Le linéament briançonnais occidental |
Le présent exposé, largement inédit, s'intéresse au domaine de la marge occidentale de la zone briançonnaise, depuis la Maurienne (vallée de l'Arc) jusqu'aux abords de la plaine du Pô (vallée de la Stura). Il porte sur les rapports géométriques de cette zone avec les domaines plus occidentaux, de l'autochtone dauphinois et ultra-dauphinois ainsi que de celui des nappes de l'Embrunais et pose finalement le problème de la nature du prolongement du "front pennique" des suisses en territoire français.
Documents
à consulter pour suivre cet exposé : carte d'ensemble du Briançonnais, carte du massif d'Escreins et carte de la Haute Ubaye-Haute Maira |
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Dans toute la zone briançonnaise des failles longitudinales recoupent les nappes et les plis
qui les affectent. Elles sont parallèles
à l'allongement de la zone, donc à la plupart de ses plis et aux tracés les plus communs de
ses surfaces de chevauchement ; cela ne les rend parfois pas
évidentes à observer et cela a pour conséquence que l'on a eu tendance
à confondre ces failles tardives avec les chevauchements
des nappes élémentaires.
En définitive on peut distinguer deux principaux groupes dans ces cassures longitudinales à la zone briançonnaise :
- Le premier groupe affecte la partie orientale de la zone
briançonnaise. Il ne représente en fait qu'un
tronçon d'un grand "Linéament* briançonnais oriental", que l'on peut suivre
depuis le val
Maira jusqu'en Tarentaise. Il n'est cité ici que pour mémoire et fait l'objet dans ce site d'un autre exposé.
- Le second groupe, ou "Linéament* briançonnais occidental", est essentiellement représenté par
une cassure majeure la "faille de la Durance", dont l'existence est reconnue de longue date. Mais les caractères de ce faisceau occidental et le fait qu'il a des prolongements vers le nord-ouest et vers le sud-est sont moins bien connus : c'est ce qui sera plus spécialement
étudié ci-après.
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Carte géologique très simplifiée de l'arc alpin occidental dans sa partie méridionale, de la Vanoise aux abords de la plaîne du Pô. montrant le tracé des principales cassures constituant
le linéament briançonnais oriental (en bleu) (légende commune au schéma structural des Alpes)
figure encore en élaboration ! |
1/ La faille de la Durance s'observe de façon manifeste à la latitude du Briançonnais méridional, immédiatement au nord du confluent de cette rivière avec le Guil. Il s'agit d'un couloir fracturé, qui détermine le tracé de la vallée de la Durance depuis son coude, au niveau de Mont-Dauphin jusqu'en amont de La-Roche-de-Rame, et lui confère la particularité d'être orientée presque N-S (plutôt N 160).
Il faut noter que, dans cette portion de son tracé, elle est en fait masquée presque totalement par les alluvions fluviatiles. D'autre part quelques autres failles extensives plus mineures sont branchées à angle aigu sur sa lèvre occidentale : elles peuvent sans doute être considérées comme ses satellites.
L'importance de cette cassure n'est pas tellement soulignée par ce trait morphologique que par celui, beaucoup plus significatif, de la grande dissemblance entre ses deux lèvres : en effet l'on y voit se juxtaposer deux ensembles qui n'ont de commun que leur stratigraphique post-triasique de type briançonnais :
- en rive NE, la nappe briançonnaise de Peyre Haute, dont le corps est formé de dolomies noriennes (pentées vers le SW) et qui supporte les flyschs noirs de l'Unité de Serenne. Cette nappe fait partie de la couverture structurale de la zone houillère briançonnaise qui affleure sous elle dans l'unité inférieure du Guil.
- en rive SW, la
nappe briançonnaise de Champcella, recouvrant celle de Roche-Charnière, l'une comme l'autre dotées d'un corps de calcaires et dolomies du Trias moyen avec une semelle siliceuse incluant même un peu de houiller et dont le couches sont plutôt pentées vers le NE. En outre ces nappes reposent en chevauchement sur le flysch de l'Embrunais du massif de la tête de Vautisse.
En définitive il est impossible de tracer des correspondances de part et d'autre de la faille de la Durance, comme on a longtemps cru pouvoir le faire, car les empilement tectoniques correspondant à chaque compartiment sont différents de ceux de l'autre (la seule similitude étant la très partielle analogie de succession stratigraphique au Jurassique entre la nappe de Roche Charnière et l'unité inférieure du Guil).
