Tectonique de la région briançonnaise |
N.B. : en complément de cet aperçu général et thématique on pourra voir aussi les pages complémentaires, relatives aux différents secteurs du Briançonnais au sens géographique :
- le Briançonnais septentrional entre Guisane et Clarée
- le Briançonnais septentrional en rive orientale de la Clarée
- le Briançonnais à l'ouest de Briançon
- le Briançonnais méridional à l'ouest de la Durance
- le Briançonnais méridional à l'est de la Durance
- Le secteur, plus oriental, du Queyras.
Plan de ce chapitre :
A/ Vue d'ensemble |
1 - Zone subbriançonnaise 2 - Zone briançonnaise 3 - Zone piémontaise |
B/ Nomenclature des nappes briançonnaises | Les nappes
briançonnaises Les "écailles intermédiaires" |
C/ Autres accidents tectoniques | 1 - Plis 2 - Failles |
1 - Zone subbriançonnaise
Les terrains rapportés à cette
zone affleurent selon une bande qui s'intercale entre le placage
de flysch nummulitique qui tapisse les revers orientaux du gros dôme anticlinal
dessiné par le socle cristallin du massif du Pelvoux et
la surface de contact tectonique frontale du Briançonnais.
Entre le col du Lautaret et Vallouise la structure de cette bande
d'affleurements est assez simple car elle est formée de
deux unités tectoniques imbriquées (dites "écailles
subbriançonnaises") qui sont plaquées
en accordance sur les couches du flysch autochtone. Leur constitution est assez semblable car chacune comporte
une semelle de calcaires du Jurassique moyen surmontée
de calcschistes d'âge callovo-oxfordien à néocrétacé.
Au niveau de la Guisane, à l'ouest du Monêtier l'écaille
inférieure repose sur l'autochtone par l'intermédiaire
d'un coussinet gypseux épais d'une centaine de mètres.
Entre la Guisane et Vallouise la semelle de l'unité supérieure
se réduit à un chapelet de copeaux de Jurassique
puis disparaît sous les paquets glissés de la rive gauche
de la Gyronde à la latitude de Vallouise.
Au sud de Vallouise, à partir des Vigneaux, la zone subbriançonnaise
occupe sur la carte une place beaucoup plus large, car elle affleure
là sous les unités briançonnaises, sur les
deux rives de la Durance, au coeur d'un anticlinal de nappes d'axe
N-S, dans la fenêtre de l'Argentière.
On peut essentiellement distinguer dans la
zone subbriançonnaise, des abords du Galibier à
ceux de Guillestre, deux unités superposées :
- une unité supérieure, à laquelle
on doit sans doute rattacher les affleurements de la fenêtre
de l'Argentière. Elle se caractérise au plan stratigraphique
par sa succession qui est, du Jurassique moyen au Crétacé
supérieur, continue, épaisse et riche en niveaux
marneux ou marno-calcaires. Elle caractérise au
niveau du Galibier une "digitation de Roche Olvera",
et l'on doit sans doute lui rattacher les affleurements de la
fenêtre de l'Argentière.
- une unité inférieure, où la barre
du Dogger calcaire ne supporte que peu de niveaux marneux d'âge
jurassique supérieur, ceux-ci étant remplacés
par des brèches ("brèche du télégraphe"),
voire par une simple lacune sous les calcschistes ("marbres
en plaquettes") du Crétacé supérieur.
Cette unité est représentée par des unités
disjointes (souvent qualifiées d'"écailles"
qui les ont étudiées) peut-être plus par
les conditions d'affleurement que par une dislocation tectonique.
Ce sont, du nord au sud, les unités des Sestrières,
du Fontanil, des Neyzets, de Vallouise et
des Têtes d'Oréac et de la Lauzière.
Ce sont les terrains de la zone briançonnaise qui occupent - de loin - la plus grande superficie de la région de Briançon.
a) La tectonique
de la région briançonnaise est dominée, aux
environs de Briançon comme plus au nord et plus au sud,
par une disposition des couches qui a de longue date été
décrite comme un anticlinorium* dissymétrique,
rendu célèbre par son double déversement,
que l'on a longtemps dit "en éventail".
