Mont Peney, Saint-Jean d'Arvey, Thoiry |
Le bassin montagneux que draine le torrent de La Leysse s'étend depuis le col de Plainpalais et La Féclaz, au nord, jusqu'à son débouché au village de Leysse au sud (abords nord de Barby). Le cours de la Leysse y décrit un grand coude à 90°, d'abord N-S, qui contourne la montagne du Peney pour se terminer en gorges orientées E-W. Sur sa rive gauche la Leysse draîne les pentes occidentales de la partie sud du chaînon du Margériaz ; elles sont constituées, en aval des gorges des Déserts, par une zone assez ouverte de collines entaillées de ravins, qui est ceinturée du côté oriental par la ligne des falaises méridionales du crêt du Margériaz et qui se termine au dessus de la plaine alluviale de Barby - Challes (Trouée des Marches) par la grosse bosse de Curienne.
Sur la transversale de Saint-Jean d'Arvey le versant de rive droite de la Leysse est couronné par les falaises du Peney, dont le sommet culmine à 1356 m. Bien que ce sommet
soit le jumeau méridional de celui du Nivolet il en diffère par sa forme très lourde.
C'est pourtant aussi un crêt*, mais il regarde vers le sud et son revers septentrional, boisé, descend doucement vers le nord en direction du village des Déserts. Mais ce revers forme une dalle structurale moins bien caractérisée car l'Urgonien qui y est mis à nu est irrégulièrement garni par un placage de couches basales du Nummulitique qui remplissent des zones déprimées de la paléo-surface de transgression.
En fait la dalle urgonienne du Peney décrit une très ample voûte anticlinale plongeant vers le nord qui doit être considérée comme l'enveloppe du cœur jurassique de l'anticlinal de La Roche, lequel affleure, mieux dessiné, en rive gauche de la Leysse, par les couches du Tithonique des échines de Curienne. Entre les deux le replat qui porte l'agglomération de Saint-Jean d'Arvey correspond aux niveaux marneux du Berriasien supérieur de cette voûte de pli ; mais les niveaux intercalaires des calcaires du Fontanil et de l'Hauterivien y sont largement cachés, en haut par les éboulis et, plus bas, par un fort colmatage fluvio-glaciaire : celui-ci qui s'est déposé, à la marge du glacier wurmien qui parcourait la vallée de Chambéry en comblant la dépression suspendue de Thoiry et de Puygros jusqu'à l'altitude d'environ 900 mètres.
L'importance de la couverture quaternaire de ce secteur empêche également de voir que la succession stratigraphique du Berriasien-Valanginien s'y modifie par rapport à celle du Nivolet : les calcaires du Fontanil y deviennent beaucoup moins puissants, au point de ne plus y former qu'une grosse barre qui repose sur d'épaisses marnes de Narbonne, de la même façon qu'au Mont Granier en Chartreuse orientale. |
Ce garnissage alluvial y cache sans doute des détails structuraux, notamment le prolongement de la faille de Camelot au nord de Curienne et le chevauchement de Thormeroz (?) qui limite du côté oriental les calcaires du Fontanil du revers oriental du Peney : en effet, à la latitude des villages de Thorméroz et La Fougère ils font place aux marnes de Narbonne, qui affleurent sous les alluvions de rive orientale de la Leysse, alors qu'ils descendent plus bas, jusqu'au lit de ce torrent sur sa rive occidentale. |
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La falaise urgonienne sommitale du Peney est particulièrement haute et massive : cela vient en partie de ce que, à la différence de ce qui se passe au Nivolet, l'Urgonien n'y est pas été tronqué vers le haut par la surface d'aplanissement du plateau du Revard (sans doute parce que l'on était là en contrebas de l'altitude atteinte par cette dernière).