D'autre part le jeu de la faille de la Durance a longtemps été considéré comme celui d'une simple faille extensive avec abaissement de sa lèvre nord-orientale. De fait les crochons qui affectent le matériel briançonnais et surtout les flyschs de l'Embrunais de sa lèvre SW témoignent d'un rejet vertical en ce sens ; mais un tel rejet ne saurait, à lui seul, expliquer la structure de ce secteur puisqu'il ne peut pas rendre compte de la dissemblance entre ses deux lèvres : on est donc acculé à expliquer cette dernière par un coulissement horizontal important, selon la direction NE-SW qui est celle du plan de faille.
2/ Prolongements septentrionaux de la faille de la Durance :
image sensible au survol et au clic
Le contexte structural de la partie nord-occidentale de la zone briançonnaise.
En rouge le linéament briançonnais occidental ; en bleu le linéament briançonnais oriental ; en blanc les surfaces de chevauchement par charriage.
Schistes lustrés = domaines piémontais et ligure ; Pié. = frange de matériel piémontais ; Ultra-Br. = Ultra-briançonnais = zone d'Acceglio et
Vanoise orientale, à socle cristallin ; Br.E = frange briançonnaise orientale ; Br.W = frange briançonnaise (et subbriançonnaise) occidentale ; F.à h. = flysch à Helminthoïdes de l'Embrunais (nappe du Parpaillon).
Au contraire de la faille de la Durance proprement dite ils ne se manifestent pas, sur le terrain, avec une grande évidence.
C'est tout d'abord le cas à la latitude de l'agglomération de L'Argentière-La Bessée où l'on chercherait a priori à ce que son tracé aboutisse, masqué sous les alluvions de la Durance depuis les environs de La Roche-de-Rame. Toutefois il est clair que, si elle arrivait bien là, cette cassure ne saurait passer à l'ouest de cette agglomération car cela la conduirait dans le massif de Montbrison, dont la structure en nappes imbriquées (qui évoque celle du massif de Gaulent, situé à l'ouest de la faille), ne laisse pas place à une cassure de cette ampleur et de cette continuité.
D'autre part elle ne peut pas, non plus, affecter, immédiatement plus à l'est, les affleurements subbriançonnais de la "fenêtre de L'Argentière", où les levers ne laissent pas d'ambigüité sur la structure en anticlinal simple de ce secteur.
C'est donc seulement à la limite orientale des affleurements subbriançonnais de cette fenêtre, bien à l'est de l'aboutissement amont du cours N-S de la Durance, qu'elle a une possibilité de se prolonger. Or cette limite est effectivement constituée par une cassure sub-verticale jalonnée de copeaux en forme de navette (voir la page "Queyrières"), qui juxtapose le houiller briançonnais au matériel subbriançonnais.
image sensible au survol et au clic
Les pentes du versant oriental de la vallée de la Durance au NE de L'Argentière, vues de l'ouest, d'avion.
De haut en bas : u.A = unité des Aiguillons ; u.Or = unité des Oriols ; f.rR = faille de La Roche-de-Rame (prolongement septentrional probable de la faille de la Durance) ; u.gB = unité de la Grande Barre de l'Argentière et de La Roche-de-Rame ; ØBR = chevauchement basal des nappes briançonnaises ; a.A = anticlinal de la fenêtre de l'Argentière.
Noter la juxtaposition directe du houiller de la zone briançonnaise "axiale" et du matériel subbriançonnais de la fenêtre de l'Argentière (avant plan, en bas du cliché) et l'absence de houiller sous l'unité de la Grande Brèche.
Au sud de Queyrières et surtout de Sainte-Marguerite, on perd son tracé dans le versant est de la vallée, en raison des masques d'affleurement introduits par les alluvions et les glissements de terrain. Mais il est de forts indices pour penser qu'elle peut être identifiée à la faille de La Roche-de-Rame qui se connecte plus au, sud, au niveau de cette localité avec la faille de la Durance proprement dite.
Enfin cette cassure qui affecte les abords de Queyrières s'avère représenter la terminaison très vraisemblable du tracé visible d'une importante faille NS qui traverse le versant oriental du massif de Montbrison, la "faille de Trancoulette". Or cette faille de Trancoulette est une grande cassure N-S que l'on suit plus au nord jusqu'au col de ce nom et qui y tranche clairement les contacts de chevauchement entre unité charriées superposées dans le bas versant oriental du massif de Montbrison (voir la page consacrée à ce secteur). Elle y juxtapose des unités distinctes et disposées différemment, de sorte qu'un simple rejet vertical ne saurait rendre compte du jeu tectonique qu'elle a dû manifester.
