GÉOLOGIE STRUCTURALE |
Grands domaines lithologiques et
paléogéographiques |
Trois thèmes principaux régissent l'organisation tectonique de la région couverte par la carte . Dans l'ordre de leur importance ce sont:
a - un empilement de nappes.
Le thème fondamental - mais non le plus apparent - de la
structuration est la superposition de nappes de toutes tailles,
dont le charriage s'est accompagné ou non de plis et de
microplis, selon les zones et selon le matériel lithologique
concerné, au sein de ces zones (notamment dans la zone
briançonnaise); elles se sont essentiellement mises en
place par imbrication lors de plusieurs étapes de mouvements
dirigés du NE vers le SW (voir Histoire
géologique).
Des mouvements à vergence NE, créateurs de structures
dites "rétrodéversées", s'y expriment
également par des chevauchements, qualifiés en ce
cas de "rétrocharriages" qui viennent compliquer
la géométrie de cet empilement d'unités charriées.
b - des plis tardifs.
Ces plis sont les traits les plus immédiatement visibles
de l'organisation structurale. Ils correspondent à des
déformations qui se superposent aux nappes propres à
chacun des trois domaines structuraux et aux plis initiaux qui
y sont associés, et les redéforment avec une vergence
NE. Il est clair qu'ils sont intervenus tardivement, encore qu'il
en soit apparu également à diverses étapes.
Bien que particulièrement importants dans le domaine piémontais
et à la marge NE du Briançonnais ces plis sont en
fait généralisés à tous les ensembles
structuraux ; ils s'expriment diversement, par de simples microplis
ou par des plis de taille plus grande, hectométriques à
plurikilométriques.
Parmi ces plis tardifs, les plus importants sont de vastes
voûtes d'échelle plurikilométrique, orientés
à peu près N13O, qui affectent en premier lieu la
zone briançonnaise mais aussi les unités des autres
zones qui reposent sur elle : Il s'agit de l'anticlinal du Rouchouze,
de celui de Marinet et de celui d'Acceglio (séparé
du précédent par le synclinal du Val Mollasco, qui
passe peu à l'W d'Acceglio). Ils jouent un rôle essentiel
en conférant à la structure régionale son
organisation actuelle en bandes orientées NW-SE.
Le jeu de ces structures se combine avec un relèvement
général vers le SE du dispositif des nappes empilées,
ce qui se traduit par un plongement axial vers le NW des plis
régionaux tardifs. De ce fait l'érosion a découpé
les nappes de façon capricieuse, selon un thème
principal qui est celui de demi-fenêtres s'ouvrant vers
le SE. C'est ainsi, notamment, que le domaine briançonnais
le plus oriental, qui s'enfonce au NE de Maurin sous l'ensemble
piémontais, réapparaît entre le Col du Longet
et Acceglio, à la faveur de l'anticlinal d'Acceglio.
c - des failles tardives.
La région est en outre découpée par plusieurs
grandes failles, de rejet plurihectométrique, longitudinales
par rapport à ces plis ; quatre sont particulièrement
importantes : la faille de Ceillac et la faille des Houerts semblent avoir fonctionné dans les étapes
ultimes de déformations compressives, contribuant aux mouvements
de rétrocharriage ; la faille du Ruburent et celle de Bersezio ont joué tardivement par rapport à la
formation de toutes les autres structures. (voir le chapitre Géologie
structurale).
La feuille toute entière appartient
au domaine dit "interne" des Alpes françaises,
qui est caractérisé par la généralisation
des phénomènes de charriage. L'autochtone (zones
externes) n'apparaît nulle part dans le cadre de la feuille.
Trois grands ensembles litho-structuraux se partagent la feuille
et la traversent en diagonale. Ils s'identifient à peu
près avec des domaines sédimentaires individualisés
au Mésozoïque par la tectonique d'extension océanique.
Mais chacun correspond en fait, maintenant, à un complexe
charrié majeur, lui-même subdivisé en nappes
élémentaires et l'ordre de leur succession actuelle,
utilisé pour les décrire ci-après n'est pas
celui de leurs rapports paléogéographiques originels.
Du NE vers le SW, ces trois ensembles sont
:
- La Zone piémontaise au sens large.
Elle occupe pratiquement toute la moitié NE de la carte,
où elle est subdivisée en deux bandes d'affleurement,
de part et d'autre de la "bande d'Acceglio" qui fait
partie de la zone briançonnaise et y apparaît en
demi-fenêtre.
Les terrains prédominants y sont des calcschistes métamorphiques,
appelés globalement "Schistes lustrés".
Il s'agit d'un ensemble à première vue très
monotone car pauvre en niveaux repères et où les
faciès sont uniformisés par le métamorphisme.
Il englobe pourtant, en fait, plusieurs formations distinctes,
d'âge jurassique ou crétacé, que l'on commence
à mieux savoir séparer.