Mais en outre cette falaise est sur-épaissie par le jeu d'une faille inverse, bien visible dans la face sud. Ce chevauchement du Peney n'est pas d'un accident majeur, car la flèche de déplacement de cette cassure n'excède pas quelques centaines de mètres. On peut sans doute le considérer comme un accident satellite induit, par entraînement, sous le grand chevauchement du Margériaz qui s'avance, plus à l'est, sur l'Urgonien du Peney (voir plus loin dans la présente page les modalités plus précises).
La nappe d'éboulis des escarpements méridionaux du Peney, puis le placage morainique des plus basses pentes, masquent presque partout l'Hauterivien et les calcaires du Fontanil à la latitude de Thoiry. Ceci empêche de savoir comment le chevauchement se poursuit au sein de ces couches dans cette direction : toutefois, compte tenu que sa surface a dû être rehaussée du côté oriental par la faille des Rochettes il est assez plausible que ce soit elle qui fait chevaucher les marnes de Narbonne qui affleurent en rive gauche de la Leysse au NW de Thorméroz sur les calcaires du Fontanil qui affleurent en rive droite, le long de la D.21(renommée D.206E), car ces derniers y sont rebroussés vers l'ouest et broyés. |
Dans le versant ouest du plateau sommital de la montagne le chevauchement du Peney détermine le rebord amont d'une large vire boisée le long de laquelle affleurent les couches inférieures de l'Éocène (conglomérats et grès de la Doria). Mais du côté nord de la montagne le tracé de cette faille s'interrompt en butant contre celui du décrochement de la Doria et l'on ne le retrouve en aucune façon dans la lèvre septentrionale de cet accident (laquelle est constituée par les pentes orientales du Nivolet).
L'interprétation selon laquelle le chevauchement du Peney serait antérieur au décrochement de la Doria, qui l'aurait recoupé, ne peut être retenue car elle ne rend pas compte de ce fait : il signifie que la lèvre supérieure du chevauchement avait avec le décrochement les rapports d'un tiroir avec son bord latéral, vertical, selon le schéma classique (c'est-à-dire qu'il ont fonctionné ensemble).
La composante générale de pendage vers l'est des couches soumises au décalage dextre de la faille de la Doria a été cause de l'abaissement relatif de son compartiment méridional, qui est bien visible dans la coupe du versant ouest du col de la Doria. Mais cet abaissement est largement compensé par le sur-épaississement de l'Urgonien qu'y induit le chevauchement du Peney, de sorte que cela aboutit à la surélévation du sommet de l'Urgonien dans sa lèvre méridionale par rapport à la septentrionale. D'autre part le tracé de la faille de La Doria se poursuit vers l'est jusqu'à celui, orthogonal, du chevauchement du Margériaz. Or à cet endroit la dalle d'Urgonien du Peney forme une sorte de horst* entre les failles de La Doria (au nord) et celle des Rochettes (au SE). Cela suggère que la dalle d'Urgonien du Peney ait pu constituer un obstacle saillant vis-à-vis de l'avancée de ce chevauchement : la poussée vers l'ouest transmise par ce dernier parait dès lors une cause très plausible de son imbrication par le jeu du chevauchement du Peney (voir les modalités plus loin dans la présente page). |
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À l'est du col de la Doria le décrochement de la Doria détermine le vallon qui descend vers Les Déserts ; or le versant sud de ce vallon montre que les couches y ont un pendage plutôt dirigé vers le fond du vallon : on peut donc considérer qu'il suit un synclinal de la Doria, mais il ne s'agit là cependant que d'une ondulation très ouverte, sans doute créée par les jeu conjugués du décrochement de la Doria et du chevauchement du Peney (voir la page "Les Déserts"). |
Du côté oriental du sommet du Peney la dalle urgonienne sommitale se poursuit sur plus de 2 km, avec le pendage modéré vers l'est qui est celui du flanc oriental de l'anticlinal de La Roche ; cela l'amène à affleurer le long de la route D.912, dans la partie septentrionale de la portion orientée N-S de cette dernière, puis à former le verrou rocheux que la Leysse franchit en cascades, au delà duquel les affleurements d'Urgonien se poursuivent en rive gauche, sur plus de 1 km vers l'est, par une ligne d'abrupts en contrebas des escarpements du Margériaz.