En effet, à l'ouest de la ville de Briançon, depuis
la vallée de la Guisane au nord jusqu'au massif de Peyre
Haute au sud, les couches ont globalement un pendage modéré
vers le nord-est ; leurs plis et leurs imbrications par chevauchement
sont déversés vers le sud-ouest. Au contraire,
à l'est d'une ligne passant par le col des Ayes, la ville
de Briançon, le col du Granon et la vallée de la
Clarée (en amont de Névache) il est presque la règle
d'observer des successions stratigraphiques renversées,
à fort pendage vers le sud-ouest, l'ensemble des structures
manifestant là un déversement vers l'Italie (vers
le nord-est).
On parle de "rétro-déversement" pour exprimer le fait que cette disposition va à l'encontre de ce qui se passe sur la plus grande partie du versant français des Alpes (lui-même le plus étendu de la chaîne) où le déversement est presque systématiquement dirigé vers l'ouest. |
En fait l'interprétation par un éventail de plis, résultant d'observations trop superficielles et datant d'une époque où les charriages de nappes étaient méconnus, est erronée parce que les structures déversées vers l'ouest et celles déversées vers l'est ne sont ni de même nature ni de même âge.
Les anciens auteurs ont longtemps cherché à localiser un "axe de l'éventail briançonnais", en partant du principe (erroné) que cet "éventail" correspondait à un anticlinorium formé en une seule et même étape. Ce n'est pas le cas, de sorte que l'on posait là un faux problème, qu'il faut remplacer, si l'on veut accéder à une vue globale de l'organisation de la zone briançonnaise, par une recherche des charnières majeures datant de la seconde étape de déformation. On constate alors que le Briançonnais est
parcouru par deux charnières rétrodéversées
majeures : Dans la littérature (notamment dans la notice
de la feuille Briançon de la carte géologique au
1/50.000°) les auteurs ont en général partagé
les unités imbriquées (nappes élémentaires)
en deux groupes, celui des unités occidentales
(dites aussi externes) et celui des unités orientales
(dites aussi internes), selon qu'elles se situent à l'ouest
ou à l'est de l'anticlinal des Ayes. C'est là une
simple commodité de nomenclature, qui ne reflète
aucune différence, de quelque nature que ce soit, qui
puisse caractériser ces deux groupes l'un par rapport
à l'autre (voir ci-après). |
b) Ce dispositif,
apparemment anticlinorial, masque en effet un second trait, aussi
important mais moins évident, qui est l'existence d'un
système de chevauchements, à flèches kilométriques,
qui intéresse la zone briançonnaise sur toute sa
largeur.
Ces accidents, qui sont connus sous le nom de nappes briançonnaises,
ont été initialement créés dans un
contexte de cisaillement à vergence ouest mais ont été
ultérieurement tordues et "enroulées"
par des plis plus tardifs, rétrodéversés.
De ce fait les surfaces de charriage de ces nappes élémentaires
pendent modérément vers le nord-est dans la partie
occidentale de la zone briançonnaise ; par contre dans
sa partie orientale ces surfaces de charriage sont soit verticales
soit renversées avec un fort pendage vers le sud-ouest (ce qui peut amener à y voir - ou non - des failles tardives par rapport aux charriages).
La structure du massif du Thabor, à l'extrême
marge nord des montagnes du Briançonnais, illustre bien
ce schéma fondamental (voir aussi la page "Guil aval" ):
c) Un dernier aspect de la structure du Briançonnais est l'existence d'une fracturation longitudinale qui est postérieure à la déformation par rétrodéversement de l'anticlinorium. Elle se manifeste surtout en marge orientale du domaine, dans ses confins avec la zone piémontaise. Son importance, signalée pour la première fois aux environs nord-orientaux de Briançon (Gidon et Barféty, 1975), est évaluée dans une page qui montre qu'il correspond à un alignement majeur de fractures que j'ai dénommé le Linéament briançonnais oriental.
d) En bordure ouest de l'anticlinorium briançonnais, les nappes élémentaires débordent par dessus les domaines plus externes (subbriançonnais et même autochtone ultradauphinois) : c'est même seulement là que l'on voit ces derniers être recouverts par le matériel briançonnais. Or ces nappes s'y sont avancé en se décollant de leur substratum houiller, car ce dernier n'est que peu ou pas présent à leur semelle. Cette disposition "flottante" ne concerne en outre que les unités qui affleurent à l'ouest du faisceau de failles N-S de la bordure ouest de la zone houillère (failles de la Durance, de Trancoulette et de la Ponsonnière, cf. plus loin), ensemble que l'on pourrait donc désigner du nom de "frange briançonnaise occidentale".
