

b) Interprétation alternative proposée : Ces difficultés portent à admettre que la barre du Sangle est à l'endroit et que c'est donc par un contact tectonique qu'elle repose sur le Lias supérieur.


Coupe transversale, proposée par M. Gidon, passant à peu près selon le vallon de Douce.
ØS = chevauchement du Sangle.


On aboutit donc à la coupe que représente le schéma ci-dessus : elle exprime sensiblement l'interprétation déjà retenue sur la feuille Saint-Gervais de la carte géologique et c'est aussi ce que suggère l'aspect brutal du contact basal de la barre du Sangle, notamment au lieu éponyme, dans le haut vallon de Cassioz ainsi qu'au Chard du Beurre (voir plus haut dans la présente page).


Aperçu d'ensemble sur la structure du secteur Megève - Val Montjoie

cartes géologiques au 1/50.000° à consulter : feuille Saint-Gervais

Carte géologique simplifiée du chaînon de rive gauche du val d'Arly à la latitude des Saisies
redessinée sur la base de la carte géologique d'ensemble des Alpes occidentales, du Léman à Digne, au 1/250.000°", par M.Gidon (1977), publication n° 074.
N.B. Cette carte est basée sur les contours de la feuille Saint-Gervais à 1/50.000° : elle comporte, au nord-est des Saisies, des erreurs d'attributions stratigraphiques non encore rectifiées ...

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