Pourtant en contrebas est de cette D.912, peu en amont du tracé de la D.21(renommée D.206E), qui lui est parallèle environ 200 m à l'est, les affleurements d'Urgonien s'interrompent brutalement dans les pentes qui descendent vers le lit de la Leysse. Ils y font place directement aux calcaires du Fontanil que traverse cette dernière route, de sorte qu'aucun affleurement d'Hauterivien n'est en réalité observable dans ces pentes (contrairement au dessin de la carte BRGM). Il passe donc là, à flanc de versant une faille à lèvre orientale soulevée. On comprend mieux à quoi correspond cette faille de Fontaine Noire en considérant la structure tectonique des affleurements de la rive opposée (orientale) de la Leysse. Trois failles, sensiblement verticales et orientées grossièrement NE-SW, se succèdent du NW au SE depuis les cascades de la Leysse jusqu'au ravin de La Fougère, le long du ressaut d'abrupts qui traverse ce versant.
- La faille des Rochettes passe au pied des cascades de la Leysse et détermine le couloir d'éboulis séparant le Roc des Rochettes et celui de la Chavonne : plus méridienne que les autres (environ N30) elle a un fort pendage sud et sa lèvre sud est relativement abaissée ; de plus les couches y changent de pendage : pentées modérément vers le NW en lèvre nord (Rochettes) elles prennent un pendage est en lèvre sud (Chavonne). Elle a dû avoir un premier fonctionnement anté-Oligocène, car la base des couches de cet âge ne présente pas le même basculement entre le Roc des Rochettes et celui de la Chavonne. - La faille de La Palud est une cassure mineure qui traverse à flanc les pentes qui tombent du Roc de la Chavonne en passant peu à l'ouest du hameau de La Palud, au dessus de La Fougère ; elle y tranche la barre urgonienne de sa lèvre occidentale et plaque contre elle des bancs redressés, voire renversés de calcaires du Fontanil. - La faille orientale de La Fougère détermine le ravin de ce nom ; c'est peut-être la plus importante. Elle met en contact les calcaires du Fontanil de sa lèvre nord-occidentale avec des marnes de Narbonne, peu pentées vers l'est, qui affleurent le long du ravin à sa rive gauche. Mais on retrouve, dans l'échine boisée de sa rive gauche, la succession à l'endroit des couches allant des calcaires du Fontanil à la base de l'Urgonien qui correspond, au décalage près, à celle qui forme, du côté opposé du ravin, le Roc de Chavonne : il apparait donc que son tracé est souligné par un compartiment intercalaire, très étroit et remonté par rapport à ses deux lèvres, puisque formé de marnes de Narbonne. |
Il est à remarquer que l'association de ces trois failles avec celle de la Doria, dont l'orientation est similaire bien que moins méridienne (N65), délimite un horst saillant qui se rétrécit et se ferme en pointe du côté oriental : cette géométrie a sans doute été déterminante dans la formation du chevauchement du Peney (voir plus loin dans la présente page).
Le versant sud-occidental du Margériaz, vu du S-SW depuis la D11, peu au nord de Curienne. s.M = synclinal du Margériaz (sur le revers de la crête) ; ØM = chevauchement du Margériaz. Noter qu'il n'y a là aucun flanc inverse de pli-faille mais une faille compressive très peu oblique aux couches (sa surface de chevauchement correspond sensiblement, au nord de La Fougère, à la base des calcaires du Fontanil) ; ØTh = chevauchement de La Leysse au NW de Thorméroz (son tracé est masqué sous cet angle de vue). f.R = faille des Rochettes ; f.P = faille de La Palud ; f.F = faille de La Fougère. Ol.gv = Grès verts oligocènes des Déserts ; Ol.gb = Grès bruns éocènes de la Doria (voir l'aperçu stratigraphique). |
Si trois de ces failles ont des tracés à peu près perpendiculaires à celui de la surface du chevauchement du Margériaz elles ne semblent cependant pas avoir fonctionné de la même façon : la faille des Rochettes est sans doute anté-nummulitique, simplement réactivée ensuite, tandis que la faille de La Fougère a un tracé qui rejoint la surface de chevauchement et semble se dédoubler juste avant pour encadrer une navette* constituée de calcaires du Fontanil en succession inversée : cecui suggère que la lèvre SE de la faille de La Fougère a été plus ou moins entraînée par l'effet du chevauchement.