Les caractères de leur dispositif tectonique suggèrent que cette frange d'unités occidentales a dû se mettre en place en débordant à partir de la voûte anticlinoriale de la zone houillère, par dessus les failles qui la bordent, et qu'elles ont été ensuite désolidarisées de leur secteur d'origine par la poursuite du fonctionnement de ces failles : cette frange chevauchante occidentale ne représente en quelque sorte qu'une "bavure" latérale, accessoire, de la zone briançonnaise, dont le corps principal n'affecte pas la forme d'un prisme chevauchant s'effilant vers l'ouest mais plutôt celle d'une large tranche de matériel limitée par des cassures à très fort pendage. Cette interprétation amène à imaginer une cinématique de mise en place qui est peu conforme aux manières habituelles d'envisager la tectogénèse de ces domaines : elle consiste à considérer que la zone houillère briançonnaise a été, concurremment et/ou successivement, le siège de compressions transverses et de coulissements longitudinaux le long de ses limites (les premières ayant créé plis et nappes et les seconds ayant créé et utilisé les faisceaux de cassures subverticales des limites de la zone). On trouvera des compléments non dépourvus de rapports avec ces idées aux pages consacrées au linéament briançonnais occidental et à la "structure du briançonnais méridional". |
La succession de ces unités imbriquées (nappes élémentaires du Briançonnais) est touffue et se modifie quelque peu selon les transversales, du nord au sud. Elle est plus simple au nord où, du fait de la montée des axes de plis vers le nord, l'érosion est la plus profonde et dégage plus largement le soubassement houiller. Elle est particulièrement complexe sur la transversale de Briançon, au sud de laquelle le soubassement houiller tend à se masquer complètement sous sa couverture mésozoïque, qui révèle donc plus complètement la manière dont elle est imbriquée.
pour plus de détails sur ces unités et leur nomenclature voir plus loin dans cette page |
Les cartes structurales sectorielles montrent l'extension et la répartition cartographique des unités |
Les terrains rapportés à cette zone affleurent se répartissent en deux groupes d'unités :
- les unités piémontaises
externes, qui affleurent presque uniquement le long de la
frontière. Elles sont dotées d'une puissante semelle
de dolomies du Trias supérieur recouverte par un Lias calcaire
assez puissant. Leur série stratigraphique se poursuit
par des termes jurassiques et crétacés, (ce qui
les avait fait ranger dans l'ensemble des "schistes lustrés").
Elles sont dans l'ensemble disposées à l'endroit
et reposent sur les unités ligures par un contact à
faible pendage qui n'est bien visible qu'au sud de Cervières
et, localement, aux abords sud de Bardonecchia (versant
nord du chaînon de Charra).
Entre ce dernier point et Montgenèvre le piémontais
externe bute contre le matériel ligure par l'intermédiaire
d'une cassure très redressée dont la lèvre
occidentale est abaissée.
Du côté ouest (au nord de Montgenèvre) le
piémontais externe vient également en contact avec
les unités briançonnaises par des failles à
fort pendage, comme celle, injectée de cargneules, qui
détermine l'alignement du col des Acles, du col de Dormillouse
et du Pas de la Fanfare. Dans ce secteur les dolomies noriennes
du piémontais externe reposent sur une semelle qui est
formée par des "écailles intermédiaires"
et l'on ne les voit nulle part reposer sur les unités ligures.
- les unités ligures (à ophiolites surmontées de schistes lustrés) qui se cantonnent en général sur le revers italien du Briançonnais et s'enfoncent sous les unités précédentes, en direction du territoire français. Cela leur permet d'y réapparaître ponctuellement dans des fenêtres d'érosion, par exemple dans le vallon des Acles et dans celui de la vallée Étroite (au nord de Montgenèvre) ainsi que dans le vallon de Cervières (au sud de Montgenèvre). Il est à remarquer que l'on ne trouve pas trace, dans ces fenêtres, du matériel des unités piémontaises externes
Au sud du col de Montgenèvre, le secteur du Chenaillet-Gondran se singularise par la largeur des affleurements des roches plutoniques et volcaniques du matériel ligure (Chenaillet), qui est juxtaposé et localement superposé au matériel piémontais externe (Janus, Gondran). La qualité de ses affleurements en a fait une localité classique pour l'étude de l'ancien fond océanique alpin. Ce secteur apparaît sur les cartes comme un coin saillant limité par des failles transversales d'une orientation proche d'E-W, les décrochements de Montgenèvre et de Cervières.
