Le vallon de Lanchâtra |
Le vallon de Lanchâtra draine le versant nord-oriental du chaînon de la Muzelle et rejoint la vallée du Vénéon par un cours qui traverse de l'amont vers l'aval trois entités structurales différentes dont la plus en amont est celle du bloc cristallin de La Muzelle. En fait son tracé semble avoir été en grande partie guidé selon la direction S-N, qui est celle de son cours moyen, par la limite orientale d'affleurement des schistes argileux du prolongement méridional de l'hémigraben du Ferrand (voir la page "Muzelle").
Mais en aval de la cote 1600 il s'échappe de cette bande de matériel tendre et se coude vers le nord-est pour rejoindre plus directement le Vénéon. Pour cela il a dû se forcer un passage au travers de la forte barrière de roches cristallines du bord occidental du Bloc d'En-Paris, ici formée par l'épaulement de l'Aiguille et de la Coche de Lanchâtra, par un cours aval très encaissé, à section en U, bien typique du creusement glaciaire.
Toutefois, bien que ces reliefs dominent le Vénéon par des abrupts de plus de 1200 m ce tronçon de vallée (qui héberge la hameau de Lanchâtra) n'est pas vraiment suspendu car il n'est séparé du fond de celle du Vénéon que par une courte gorge de raccordement (franchie en cascades sous le hameau). Cette faible dénivellation peut sans doute être mise sur le compte de la puissance du glacier affluent qui parcourait ce vallon. |
En amont de cette barrière, la partie moyenne du vallon de Lanchâtra s'est donc creusée en suivant l'axe d'une bande de schistes jurassiques qui représente la branche orientale de l'hémigraben* du lac de La Muzelle. Elle est séparée de sa partie principale par le bloc cristallin intermédiaire de la crête du Pied de Bary, qui prolonge vers le nord celui la Roche de la Muzelle.
version plus grande de cette image Carte simplifiée du secteur Lanchâtra - Muzelle |
Vers le sud cette bande sédimentaire de Lanchâtra se termine en cul de sac, bien avant d'atteindre les crêtes du Montagnon et des Berches qui ferment le vallon, sur un verrou rocheux* que le thalweg franchit en gorge, entre l'extrémité de la crête orientale du Petit Roux en rive gauche et le pied des escarpements du Pierroux en rive droite. La raison en est qu'elle bute là contre le chevauchement du Pierroux, accident dont le tracé, orienté est-ouest, se poursuit vers l'est en diagonale dans la face NE de la Tête de Lauranoure.
En rive gauche du vallon de Lanchâtra ce chevauchement se poursuit et traverse, sous le Petit Roux, la crête septentrionale de La Muzelle (raison pour laquelle on l'a aussi appelé "chevauchement de la Muzelle"). Il y surhausse la partie principale du bloc de la Muzelle, en lui faisant chevaucher sa partie septentrionale (bloc de Pied de Bary) qu'il rebrousse et dont il renverse même vers le nord le soubassement cristallin. On peut d'ailleurs penser que c'est le jeu de ce chevauchement qui, par la surélévation qu'il a provoquée, a porté le sommet de la Muzelle lui-même à une altitude comparable à celle des plus hautes cimes du massif.
Cette fracture compressive est, avec le chevauchement de la Meije, une des rares de ce type à affecter le socle cristallin du massif des Écrins. Il est à noter que l'un comme l'autre de ces accidents a un tracé d'orientation sensiblement E-W et une vergence nord, et que l'on a des raisons de penser qu'ils sont plus anciens que les ultimes compressions, plutôt E-W, de la chaîne alpine (voir la page "structure générale"). De plus les tracés de ces deux accident se disposent pratiquement de façon symétrique sur les deux rives du Vénéon aux abords de Saint-Christophe-en-Oisans, ce qui pose la question de leur éventuelle correspondance (voir la page "Saint-Christophe"). On peut en outre s'interroger sur ses rapports éventuellement anciens (au Jurassique) avec la faille extensive synsédimentaire de l'Embernard (voir la page "Col du Vallon"), car celle-ci à une direction similaire et un rejet vertical de même sens (soulèvement du compartiment méridional). |
Carte de situation des principaux chevauchements vers le nord dans le massif du Pelvoux - Écrins. Le numéro 3 localise le chevauchement Muzelle - Pierroux |
Le versant oriental de la vallée de Lanchâtra (photo antérieure) montre, en position sub-verticale, voire un peu renversée, une succession normale de couches du Trias puis du Lias calcaire (mince) et de Lias schisteux. Sur la rive ouest, dans les pentes au nord du Petit Roux (photo ci-dessous), cette succession se poursuit, de sorte que sont les couches du sommet stratigraphique de cette succession (schistes toarciens) qui viennent, au contraire, en contact avec le cristallin du flanc opposé (ouest) de la dépression sédimentaire de Lanchâtra.