Au nord du col de Trancoulette le tracé de la faille de Trancoulette peut être suivi (avec toutefois une évidence moindre), par le col de Serre Chevalier et les pentes de Fréjus, jusqu'à la vallée de la Guisane, que ce tracé croise au niveau du village du Freyssinet (voir la page "Chantemerle").
Au delà des alluvions de la Guisane il semble bien rejoindre le tracé de l'accident de la Ponsonnière, qui court à flanc des pentes de rive gauche de la Guisane, en limitant du côté occidental ses affleurements de houiller.
Cette cassure s'écarte progressivement de l'axe de la vallée (voir la page consacrée à ce secteur) pour atteindre le col de La Ponsonnière et déterminer, sur le versant Maurienne, le vallon des Mottets puis la haute vallée de la Valloirette.
Or la coupe du versant nord du col de La Ponsonnière montre clairement que cette cassure n'est pas un chevauchement (contrairement à ce qui était antérieurement admis) mais qu'elle recoupe, en la décalant verticalement, la véritable surface de chevauchement du Briançonnais sur le Subbriançonnais (en l'abaissant du côté de sa lèvre orientale). Dans la Valloirette, en amont immédiat de Valloire, elle a même pour effet passager de juxtaposer directement le houiller briançonnais de la rive est avec le Nummulitique ultradauphinois de la rive ouest (voir la page "Roche Olvéra").
image sensible au survol et au clic
Les crêtes du fond de vallée de la Valloirette vues du nord, depuis les chalets du Vallon des Ratissières.
f.P = faille de la Ponsonnière (cf. page "Ponsonnière") ; ØB = chevauchement basal de la zone briançonnaise
(en rose, masqué derrière la Roche Olvera) ; a.rO = anticlinal de Roche Olvéra ; ØSB = chevauchement basal de la zone subbriançonnaise ; Nol = olistostrome du sommet de la succession nummulitique.
En définitive on voit donc que, depuis Guillestre au sud, jusqu'à la latitude du col du Galibier au nord, la zone houillère "axiale" est délimitée par une grande ligne de fracturation à pendage très redressé qui mérite le nom de "linéament briançonnais occidental", tant pour sa continuité qu'en raison de l'importance de la dislocation qu'il introduit.
- A l'est de cette ligne le matériel houiller, relativement surélevé, se révèle très épais car il ne montre nulle part son substratum de socle métamorphique.
Il n'est recouvert au nord de Briançon, que par une couverture seulement plissée et plus au sud (massif de Peyre Eyraute) par des nappes relativement peu disloquées et peu nombreuses (en fait pas plus de deux empilées sur une même transversale) dessinant avant tout une large voûte anticlinale qui enveloppe leur soubassement permo-houiller .
- A l'ouest de ce linéament, au contraire, on trouve un empilement souvent complexe et contourné de nappes calcaires ; elles s'appuient sur la pente, ascendante vers l'ouest, de leur autochtone relatif (lequel recouvre le flanc est du dôme cristallin du massif du Pelvoux). Ces nappes n'ont pas ou peu de semelle de matériel houiller et reposent sur un coussin charrié intermédiaire, qui est constitué au nord de l'Argentière par une lame d'unités subbriançonnaises et, au sud, par le flysch à Helminthoïdes de l'Embrunais, d'ailleurs rebroussé vers l'ouest (charnière de Saint-Clément) et redoublé par une écaille sommitale chevauchante (unité de Fouran) ; la tectonique y est donc très tangentielle avec forte vergence vers l'ouest.
Dans toute cette portion septentrionale de son tracé le linéament briançonnais occidental ne saurait donc être considéré comme une simple faille tardive extensive : il apparaît en fait qu'il sépare deux domaines dont la constitution et le comportement structural ont été sensiblement différents, comme s'ils s'étaient déformés indépendamment.
Leur opposition suggère plus précisément que la zone houillère "axiale" a constitué un bloc résistant, rétréci, surélevé et plissé par serrage transverse, tandis que, dans la "marge briançonnaise occidentale" (qui inclut le matériel subbriançonnais) s'empilaient des unités dissociées empruntées à sa voûte et rejetées latéralement (et souvent en contrebas), qui n'en représentent finalement que des "bavures marginales".
Une telle image n'est pas sans évoquer la formation des mottes de terre qui sont rejetées latéralement par l'avancée d'une charrue ; ceci suggère que le serrage et l'écrasement de la zone houillère aurait été accompagné d'un coulissement par rapport à sa bordure occidentale : de fait un tel jeu fournirait une explication supplémentaire à l'impossibilité d'établir des correspondancse entre les unités des deux lèvres du linéament.
3/ Prolongements du linéament briançonnais occidental en direction du sud-est.