De part et d'autre de ce coin la structure
des unités piémontaises externes n'est pas identique
:
- au nord l'unité du Chaberton est ployée
en S par un enchaînement de plis déversés
vers l'est, l'anticlinal du Rio Secco et le synclinal du versant
oriental du Chaberton, qui affectent également les écailles
intermédiaires.
- au sud le matériel piémontais externe forme principalement
une dalle sub-horizontale de dolomies du Trias supérieur,
coiffée d'un chapeau de Lias (donc disposée à l'endroit), qui culmine au sommet de Rochebrune.
Au sud de ce sommet, en Queyras, cette unité de Rochebrune
repose directement sur les séries ligures. Mais au nord
de ce sommet elle le fait par l'intermédiaire de lames
tectoniques, formées de matériel jurassique, les
écailles de Prafauchier et du Bois des Coins.
Les rapports structuraux entre les unités briançonnaises et piémontaises et entre les unités piémontaises elles-mêmes sont donc loin d'être simples et peuvent donc prêter à controverse en ce qui concerne leur disposition originelle avent charriage.
Dans la partie septentrionale, à la latitude de Névache une coupe transversale donne un inventaire assez représentatif des unités qui se succèdent.
ØSB = chevauchement de la zone subbriançonnaise
; ØB = chevauchement de la zone briançonnaise
(base de l'unité du Galibier) ; f.P = faille
de la Ponsonnière (voir remarques à la page "Roche Colombe") ; ØG = chevauchement de l'unité de la crête
des Granges ; ØE = chevauchement de l'unité
de l'Enlon ; ØGu = chevauchement de l'unité
de Guiau ; ØCh =
chevauchement de l'unité du Chaberton (domaine piémontais
externe) ; ØS.L. = contact tectonique entre la zone
piémontaise externe et le domaine des schistes lustrés
ligures (ancien chevauchement, renversé et repris par des
failles à fort pendage).
L'emplacement de la faille de la Clarée est indiqué
par un double tireté, mais pour simplifier le schéma
son rejet n'a pas été pris en compte. Pour la même
raison les autres failles N-S du Briançonnais oriental
ont été délibérément omises.
Détail de
la constitution
de la colonne stratigraphique des unités briançonnaises
Sur la transversale de Briançon cette partie occidentale de la zone briançonnaise montre un empilement et une géométrie plus complexe car les nappes y sont reployées en un double pli (synclinal de Prelles puis anticlinal de l'Argentière) et sont hachées par une multitude de cassures. D'autre part le hiatus d'affleurements de la vallée de la Guisane, qui coupe obliquement les lignes structurales, ne permet pas de coordonner avec certitude les nappes du Galibier et des Cerces, affleurant au nord-est avec celles affleurant au sud-ouest, aux environs du Serre Chevalier et dans le chaînon de Montbrison.
Dans ce secteur on a encore parfois recours
à une vieille nomenclature datant des études qu'avait
effectué P. Termier, au début du XXe siècle.
Cet auteur distinguait quatre unités, nommées "écailles"
qu'il avait numérotées
de bas en haut.
a) Les "première écaille" (nappe
de Roche Charnière), la "deuxième écaille"
(nappe de Champcella) et la "troisième écaille"
(nappe de La Condamine) sont des imbrications n'affectant
pratiquement que la couverture carbonatée de la zone briançonnaise,
à l'ouest de la "zone houillère" (où
cette couverture est largement décapée au nord de
Briançon). Elles ne diffèrent que par des détails
de constitution de leur succession
stratigraphique post-triasique : série jurassique réduite
pour la première, plus riche en marnes du Jurassique moyen
et supérieur pour la deuxième et limitée
à une unique barre de calcaires du Dogger et du Malm pour
la troisième. Elles sont elles-mêmes subdivisées
en sous-unités dont les relations originelles ne sont pas
toujours très claires.
b) Le terme de "Quatrième écaille"
est encore assez largement utilisé de nos jours car il
désignait un ensemble (qui affleure surtout au Sommet de
l'Eychauda et au Serre Chevalier) dont l'identité, en termes
de constitution lithologique, est particulièrement affirmée
: elle se caractérise notamment par la présence
de forts niveaux de brèches et d'olistolites à matériel
de schistes permien et de micaschistes. Mais les dernières
recherches portent à voir, dans ce matériel, des
olistolites mis en place pendant le dépôt du "flysch
noir" nummulitique plutôt qu'une unité tectonique
imbriquée par charriage.
