Cluse de Bange |
La large cluse de Bange est très typique des formes de relief* que l'on désigne par ce qualificatif. Elle résulte en effet de l'entaille de l'anticlinal du Semnoz par le Chéran, selon un tracé qui est presque orthogonal à l'axe de ce pli. Le thalweg de la rivière y atteint, au niveau d'Allèves, les couches marneuses du Berriasien inférieur du coeur du pli et ses pentes sont accidentées par une barre de calcaires du Fontanil bien caractérisée.
La montagne et la Cluse de Bange, vues de l'est, depuis les crêtes nord du Trélod (Dent des Portes) d.M = décrochement de Montagny - Col de la Cochette (voir la page "Saint-Offenge") ; a.R = anticlinal du Revard ; s.B = synclinal de Bange ; a.S = anticlinal du Semnoz ; s.L = synclinal de Leschaux. Le regard est dirigé presque orthogonalement à l'axe de ces plis, ce qui permet d'en voir le plongement axial mais non la forme en coupe. On remarque que le cours du Chéran n'a pas "profité" de l'existence d'une cassure, ni du fait que la voûte de l'anticlinal du Semnoz s'y efface en s'abaissant vers le sud, pour traverser le chaînon à l'emplacement de Montagny : c'est un parmi de multiples exemples qui montrent que les cluses* subalpines n'ont pas une origine tectonique. |
La coupe naturelle de cette cluse permet de comparer les structures de ses deux versants qui se rattachent respectivement au Semnoz (au nord) et à la Montagne de Bange au sud (cf. les coupes ci-après, dans cette page). De l'un à l'autre deux faits principaux viennent retoucher en rive gauche (du côté sud) le schéma d'une simple intersection par la cluse de la large voûte anticlinale qui est si bien visible au nord (en rive droite) :
1 - L'Urgonien de la voûte de l'anticlinal
du Semnoz, abaissé par le plongement axial du pli vers
le sud n'est plus tranché mais seulement décapé
par l'érosion (des lambeaux de tertiaire sont même
conservés localement dans le creux du synclinal de Banges).
D'autre part la voûte de ce pli y continue à perdre
de l'altitude et, en outre, s'aplatit au point qu'elle finit par
s'effacer aux abords de Montagny.
En fait cette disparition du pli vers le sud est rendue plus brutale
par le fait que sa voûte d'Urgonien y est tranchée
et abaissée par la faille de Montagny (voir la page "Montagne de Bange").
2 - tandis que l'anticlinal du Semnoz disparaît
là, il lui succède du côté ouest, un
autre anticlinal, plus fermé, qui représente le
prolongement septentrional de l'anticlinal du Revard.
Ce pli est crevé par l'érosion à l'ouest
de la crête de La Revêche (où sa voûte
d'Urgonien est sectionnée par la surface d'aplanissement
ancienne). Il est comme partout plus au sud affecté sur
son flanc ouest par une faille très redressée (la
faille du Trousset) puis par un repli synclinal
(le synclinal du Trousset).
L'anticlinal du Revard n'a aucun prolongement visible au nord-ouest
de la cluse, où son orientation axiale le ferait passer
à l'ouest des pentes occidentales du Semnoz (dans un secteur
où il se peut donc qu'il ait été enlevé
par l'érosion).
On peut en conclure que l'anticlinal du Semnoz est relayé,
à la latitude de la cluse de Bange, par celui du Revard
: cette disposition d'effacement corrélatif de deux anticlinaux
offre peut-être une explication de la localisation sur cette
transversale du tracé du cours du Chéran.
RD désigne le profil de la rive droite (en rose)
et RG celui de la rive gauche (en bleu) ; ils ont été
ramenés en coïncidence structurale par un rehaussement
du profil de rive gauche (pour compenser le plongement axial vers
le sud). |
Comme dans la partie sud du Semnoz,
les rapports entre relief et tectonique illustrent le phénomène
d'aplanissement des monts et crêts qui affecte
nombre de chaînons occidentaux des massifs subalpins septentrionaux (voir la page spécialement consacrée à
ce sujet). |
La partie occidentale de la cluse, à l'ouest de la localité d'Allèves, présente deux curiosités touristico-géologiques : le Pont de l'Abîme et les Tours Saint-Jacques.
Le Pont de l'abîme enjambe, à son débouché aval, la profonde gorge du Chéran. Les appuis de ce pont reposent sur une barre d'Urgonien qui appartenait à la retombée occidentale de l'anticlinal du Semnoz, mais qui a été renversée et séparée du reste du pli par le chevauchement "frontal" des Bauges.
On traverse ce dernier accident, le long de la route de rive droite (D.5), peu à l'ouest de la localité d'Aiguebelette : la surface de chevauchement passe entre les affleurements des calcaires du Fontanil, en disposition renversée sur l'Hauterivien, et les premiers affleurements (les plus occidentaux) du Berriasien marneux de coeur du pli, à schistosité de flanc normal. |
Les Tours Saint-Jacques sont des monolithes de calcaires du Fontanil qui surgissent en rive droite de la cluse de Banges, à l'aplomb du village d'Aiguebelette.
Les Tours Saint-Jacques, vues de profil, de l'ouest, depuis le Pont de l'Abîme. |
Il s'agit d'un typique ensemble de "paquets tassés"*, isolé comme un gâteau au coeur d'un véritable cirque dont le plancher, incliné vers le Chéran (vers le sud), est centré sur le village d'Allèves. Ce cirque est cerné par une barrière de falaises de calcaires du Fontanil dont la forme de croissant de lune ouvert vers le sud est due à ce qu'elle représente la lèvre supérieure de la crevasse d'arrachement principale de la masse glissée.
En fait tout le fond du cirque est occupé par du matériel glissé, mais une partie de ce matériel est très fragmenté (comme cela se produit dans les éboulements). D'autre part les masses non disloquées sont partagées par des crevasses secondaires en plusieurs paquets que séparent des vallonnements. Les tours ont été détachées les unes des autres par des crevasses de troisième ordre, qui se sont seulement entrebâillées à l'occasion de ce glissement. Des mesures ont révélé une vitesse moyenne de glissement de 2,1 cm/an.
Les Tours Saint-Jacques, devant les falaises séparant le cirque d'Allèves des pentes supérieures du Semnoz, vues du sud, depuis la route N511. |
L'origine de ces glissements est le fait que la dalle de calcaires du Fontanil possède là, à la voûte de l'anticlinal du Semnoz, un net pendage vers le sud . Or, dans cette direction, elle a été sapée par le Chéran lorsque celui-ci s'est encaissé en entaillant la cluse. Cela a déclenché le glissement d'une partie de cette dalle en direction du thalweg de la rivière, à la faveur du fait que les calcaires du Fontanil reposent (de façon stratigraphiquement normale) sur des marnes du Berriasien.
On peut noter que ce processus est tout à fait équivalent à celui qui a créé les chaos* de Chartreuse. |
Au sortir de la Cluse, en rive sud, la façade occidentale de la montagne de Bange domine les collines de Cusy, qui sont tapissées de matériel morainique sur un substratum de molasse miocène : elles se rattachent au sillon molassique miocène péri-alpin (voir la page "Montagne de Bange").
cartes géologiques au
1/50.000° à consulter : feuille
Rumilly
légende des couleurs (nouvelle fenêtre)
Carte géologique très simplifiée
redessinée sur la base de la carte géologique d'ensemble
des Alpes occidentales, du Léman à Digne, au 1/250.000°",
par M.Gidon (1977), publication n° 074
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(Chambotte) | LOCALITÉS VOISINES | Le Châtelard |
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