Crête du Rocher Blanc, Prorel, Puy Saint-André |
Les pentes de rive droite de la Guisane et de la Durance à l'ouest de Briançon sont constituées, jusqu'assez haut (plus de 2000 m), par le houiller du coeur de l'anticlinorium briançonnais occidental. On y trouve d'ailleurs d'assez nombreux restes d'anciennes mines d'exploitation d'anthracite. D'autre part la D 35 y recoupe un très épais "filon couche" de roche volcanique (microdiorite) qui s'y est injecté latéralement entre les strates de grès et de charbon.
La Crête du Rocher Blanc, qui couronne ces pentes du côté nord-ouest, est rapportée à la nappe de la Condamine par la carte géologique "Briançon au 1/50.000°. On y observe en effet une succession briançonnaise qui l'en rapproche par l'importance de ses lacunes : de fait les marbres du Jurassique supérieur y reposent directement sur les calcaires du Trias moyen, voire même sur les quartzites du Trias inférieur et ils sont coiffés de couches rouges du Crétacé supérieur.
En ce qui concerne ses termes triasiques cette succession est par ailleurs suffisamment différente de celle de la cime de la Condamine pour qu'on puisse s'interroger sur leur appartenance à une seule et même nappe, telle qu'elle a été admise jusqu'à ce jour sur la base de leur succession jurassico-crétacée (concernant cette unité du Rocher Blanc voir aussi la remarque de fin de page). |
La Crête du Rocher Blanc vue du nord-ouest, depuis le sommet de Serre Chevalier f.R = faille de la Ricelle (prolongement vraisemblable, à l'est de la faille de Trancoulette de celle du col de la Pisse (voir page "Serre Chevalier") ; cs-Mbr = brèches du Prorel. |
Dans le versant sud de la crête du Rocher Blanc, qui tombe sur le village des Combes (voir cliché plus haut dans cette page), la semelle de quartzites et de Verrucano de l'unité du Rocher Blanc, disposée à l'endroit, repose, en contrebas du sommet 2550, sur d'autres couches de même âge (permo-triasique), disposée à l'envers, qui forment le sommet 2478 (qui est le véritable "Rocher Blanc"). Ces dernières représentent le flanc oriental d'un synclinal des Combes, très déversé vers l'ouest. Ce pli ressemble beaucoup au synclinal de Roche Baron, que la Durance tranche au niveau de Queyrières, et en représente approximativement le prolongement septentrional.
On peut être tenté de considérer ce synclinal
des Combes comme un crochon créé par l'avancée
de l'unité chevauchante (rattachée à la nappe de la Condamine) qui forme le sommet 2550. Les couches
qu'il affecte représentent clairement la couverture stratigraphique
normale de la marge occidentale de la zone houillère (c'est-à-dire
le flanc ouest de l'anticlinorium briançonnais) ; elles sont
rattachées à la nappe de Champcella, dont elles
constitueraient la partie la plus interne (sa "racine"*). |
La montagne du Prorel, qui domine Briançon, représente l'extrémité sud-est de la Crête du Rocher Blanc et affecte la forme d'un cône mais se sépare du reste de cette crête par sa constitution.
Elle se singularise à trois égards :
1 - son soubassement comporte une succession triasique anormalement mince : les niveaux carbonatés du Trias moyen y ont à peine 100 m d'épaisseur et reposent presque directement sur les grès houillers par l'intermédiaire de simples copeaux de semelle quartzitique permo-werfénienne.
2 - sa pyramide sommitale, qui affecte la forme d'un cône, semble être posée en chapeau sur les termes les plus élevés (flysch noir) de la succession de la nappe de la Condamine : cette "unité de Prorel" est donc une sorte de butte témoin, isolée par l'érosion, d'un ensemble qui recouvrait cette nappe mais dont il ne reste rien tout autour.
3 - ces escarpements sommitaux sont presque entièrement formés de brèches, épaisses de plus de 200 m. Ces brèches du Prorel sont grossières et formées d'éléments anguleux dont la taille excéde le plus souvent la dizaine de centimètres, voire le mètre. Leur matériel, très polygénique, est essentiellement constitué de calcaires et dolomies triasiques mais elles se singularisent par rapport aux nombreuses autres brèches du Briançonnais par la présence, assez fréquente à certains niveaux, d'éléments siliceux (quartzites triasiques et Verrucano).
Il s'agit à l'évidence de produits d'éboulement de reliefs assez saillants pour avoir été décapités sur une assez grande épaisseur. Leur âge est incertain, mais l'absence d'éléments de Jurassique et la présence de septa de calcschistes pourpres néo-crétacés conduit à dater ces éboulement dans une fourchette Jurassique supérieur - Crétacé supérieur . |
Du côté nord-est de la montagne et ducôté sud (Serre Blanc) les brèches du Prorel recouvrent une semelle, épaisse de quelques dizaines de mètres, de calcaires ou de dolomies triasiques.