Analyse des rapports entre le chevauchement du Margériaz et les failles de la rive gauche de la Leysse : Il apparaît sans ambiguité que le jeu du chevauchement a amené la dalle rocheuse du Margériaz
à venir coiffer les prolongements orientaux du horst que dessine le systéme de failles qui encadre la montagne du Peney. La déformation tectonique ne cette dalle ne semble donc pas présenter de rapport de fonctionnement avec leur jeu (d'autant plus que certaines de ces cassures sont anté-nummulitiques ou ont pu avoir un premier jeu de cet âge). Deux manières d'interpréter ce fait peuvent être envisagées
: C'est cette seconde interprétation qui semble s'accorder le mieux avec les faits connus.
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En définitive, entre La Fougère et Thormeroz, la surface de chevauchement du Margériaz s'infléchit par rapport à la tranche de roches déplacée, en s'abaissant au sein des marnes de Narbonne : d'autre part la surface selon laquelle cela se produit tranche en biais, du côté NW, toute la partie supérieure de la succession autochtone du Peney ce qui met en contact direct les marnes de Narbonne des compartiments chevauchant (au SE) et chevauché (au NW). Cette surface, que l'on peut qualifier de déchirure de Thorméroz, est donc une rampe latérale* du chevauchement du Margériaz : elle a joué en coulissement dextre NE-SW, par rapport à la tranche chevauchante selon le schéma des rapports entre flanc et fond d'un tiroir. Au sud de cette rampe le chevauchement suit un palier (fond du tiroir) qui se localise sans doute à la partie basale les marnes (et il est donc bien difficile de l'y localiser). Cette rampe représente en fait, à l'ouest du Margériaz le bord SE de l'autochtone sectionné par la surface de décro-chevauchement : elle se raccorde en marche d'escalier, sous le chevauchement, avec la section de son autre bord situé sous la combe du Noyer, ceci par l'intermédiaire d'un palier transversal de près de 4 km. Ce palier affleure partiellement (car érodé) en dessinant le front, orienté presque N-S, du chevauchement au niveau des Déserts : son tracé raccorde en baïonnette ceux des deux tronçons décro-chevauchants de cette structure majeure. Bien que la couverture d'alluvions ne permette pas d'en suivre le tracé avec précision il apparaît clairement que la surface de chevauchement décrit une nouvelle rampe latérale peu au sud de Thoiry : en effet à cette latitude (Les Chavonettes) elle franchit rapidement la barre des calcaires du Tithonique, avant de se localiser, dès la latitude de Puygros, au niveau des couches marneuses de l'Argovien : elle atteint là un nouveau palier, au sein duquel elle se prolonge jusqu'aux environs de Chignin. Enfin, accessoirement à ce dispositif, la partie méridionale de la succession chevauchée, c'est-à-dire la dalle du Peney, a été détachée par la reprise en décrochement de la faille de La Doria et repoussée vers l'ouest : ce chevauchement du Peney semble aussi prendre naissance au niveau des marnes de Narbonne et être représenté par la faille de chevauchement qui guide le cours de la Leysse au NE de Thorméroz jusqu'au pied de cascades des Déserts (c'est le rejet vertical de la faille des Rochettes qui soulève là sa surface de cassure jusqu'au niveau de la surface topographique). |
Aperçu global sur le chaînon Nivolet - Revard |
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Chambéry |
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