Le Beaufortain occidental ("cristallin") |
carte structurale du Beaufortain et de ses
alentours (le texte ci-après constitue un commentaire plus détaillé de la légende de cette carte, principalement pour sa partie sud-orientale) |
Le Beaufortain occidental est un domaine autochtone dont le socle cristallin est largement mis à nu dans sa partie sud. Il l'est de moins en moins vers le nord où il se cache plus sous sa couverture sédimentaire, du fait que la surface de la pénéplaine anté-triasique s'y abaisse, dans l'ensemble, dans cette direction par rapport à la surface topographique.
Une analyse plus poussée conduit à le subdiviser en deux parties, séparées par une bande sédimentaire qui se développe dans le prolongement septentrional de l'accident médian de Belledonne ; ce sont d'ouest en est :
- Le Beaufortain occidental externe, essentiellement formé par les chaînons du Mirantin, au sud, et du Mont Bisanne, au nord du Doron, qui se rattache au "rameau externe de Belledonne" : le socle cristallin y est essentiellement formé de micaschistes, dont la foliation dessine une vaste synforme dont l'axe, orienté N30, passe par le col situé à l'est du sommet de la Pointe de la Grande Journée et traverse la vallée du Doron 2 kilomètres en aval de Beaufort.
- Le Beaufortain occidental interne, surtout représenté par les chaînons du Grand Mont, au sud, et d'Outray, au nord, qui est constitue le prolongement septentrional du "rameau interne de Belledonne". Son socle, essentiellement gneissique et migmatitique*, est hâché de failles à fort pendage vers l'est, dans lesquelles sont impliqués des témoins de couverture sédimentaire (souvent cargneules). Il se fragmente vers le nord en plusieurs petits massifs (qui furent appelés "claveaux" par P.Bordet) séparés par des couloirs de couverture sédimentaire qui s'épanouissent et deviennent coalescents, aux approches du Val Montjoie.
image sensible au survol et au clic |
s.gJ = synforme de la Grande Journée
; f.B = accident Beaufort - col de la Bâthie ; amB = accident médian de Belledonne (faille principale) . |
Les fractures secondaires qui affectent le socle de cette partie orientale du Beaufortain cristallin sont spécialement bien visibles dans le chaînon du Grand Mont et leur rejet peut y être apprécié à la faveur de la dénudation de la surface de la pénéplaine anté-triasique. Elles sont parallèles au limites des blocs majeurs et sont soulignées (de façon le plus souvent discontinue) par des lames de cargneules d'épaisseur décamétrique (voir la page "Grand Mont").
Ces failles ont donc joué lors de la tectonique alpine, mais plusieurs s'avèrent, en outre, encadrer des bandes de Houiller : ces dernières représentent très probablement d'anciens grabens hercyniens qui ont été écrasés par serrage horizontal. Il est à relever que le fort pendage de ces bandes houillères atteste qu'elles ont été peu affectées par du cisaillement tangentiel à la surface géodésique ; ceci, ajouté à leur parallélisme et à leur étroitesse (de l'ordre de quelques dizaines de mètres), porte à penser qu'un jeu coulissant est plus vraisemblable que celui, en chevauchement, qui a le plus souvent été envisagé pour ces fractures du socle.
D'autre le fait que la partie basale, adhérente au socle, de la succession sédimentaire (grès et dolomies triasiques) est en général absente le long de ces cicatrices tectoniques suggère que les cargneules s'y sont introduites "per descensum" : or cela ne peut se faire qu'à l'occasion d'ouvertures le long du plan de faille (c'est-à-dire en extension ou en coulissement) mais aucunement par l'effet du recouvrement par imbrications ou de l'entraînement induits sous un chevauchement. |
Dans la partie interne du Beaufortain occidental qui est située plus au nord que le Grand Mont (au delà du cours du Pontcellamont) la couverture est de mieux en mieux conservée. Elle repose sur la "pénéplaine antétriasique" du sommet du cristallin avec un pendage modérément incliné vers l'est, comme il convient au flanc oriental d'un anticlinal du socle. Mais cette disposition, apparemment très calme, est trompeuse, car elle cache le fait que, plus haut dans la pile de couches (en s'éloignant de son contact sur le socle) cette couverture est imbriquée en plis couchés fortement aplatis, empilés en accordéon (voir par exemple, la page "Roche Parstire").
Ce matériel sédimentaire présente néanmoins des caractéristiques de constitution stratigraphique qui continuent à être ceux de la zone dauphinoise : on le qualifie donc de "dauphinois interne" puisqu'il affleure à l'est du massif cristallin de Belledonne. Par contre il se se rattache au Beaufortain oriental par sa structure tectonique qui est dominée par des chevauchements n'impliquant apparemment pas le socle.