Du côté ouest ces couches triasiques sont juxtaposés aux micaschistes du col du Prorel (évidemment rapportables à la "4° écaille") qu'elles semblent bien recouvrir par l'intermédiaire d'une lame de Verrucano (qui n'affleure d'ailleurs que sur quelques mètres de long) ; du côté sud-est elles semblent bien reposer à leur tour sur le flysch noir de Notre-Dame des Neiges, au même titre que les petits chapeaux de gypse que ce dernier supporte et que le lambeau de flysch à Helminthoïdes qui y est emballé (et qui représente sans doute un olistolite). |
Ces deux aspects de la situation des brèches de Prorel peuvent conduire à y voir une klippe d'une unité supérieure, à semelle de Trias moyen. Mais on préfère maintenant y voir un énorme olistolite qu'il faut sans doute rattacher à la "quatrième écaille", en tant qu'équivalent latéral des micaschistes reconstitués de Serre Chevalier et du sommet de l'Eychauda.
En effet la superposition (voire la juxtaposition) de deux ensemble sédimentaires de constitution aussi différente que ces brèches et le micaschistes de l'Eychauda peut s'expliquer par une alimentation par des éboulements successifs, en provenance de points différents d'un même domaine saillant, soumis à une mise en relief périodique
et un décapage de plus en plus profond. |
Pour finir avec ce secteur on peut s'interroger sur quelques particularités de l'unité du Rocher Blanc, qui est constituée par les terrains mésozoïques du Rocher Blanc et du soubassement de Prorel ainsi que de celui des micaschistes de Serre-Chevalier.
Sur la carte Briançon, ainsi que par conformité dans ce site, on l'a rattachée à la nappe de la Condamine ; mais c'est sans doute une attribution abusive, car elle n'affleure pas en continuité avec cette unité, qui concerne stricto sensu le secteur situé à l'ouest de la faille de Trancoulette ( cf. page "Serre Chevalier") ; si cette corrélation avec les unités du chaînon de Montbrison était juste on devrait donc trouver ici, sous cette nappe, des témoins de la nappe de Champcella ; or ce n'est pas le cas ...
D'autre part il convient de souligner qu'elle possède des caractéristiques qui lui sont propres :
1 - son Trias moyen est anormalement peu épais ;
2 - il
repose presque directement sur son soubassement houiller : on observe en effet l'absence, entre les deux, du
tégument quartzitique permo-werfénien intercalaire, habituellement épais de plus de 100 m;
3 - enfin la succession de cette unité forme une dalle presque
plane, dépourvue de plis, doucement pentée vers le NE, alors que l'analyse structurale du houiller sous-jacent révèle d'importants changements de pendage qui témoignent du plissement de ce matériel paléozoïque.
Il en découle que le matériel carbonaté mésozoïque de l'unité du Rocher Blanc repose sur une surface presque plane (d'origine conjecturale), sectionnant son soubassement siliceux au point d'y avoir dénudé le houiller briançonnais axial. En fait sa situation est celle qui se retrouve presque à l'identique sur la rive opposée de la Durance dans la partie septentrionale du massif de Peyre Haute (voir les pages d'aperçu général et la page "Oriols") : là on voit en outre clairement se dessiner les plis du soubassement siliceux qui sont tranchés presque horizontalement par les surfaces basales des nappes de matériel calcaire.
À ma connaissance aucune réponse satisfaisante n'a encore été fournie à la question de l'origine de cette "dénudation" du houiller, à la voûte de l'anticlinorium briançonnais axial.
On peut tenter d'explorer les causes possibles de cette ablation de la couverture permo-werfénienne dans ce domaine. Elle ne peut d'abord être
mise sur le compte d'une érosion antérieure au dépôt du Trias
moyen,
car une telle disposition stratigraphique n'a été observée nulle part en Briançonnais.
D'autre part elle ne peut guère s'expliquer par le simple effet d'un charriage par décollement de la couverture carbonatée mésozoïque, car ce dernier se produirait au sommet des grès permo-triasiques et respecterait sans doute le succession permo-werfénienne ; d'autre part l'imbrication des
nappes résultant d'un décollement provoque plutôt des redoublements de la série décollée qu'elle ne supprime
des termes de la succession stratigraphique sous-jacente. On se voit donc presque acculé à envisager
que la mise en place de l'unité du Rocher Blanc
sur ce secteur ait été précédée par une érosion de la voûte de l'anticlinorium
briançonnais.
Son avancée sur cette voûte érodée ne daterait alors que d'une étape
de charriages postérieure à la formation de ce vaste bombement du soubassement de la zone briançonnaise (c'est seulement alors que cette nappe aurait alors été décollée de son soubassement siliceux dans un secteur sans doute encore plus oriental). La formulation de cette hypothèse sur la base de ces simples faits paraît un peu gratuite et elle demanderait à être étayée sur d'autres arguments. Toutefois le contraste entre la géométrie structurale de la zone briançonnaise "axiale" et celle de sa bordure occidentale (à l'ouest des failles de Trancoulette et de la Durance) suggère qu'elle pourrait fournir une piste pour son explication ... |
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