|
Lac de l'Eychauda |
Le lac de l'Eychauda est un typique lac de verrou, logé dans un ombilic glaciaire*, au creux d'un cirque que ferme, du côté nord, la Crête des Grangettes et du côté est celle du Rocher de l'Yret.
Mais la localisation de cet ombilic est liée à une disposition tectonique très particulière, la présence, entre les roches cristallines formant les parois du cirque et celles de son fond, d'une intercalation de roches sédimentaires, comportant même un niveau relativement tendre de schistes noirs, que le glacier de Séguret Foran à pu affouiller jusqu'à le creuser à son front.
![]() Les crêtes dominant le lac de l'Eychauda, vues du sud-est, depuis le verrou à l'est du lac. La fonte de la langue du glacier de Séguret-Foran a mis à nu, dans les années 1950, les roches moutonnées de son bedrock (que n'avait pu observer P.Termier lors de son étude du massif aux alentours de 1900). Il s'agit des calcaires marbreux voire même quartzeux attribués au Lias-Dogger car ils supportent directement les Terres Noires du Jurassique supérieur (qui affleurent plus haut sous la crête des Grangettes). On voit parfaitement le chevauchement du cristallin de la crête des Grangettes mais la coupe naturelle n'est pas orientée selon la direction du mouvement : la direction d'axe, ENE-WSW, du crochon que dessinent ses couches dans les rochers du sommet 3310 indique un déplacement de l'écaille non pas vers la gauche mais vers l'arrière-plan (c'est-à-dire vers le N-NW). ![]() |
En effet le lac est logé à l'extrémité orientale d'une véritable demi-fenêtre*, percée dans une petite nappe de charriage, l'écaille des Grangettes (= "écaille de l'Eychauda", P.Gidon, 1954). Cette dernière, formée de matériel cristallin, s'est avancée sur les terrains sédimentaires du vallon encore partiellement occupé par le glacier de Séguret-Foran.
En outre l'emplacement même du lac semble déterminé
par le passage d'une faille du
lac de l'Eychauda, qui est une cassure verticale N-S bien visible dans les pentes qui
tombent du Collet d'Avant-Foran et qui passe très vraisemblablement
au col des Grangettes : en effet en contrebas nord de ce dernier
(rive sud du vallon du Tabuc)
la surface de chevauchement de l'écaille des Grangettes
est brutalement abaissée d'au moins 100 m. Cette faille
est masquée aux abords du lac par le colmatage de matériel
morainique et dans les pentes du col des Grangettes par les éboulis
et les panneaux rocheux fauchés ou tassés.
Il est probable que c'est la rencontre de cette faille verticale
avec la surface de chevauchement inclinée vers le SE qui
a déterminé une zone particulièrement faible
que la langue ancienne du glacier de Séguret-Foran a évidée
en surcreusement.
Cette fracturation du bedrock explique sans doute aussi que le
lac n'ait pas de déversoir et que ses eaux s'évacuent
par la profondeur, pour ressortir 500 m plus bas et plus au SE
dans le vallon de Chambran, vers 2000 m d'altitude, au pied du
verrou de la Coste du Laou. Il est donc assez probable que ces
eaux suivent un certain temps, dans ce parcours, la surface de
chevauchement, et l'on peut même se demander, à la
suite de P.Gidon (1954), si cette surface tectonique n'est pas
remise passagèrement à nu, dans ce secteur, en une
petite fenêtre masquée sous les éboulis.
Le secteur du lac de l'Eychauda se singularise d'autre part par une succession stratigraphique particulière, d'épaisseur réduite, ne comportant entre le Trias et les Terres Noires du Jurassique supérieur qu'une seule formation constituée de calcaires marbreux massifs, à intercalations quartzitiques. Il s'agit vraisemblablement de faciès de haut-fond, d'âge imprécis, qui sont attribués (surtout par encadrement) au Jurassique moyen - inférieur et qui indiquent quà cette époque on devait se trouver là à proximité de la crête d'un bloc de socle surélevé.
Les données fournies par l'analyse micro-tectonique (principalement la direction des axes de plis d'entraînement) montrent que l'écaille des Grangettes (comme celle de Montagnolle d'ailleurs) s'est déplacée vers le N-NW (et non vers l'ouest, comme le laisserait croire l'aspect de sa coupe naturelle au nord-ouest du lac de l'Eychauda). On voit d'ailleurs bien, sur le versant ouest des crêtes culminantes du chaînon de Clouzis, que cette surface perd rapidement de l'altitude vers le sud. Le fait que sa surface de chevauchement plonge actuellement vers l'est - sud-est, comme on le voit, est dû au basculement vers l'est, d'âge post-nummulitique, qui affecte toute la bordure orientale du massif du Pelvoux.
![]() Les plis hectométriques du dôme du Monêtier vus du sud depuis l'altitude de 3300 sur le glacier de Séguret Foran. Le sommet du dôme du Monêtier est une petite klippe détachée par l'érosion du front de l'écaille des Grangettes (ØG) Les couches du Jurassique moyen - inférieur marbreux (jmi) et du Trias, charriées sur les Terres Noires sont affectées de plis d'axe NE-SW, déversés vers le N-NW. (cliché Paul Gidon, 1950, interprétation selon P.Gidon, 1954, fig. 12, p.57) |
|
|
|
Clouzis |
|
|
|
|
|
|
![]() |
|