Le Nivolet : versant méridional |
Le sommet du Nivolet, que surmonte une croix monumentale, est la montagne emblématique de la ville de Chambéry, qu'il domine en fond de tableau, du côté oriental, du haut de ses 1547 m.
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Le talus boisé et la bosse de prairies à droite ont un soubassement de marno-calcaires hauteriviens, masqués vers le haut par les éboulis. La falaise du sommet n'est constituée que par le tiers inférieur de la formation urgonienne. |
voir en fin de page la Carte géologique schématisée de la montagne du Nivolet et des abords nord-orientaux de Chambéry |
Ce sommet représente l'extrémité sud-ouest du chaînon Nivolet - Revard (qui est le plus occidental du massif des Bauges). C'est un crêt à regard ouest dont le versant occidental donne une coupe naturelle de la pile des couches, régulièrement stratifiées et doucement inclinées vers l'est, du Jurassique supérieur et du Crétacé inférieur, tandis que son revers oriental est une dalle d'Urgonien partiellement garnie d'Oligocène.
On peut souligner ici que la succession stratigraphique du Berriasien-Valanginien se caractérise, ici comme dans le nord de la Chartreuse au Joigny et, plus au sud, dans les chaînons de la Chartreuse médiane et occidentale, par l'absence des marnes de Narbonne et par l'invasion vers le bas du faciès des calcaires du Fontanil. Ces derniers y forment plusieurs barres rocheuses étagées dans la pente (la succession y ressemble finalement beaucoup à celle de la coupe du Fontanil).
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Cette succession Berriasien - Valanginien est assez différente de celle qui s'observe dans la plus grande partie de la Chartreuse orientale, qui comporte des calcaires du Fontanil beaucoup moins puissants, reposant sur des marnes de Narbonne, et ceci en dépit du fait que le chaînon du Nivolet - Revard s'y rattache au point de vue tectonique. Le passage à une succession de ce dernier type, tel qu'il s'observe en Chartreuse entre le Joigny et le col du Granier, se fait ici plus à l'est du Nivolet, dans les pentes méridionales du Peney (mais ce changement y est largement masqué par la couverture superficielle quaternaire). |
Le contexte stratigraphique et historique des recherches sur ce secteur est décrit et commenté à la page "stratigraphie du Nivolet-Joigny" |
Cette structure, extrêmement simple, se poursuit vers le bas jusqu'à la falaise tithonique qui domine la combe monoclinale de Vérel. Cette combe est ouverte dans les couches berriasiennes qui reposent sur le Tithonique formant la voûte de l'anticlinal de Lémenc. Il y a donc un redoublement de la barre tithonique. Celui-ci est induit par un chevauchement de type faille inverse, le chevauchement de Vérel.
Ce redoublement du Tithonique avait été attribué par les anciens auteurs à un prétendu "anticlinal de Razerel" qui était censé être un pli couché ; mais il n'y a aucune trace de flanc inverse, ni même d'ébauche de torsion des couches qui puisse annoncer une charnière anticlinale. Au contraire la corniche tithonique qui supporte les prairies de Raserel - Montbazin (installées sur le Berriasien inférieur marno-calcaire) est formée par une succession habituelle, à l'endroit. D'autre part cette lame de Tithonique se termine vers le nord à la latitude de Pragondran. Cette disparition pouvait être interprétée comme un effilement en direction du nord et donc inciter à y voir un chevauchement dirigé vers le nord. Mais en fait cette interruption est brutale et s'accompagne d'un fort rentrant vers l'est du versant à la latitude de Pragondran : cela suggère que le tracé de la limite du chevauchement du Tithonique "rentre" dans la montagne selon une direction plutôt orthogonale au versant, par exemple NE-SW. De fait il s'avère que cette terminaison se produit précisément là où aboutit, venant du NE, le tracé du décrochement du Sire. Cet accident dextre et orienté N50 a toutes les caractéristiques voulues pour représenter la rampe latérale septentrionale du chevauchement de Vérel, selon le schéma des rapports entre flanc et fond de tiroir. La terminaison en direction du nord des affleurements de la lèvre tithonique chevauchante de cet accident ne doit donc pas faire croire que son mouvement ait été dirigé vers le nord : au contraire le plus vraisemblable est que sa direction de mouvement soit perpendiculaire à son tracé , c'est-à-dire sensiblement N100, valeur conforme à la direction générale de serrage des accident compressifs des Bauges. |
Le sommet du Nivolet lui-même se trouve à la limite méridionale de conservation de l'ancienne surface d'aplanissement qui forme le plateau du Revard (voir la page "Front des Bauges"). Plus au sud, le cours supérieur de la Doria a entaillé en cirque le crêt* de l'Urgonien : les sommets jumeaux du Nivolet et du Peney ne sont en fait que les pointes, saillantes vers l'ouest, des deux chevrons* que cette entaille a découpé dans la dalle urgonienne.