A l'est de Briançon les unités qui forment les crêtes dominant
la vallée de la Guisane (crête de Peyrolle) et, au
sud de la ville, la Croix de Bretagne sont de constitution très
similaire à la nappe de La Condamine. Ces unités
de carbonates briançonnais ne constituent que la couverture
du flanc oriental du gros anticlinorium ("occidental) à coeur de houiller
("zone houillère") que la Durance traverse
entre Briançon et Prelles.
C'est également à
la nappe de La Condamine que l'on doit sans aucun doute rattacher
l'unité du Mélezin, qui forme à l'évidence
la couverture de la voûte anticlinale de la zone houillère,
dans le massif de Peyre Haute, en rive gauche de la Durance.
L'unité de la crête des Granges, qui affleure dans les gorges de la Durance en amont
de Briançon et dans celles de la basse Cerveyrette, se singularise par sa puissante semelle de
dolomies du Trias supérieur, dont le soubassement (Trias
moyen et inférieur) n'est visible nulle part. Elle se rapproche
par ce trait des unités piémontaises externes
(Chaberton, Rochebrune). Mais les termes jurassiques et crétacés
qui recouvrent ce Trias ne se distinguent toutefois pas de ceux
de autres unités briançonnaises (ils diffèrent
par contre nettement de ceux des unités piémontaises
externes, qui sont constitués de calcschistes assez monotones,
très différents des faciès briançonnais
de même âge et formant une série quasi continue
sans lacunes).
Cette unité affleure presque toujours en position renversée (basculée vers l'est) selon une bande N-S qui court depuis le sud, où elle apparaît à Ceillac (elle y a été appelée nappe de la Clapière), en traversant les gorges du Guil puis en passant à flanc du versant occidental de la vallée d'Arvieux pour rejoindre la crête des Granges. Elle se poursuit au nord de la Durance par le versant
oriental de la Crête de Peyrolle puis se termine en s'effilant avant d'atteindre le village de Granon. Elle est globalement disposée
en série renversée mais accidentée de replis
assez serrés. C'est très vraisemblablement son prolongement
occidental, dont elle est complètement séparée par un hiatus d'affleurements, qui constitue la nappe de Peyre Haute,
laquelle repose presque horizontalement sur le prolongement de l'unité
de la Condamine en rive sud-est de la Durance et se prolonge vers le sud au delà du Guil, jusqu'aux environs de Vars.
Les unités briançonnaises les plus orientales (qui affleurent à l'est de celle de la crête des Granges) sont par contre dotées d'une ossature de calcaires et dolomies du Trias moyen, comme les unités plus occidentales. Elles sont globalement ployées en un anticlinal couché vers l'est qui se renverse, au nord-est de Névache, sur les unités piémontaises qui affleurent plus à l'est (le plan axial de cet anticlinal "de la Grande Montagne" sépare le chaînon du Thabor (flanc normal à l'endroit) et celui des Rois Mages (flanc inverse). Au sud de Névache ce pli est moins facile a observer car il est sectionné par des cassures longitudinales qui juxtaposent les unités briançonnaises internes aux unités piémontaises.
Les "écailles intermédiaires" sont des lames tectoniques discontinues, d'épaisseur souvent réduite, qui s'intercalent sous les unités piémontaises qui coiffent, du côté oriental, l'édifice briançonnais. Elles s'observent selon une bande d'affleurements discontinus à peu près NW-SE qui passe par Montgenèvre et longe la rive est de la basse Clarée. Elles sont caractérisées par des séries très réduites, de type "ultra-briançonnais" (proches de celles bien représentées en Haute Ubaye et surtout en Haute Maira), où le soubassement siliceux permo-houiller et même le socle cristallin ont été mis à nu dans un bloc surélevé au cours du secondaire. On peut penser que la "4° écaille" est un élément issu de ce domaine, détaché par l'érosion au cours du Nummulitique.
