Chirens

l'extrémité méridionale du val d'Ainan

La bourgade de Chirens occupe une zone alluviale plate enserrée de collines sur presque tous ses côtés, sauf au sud-est et au nord-est où ces collines sont percées de deux larges trouées. Ce sont respectivement la vallée du Rousset et l'extrémité sud du val de l'Ainan, l'une et l'autre empruntées (successivement) par la N.75. Il s'agit de deux vallées mortes car, en dépit de leur largeur, elles sont pratiquement dépourvues de cours d'eau.

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Les alentours de Chirens, vus de l'épaulement sud-oriental de la Tour de Clermont-Tonnerre (700 m au sud du village de Clermont), c'est-à-dire depuis le rebord du replat morainique rissien.

La vallée du Rousset, la moins large (500 m), semble buter vers l'amont, au village du Fagot, contre le pied de la moraine iséroise du stade 2 (que la route N.75 franchit au col du Verdin). En amont de ce village son tracé est E-W et suit le pied externe de cette moraine jusqu'au seuil de la Pensière, où elle se raccorde à la large dépression de Saint-Nicolas de Macherin.

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La trouée de la vallée du Rousset, vus du nord, depuis la rive droite du val d'Ainan (route de Clermont).
Le raccord entre la vallée du Rousset et la dépression de Saint-Nicolas-de-Macherin est masqué derrière les pentes du château de Montclair (voir la page Saint-Nicolas de Macherin).

Tout indique donc que cette vallée morte du Rousset a été principalement aménagée au stade 2, par les eaux qui s'échappaient, à La Pensière, du déversoir du lac du Crossey (voir les pages Saint-Nicolas de Macherin et Saint-Étienne de Crossey.).
Il n'y a aucun indice qu'au stade 1 du retrait wurmien la langue du glacier isérois s'y soit vraiment engagée : cette langue devait alors mourir au alentours du village du Fagot. Mais ses eaux de fonte avaient dû très sérieusement commencer à creuser la partie N-S de la vallée, située en aval du Fagot, dès cette époque.


Carte de la région située au nord-est de Voiron au Quaternaire récent
Les numéros indiquent les épisodes de retrait du front de la langue glaciaire iséroise qui occupait la dépression de Voiron.
À l'angle nord-ouest de la carte est représenté le vallum de Chirens, à l'extrémité méridionale de la langue de glacier rhodanienne de l'Ainan (voir la carte d'ensemble de la région voironnaise).

Le val d'Ainan a été creusé et calibré en une large vallée par une langue du glacier rhodanien, qui s'avançait du NE vers le SW, c'est-à-dire à contresens du drainage actuel de cette vallée. En effet au sud-ouest de la dépression de Chirens le val d'Ainan se ferme par un vallum* morainique typique (pentes de Clermont et de La Garangère) dont la concavité est ouverte vers le nord.
Au nord de ce vallum, entre le chef-lieu et L'Arsenal, le glacier avait même affouillé son lit rocheux nettement plus bas que les affleurements de bedrock molassique qui ferment la dépression du côté méridional (pentes des vallées de Bavonne et de la Fure). Cette zone "surcreusée", ou ombilic* de Chirens, a été remplie, après la fonte des glaces par un lac qui a longtemps subsisté, puis s'est progressivement comblé d'alluvions provenant de ses rives et surtout de tourbe.

voir, ci-après, quelques précisions concernant l'analyse de ce remplissage lacustre


La trouée du val d'Ainan, en amont de Chirens, vue du sud-ouest, depuis la rive droite du val d'Ainan (hameau du Mollard, route de La Guilletière).
Les deux rives de la vallée, formées de molasse miocène plus ou moins riche en conglomérats selon les points portent des replats garnis de matériel morainique. On peut (mais avec des incertitudes) y retrouver les traces des moraines latérales de la langue du glacier rhodanien qui a aménagé et calibré la vallée.

Le vallum de Chirens est très spectaculaire et d'une conservation remarquable. Il est dessiné par les moraines et par leurs chenaux marginaux d'évacuation des eaux, qui ont été édifiés aux stades 1 et 2.

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La partie nord-occidentale du vallum de Chirens, vue du sud, depuis la crête de la moraine (1M) de Garangère
Les oscillations de l'extrémité de la langue de glacier qui occupait le val d'Ainan ont creusé l'ombilic de Chirens.
Les eaux de fonte, aux différents stades, s'évacuaient en direction du sud (grosses flèches) par les chenaux qui bordent les moraines du côté opposé à celui occupé par la glace (du côté gauche donc).
Lors du retrait qui a suivi le maximum d'extension du Würm (avant le stade 1M), les eaux s'évacuaient vers la vallée de la Fure (hors du champ, côté gauche du cliché) par un chenal radial (perpendiculairement au front du glacier) en utilisant la brèche qui surplombe le village du Guillermet (cf cliché précédent). La banquette correspondante 1R, tranchée ensuite par les écoulements 1S, est visible à l'extrême gauche du cliché.

