Naves, Roc Marchand |
La vallée de Naves est celle du premier affluent de rive droite que reçoit l'Isère en aval (à l'ouest) du coude de Moûtiers ; elle entaille donc la partie la plus orientale du Beaufortain méridional. Son tracé a très clairement une origine structurale car il suit globalement celui de la large bande riche en schistes argileux - principalement aaléniens - de la zone dauphinoise orientale.
Mais sa structure est tout de même plus complexe que celle d'une simple combe.
En aval de Grand Naves le torrent suit pratiquement le tracé de la surface de la pénéplaine anté-triasique, en n'inscrivant son lit que peu profondément dans les roches du flanc oriental du petit bloc cristallin de La Léchère (qui n'est qu'une subdivision orientale de celui du Grand Mont). Ce contact correspond plus au nord à la base de l'unité de Roselend (voir les pages "Avanchers" et "Comborsier"). D'autre part on n'observe du Trias qu'occasionnellement (en fait surtout au NW de Grand Naves, dans les pentes des Arcochons) entre socle et couverture sédimentaire ; de plus ce sont presque toujours des couches du Lias supérieur (Toarcien) qui s'appuient directement sur le socle cristallin et ce par un contact plus ou moins tectonisé : cette disposition suggère qu'il s'agit là de l'abrupt d'une paléofaille jurassique.
Cette interprétation est renforcée par le fait qu'en plusieurs endroits ces couches liasiques hébergent des matériaux triasiques ou houillers, voire cristallins qui forment des lentilles ou des lames de taille décamétrique à hectométrique. La découverte en 1828, par Elie de Beaumont, d'une telle intercalation de houiller, dans une ancienne carrière, au débouché des gorges, fut à l'origine d'une célèbre controverse portant sur cette "anomalie de Petit Cœur" (du nom de la localité la plus proche). Après 33 ans d'affrontements des points de vue relatifs au crédit à attribuer aux datations paléontologiques la controverse fut tranchée en 1861 lors de la visite de la Société géologique de France : on admit alors, avec Charles Lory, que cette alternance de couches était d'origine tectonique, due à des failles, et que cette lame de houiller représentait un pli vertical écrasé (pour un exposé plus complet de la question voir l'ouvrage de J. Debelmas, 2011). |
En amont de Grand Naves le torrent a par contre creusé son lit dans le puissant remplissage sédimentaire de l'hémigraben qui bordait ce bloc du côté oriental. En dépit du fait que les couches y sont disposées de façon presque isoclinale* (toutes avec un pendage est), il ne s'agit pas d'une combe monoclinale*. En effet il s'avère que les strates sont ployées en un synclinal du Roc Marchand, qui est un pli couché à cœur de Tithonique, fortement déversé vers l'ouest. Ce pli est fortement dissymétrique car son flanc normal est d'épaisseur beaucoup plus réduite que son flanc inverse : cela correspond surtout aux lacunes stratigraphiques et à une réduction d'épaisseur de l'Aalénien et du Bajocien dues au fait que ce flanc normal s'appuyait sur la paléofaille orientale de Comborsier (alors que le flanc inverse correspond à la partie plus profonde de l'hémigraben).
Le Tithonique du coeur de ce pli affleure dans les petites falaises du soubassement du
Roc Marchand ; elles se prolongent vers le nord sur le revers occidental de ce chaînon, jusqu'à la Pointe de Riondet : elles forme plus précisément, dans les escarpements de rive gauche du vallon de la Grande Maison, une falaise encadrée de deux talus de Terres Noires (voir à la page "Riondet" des commentaires supplémentaires sur les rapports entre ce pli et les deux unités tectoniques distinguées plus au du nord).
Au sud de Grand Naves, au contraire, l'érosion du fond de vallon a creusé plus profondément cette structure et a complètement déblayé son cœur tithonique :
jusqu'au niveau de la vallée de l'Isère le cœur du pli est alors représenté par une épaisse bande
de calcaires bajociens, argileux à lits de marnes, qui forme le ressaut des rochers du Châtelard et qui supporte les pentes de Navette (voir le premier cliché de la présente page).
Plus au sud encore, ce cœur bajocien du pli se poursuit en traversant les vallées de l’Isère puis de l'Arc pour se raccorder au "synclinal du Praouat" des abords de Mizoën. Ce dernier, qui affecte le contenu de l'hémigraben du Ferrand au niveau de la vallée de la Romanche, montre d'ailleurs la même dissymétrie de ses deux flancs. |
La partie haute du vallon de Naves, au revers est du Roc Marchand, est largement occupée par un colmatage d'alluvions glaciaires qui masque son soubassement de schistes aaléniens.
Le site de Grand Naves vu du sud, depuis le village de Fontaine s.rM = synclinal du Roc Marchand ; ØcA = surface de chevauchement de l'unité du Cormet d'Arêches. |
Du côté oriental la vallée de Naves est limitée par les reliefs, d'ailleurs plutôt mous, du chaînon du Quermoz (voir la page "Quermoz"). Ils sont formés par les unités à affinités ultradauphinoises du front des zones internes ; toutefois l'unité de La Bagnaz n'y est pas représentée, sans doute coupée en biseau par le passage du décrochement de la Roche à Thomas, qui semble bien décaler également dans le sens dextre la surface principale de chevauchement. Cette dernière est soulignée d'une façon presque continue par une assez épaisse lame de gypses et de cargneules qui détermine la rupture de pentes par rapport à la partie plus basse du versant.
Du côté ouest la haute vallée de Naves est bordée par une échine très mousse qui s'élève doucement depuis le Roc Marchand en direction du Grand Crétet. Elle est formée successivement par les marno-calcaires bajociens, puis par les schistes aaléniens, le tout appartenant au flanc supérieur, inverse, du synclinal du Roc Marchand. Ces couches y sont affectées par des phénomènes assez spectaculaires d'arrachement et de glissement de terrain.
La rive droite du vallon de Naves vu de l'est, depuis le point 2332 de la crête de la Croix de la Bagnaz Les principales crevasses ouvertes dans le Bajocien du Roc Marchand sont soulignées de rouge (la principale est indiquée par des flèches rouges) : on voit qu'une très grosse tranche de la montagne, sans doute incluant son sommet, tend à s'effondrer vers le sud dans le vallon, comme l'a fait antérieurement le paquet tassé indiqué par des V rouges en contrebas du sommet lui-même. Il n'est pas possible de dire si ce mouvement se poursuit actuellement ou s'il est que provisoirement stoppé. |
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plus au nord : Beaufortain sud-occidental, autour du Grand Mont |
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(Bellacha) | LOCALITÉS VOISINES | Quermoz |
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