Le chapelet des écailles intermédiaires se prolonge très loin au sud-est à travers les vallées du Guil et de l'Ubaye. Dans le secteur italien de la Haute Maira elles se rattachent à un ensemble d'unités qui ont conservé une épaisse semelle siliceuse et affleurent largement, sous les nappes de schistes lustrés, à la faveur de l'anticlinal de nappes d'Acceglio (les unités affectées par ce pli s'enfoncent axialement, vers le nord, au nord des sources de l'Ubaye)
voir la carte d'ensemble du Briançonnais |
1 - Plis
Des plis distincts de ceux de rétrodéversement et
de plus faible ampleur sont associés au système
de chevauchements. Certains de ce plis représentent des
crochons de cisaillement, d'autres des plis ancrés sur
des paléofailles. Seuls ceux actuellement situés
sur le flanc ouest, à l'endroit, des charnières
de rétrodéversement, se manifestent clairement dans
le paysage car l'érosion qui a dénudé la
zone houillère a abouti à une inversion de relief*
en n'y conservant la couverture mésozoïque que sous
forme de synclinaux perchés (voir l'exemple du Grand
Aréa et de Roche
Noire).
Les plis de cette famille qui sont maintenant situés dans
les flancs est des charnières de rétrodéversement
sont plus ou moins renversés vers l'est par le second plissement.
Mais ils ne sont observables que dans les entailles transversales
les plus profondes, car ailleurs le Mésozoïque semble
seulement former des lames subverticales juxtaposées.
2 - Failles
Un dernier trait de la tectonique du Briançonnais est la
présence d'un réseau de fractures assez nombreuses, dont beaucoup ont longtemps été confondues avec des surfaces de charriage. La plupart de ces failles, dont on trouvera le tracé cartographique sur les cartes structurales, peuvent être réparties
entre trois catégories principales :
- Des failles extensives anciennes, d'âge jurassique ou Crétacé supérieur, pour la plupart. Beaucoup sont longitudinales (parallèles à l'allongement de la zone briançonnaise) mais elles semblent connectées par failles est-ouest. Les mieux caractérisées sont la faille du Lac Rouge, dans le chaînon des Cerces et la faille orientale de Roche Colombe, dans le chaînon du Grand Galibier.
Dans le soubassement Permo-houiller la partie nord de la région briançonnaise est parcourue par une importante cassure, l'accident des Drayères.
Les levers récents de Daniel Mercier (carte géologique, feuille Névache) ont montré que cet
accident, qui apparaît en haute Clarée aux abords des chalets de Laval, se poursuit vers le NE en traversant
la zone briançonnaise en diagonale à l'ouest du Thabor. Il rejoint presque sa marge
orientale sur le versant mauriennais aux alentours du Lac de Bissorte (rive gauche de l'Arc).
En rive droite de la Clarée cette cassure est apparemment cachetée par les quartzites triasiques mais, d'après D. Mercier, elle passerait pourtant en Maurienne (Crête des Sarrasins) à un
chevauchement d'âge alpin de sa lèvre SE sur celle NW. Quoi qu'il en soit de ses éventuelles déformations posthumes il faut sans doute la considérer comme une ancienne
faille extensive fini-hercynienne.
- Des failles longitudinales tardives qui recoupent les nappes et les plis de rétrodéversement. Elles sont parallèles à l'allongement de la zone briançonnaise, donc à ses plis et à ses surfaces de chevauchement. Ces failles ont un rejet surtout extensif et paraissent particulièrement récentes.
a) Un premier groupe, occidental, est constitué par le faisceau de failles de la Durance, dont le tracé a dirigé le cours de la vallée de la Durance en aval de L'Argentière. Bien défini dans la région de Guillestre ce faisceau de failles se poursuit vers le nord en se partageant au moins en deux branches :
- La branche occidentale, presque N-S (N160 à N170) est la faille de Trancoulette,
qui traverse le revers oriental des montagnes du massif de Montbrison
et de Serre Chevalier. Elle se prolonge vers le nord, en rive gauche (est) de la Guisane, par la faille de la Ponsonnière (laquelle se poursuit encore au delà par la vallée de la Valloirette). Du côté sud son prolongement est plus difficile à suivre : il est douteux qu'elle se connecte directement avec la faille principale de la Durance aux environs orientaux de l'Argentière ; par contre la connexion est beaucoup mieux établie, par Queyrières et les pentes occidentale du Puy des Aiguillons, par l'intermédiaire de la faille de la Roche-de-Rame.