Ce vallum devrait se fermer du côté sud-est en s'appuyant contre les pentes du Bois de Bavonne. L'alignement des moraines et des terrasses y a toutefois été tranché (surtout au stade 2) par les écoulements provenant du lac du Crossey (voir les pages Saint-Nicolas de Macherin et Saint-Étienne de Crossey) : comme ils venaient de l'est la présence de la langue glaciaire les refoulait contre ce flanc de montagne, qu'ils ont donc presque totalement dégarni des alluvions qui auraient dû s'y déposer sans ces circonstances.

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La fermeture méridionale du vallum de Chirens, vue du nord, depuis le lambeau de crête morainique (1M) de la Croix du Molarot (588), 400 m à l'est de Clermont.
Les eaux de fonte de la langue glaciaire de l'Ainan, réunies avec celles provenant de Saint-Nicolas de Macherin, s'échappaient de la dépression de Chirens par son bord sud, en longeant la montagne du Bois de Bavonne (grosses flèches blanches). Leur chenal, tranche les moraines du vallum et forme maintenant une belle vallée morte de Bavonne, qui relie le village du Gayet (hors du champ à gauche) à la vallée de la Fure (Bonpertuis, hors du champ à droite). Ce chenal a surtout fonctionné aux stades 2 et 3 , et a servi plus tard à évacuer les eaux du lac qui remplissait l'ombilic de Chirens après la fonte de la langue glaciaire.
La moraine 2M (des Brosses) et son chenal marginal 2S, sont vus presque d'enfilade, depuis leur amont. A ce stade les eaux ont étalé les matériaux transportés en une belle terrasse 2S, qui domine la vallée morte du Gayet (et la masque), avant de s'écouler en perçant la moraine 1M de La Garangère, à peu près sur la transversale du village de Bavonne.

Ces eaux, jointes à celles provenant de la fonte de la langue de l'Ainan (qui ont continué à s'y écouler jusqu'au stade 3 inclus), ont creusé la belle vallée morte* de Bavonne (qui passe au pied du village de ce nom). Elle court depuis le hameau du Gayet jusqu'à Bonpertuis, où ses eaux se jetaient dans celles de la Fure.

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La vallée supérieure de la Fure et l'extrémité méridionale du val d'Ainan, vues d'avion, depuis le sud, de l'aplomb de La Murette, par dessus la crête de la montagne du Bois de Bavonne.
De cet endroit on voit d'un seul regard l'emplacement des deux langues glaciaires rhodaniennes, de la Fure (Charavines) et du val d'Ainan (Chirens) qui s'avançaient en venant du nord au maximum de Würm. Leurs fronts sont repérés par les crêtes morainiques 1M qui ceinturaient leurs extrémités.
La vallée morte de Bavonne, qui évacuait vers la Fure les eaux issues du vallum de Chirens (voir ci-après), est masquée par le Bois de Bavonne, dont elle suit le pied nord.

Le vallum de Garangère s'appuie en outre à l'ouest, donc du côté extérieur par rapport à la langue glaciaire, sur une puissante moraine qui couronne la crête de partage des eaux. Elle forme les échines alignées du Bois de l'Arbre et de la Tour de Clermont. L'étude des altérations pédogénétiques qui affectent la partie superficielle de ce matériel morainique (à la faveur des fondations du réservoir d'adduction d'eau du château de Clermont) a montré qu'il avait subi des effets climatiques caractéristiques de l'interglaciaire Riss-Würm et remontait donc à l'époque rissienne.

Il est assez vraisemblable que cette moraine se soit formée le long d'une ligne où se juxtaposaient, au Riss, les fronts des deux langues glaciaires du Val d'Ainan et de la Fure (encore qu'il il ne soit pas certain que cette dernière se soit avancée jusque là).
Cette moraine a été conservée à la faveur du fait qu'elle couronne la ligne de relief qui sépare la vallée de la Fure de la dépression de Chirens : elle a donc échappé aux ravinements et glissements de terrain qui ont déblayé les dépôts rissiens ailleurs, partout où ils reposaient en appui latéral sur des versants qui s'élevaient plus haut.


