Les Sept Laux

La dépression suspendue des lacs et ses bordures

Le site des Sept Laux est une large dépression orientée N-S, à fond presque plat, dont le plancher a une altitude supérieure à 2000 m et qui est semée de plus d'une dizaine de lacs. Il est très clair, au vu de l'abondance des roches moutonnées* qui en tapissent le fond et de l'orientation le plus souvent N-S de celles-ci, que cette dépression a été parcourue et affouillée par le passage d'une langue glaciaire diffluente qui s'échappait vers le nord depuis le bassin de l'Eau d'Olle : c'est une auge glaciaire*, qui a sans doute été occupée plus tard par un plateau glaciaire suspendu d'où s'échappaient des langues descendant de part et d'autre (vers la Romanche au sud et vers le Bréda au nord).

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Les lacs des Sept Laux, vus du sud (d'enfilade), d'avion.
gn.biot. = gn.b = gneiss à mica biotite constituant l'encaissant du granite des Sept laux (= ex "série brune") ; gr.eg = granite clair (à deux micas) à enclaves gneissiques ; gr.eb = granite clair (à deux micas) à enclaves basiques ; gr.m = granite monzonitique du cœur du pluton.
On remarque en outre sur ce cliché que le granite monzonitique du coeur du pluton* détermine une zone particulièrement évidée, bordée par un ressaut correspondant au rebord de son enveloppe de granite clair ...

L'étymologie du toponyme "Sept Laux" ne semble avoir en réalité (et contre toute "évidence") aucun rapport avec la présence de ces lacs. D'après un document de communication EDF - Pôle Industrie UP Alpes - Groupe d'exploitation hydraulique Vallée de la Maurienne (voir Wikipedia), cet ensemble de sommets et de lacs a d'abord été connu sous le nom de « montagne abîmée » en 1622, puis de Cælo sur la carte de Tillemon en 1690 (en latin = « du ciel »). Ensuite, en 1803, le comte de Barral fit dresser une carte pour figurer dans son contrat de 2e mariage où l'on trouve l'orthographe Ceylau qui, déformée phonétiquement, devint Sept Laux.

Les principaux lacs, qui jalonnent la dépression sur toute sa longueur, remplissent des dépressions de surcreusement qui ont été créées par ce glacier et qui sont séparées par des petits verrous de roches moutonnées parfois garnies d'ébauches de crêtes morainiques ; en outre ces verrous ont été surélevés par des digues dans le cadre de l'aménagement hydro-électrique du secteur, de sorte que la superficie des lacs s'en est trouvée accrue.

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Les lacs des Sept Laux (versant nord du col) vus du sud-est, depuis le Pic des Eustaches
N.B. : Le lac Carré (voir cliché ci-dessus) se situe immédiatement en arrière du Lac Cottepen (et se confond presque avec lui).

La dépression des Sept Laux correspond approximativement à une bande d'affleurements granitiques, qui forment aussi son versant occidental, où les pentes s'élèvent de façon plutôt modérée, sans forts abrupts jusqu'au Pic des Cabottes et à la crête de la Vache.

Une analyse plus précise des affleurements granitiques montre que l'on doit y distinguer une zone axiale, très homogène, qui se limite pratiquement aux abords immédiats des lacs, constituée de granite monzonitique (à biotite) à grain moyen, et une large enveloppe (correspondant aux pentes des rives ouest et est) formée par un granite clair, à biotite et à muscovite, dont le grain est variable.

Cette zone périphérique contient des enclaves de toutes tailles réparties plus ou moins capricieusement : au pourtour du noyau homogène il s'agit d'enclaves de roches basiques sombres ("vaugnerites", roches rapportables à des diorites potassiques), très riches en cristaux de mica noir biotite. La partie externe de la zone périphérique comporte au contraire des enclaves de gneiss, de taille décimétrique à décamétrique, ce qui en fait une zone de transition avec les gneiss "biotitiques" encaissants.


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La barrière orientale de la dépression des Sept Laux vue de l'ouest, depuis l'extrémité occidentale de la digue du lac Carré.
gr.eb = granite clair à enclaves basiques ; gr.eg = granite clair à enclaves gneissiques ; gn.b. = gneiss biotitiques.

Du côté oriental la dépression des lacs est limitée par le chaînon du Rocher Blanc, plutôt acéré, qui est formé par une bande gneissique qui se pousuit jusqu'à la vallée de l'Eau d'Olle (le cours de laquelle décrit un détour marqué vers le sud pour parvenir à la franchir). La bande granitique, quand à elle, détermine en rive droite de la rivière une vallée morte à forte pente dont l'origine glaciaire est signée par son profil en U typique et son large fond constitué de roches moutonnées qu'entaillent des cascades.