Au SE du coude que décrit la Durance à la latitude de Guillestre la frontière sud-occidentale de la zone briançonnaise change de configuration : elle fait place, en apparence, au simple recouvrement du flanc sud-occidental de l'anticlinal de nappes qui affecte l'édifice des nappes calcaires briançonnaises, sous les flyschs de l'Embrunais qui affleurent sur toutes les crêtes situées plus au SW, par l'intermédiaire d'un coussin de flysch argileux dénommé "unité de Serenne". Il n'y a notamment plus trace d'une frange briançonnaise "bavant" du côté SW par dessus les unités lithologiques (Nummulitique, Subbriançonnais et Flysch à Helminthoïdes ) qui reposent sur le revers oriental du massif du Pelvoux (lequel fait place ici à la couverture sédimentaire autochtone qui affleure dans les fenêtres d'Embrun et de Barcelonnette).
Toutefois il s'avère que la faille de la Durance se prolonge au sein des flyschs argileux de l'Unité de Serenne, au voisinage de sa limite avec les affleurements de la nappe du Parpaillon, par une grande dislocation sub-verticale dont on perd, vers le SE, le tracé précis vers la latitude de Vars (levés de Cl. Kerkhove pour la 2°édition de la feuille Embrun).
D'autre part l'on retrouve dans son prolongement sud-oriental, dans la vallée de la Stura une disposition comparable à celle du revers oriental du Pelvoux. En effet au col de Larche la limite nord-orientale des flysch de l'Embrunais correspond à une faille d'Argentera (qui tire son nom du village de ce nom).
image sensible au survol et au clic
La partie supérieure de la vallée de la Stura vue du sud-est, depuis les pentes de la Testa dell'Iretta
Le col de Larche (= della Maddalena) est masqué derrière la crête du
Pra de Bals.
s.B = lame de matériel subbriançonnais de l'Enclausette ; n.P = nappe du Parpaillon ; f.Ar = faille d'Argentera ; ØS? = accident de Saint-Ours (?) ; n.rP = nappe de Rocca Peroni ; n.Ro = nappe du Rouchouse.
"scV" = schistes du col de Vars (formation basale du flysch à Helminthoïdes).
f.rRW et f.rRE = faille ouest et faille
est du Rio Roburent : ces
failles se connectent vers le sud-est à la faille de Bersezio, qu'elles semblent prolonger et se connectent vers le nord-ouest, à la faille du Ruburent (au niveau
des lacs de ce nom, hors des limites du cliché, du côté
droit).
Or cette cassure ne se contente pas de décaler verticalement l'édifice des nappes empilées mais sépare deux ensembles très différents :
- au NE un empilement des nappe briançonnaises, qui s'imbriquent en plongeant les unes sous les autres en direction du NW et qui recouvrent en outre, en direction du SE à partir de Bersezio, des unités subbriançonnaises ;
- au SW
un dispositif où la nappe de flysch à Helminthoïdes du Parpaillon se superpose presque directement à la couverture autochtone (d'ailleurs fortement réduite) de l'extrémité NW du Mercantour.
Cette faille d'Argentera se prolonge vers le nord, après un petit décalage dextre de son tracé au col de Larche par l'accident de Saint-Ours qui suit la rive droite de l'Ubayette et qui se prolonge au nord de la vallée de l'Ubaye par la faille du Paneyron. Cette cassure, représente donc un accident majeur mais n'est en fait qu'un jalon, de nouveau clairement observable, d'un Front briançonnais méridional, dont le tracé suit grossièrement, depuis la Durance jusqu'ici, la bande d'affleurements de l'unité de Serenne (voir les pages "Larche", "Saint-Paul" et "Risoul").
Le fait que cet accident frontal du Briançonnais juxtapose deux dispositifs structuraux aussi étrangers par leur géométrie et par la nature de leurs constituants ne saurait s'interpréter par un simple jeu vertical (et encore moins chevauchant). De fait la faille d'Argentera se raccorde, peu au delà, avec un faisceau de cassures prolongeant celles longitudinales à la zone briançonnaise et notamment à la faille de Bersezio. Or cette cassure, d'orientation à peine plus méridienne, décale effectivement dans le sens dextre l'interface socle - couverture du revers est du massif du Mercantour (en l'abaissant, du fait de son pendage vers le NE).
Cette interprétation en coulissement du jeu du front briançonnais au sud du massif du Pelvoux, lors de la mise en place de la nappe du Parpaillon, trouve apparemment un appui dans l'examen de la disposition des axes de plis couchés qui affectent cette nappe ; ils sont globalement déversés vers le secteur ouest et on en détermine principalement l'orientation par celle de leurs multiples replis secondaires.
