Le Lauzet, l'Aiguillette, Roche Chevalière |
Le Lauzet est la localité la plus amont de la vallée de la Guisane, à partir de laquelle le cours de cette rivière se courbe progressivement vers l'ouest, pour atteindre en moins de 6 km le col du Lautaret.
Cette vallée posséde ici un fond alluvial qui est large de 500 m à un kilomètre ; il est constitué par des dépôts fluviatiles et surtout des cônes de déjections qui se juxtaposent sur ses flancs et deviennent coalescents d'un versant à l'autre. Depuis le hameau de la Madeleine, en amont, jusqu'au village du Casset, en aval (soit sur plus de 8 km), ces dépôts masquent le contact entre le flysch nummulitique autochtone de la rive droite (voir la page "Combeynot") et le matériel appartenant de la zone subbriançonnaise qui constitue les pentes inférieures de sa rive gauche.
Si cette ligne tectonique majeure, qui correspond à la limite entre zones externes et zones internes (= "front pennique" des suisses), reste aussi longuement cachée c'est qu'elle est traversée par le tracé de la vallée sous un angle très aigu : ici le cours de la Guisane a donc été assez clairement dirigé par la structure tectonique.
Le village du Lauzet est dominé un sommet secondaire, l'Aiguillette du Lauzet, très fréquenté par les grimpeurs, qui est remarquable par sa forme de tour crénelée. Ses abrupts sont formés par les calcaires dolomitiques triasiques, typiques de la zone briançonnaise, tandis que leur soubassement est formé de calcschistes et de calcaires argileux caractéristiques la zone subbriançonnaise.
Un trait bien visible de la structure de ce sommet est que la partie supérieure de ses falaises est couronnée par une large vire où affleurent des calcschistes du crétacé supérieur ("marbres en plaquettes"), ici bariolés de vert et de pourpre. Le dernier ressaut des falaises est formé de nouveau par des calcaires triasiques mais l'on reconnaît que la succession des couches y est renversée, notamment au fait qu'une bande de calcaires du Malm court à leur base.
Cette disposition correspond à un pli couché, le synclinal de l'Aiguillette, dont le plan axial est peu penté vers l'est ; sa charnière devrait s'observer dans cette direction, mais les abrupts septentrionaux ne la montrent pas car ils sont interrompus par des couloirs d'éboulis ; ceux-ci masquent une faille orientée presque E-W, la faille du Rocher Robert, qui tranche ce pli. En outre le flanc inverse du pli, qui forme la crête orientale, se complète par les couches permo-triasiques de base de la succession mésozoïque ; mais elles ne font qu'ébaucher le pli en prenant un pendage qui se rapproche de la verticale, avant d'être tranchées, peu à l'ouest du col de l'Aiguillette, par une cassure N-S, la faille de la Ponsonnière, qui les sépare des schistes et grès du houiller qui affleurent dans ce col (voir ci-après, ainsi que les clichés plus bas dans cette page).
Au nord de l'Aiguillette l'entaille du vallon de l'Alpe du Lauzet donne une coupe naturelle des unités tectoniques qui se juxtaposent entre ce front pennique et la zone houillère briançonnaise. Cette coupe étant presque orthogonale à la direction des principales lignes structurales, finit par pénètrer vers l'est jusqu'au coeur houiller de l'anticlinorium* briançonnais.
Elle y parvient finalement en traversant au passage la grande faille de la Ponsonnière, qui juxtapose le matériel essentiellement calcaire du chaînon du Grand Galibier à celui (formé de grès et schistes argileux) de la zone axiale houillère qui constitue le soubassement du chaînon, plus oriental, des Cerces (voir aussi la page "Ponsonnière").
Le torrent du Rif contourne là, par son extrémité méridionale, l'Arête de la Bruyère, dont le profil acéré est dû à ce qu'elle est formée par les couches verticales des calcaires triasiques du flanc oriental du synclinal de l'Aiguillette.
Or ce pli est traversé en biais, dans le versant sud-ouest de cette crête par la faille de décrochement NW-SE du Clot des Vaches (qui se prolonge sans doute, plus à l'ouest, par celle du côté nord de Roche Robert). Son tracé est beaucoup moins méridien que celui de la grande faille de la Ponsonnière (laquelle longe au contraire le pied oriental de la crête). La convergence de ces deux failles en direction du sud a pour effet que les affleurements de cette crête rocheuse se rétrécissent dans cette direction, au point de se terminer en sifflet au point de rencontre des deux failles : c'est évidemment en ce point que le torrent du Rif a choisi d'inscrire son cours.
Au sud du vallon de l'Alpe du Lauzet le relief du versant oriental de la vallée de la Guisane se caractérise par l'existence d'une rupture de pente qui sépare leur partie inférieure, raide et relativement rocheuse, des pentes du versant supérieur, plus douces et garnies d'alpages. Cette inflexion des pentes se suit à flanc de versant en s'abaissant progressivement du nord vers le sud jusqu'à rejoindre le fond de vallée peu au sud du Monêtier. Pour cette raison elle ne saurait être simplement considérée comme un épaulement glaciaire et il s'avère effectivement que son origine est structurale :
- les pentes inférieures montrent par un empilement tectonique de matériel en prédominance calcaire rattachable à la couverture mésozoïque briançonnaise et, plus bas aux "écailles" de la zone subbriançonnaise.