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L'extrémité sud de la dépression des Sept Laux vue du sud-ouest, depuis la Pointe du Scialet (crêtes NE du Ferrouillet)
a.bE = accident de la Belle Étoile ; gn.biot. = gn.b = gneiss à mica biotite constituant l'encaissant du granite des Sept laux (= ex "série brune") ; gr.eg = granite à deux micas à enclaves gneissiques ; gr.eb = granite à deux micas à enclaves basiques ; gr.m = granite monzonitique du cœur du pluton.
Le col de la Vache et le col de l'Homme jalonnent la crête de rive droite du ravin des Sept Laux et masquent le fond de ce dernier (sauf à son extrémité inférieure, où il est coupé par l'ancien tracé de la D.526). Le lac le plus méridional, celui de la Sagne, est encore logé dans la partie suspendue, à fond presque horizontal, de l'auge glaciaire. Mais le revers sud de son verrou a au contraire une pente très accentuée qui tombe brutalement sur la vallée de l'Eau d'Olle. Lors de son occupation par la langue de glace qui s'échappait de la dépression des lacs le paysage devait ressembler de près à l'actuel glacier des Bossons, dans la vallée de Chamonix actuelle.
Plus de détails en fin de page sur l'éboulement de rive droite de la vallée de l'Eau d'Olle, en aval du Maupas.


Le relief du plateau des Sept Laux et de ses abords montre que le granite, bien que franc et massif, s'avère avoir offert moins de résistance à l'érosion que les roches métamorphiques* qui l'encadrent à l'est et à l'ouest (le seul site présentant des formes d'aiguilles évoquant le débit prismatique des massifs granitiques d'altitude est celui du Roc du Pendet, dont la silhouette n'est pas sans évoquer celle du Grépon). Ceci semble d'ailleurs lié à la nature minéralogique de la roche, puisque la variété monzonitique du cœur du pluton* est bordée par un escarpement de granite à deux micas.
Ce comportement du granite des Sept Laux, lors de la formation du relief, paraît assez paradoxal puisqu'il a déterminé ici une zone déprimée, plutôt que des aiguilles acérées comme l'ont fait les granites des massifs de la Lauzière et du Mont Blanc. La cause de ce fait ne saurait être recherchée dans un manque de "dureté" ni dans une fracturation particulièrement intense, car rien ne porte à lui attribuer de telles caractéristiques. Elle est donc énigmatique...

On serait tenté d'envisager que cette faiblesse de résistance aux attaques de l'érosion, ait résidé dans l'altérabilité des micas des granites. C'est en effet une caractéristique courante de ces roches, qui a pour effet de les transformer en une roche friable, puis en une arène sableuse, lorsqu'elles sont soumises à une érosion par altération (cas des granites de la Bretagne ou du Massif Central).
Cela impliquerait que la dépression des Sept Laux, avant de subir l'érosion de type actuel et notamment son creusement par les glaciers, ait subi une érosion par altération météorique, du même type que celle des massifs hercyniens extérieurs au Alpes. Cela aurait provoqué une assez profonde arènisation du massif granitique ainsi mis à nu, facilitant son creusement ultérieur par des agents à action plus linéaire, comme rivières et glaciers. On retrouverait alors là, une nouvelle fois, l'empreinte d'une phase ancienne d'érosion par aplanissement. Toutefois on ne s'explique alors pas pourquoi les autres massifs granitiques de la chaîne de Belledonne auraient échappé à cette action.

L'éboulement du Maupas, en rive droite des gorges de l'Eau d'Olle, vu du nord-ouest, depuis les abords orientaux du col de la Coche (pentes de la Pointe du Sifflet)

Cet éboulement date des années 1980. Il a emporté et recouvert la route, que l'on a dû retracer en rive gauche de l'Eau d'Olle (droite du cliché).
Il s'est formé aux dépens du granite du pluton* des Sept Laux et résulte de l'arrachement d'un panneau rocheux dans la partie la plus abrupte des flancs de l'auge glaciaire aménagée par les glaciers qui ont emprunté la vallée.

On remarque que, en dépit de cette origine glaciaire, la morphologie de cette vallée (d'ailleurs semblable en cela à celles de la plupart des Alpes) n'est pas vraiment celle, classique, de la vallée en U, à fond plat.
En effet on voit sans ambiguïté que son fond a un profil en V : ce dernier résulte de la rencontre des jupes d'éboulis qui descendent des deux flancs rocheux et qui masquent le modelé glaciaire originel du fond du bedrock*.




Carte géologique simplifiée des environs des Sept Laux

redessinée sur la base de la carte géologique d'ensemble des Alpes occidentales, du Léman à Digne, au 1/250.000°", par M.Gidon (1977), publication n° 074
plus au nord ;
plus à l'ouest ; cartes voisines : plus à l'est
plus au sud

Page d'introduction à la géologie de la chaîne de Belledonne au sens large.
aperçu d'ensemble sur le massif d'Allevard - Sept Laux

Cartes géologiques au 1/50.000° à consulter : feuilles Domène et Saint-Jean de Maurienne

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