On trouvera ci-après le texte (rédigé par l'auteur du site "geol-alp") qui était paru dans le quotidien "Dauphiné Libéré" en 1962, et y rendait compte de la publication de Jeanne Becker :


Le marais de Chirens

Le milieu acide des tourbières est particulièrement favorable à la conservation des pollens et des spores qui viennent s'y abattre après transport par le vent L'étude de ces restes fossiles. récoltés aux différents niveaux du sous-sol de la tourbière de Chirens a été réalisée en 1952, dans le cadre d'une étude portant sur l'ensemble des Alpes françaises, par Jeanne Becker. Les résultats exposés par cet auteur permettent de retracer l'histoire de la végétation au cours des 14 000 dernières années.

De 12.000 à 10.000 ans avant J.C., c'est-à-dire dans la période qui suivit le retrait des glaciers apportés par la dernière grande glaciation (dite " de Würm "), le sol était recouvert de prairies à graminées, armoises, hélianthèmes, épinards sauvages, œillets et saponaires (steppes). Le travail de creusement des glaciers avait conduit a la formation, entre Chirens et le lieu-dit l'Arsenal, d'une zone basse où les eaux se rassemblaient pour donner un lac de 2 km. de long sur 500 m. de large. Dans ce lac vinrent alors s'accumuler des vases provenant du lessivage des dépôts argileux laisses par les glaciers: ces vases ont été rencontrées à la profondeur de 7,6 mètres et plus.

De 10.000 à 6.500 avant J.C. on assiste à l'envahissement de l'ancienne steppe par une forêt de bouleaux ou de pins. A la même époque, l'activité des êtres vivants peuplant les eaux du lac (moules d'eau douce, limnées, animaux et plantes microscopiques, notamment algues du groupe des Desmidiées) aboutit à la formation de dépôts calcaires crayeux qui se rencontrent maintenant entre 7,6 et 2,7 m. de profondeur.
Au début, domina le bouleau puis ce fut le tour du pin sylvestre; cependant de 9 000 à 8.500 avant J .C. la forêt dût régresser quelque peu, au profit des prairies, par suite d'un abaissement de la température.

A partir de 6 500 avant J.C. s'installent coudriers et chênes suivis par les ormes, tandis que le climat redevient plus doux (" type atlantique ") : le pin disparaît d'abord en grande partie et, après l’installation des ormes, ceux-ci sont bientôt supplantés par les chênes et les coudriers. Enfin ces derniers disparaîtront assez vite, vers 3.000 avant J. C. pour faire surtout place à la multiplication des tilleuls et aussi des sapins.

Dès 5.000 avant J. C. le lac, qui s'était progressivement comblé par les dépôts crayeux et qui avait d'abord été colonisé sur ses rives par des herbes de marécages (Carex, Linaigrette) sera envahi par les mousses de tourbières Les cadavres de celles-ci forment maintenant la tourbe qui a été rencontrée par le sondage sur 2.7 m de profondeur. On doit noter, également, à cette époque, l'apparition des fougères, qui, ne disparaîtront plus à l'avenir.

Entre 2.500 et 600 avant J.C. vont se développer des forêts de hêtres et de sapins. Chêne, peuplier, bouleau et épicéa restent peu nombreux à cette époque.

Enfin, de 500 avant J.C. à nos jours, époque du comblement définitif du lac, on observe une "diversification" des forêts, par suite des activités humaines : déboisements et, par suite, développement du coudrier et des plantes de prairies; introduction du noyer et développement des chênaies. L'épicéa, si prédominant de nos jours au-dessus de 800 m. ne réussit pas à prendre le pas ici sur les autres essences ; les fougères continuent a laisser partir au vent une grande abondance de spores, qui se retrouvent dans la tourbe.
L'auteur de cette étude [J. Becker], qui a pu distinguer, dans toutes les Alpes, 7 phases (brièvement évoqués ci-dessus) pour l'évolution du peuplement végétal, met en vedette les résultats obtenus au cours du sondage pratiqué dans la tourbière de Chirens en soulignant que c'est là qu'ont été obtenus les renseignements les plus complets sur le déroulement de cette histoire paléobotanique.


visiter l'excellente page spéciale du site de la commune de Chirens
 Cartes des dépôts quaternaires des environs de Voiron Le quaternaire des environs de Voiron

 Aperçus généraux sur le quaternaire du Bas Dauphiné
Concernant les dépôts morainiques et fluviatiles des environs de Voiron et du seuil de Rives, voir la publication n° 163



Carte détaillée des dépôts quaternaires de la partie occidentale du Voironnais (vallée de la Fure), entre Charavines au nord et Saint-Jean de Moirans au sud
commentaire explicatif.

cartes géologiques au 1/50.000° à consulter : feuille"Voiron"

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