- La branche orientale, ou faille des Oriols, s'embranche sur la faille principale de la Durance plus au sud, à Saint-Crépin (où son rejet n'est pas encore considérable). Elle traverse les vallons affluents de la rive gauche de la Durance dans les pentes dominant La Roche-de-Rame (où elle n'avait pas été reconnue comme telle et confondue avec des chevauchements ou imbrications secondaires). Son tracé, d'abord N-S, s'infléchit pour devenir N20 aux approches de Briançon, localité qu'elle doit rejoindre sous les alluvions de la Durance (en butant contre le système des failles plus orientales, ci-après). En général presque verticale, son rejet présente néanmoins une composante d'abaissement de sa lèvre orientale.
b) Un second groupe affecte la partie orientale de la zone briançonnaise. La plus marquante en est la faille de la Clarée. Il s'agit d'un couloir fracturé, orienté presque N-S, qui est large souvent d'une ou plusieurs centaines de mètres et parfois accompagné de failles satellites.
Deux autres failles, comparables et à peu près parallèles à la faille de la Clarée, se suivent également du nord au sud du Briançonnais oriental ; ce sont à l'ouest la faille de Lenlon et à l'est la faille des Acles. Ce faisceau de cassures peut être globalement désigné du nom de "linéament du Briançonnais oriental" (voir l'exposé spécial qui lui est consacré).
c) Une cassure de situation intermédiaire est constituée par l'accident du Pansier-Lauzet. Celui-ci affecte seulement le massif de Peyre Eyraute, qu'il traverse légèrement en biais selon un azimut N-S : il y correspond au tracé de la limite orientale des affleurements de la nappe de Peyre Haute, depuis le secteur du col des Ayes, où il semble se brancher obliquement sur le faisceau du linéament oriental jusqu'au sud du col du Lauzet, où il finit par se confondre avec l'accident qui limite la fenêtre aval du Guil du côté oriental.
Cet accident ne peut pas être considéré comme la surface de charriage de la nappe de Peyre Haute car il
sectionne en biseau le synclinal couché qui affecte cette dernière. Il avait été considéré jusque à maintenant comme la surface de charriage d'une nappe "de l'Agnelil-Pategou" car, dans le secteur du Pic du Grand Vallon, les marbres en plaquettes et le flysch noir des unités appartenant à sa lèvre orientale débordent vers l'ouest, en venant chevauche les calcaires triasiques de sa lèvre occidentale. Mais en fait la surface de cassure a une attitude sub-verticale dans ses parties plus basses et cette disposition correspond donc à une sorte de "bavure latérale".
D'autre part cette cassure a, comme la faille des Oriols, un tracé arqué, à concavité vers l'est (passant, du nord au sud, de N20 à N160).
- Des failles transverses, obliques aux plis et chevauchements, qui s'avèrent le plus souvent être des décrochements. Ce sont en général les cassures le plus faciles à déceler et à suivre, ce qui peut se faire pour certaines jusque dans l'autochtone du massif du Pelvoux. Ces décrochements sont principalement sénestres et d'orientation proche de NW-SE (en moyenne N110) au nord du promontoire que font vers l'est les reliefs cristallins du massif du Pelvoux ; ils sont principalement dextres et d'orientation proche de SW-NE (en moyenne N50) au sud.
Il est assez clair que la répartition de ces cassures
traduit un effet d'emboutissage du bloc de socle saillant du massif
du Pelvoux en direction de l'E-NE : il a donc formé un
poinçon sur lequel ont dû se mouler les unités
charriées lors de leur ultime avancée vers l'W-SW.
D'autre part l'étirement N-S de la zone briançonnaise,
dont témoignent ces décrochements, est certainement
antérieur à l'extension E-W qui à créé
les failles N-S de la famille des failles de la Durance et de
la Clarée car les tracés de ces dernières
recoupent les décrochements sans subir de déviation.