Mais elles reposent sur les gneiss par l'intermédiaire d'un complexe tectono-sédimentaire que l'érosion a mis à nu plus ou moins en dalles structurales*, dans les pentes orientales de la Cime du Pied de Bary. Il est constitué par un ensemble de brèches plus ou moins grossières qui scellent un empilement de lames imbriquées de cristallin. Ces dernières sont même séparées par des septa de Lias schisteux (voir coupes ci-après).
Cela peut conduit à l'interpréter comme le garnissage sédimentaire d'un abrupt fossile créé par le jeu d'une paléofaille d'âge jurassique, la faille du Pied de Bary. En fait le tracé exact de cette dernière est assez difficile à préciser, car le socle cristallin proprement dit est en grande partie masqué sous ce garnissage détritique auquel il semble passer en continuité (on peine souvent à distinguer du vrai socle cristallin, plus ou moins disloqué, les plus gros éléments détachés qu'il supporte).
Coupes transversales à la crête du Pied de Bary Ces coupes (repérées en 4A, 4 B et 4C sur la carte) ne sont pas transversales au vallon de Lanchâtra mais orientées de façon à recouper les deux flancs du crochon synclinal dû au chevauchement Pierroux - Petit Roux. En A la dalle du cristallin des Fréaux, garnie de brèches et de lames cristallines interstratifiées dans les schistes toarciens représente la paléo-faille limitant du côté est le bloc de la Muzelle, basculée vers l'ouest par les déformations tertiaires (la couverture sédimentaire, d'épaisseur réduite, du sommet du bloc affleure dans les pentes opposées, occidentales, de la crête du Pied de Bary). En B et en C cet ensemble se renverse, au pied des abrupts du Petit Roux, sous l'effet du chevauchement vers le nord de l'ensemble Petit Roux - Muzelle. |
L'enduit de brèches à ciment de calcaires liasiques
de la faille du Pied de Bary vue rapprochée d'affleurements situés à proximité des ruines de la cabane des Fréaux. |
La paléofaille de la cime du Pied de Bary, vue du sud vers le nord depuis une altitude d'environ 2300 m sur le versant
Lanchâtra de la montagne. La surface de cassure est dégagée par l'érosion : elle forme une dalle structurale pentée vers l'est. En arrière le Toarcien de la crête de la Coche repose sur le cristallin par l'intermédiaire d'un tapis de brèches à ciment de calcaires liasiques (cf coupe A). |
Plus au sud et en amont de la cime du Pied de Bary les affleurements du pied des abrupts septentrionaux du Petit Roux montrent un empilement similaire de lames de cristallin et de schistes toarciens, mais ici ils sont en position renversée car ils reposent sur les schistes toarciens. Cette disposition est en fait due à leur appartenance au crochon qu'induit le chevauchement de la Muzelle aux dépens de la marge sud du bloc du Pied de Bary (qui en est là le soubassement).
L'ordonnance et l'inclinaison oblique des éléments de cette "méga-brèche" sont en conformité avec cette interprétation : ils indiquent que le glissement synsédimentaire qui les a mis en place s'était effectuée par onlaps de la droite (ouest) vers la gauche (est), c'est-à-dire depuis l'abrupt de faille du pied de Bary vers l'hémigraben du vallon de Lanchâtra.
Le schéma de l'encadré en bas à droite reconstitue la position originelle probable (avant le renversement par le chevauchement du Petit Roux) : il montre que le matériel s'était originellement empilé par apports dans le sens indiqué par la demi-flèche, c'est-à-dire depuis l'ouest vers l'est. |
On distingue nettement que les lames claires de cristallin se dilacèrent et s'effilent, vers la gauche, dans les schistes liasiques plus sombres. (cette photo correspond à la partie centrale du croquis ci-contre) . |
Noter que l'axe du renversement qui a inversé la succession actuelle n'est pas perpendiculaire, mais plutôt parallèle, à la coupe naturelle donnée par le versant (il correspond à un pivotement haut-bas et non gauche-droite). |
cartes géologiques à
1/50.000° (*) à consulter : feuille Saint-Christophe
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col du Vallon |
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