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NB : L'unité de Roselend est la première unité chevauchante ("parautochtone") de l'autochtone dauphinois interne : dans la notice de la carte Bourg-Saint-Maurice cette entité est appelée "écaille de la Gitte". Mais ce terme prête à confusion avec l'"unité de la crête des Gittes" immédiatement plus interne. L'unité de Roselend, telle qu'elle est définie ici, se prolonge plus au sud par l'"unité de la Roche Parstire - Roc Marchand" et rangée dans les "unités décollées" de la légende du schéma structural de la carte. Quant à l'Unité de la crête des Gittes elle semble bien ne représenter, en fait, que la partie inférieure, d'âge jurassique moyen, de sa succession stratigraphique de l'unité de Roselend telle qu'elle est comprise dans les figures de ce site (voir la discussion relative à cette question). |
En définitive le contraste est donc grand entre l'intense déformation tectonique cisaillante de la couverture (qui implique d'importants déplacements horizontaux de la matière), et la structure en blocs à voûte surbaissée, séparés par des couloirs tectoniques subverticaux, du socle cristallin (qui suggère plutôt des mouvements verticaux ou coulissants). Il vient de ce que (contrairement à ce que supposent encore beaucoup d'auteurs actuels, sur la foi de schémas théoriques qui ne conviennent pas ici), la déformation alpine ne résultait pas de la brisure du socle en lames chevauchantes, s'imbriquant avec la couverture, mais du passage, par dessus cette couverture, de nappes qui l'ont froissée et étirée ("cisaillée) entre ces nappes et le socle.
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La limite entre Beaufortain occidental externe et interne n'est constituée, au sud (entre le col de la Bâthie et Beaufort), que par une étroite bande de terrains sédimentaires (de quelques centaines de mètres) qui prolonge l'accident médian de Belledonne et qui est encadrée ici par deux failles à fort pendage vers le NE.
Le site de Beaufort, vu du nord-est depuis le Pas d'Outray (point coté 2181) s.pa = surface de la pénéplaine anté-triasique (garnie de grès de base du Trias) ; f.S = faille du Sallestet (se prolongeant dans le lointain par la faille de la Louze) ; ; a.cB = accident de Beaufort - col de la Bâthie (surface de la pénéplaine anté-triasique du rameau externe de Belledonne, tectonisée) ; a.mB = accident médian de Belledonne proprement dit. |
Cette bande sédimentaire s'élargit au niveau de Beaufort (voir la page "Beaufort") et s'y complète en montrant son soubassement cristallin en partie constitué par un pluton granitique. Puis elle se raccorde apparemment, au nord de cette localité, à la couverture sédimentaire du rameau externe de Belledonne. En effet, aux environs de Hauteluce, la branche occidentale de l'accident médian de Belledonne disparaît (de façon mal précisée) sous les terrains triasiques et liasiques du chaînon du Mont Joly (pages Vorès et "Les Saisies).
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La branche orientale de l'accident médian, quant à elle, reste visible jusqu'à la latitude du lac de la Girotte mais elle disparaît dans les pentes méridionales du col du Joly, à la faveur du fait que la voûte des blocs du socle cristallin du rameau oriental de Belledonne s'enfonce vers le nord sous sa couverture sédimentaire (page "col du Joly"). En fait elle semble bien se prolonger, au sein de cette dernière, par le chevauchement du Joly (voir la page "Aiguille Croche").
Encore plus au nord les rapports entre le Beaufortain occidental et les massifs cristallins des Aiguilles Rouges et du Mont-Blanc ne sont pas évidents ; ils sont examinés à la page "Montjoie".
Les conclusions essentielles peuvent se résumer comme suit :
- La faille de Chamonix qui sépare les massifs des Aiguilles Rouges et du Mont Blanc, n'est pas le prolongement septentrional de l'accident médian de Belledonne et le Mont Blanc ne prolonge pas le rameau interne de Belledonne : il se prolonge en direction du sud, plus à l'est que ce rameau interne de Belledonne, sous le sédimentaire de
l'unité de Roselend ;
- Les failles extensives qui limitent les petits blocs subdivisant le
rameau interne de Belledonne sont masquées vers le nord, entre vallée du Dorinet et Val Montjoie sous la
couverture sédimentaire formant le chaînon du Mont Joly).
- Le rameau externe
de Belledonne ne se prolonge donc pas par le massif des Aiguilles Rouges, mais plus à l'ouest que la terminaison des affleurements de roches cristallines de ce dernier (sous le sédimentaire du massif de Sixt).
colonnes stratigraphiques du Beaufortain occidental (nouvelle fenêtre) |
Massif des Aiguilles Rouges | |
Megève - Val Montjoie |
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