On y distingue deux groupes d'unités, caractérisées
par le type de leur série stratigraphique :
. Unités à séries "océaniques",
correspondant au domaine le plus interne (dit "ligure"),
caractérisées par le fait que les sédiments
n'y débutent qu'au Jurassique moyen ou supérieur
et y reposent sur d'anciennes roches ignées, maintenant
métamorphisées, dites "Roches vertes"
ou "ophiolites". Elles représentent des fragments,
très disloqués par la tectonique, de la croûte
océanique créée au Jurassique lorsque l'océan
téthysien s'est "ouvert" dans ce domaine (voir
"histoire géologique"). A l'opposé du
reste de la série ces roches vertes forment au contraire
des sommets et des crêtes d'une grande vigueur.
. Unités à séries de marge continentale,
correspondant à un domaine relativement externe ("piémontais"
proprement dit), où les sédiments connus débutent
par une épaisse semelle de carbonates du Trias, recouverte
de Jurassique inférieur et moyen, et vont jusqu'au Crétacé.
- La Zone briançonnaise.
Elle couvre essentiellement une large bande diagonale, allongée
de l'angle NW à l'angle SE de la carte, mais réapparaît
également dans une deuxième bande plus orientale,
la "bande d'Acceglio", en plein pays piémontais
(fig.1).
Elle s'oppose violemment à la précédente
par la nature de ses terrains, où prédominent en
général les calcaires, ou, plus rarement les roches
siliceuses. De plus les successions lithologiques sont beaucoup
plus diversifiés, avec des niveaux repères bien
individualisés et des lacunes multiples dont l'importance
varie d'un secteur à l'autre.
La série sédimentaire se subdivise en outre en deux
tranches superposées, d'épaisseur à peu près
égale : une couverture carbonatée, allant
du Trias moyen à l'Eocène, et une "semelle
siliceuse" englobant la partie basse de la série,
du Trias inférieur au Carbonifère. Un socle cristallin,
hercynien, y est connu mais il n'y est pratiquement représenté
qu'en dehors du territoire de la feuille.
Les caractères stratigraphiques de cette zone sont liés
au rôle de haut-fond, à la marge continentale occidentale
(européenne) de l'océan téthysien naissant,
qu'elle a joué jusqu'au Jurassique supérieur. Mais
le détail de sa paléogéographie est complexe,
ce qui se traduit par d'assez grandes variations de succession
stratigraphique, mises à profit pour différencier
les unités tectoniques élémentaires. En particulier
cela conduit à distinguer, sous le nom de "Domaine
ultrabriançonnais" (originellement appelé
"Zone d'Acceglio") sa partie la plus interne, où
la réduction de la série atteint son degré
le plus important (principalement sous l'effet des lacunes dues
aux érosions jurassiques).
Cette zone est structurée en un empilement de multiples
nappes relativement pelliculaires, d'épaisseur pluri-hectométrique
et de flèche pluri-kilométrique (voir le chapitre
Géologie structurale). Elles sont constituées, selon
le cas, soit de couverture calcaire seule (décollée
de la semelle siliceuse), soit de semelle siliceuse avec couverture
adhérente, soit même de semelle siliceuse sans couverture
conservée (ce dernier cas surtout dans la partie SE des
affleurements, en Italie).
On a en outre coutume d'y distinguer, sous l'appellation d'"écailles
intermédiaires" un chapelet d'unités tectoniques
discontinues qui jalonnent le contact tectonique entre le Briançonnais
et le Piémontais externe. Elles sont donc considérées
comme issues de secteurs paléogéographiquement intermédiaires
entre ces deux domaines et rattachées au domaine ultrabriançonnais.
En fait on y connaît au moins deux types de successions
différentes :
. Des séries ultrabriançonnaises typiques, où
le Malm, voire le Néocrétacé, reposent directement
sur les terrains de la semelle siliceuse.
. Des séries à mégabrèches, d'âge
néocrétacé, ces dernières étant
volontiers considérées comme les produits de l'éboulement
du haut-fond briançonnais sur son flanc nord-oriental,
à ses confins avec le domaine piémontais.
- La zone des nappes de l'Embrunais-Ubaye.
Seule la partie la plus interne de ce vaste ensemble charrié
(qui s'étend plus à l'W jusqu'à l'autochtone
d'Embrun et de Barcelonnette) est représentée, dans
l'angle SW de la carte. Elle y est en fait constituée par
deux éléments distincts :
. À l'extrême SW la nappe du Flysch à Helminthoïdes
du Parpaillon, formé par une épaisse série
de turbidites gréso-calcaires d'âge néocrétacé.
Elle a été charriée par dessus la zone briançonnaise
depuis une patrie d'origine que l'on situe dans les régions
orientales du domaine piémontais ligure.
. Entre cette nappe et la zone briançonnaise, l'unité
de Serenne. Il s'agit d'un ensemble de formations schisteuses
sombres, initialement considérées comme le soubassement
stratigraphique de la nappe du Parpaillon (feuille Embrun, 1°
édition).
