Vallon du Grand Tabuc, Croix de Cibouit

rive droite de la Guisane au niveau du Monêtier

Le vallon du Grand Tabuc comporte une partie tout-à-fait aval, où il traverse la marge occidentale du domaine briançonnais, et une partie tout-à-fait amont où il pénètre dans le socle cristallin du massif du Pelvoux. Entre les deux, c'est-à-dire dans la partie de son cours orientée NE-SW, il donne une coupe de l'enveloppe sédimentaire de ce massif, en commençant par celle de l'extrémité méridionale du bloc du Combeynot, qui tapisse, en rive gauche, les pentes de Sainte-Marguerite (où la voûte du cristallin du bloc du Combeynot s'enfonce vers le sud).

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Le Monêtier-les-Bains, la rive gauche et le débouché du vallon du Grand Tabuc vus de l'est, depuis les pentes de Puy Jaumard.
ØSB = chevauchement "pennique frontal", surface de charriage le long de laquelle l'autochtone (en arrière) s'enfonce sous les nappes d'origine "interne"* (en avant) ; ces dernières commençent par des unités sub-briançonnaises, surtout formées de calcaires du Jurassique moyen (jm) et de calcschistes du Crétacé supérieur (cs) .
ØG = chevauchement des Grangettes ; f.D = faille de Dormillouse ; d.M = décrochement (dextre) du Monêtier (= prolongement oriental de la précédente) ; f.PT = faille du Petit Tabuc . Les tirets jaunes correspondent à la surface de discordance du Nummulitique.

a) - Les terrains sédimentaires autochtones sont surtout développés en rive droite, où la succession nummulitique autochtone forme les abrupts de la Croix-de-Cibouit. Le Nummulitique y repose sur des couches jurassiques, qui affleurent dans le bas versant de cette montagne, par l'intermédiaire d'un chapelet d'amandes de roches cristallines (dont la taille va de la dizaine à plusieurs centaines de mètres de long).

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La rive droite (méridionale) du ravin du Grand Tabuc vue du nord-ouest, depuis le ravin méridional des Prés-les-Fonts (env. 2600, pentes des Têtes de Sainte-Marguerite).
Deux points d'interrogation indiquent les points où l'absence d'affleurements laisse en suspens des problèmes d'interprétation : dans le bas du vallon de Montagnolle le prolongement vers le NE de l'écaille des Grangettes (ØG) et plus haut les rapports entre le chevauchement de Montagnolle (ØM) et le chapelet des lames de cristallin de la Croix de Cibouit.

Jusqu'en 1978 cette disposition avait été interprétée comme due au chevauchement d'une "écaille" de cristallin (garnie de sa couverture) sur le Jurassique, à la façon des imbrications que l'on observe immédiatement plus à l'ouest, dans le secteur de l'Eychauda. L'étude des affleurements et celle du contexte environnant (Rocher de l'Yret notamment) ont conduit à conclure que les blocs cristallins jalonnant le contact du Nummulitique sur le Jurassique étaient des olistolites, mis en place à la suite de l'érosion anté- et syn-nummulitique, qui a ici dénudé irrégulièrement le socle cristallin.


Le chapelet d'olistolites de la Croix-de-Cibouit : vue détaillée, prise du nord-ouest depuis le ravin des Prés-les-Fonts.
Malgré l'interruption des affleurements par des couloirs d'éboulis on voit la forme amygdalaire et l'imbrication des lames de cristallin dans le complexe schisteux basal du Nummulitique (voir schéma ci-dessous pour plus de commentaires).



figure agrandissable
Croquis résumant les résultats de l'observation sur le terrain des affleurements du cliché précédent
(extrait de la thèse de A. Lami,1988, légèrement retouché, d'après J.C.Barféty, pour le faciès attribué ici aux Terres Noires)
Les lettres cerclées attirent l'attention sur les points suivants :
B = terminaison en biseau de bancs de grès du flysch, qui s'effilent latéralement dans les marnes tertiaires (ce qui dénote une zone de sur épaississement des dépôts à matériel argilo-calcaire, sans doute d'origine locale) ;
C = paléopente enduite de calcaires nummulitiques amincis ; D = alignement de blocs de dolomie triasiques dans les Terres Noires ;
E = vire de schistes à nodules bruns, interstratifiés de lambeaux effilés de cristallin, de calcaires liasiques et de dolomie triasique.

Cette interprétation est cohérente avec celle qui voit, dans les imbrications socle - couverture du secteur de l'Eychauda (écailles de Montagnole et des Grangettes), des structures anté-nummulitiques, cachetées, du côté nord-oriental, par les couches nummulitiques, entre le Rocher de l'Yret et le bois des Sagnières (rive gauche du Grand Tabuc). Elle a été reprise (avec des nuances et des aménagements de détail) dans une étude plus récente [thèse de A. Lami (1988)].

