2 . LE DOMAINE PIÉMONTAIS |
2. LA ZONE PIÉMONTAISE
Dans cette zone l'imbrication originelle des
unités tectoniques est actuellement fort peu apparente
car masquée par des reploiements superposés, ainsi
que par le renversement tardif des unités vers le NE, qui
est presque général sauf sur le flanc W de la bande
Acceglio - Col du Longet. En outre ces unités semblent
avoir été morcelées par une sorte de boudinage
à l'échelle plurikilométrique dont on attribue
l'origine à la reprise caricaturale, par la tectonique
tangentielle, d'un découpage originel des fonds marins,
intervenu lors de l'expansion téthysienne. En définitive
les phases successives de structuration y sont les suivantes,
dans l'ordre chronologique :
1. Disjonction originelle, par des phénomènes d'extension
liés à l'ouverture océanique téthysienne,
dès le Jurassique.
2. "Mégaboudinage" accompagnant la superposition
des unités majeures, à l'occasion d'une déformation
peut-être plicative mais qui a surtout créé
une schistosité (S1) peu oblique sur la stratification
originelle (So).
3. Formation de grands plis, plurikilométriques, à
vergence originellement N, dont les flancs correspondent à
peu près aux unités majeures actuelles. Elle s'accompagne
d'une schistosité (S2) originellement horizontale ou à
faible pendage S.
4. Formation de plis hectométriques et kilométriques
à vergence originellement S, s'accompagnant de celle d'une
schistosité (S3), de crénulation, à pendage
originel vers le N.
5. Renversement général, vers l'E-NE, s'accompagnant
de failles inverses et de chevauchements mineurs.
L'analyse et la comparaison de la constitution des séries lithostratigraphiques reconnaissables conduisent à individualiser les unités suivantes (de bas en haut, suivant l'ordre d'imbrication avant renversement) :
A/ Unités externes, piémontaises au sens restreint.
Elles se rattachent au domaine de la marge continentale originelle car elles sont caractérisées par des successions de type "Gondran - Roche des Clots", à semelle de carbonates du Trias supérieur et à série riche en calcschistes allant du Lias-Dogger jusqu'au Crétacé probable.
Dans la partie N de la carte elles sont représentées par l'Unité du Péouvou, qui se développe plus largement dans le haut Cristillan et dont l'aire d'affleurement ne dépasse pratiquement pas, vers le S, la vallée de l'Ubaye. A sa marge W (secteur du Col Albert), elle s'intrique étroitement avec l'unité ligure de Chabrière, apparemment par le jeu de replis isoclinaux serrés.
B/ Unités internes, "ligures"
Elles se distinguent par la présence d'une "semelle ophiolitique", représentant une paléo-croûte océanique (ancien fond de l'océan téthysien ligure).
En Ubaye (angle NE de la carte) on peut y distinguer plusieurs unités que l'on peut caractériser sommairement par la nature de leur soubassement océanique actuellement observable et/ou par des particularités de leur série stratigraphique. Elles semblent correspondre chacune à l'un des plis majeurs à déversement N créés lors de la troisième phase de déformation (voir ci-dessus). Elles sont disposées en bandes parallèles, allongées NW-SE (fig.12 et 13), dont la succession (du SW vers le NE) et les caractéristiques principales sont les suivantes :
- L'Unité de Chabrière,
qui se développe essentiellement en rive gauche de l'Ubaye,
a un soubassement de gabbros et/ou de basaltes (Pic du Pelvat).
- L'Unité de Roche Noire, qui occupe, en rive gauche
de l'Ubaye, le cirque de la Gavie, a une semelle de serpentinites
et d'ophicalcites. Les structures de sa marge SE (secteur de la
Pointe de Malacoste) n'ont qu'une mince semelle de métabasaltes
foliés (prasinites) et présentent en outre un fort
développement des faciès calcschisteux (aux dépens
des termes habituellement plus différenciés du Crétacé
inférieur-moyen).
- L'unité de la Cula, qui s'intercale ici, n'est
citée que pour mémoire car elle ne semble pas devoir
être rattachée au domaine piémontais mais
aux écailles intermédiaires (voir plus haut).
- L'Unité des Toillies a une semelle ophiolitique
tout aussi réduite mais, au contraire, une succession sédimentaire
bien différenciée. C'est du moins ce qui se passe
au S du col Longet (secteur de la pointe de Cornascle) mais plus
au N, sur la feuille Aiguilles (Tête des Toillies), la semelle
ophiolitique de cette unité devient puissante.
- L'Unité du Rubren possède une semelle de
métavolcanites recouverte de marbres épais. En outre
son Crétacé est pauvre en carbonates et possède
le faciès des "black-shales" de la formation
de Roche Noire.
Sur le versant italien l'étude structurale est encore insuffisamment avancée pour permettre de distinguer ces unités. Ce sont des séries océaniques qui semblent cependant constituer l'essentiel du remplissage du synclinal du val Mollasco (au N d'Acceglio).