Les explorations de détail effectuées depuis plusieurs
années ont montré qu'il s'agit en fait d'une unité
tectonique indépendante et de structure complexe. Les affinités
ligures de cette unité sont attestées par les lambeaux
d'ophiolites qui y sont inclus et par le fait que ses terrains
présentent des analogies certaines avec plusieurs formations
de la zone piémontaise (pour plus de clarté leur
description est cependant faite à part, d'autant que ces
terrains ont été très peu affectés
par le métamorphisme, à la différence de
ceux qui affleurent dans cette dernière zone).
La marge orientale de l'unité de Serenne, au contact de
la zone briançonnaise, est contituée par un complexe
chaotique de schistes à blocs et à lentilles diverses
(dont des calcschistes planctoniques d'âge paléocène)
qui pourrait représenter la partie supérieure de
la série briançonnaise (flysch noir), décollée
et incorporée tectoniquement d'une façon difficile
à préciser. Cet ensemble aurait donc eu une mise
en place analogue à celle de la "Nappe de l'Autapie"
des environs de Barcelonnette (nappe qui n'affleure nulle part
sur la carte Aiguilles de Chambeyron).
Les trois ensembles structuraux qui se partagent la feuille, savoir la Zone piémontaise, la Zone briançonnaise et la Zone des nappes de l'Embrunais-Ubaye, correspondent chacun à un complexe charrié majeur ayant sa chronologie de mise en place, son mode de déplacement et son style tectonique propre. Ils sont eux-mêmes subdivisés en nappes élémentaires, dont les caractères et la nomenclature seront détaillés plus loin.
- Du point de vue du style de leurs structures
méga- et mésoscopiques (visibles à l'échelle
des paysages) on peut les opposer comme suit :
. La zone piémontaise (anciennement appelée
"nappe des schistes lustrés" mais formée
en réalité de plusieurs unités superposées)
se caractérise par de grands plis synschisteux isoclinaux
masquant de multiples structures de plus petite taille. Les formations
provenant de l'ancienne croûte océanique, tout comme
la dalle triasique de la marge continentale piémontaise
(dolomies du Péouvou) y sont dissociées en grands
panneaux isolés, par un phénomène de "mégaboudinage".
. La zone briançonnaise montre principalement des
plis à grand rayon de courbure et des imbrications d'écailles
presque monoclinales; ce style est le plus souvent imposé
par la rigidité de la dalle triasique qui arme la pile
stratigraphique de cette zone. Toutefois on y rencontre des plis
disharmoniques dans les couches post-triasiques et même
quelques plis couchés hectométriques dans le Trias
calcaire (nappe de Sautron notamment). Dans sa partie la plus
interne, au NE de Maurin, un style en grands plis à charnières
assez fermées se généralise dans le soubassement
siliceux permo-triasique, tandis que des plis couchés très
aplatis se multiplient dans la couverture jurassico-crétacée.
. La zone de l'Embrunais-Ubaye frappe l'observateur par
la multiplicité des plis à charnières anguleuses
("en chevrons"), bien réglés et de toutes
tailles qui affectent le flysch à Helminthoïdes de
la nappe du Parpaillon. Ils confèrent à cette dernière
une structure d'ensemble en vaste accordéon de plis majeurs
de flèche kilométrique, eux-mêmes affectés
de plis mineurs, hectométriques à décamétriques.
Ces plis forment des trains parallèles, dont le plan axial
traverse en biais la succession des strates, parfois sur plusieurs
kilomètres, avant de s'amortir ; ils sont déversés
ou même couchés vers le SSW, avec des charnières
souvent aigües et des flancs inverses bien développés.
- Les relations de recouvrement mutuel de
ces trois grandes nappes sont complexes :
. Les nappes de l'Embrunais-Ubaye se sont d'abord mises en place
en passant sur le Briançonnais, à l'occasion d'un
transport qui a eu une direction variable mais s'est fait globalement
vers le SW. Elles sont néanmoins, maintenant, pincées
synclinalement sous le front occidental des affleurements de la
zone briançonnaise. Ceci résulte de déformations,
également déversées vers le SW, postérieures
à leur charriage.
. Les nappes piémontaises ("des schistes lustrés")
sont également venues, dans un premier temps, recouvrir
la zone briançonnaise lors d'un chevauchement vers le SW.
Mais, par la suite, des mouvements de "rétrodéversement"
ont reployé ensemble les unités ainsi superposées
et notamment renversé les marges de l'axe briançonnais
sur sa bordure NE. De ce fait les terrains de la zone piémontaise
constituent désormais l'enveloppe de vastes plis, déversés
à l'E-NE, à coeur briançonnais.
. En définitive la zone briançonnaise est
plus ou moins déversée ou chevauchante sur ses deux
bordures, tant au SW qu'au NE. Cette disposition, décrite
de longue date sous le nom d'"éventail briançonnais"
résulte donc d'une superposition de déformations
de nature et de sens différents. Elle s'exprime, toutefois,
d'une façon plus complexe, dans le détail des structures,
que le terme ne le suggère.
Caractères du métamorphisme et de la microtectonique propres à chacun des ensembles structuraux majeurs :