- le haut versant
a pour substratum la monotone succession des schistes argileux à bancs de grès du Houiller. Cette dernière englobe même la ligne de partage des eaux avec la Clarée, qui est constituée sur cette transversale par la Crête du Chardonnet et les Rochers de Privé (mais pas la crête, plus orientale, du Raisin et de Tête Noire).
La rive gauche (orientale) de la haute Guisane en amont du Monêtier, vue d'avion du sud (suite de ce paysage vers la droite à la page "Tête Noire"). Unités successives (d'ouest en est) : u.F = unité subbriançonnaise du Fontenil ; u.rO = unité subbriançonnaise de Roche Olvera (surface de chevauchement en bleu pâle) ; u.G = unité briançonnaise du Grand Galibier (surface de chevauchement en rose pourpre) ; f.P (en violet clair) = faille de la Ponsonnière. Failles transverses : f.A = faille de l'Aiguillette (décrochement dextre) ; d.pA = décrochement du Pont de l'Alpe (branche septentrionale du décrochement du Lautaret) ; d.rC = décrochement de Roche Chevalier (branche méridionale du décrochement du Lautaret). s.A = synclinal de l'Aiguillette (à cœur de marbres en plaquettes "cs") ; s0 = surfaces de stratification (faiblement pentées vers l'est) dans la zone houillère ; hr+µd = schistes et grès houillers riches en filons couches ("sills") de microdiorite. |
Cette rupture de pente correspond donc à la limite occidentale de la zone houillère briançonnaise. Celle-ci est en général considérée comme le flanc occidental, déversé vers l'extérieur, d'un vaste anticlinorium. En fait il paraît beaucoup plus juste d'y voir le passage d'une grande faille subverticale , représentant le prolongement méridional de la grande faille de la Ponsonnière (voir à ce sujet la page d'aperçu d'ensemble sur la rive gauche de la Guisane et les pages "Les Mottets", "Ponsonnière" et "Lauzet").
Certes, dans ce versant, la limite inférieure d'affleurement des couches houillères est difficile à suivre avec précision, en raison des interruptions d'affleurements par les glissements de terrain et notamment par le très grand glacier rocheux ancien qui occupe le fond du Grand Vallon. Néanmoins il est clair que ce matériel houiller est calmement stratifié en couches presque horizontales. D'autre part il ne chevauche pas le matériel imbriqué et plissé du mésozoïque des pentes inférieures de la vallée : il lui est plutôt affronté par une surface qui a un fort pendage (si l'on en juge par son tracé presque rectiligne, qui ne dessine pas ou peu de rentrants dans les thalwegs) et qui coupe en biseau les unités briançonnaises et subbriançonnaises affleurant du côté ouest.
Le tracé de la faille de la Ponsonnière est en outre traversé et décalé par les failles de décrochement sénestre formant un faisceau qui prolonge vers le sud-est le décrochement du Lautaret (voir la page "Lautaret"). Celles-ci déterminent des interruptions de continuité affectant principalement la bande de matériel appartenant à la couverture briançonnaise qui représente l'extrémité méridionale de l'unité du Galibier (voir la carte structurale ci-après) : cette dernière se rétrécit painsi par à coups à la faveur de ces failles dont les principales sont celles qui encadrent les affleurements de Roche Chevalière, au point que les calcaires triasiques y subsistent seuls et que, plus au sud, leur semelle de quartzites est supprimés par biseautage.
En fait ce prolongement méridional de la grande faille de la Ponsonnière se poursuit au delà du Monêtier pour traverser la vallée de la Guisane immédiatement au sud du village du Freyssinet ; il est plausible en outre qu'il se poursuivre en rive droite, à travers les pentes de Serre Chevalier, jusqu'à rejoindre, encore plus au sud, la faille de Trancoulette.
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Carte géologique simplifiée des chaînons
de la Haute Guisane - Haute Clarée |
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Les unités structurales sont disposées dans l'ordre d'empilement, des plus externes (au sud-ouest) aux plus internes (d'origine de plus en plus orientale). Le groupe des unités briançonnaises est décalé vers le bas pour de simples raisons de mise en page. Par contre les dénominations de ces unités comportent parfois plusieurs noms, qui sont disposés de haut en bas pour indiquer les équivalences entre les unités élémentaires affleurant du nord au sud.
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Carte géologique simplifiée
des montagnes aux alentours du col du Galibier
redessinée sur la base de la carte géologique d'ensemble
des Alpes occidentales, du Léman à Digne, au 1/250.000°",
par M.Gidon (1977), publication n° 074
catalogue des cartes locales de la section Briançonnais
aperçu
général sur la stratigraphie
du Briançonnais aperçu général sur la tectonique du Briançonnais |
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(Combeynot) |
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