Cette interprétation n'a pas été retenue sur la carte géologique Briançon, qui considére que le chevauchement de l'écaille de Montagnole se prolonge sous les lames de cristallin de la Croix de Cibouit et jusque dans le bois des Sagnières.
Cette carte n'indique toutefois pas comment ce chevauchement y fait place au contact purement stratigraphique du Nummulitique sur le socle cristallin (non affecté d'écaillages) du massif du Combeynot : une telle disposition implique nécessairement l'antériorité du chevauchement par rapport à la transgression nummulitique.
Ce dernier point est d'ailleurs en accord avec les sens de mouvements (vers le NW et non vers le SW) qui sont indiqués par les figures d'entraînement observables dans les abrupts sud du Rocher de l'Yret, au lac de l'Eychauda et au Dôme du Monêtier.

À la lumière de ce que l'on sait désormais sur les déformations alpines tertiaires à l'interface socle - couverture sur la marge nord du massif du Pelvoux, d'une part et, d'autre part, sur la déformation de la couverture nummulitique à sa marge sud-est, dans les vallées du Fournel et de Dormillouse, il semble qu'une interprétation intermédiaire puisse être envisagée :
L'auteur de ce site considère toujours que l'écaille de Montagnole est bien cachetée par le Nummulitique et que les lames de cristallin de l'Yret et de Cibouit résultent bien d'un remaniement sédimentaire de son matériel, lors de la transgression nummulitique. Mais il incline désormais à penser que la mise en chapelet des lames de cristallin qui séparent le soubassement jurassique et la couverture nummulitique de cette écaille résulte, pour partie, d'un étirement lié au cisaillement généralisé vers l'ouest qui s'est exercé tangentiellement à l'interface socle-couverture lors des mouvements post-nummulitiques.
À l'inverse des conceptions antérieures il voit là une déformation diffuse, sans véritable surface de discontinuité tectonique, qui n'est aucunement assimilable à une imbrication par écailles chevauchantes.

b) - La partie supérieure du cours du Grand Tabuc prend une orientation presque W-E et les abrupts de sa rive droite fournissent alors une splendide coupe naturelle du chevauchement de l''écaille des Grangettes (elle est en effet orientée à peu près selon la direction de mouvement du chevauchement.

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La Crête des Grangettes versant nord vue des environs de Monêtier. (cliché original obligeamment communiqué par M. Cl. Mansiot).
ØG = chevauchement des Grangettes.
js = marnes du Jurassique supérieur (Terres Noires) ; jm-i = calcaires marbreux du Jurassique inférieur - moyen.


Panorama du fond du vallon du Grand Tabuc vu d'aval, depuis les environs de la cote 1900 ; dessins de Maurice Gidon, in Paul Gidon, 1954 (retouchés).
ØG = chevauchement des Grangettes ; f.E = faille du lac de l'Eychauda (?) ; f.D = faille de Dormillouse.
js = marnes du Jurassique supérieur (Terres Noires) ; jm-i = calcaires marbreux du Jurassique inférieur - moyen.

D'autre part le tracé du vallon ne s'écarte alors qu'assez peu de celui d'une cassure qui est bien visible dans la partie amont de ces abrupts, la faille de Dormillouse (voir la page "Clouzis") : on peut donc penser que c'est cette cassure qui a originellement déterminé le changement de direction du thalweg dans cette partie supérieure de son cours. En outre elle décale les contacts de chevauchement traversés par le cours aval du vallon, ce qui lui fait très vraisemblablement prolonger le "décrochement du Monêtier" qui affecte les unités charriées de rive gauche de la Guisane (voir la page "Monêtier").

Cette faille NE-SW est fortement pentée vers le SE et son compartiment méridional est abaissé de plusieurs centaines de mètres. Elle vient ici rencontrer l'extrémité méridional du tracé de la faille du Petit Tabuc, sans que l'on puisse observer (en raison du colmatage de Quaternaire qui occupe le fond de vallon) les rapports entre elles. Son devenir en direction du sud est donc totalement énigmatique car aucun accident adéquat ne s'y observe.

On peut notamment éliminer l'hypothèse, selon laquelle la faille du Petit Tabuc se poursuivrait par le col des Grangettes, et au-delà par la faille du lac de l'Eychauda. Elle est suggérée par le fait que la surface de chevauchement de l'écaille des Grangettes est décalée verticalement de plus de 100 m à l'aplomb de ce col (bosse de Roche Peyron). Mais le rejet de cette faille (abaissement de son compartiment oriental) est à l'opposé de celui (surhaussement du compartiment oriental) de la faille du Petit Tabuc.

L'importance majeure de la faille de Dormillouse se manifeste également par le fait qu'elle se prolonge, semble-t-il, sur la rive opposée de la vallée d'Ailefroide, jusqu'au coeur même du massif des Écrins (et au delà), en traversant la face nord du chaînon du Pelvoux, pour se raccorder à la faille de Coste Rouge qui limite la face nord des Pics d'Ailefroide (cf. carte géologique au 1/50.000°, feuille Saint-Christophe).

Voir l'aperçu général sur la bordure orientale du Massif du Pelvoux
Pour plus de détails consulter la publication086 et la thèse de A. Lami (1988)


carte géologique au 1/50.000° à consulter : feuilles Saint-Christophe en Oisans et Briançon.

voir les compléments cartographiques à la page Monêtier


vallon d'Arsine

Têtes de Ste Marguerite

(Le Lauzet)
Agneaux

LOCALITÉS VOISINES

(le Monêtier)

Eychauda

Rocher de l'Yret

(Cucumelle)
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