En Briançonnais occidental deux décrochements sont particulièrement importants et continus : au nord le décrochement du Chardonnet, que l'on suit depuis le versant sud du col du Galibier jusqu'aux abords méridionaux de Névache et surtout le décrochement du Lautaret - col de Buffère, qui semble bien se poursuivre, par le col du Granon, jusqu'à la vallée de la Clarée (au niveau du Rosier).
En Briançonnais oriental deux accidents majeurs, la faille transverse de Clavière au nord (Montgenèvre) et la faille transverse de Roche Moutte au sud (Cervières) délimitent les affleurements de croûte océanique
du massif du Chenaillet. Ils ont une orientation presque E-W,
donc assez différente de celle des précédents et ne semblent en fait n'avoir qu'un rejet vertical (abaissant le panneau du Chenaillet).
La première de ces cassures ne semble pas, en dépit
d'une presque continuité de leurs tracés, se connecter
vers l'ouest avec le décrochement de Briançon. La seconde
ne se prolonge en tout cas absolument pas au delà du tracé
de la faille de la Clarée. En définitive cette dernière cassure, longitudinale, recoupe
ces deux failles E-W au lieu d'en être affectée, conformément
à l'interprétation qui consiste à y voir une cassure plus récente que celles transverses.
En caricaturant quelque peu la situation on peut donc dire que le massif du Chenaillet est une klippe (ligure) encastrée par affaissement dans son substratum (piémontais externe).
On peut considérer que les deux failles qui limitent ce bloc du Chenaillet témoignent de ce que la zone briançonnaise a été soumise, au moins à cette latitude, à un étirement dans le sens N-S (c'est-à-dire selon son allongement géographique). Il est donc séduisant d'envisager que cet effondrement du bloc du Chenaillet résulte d'un étirement N-S qui s'est particulièrement marqué aux dépense de la zone briançonnaise. On peut y voir un effet de la courbure de l'arc alpin, lequel a sans doute été accentué à l'est du bloc pelvousien, du fait de la présence de ce môle de socle sur cette transversale. |
Pour terminer il me semble judicieux de souligner que l'analyse de la tectonique du Briançonnais nécesssite tout particulièrement de s'attacher à démêler la part respective des différents types de ruptures séparant les unités tectoniques (charriages et autres failles) car leur combinaison avec les effets du plissement peut aisément amener à les confondre. C'est ainsi que l'on a longtemps interprété par le jeu de charriages des organisations où prennent une large part des failles de diverses autres origines : c'est en particulier le cas en ce qui concerne le débitage de la zone briançonnaise en bandes parallèles à sa direction d'allongement.
voir les exposés spéciaux consacrés au "linéament briançonnais oriental" et à un plausible linéament occidental. |
Remarque : En outre la place très importante occupée par les paquets tassés sur le versant occidental du chaînon de Montbrison (rive est de la vallée de Vallouise), notamment en ce qui concerne la Cime des Crousagnes et le Bois de Parapin, n'y est pas reconnue à sa juste valeur, selon moi. La reconnaissance de ces traits tectoniques et géomorphologiques
donne un éclairage complémentaire assez important
sur plusieurs aspects de l'architecture des confins occidentaux
du Briançonnais. Le fait que ces structures n'apparaissent
pas dans le dessin de la carte elle-même peut être
attribué à un souci d'objectivité. Par contre
elles ne sont évoquées ni dans la notice ni dans
le schéma structural, ce qui revient implicitement à
nier leur existence. Je renouvelle ici mes remerciements à l'auteur principal de ces cartes, M. Jean Claude BARFÉTY (décédé en 2011), qui m'a amicalement convié, à de nombreuses reprises (surtout dans les années 1970), à participer à ses campagnes de levers. Cette section du site doit beaucoup de sa substance à nos observations communes et à nos échanges de vues. |
Stratigraphie
- Tectonique - Relief
de la région briançonnaise voir aussi l'exposé plus approfondi qui est consacré à la zone briançonnaise au sud du Guil voir aussi l'extrait de la notice de la feuille Aiguille de Chambeyron de la carte géologique |
- le Briançonnais septentrional entre Guisane et Clarée - le Briançonnais septentrional en rive orientale de la Clarée - le Briançonnais dans le chaînon de Montbrison - le Briançonnais méridional à l'ouest de la Durance - le Briançonnais méridional à l'est de la Durance - Le Queyras |