Les pentes méridionales du sommet, qui sont celles de la rive droite du vallon de la Doria, sont en outre affectées par deux accidents tectoniques de type différent :
1 - un ample mouvement synclinal dont l'axe
passe par le col de la Doria et se dirige vers le sommet du Margériaz.
Il est transverse (oblique à 45°) par rapport aux autres
plis du massif et par rapport au chevauchement du Margériaz.
Ce trans-synclinal de la Doria (ou "des Déserts")
est vraisemblablement plus tardif que les autres déformations
du massif.
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La localisation des sources de la Doria est clairement liée au fait qu 'il s'agit de résurgences d'un réseau karstique qui suivait le fond de cette large ondulation synclinale NE-SW.
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2 - un décrochement dextre NE-SW qui passe par le col de la Doria (il s'y superpose pratiquement à l'axe du trans-synclinal de la Doria - Déserts).
Ce décrochement de la Doria se poursuit dans les pentes méridionales du Nivolet, selon un tracé d'orientation NE-SW (et non E-W comme indiqué sur la carte géologique au 1/50.000°). Il passe peu au nord des maisons de Lovettaz, franchit la crête des calcaires du Fontanil à son ensellement, d'altitude voisine de 870, à l'ouest de ce village et aboutit finalement à la bordure de la plaine alluviale de la cluse de Chambéry au hameau de Chesses (commune de Saint-Alban). À cet endroit son rejet vertical, qui consiste en un abaissement du compartiment SE, est bien visible par le fait que les bancs de calcaires grossiers de Montagnole viennent buter contre le Tithonique de la corniche de Montbazin (le long du chemin de Razerel).
En fait il subsiste un doute, au nord de Chesses (voir le cliché plus haut dans la page et la carte en fin de page), sur le point de savoir si le décrochement de la Doria traverse la barre Tithonique en direction de La Clusaz ou s'il se prolonge par la faille qui s'engage dans le vallon qui descend vers le village (l'existence de cette faille y est rendue évidente par le fort rapprochement entre la barre des calcaires grossiers de Montagnole et le sommet de la barre tithonique). - Dans la première hypothèse (en fait peu étayée par les données de terrain) la faille du vallon de Chesses pourrait être le prolongement, décalé vers l'ouest, de la faille du Nivolet. - Dans le second cas (le plus vraisemblable) la faille du vallon de Chesses, orientée plus N-S et donc de façon peu oblique aux couches, peut être considérée comme une surface de glissements couches sur couches : elle constituerait le plancher d'un tiroir, avançant vers l'ouest, dont la faille de la Doria serait le bord septentrional. C'est-à-dire qu'il s'agirait d'une transformante qui a transféré le déplacement dextre de la faille de la Doria sur celle, un peu plus méridionale, de Chambéry. |
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En tous cas le mouvement de décrochement se poursuit certainement sous les alluvions des environs de Bassens par le décrochement de Chambéry, lequel a déterminé la cluse qu'occupe cette ville.
En effet le tracé N-S du chevauchement de Vérel-Pragondran, que recoupe ici la faille de la Doria, ne peut se poursuivre, au sud de la cluse, que par celui de l'anticlinal de Barberaz. Or ce dernier est décalé de plus d'un kilomètre vers l'ouest, c'est-à-dire dans le sens dextre (ce sens de rejet est d'ailleurs conforme à ce qui s'observe pour toutes les cassures de cette orientation en Chartreuse). |
Aperçu global sur le chaînon Nivolet - Revard |
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Carte du versant chambérien de la montagne du Nivolet
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cFm = calcaires du Fontanil moyens, les plus massifs, souvent à pâte et à patine assez claire, donnant la falaise supérieure, la plus continue et la plus haute (n2F / Montmélian). cFi = calcaires du Fontanil inférieurs, plus argileux et plus lités, formant un ressaut moins marqué (partie haute, à bancs soulignés de rouge, de n1Cs / Montmélian). Be.mc = calcaires argileux gris du Berriasien moyen (partie basse de n1Cs + n1Ci / Montmélian). cM = "calcaire grossier de Montagnole" = faciès bioclastique de type Fontanil (banc souligné de rouge de n1a / Montmélian) Bei = Berriasien inférieur : calcaires argileux à ciment. |
La carte ci-dessus, inédite et établie d'après les observations de l'auteur du site, rectifie les erreurs de la carte au 1/50.000° du BRGM (on ne dispose encore, en 2016, que de la première édition de cette carte, qui date de 1963). On a seulement cherché à montrer la répartition des diverses formations rocheuses superposées, sans indiquer les hiatus d'observation introduits par la couverture quaternaire (seuls ont été figurés le colmatage alluvial de la vallée de Chambéry et les placages morainiques de Vérel et de Saint-Jean d'Arvey, qui sont trop importants pour que l'on puisse interpoler les contours qu'ils masquent).
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Chambéry nord |
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