3. LA ZONE DES NAPPES DE L'EMBRUNAIS-UBAYE
On doit y distinguer quatre unités tectoniques, lithologiquement bien différenciées : la Nappe du Parpaillon, l'unité de Serenne, le complexe à schistes à blocs, enfin l'unité de l'Eyssilloun (fig.14).
A/ La Nappe du Parpaillon, qui représente
l'unité supérieure, est formée de flysch
à Helminthoïdes essentiellement calcaire.
Le flysch à helminthoïdes de cette unité n'affleure
que dans l'extrême angle SW de la carte, en rive gauche
de l'Ubayette et dans le chaînon de la Tête de l'Homme,
au SW de Saint-Paul-sur-Ubaye. Dans ce secteur il dessine un vaste
synclinal synschisteux plurikilométrique, d'axe N130 et
déversé au SW, le synclinal de Meyronnes. Le flanc
inverse, oriental, de cette structure se développe entre
les vallées de l'Ubaye et de l'Ubayette, plus particulièrement
dans le versant de la Rochaille où l'on observe une spectaculaire
cascade de plis hectométriques à décamétriques,
à charnières anguleuses.
Les nombreux plis secondaires, métriques à décamétriques
qui s'y rencontrent sont dotés de directions axiales très
dispersées et de très forts plongements, tout en
conservant la même schistosité N130-N140, plus ou
moins pentée vers le NE, selon le degré de réfraction
induit par les contrastes lithologiques grès - calcaire.
La constance à toute échelle de l'attitude des plans
axiaux que cela implique montre que, dans cette partie de la nappe
du Parpaillon, tous les plis sont de la même phase de déformation.
Ils sont probablement contemporains en outre de la mise en place
de la nappe, dans son déplacement vers le SW. Il n'est
pas possible ici de mettre en évidence la phase antérieure
de déformation schisteuse isoclinale, à vergence
NE, qui a été reconnue plus à l'W en Embrunais.
Le contact entre le flysch à helminthoïdes du flanc
E du synclinal de Meyronnes, plutôt renversé, et
l'unité de Serenne est jalonné par une bande de
schistes noirs écrasés (appartenant à la
formation du Col de Vars), accompagnés de lentilles de
schistes versicolores. Elle n'occupe qu'une largeur de quelques
mètres (voire moins) et est souvent masquée par
le couvert végétal et les éboulis. Elle est
en fait symétrique d'une bande de schistes identiques qui
affleurent en rive gauche de l'Ubaye, à l'amont immédiat
de la localité de La Condamine-Chatelard (marge sud de
la feuille) et y jalonnent un plan de chevauchement majeur, au
sein même de la nappe du Parpaillon et doit avoir une signification
tectonique analogue.
B/ L'Unité de Serenne est formée
de flyschs argileux.
Cette unité, d'abord considérée comme la
semelle de la Nappe du Parpaillon en est séparée,
en réalité, par un contact tectonique. L'analyse
des rapports entre les deux formations qui la composent conduit
à y voir globalement une série renversée,
reployée en antiformes isoclinales synschisteuses d'axe
N100 à N 120, à fort plongement axial vers le NW.
Cet abaissement axial, qui affecte également le soubassement
briançonnais, explique que la formation du col de Vars,
structuralement la plus haute affleure de plus en plus largement
(en décrivant d'ailleurs une vaste synforme) en direction
de Vars.
C/ le complexe des schistes à blocs de Serenne serait plutôt à rattacher à l'Unité de Serenne par la nature de ses constituants prédominants. Il affleure sur une bande large de 1 à 2 km qui s'intercale entre le sommet de la série briançonnaise et les flyschs de l'unité de Serenne, sur les deux versants de la vallée de l'Ubaye (notamment sur les crêtes en rive W du vallon de Serenne) avant de faire place, au S de Fouillouse, à l'unité de l'Eyssilloun. La délimitation sur le terrain de ce complexe, certainement d'origine largement tectono-sédimentaire, vis à vis de l'un et l'autre des ensembles qui l'encadrent reste assez peu objective : certaines alternances (à toutes échelles) avec les formations de l'unité de Serenne peuvent être interprétées, selon le cas comme des lentilles sédimentaires dans le flysch noir de la couverture de la nappe du Chatelet ou comme des duplications tectoniques à la base des nappes de l'Embrunais - Ubaye.
D/ L'Unité de l'Eyssilloun, qui
constitue l'unité basale, est formée de flysch à
Helminthoïdes à faciès gréseux.
Les grès de cette unité reposent directement sur
le Briançonnais au S et à l'E de Fouillouse : Tête
de l'Eyssilloun (Rochers de Saint-Ours), Crêtes au SW du
Col du Vallonnet et Plate Lombarde, ainsi qu'à la Rocca
Blanca. Ils sont à leur tour recouverts tectoniquement
par les formations schisteuses de l'unité de Serenne, de
sorte qu'ils ne peuvent représenter des klippes (comme
admis jusqu'à maintenant) mais sont des témoins
d'une unité structurale indépendante, inférieure.