Or, du NW vers le SE, c'est-à-dire en se rapprochant du front briançonnais, l'orientation de ces axes de plis passe de NW-SE (Champoléon, au sud du Pelvoux) à environ N-S (Crévoux, au bord oriental de la fenêtre d'Embrun), puis à NE-SW (Jausiers), voire E-W (Lauzanier, à l'est de la fenêtre de Barcelonnette). C'est à dire qu'ils subissent une rotation dans le sens dextre, qui est parfaitement compatible avec une déformation liée à un coulissement dans ce sens à la marge nord-orientale de l'aire d'affleurement des flysch de l'Embrunais.
Le tracé de ce Front briançonnais méridional doit suivre sensiblement, entre Durance et Haute Stura, la limite entre le flysch à Helminthoïdes de nappe du Parpaillon et les flyschs argileux de l'Unité de Serenne (dont l'individualité tectonique par rapport à la précédente est d'ailleurs encore ambiguë) ; il passe aux abords du col Vars puis, au SE de la vallée de l'Ubaye, par le lit de l'Ubayette entre Meyronnes et le col de Larche. Il s'infléchit ainsi, progressivement, dans un sens anti-horaire qui prolonge bien l'infléchissement de même sens qu'il présente plus au nord.
Ce tracé longe en fait le flanc oriental de la grande charnière synclinale de Saint-Clément - Meyronnes, ce qui porte à se demander si cette charnière n'est pas le crochon d'une composante chevauchante dans le jeu de ce front briançonnais. Cette interprétation semble confirmée par le fait que cette charnière majeure passe transitoirement en tunnel, au nord-ouest du col de Vars, sous l'unité supérieure de flysch à Helminthoïdes du Pic Crévoux, dont la surface de chevauchement pourrait assez bien correspondre au prolongement vers le haut de la faille de la Durance, au prix d'un basculement par cisaillement de celle-ci vers l'ouest.
Mais au NW du col de Larche la véritable limite sud-occidentale des affleurements briançonnais correspond en fait à leur ligne de contact avec l'Unité de Serenne. Or il s'avère que cette dernière unité semble ne pas reposer en recouvrement sur le Briançonnais, ce que l'on a admis jusqu'à maintenant, mais en être séparée par une cassure qui recoupe à tour de rôle, d'est en ouest les surfaces de chevauchement des nappes briançonnaises superposées. Cet accident de Saint-Ours est à peu près parallèle aux failles qui affectent le bombement anticlinal briançonnais ; il se connecte à la fois au NW à la plus externe de celles-ci, la faille du Ruburent, et au SE au faisceau des failles de Bersezio. L'unité de Serenne apparaît ainsi comme un compartiment intercalaire, allongé cartographiquement depuis la Durance jusqu'au col de Larche, à la façon d'une navette de coulissement, le long du Front briançonnais méridional.
Une conséquence de la structure du front briançonnais en Haute Stura est que, du côté Embrunais-Ubaye, et contrairement à l'interprétation classique de la "cicatrice de Jausiers", l'on ne peut pas interpréter la disparition presque totale, sous la nappe du Parpaillon, du matériel briançonnais et subbriançonnais (réduit à quelques blocs-klippes entrainés sous cette nappe) par un laminage qui aurait effilé l'énorme pile des unités de ce domaine lors du charriage de cette nappe. Cela indique au contraire que cette nappe s'est mise en place alors que le domaine briançonnais, déjà structuré se trouvait simplement juxtaposé à l'autochtone de l'Embrunais et de la Basse Ubaye, sans chevaucher ce dernier. Comme dit plus haut, cette situation suppose que soient intervenus antérieurement, le long du Front briançonnais méridional, d'importants mouvements coulissants. Compte tenu de la vergence SE de l'imbrication des unités briançonnaises, on peut même envisager que ce coulissement ait été contemporain de leur charriage au sein de la zone briançonnaise.
Au SE de Bersezio la vallée de la Stura s'inscrit dans le socle cristallin du revers oriental du massif de l'Argentera. Le rejet de la faille de Bersezio, bien qu'important, est limité à une simple décrochement dextre de rejet pluri kilométrique : il ne semble donc pas pouvoir faire de cet accident le prolongement du Front briançonnais. En fait ce dernier se décale vers l'est pour rejoindre la vallée de l'Arma puis traverser la vallée de la Sura à Demonte, en biseautant la bordure externe de l'imbrication des nappes briançonnaises inférieures et subbriançonnaises. Il y prend l'aspect d'une surface tectonique de plus en plus verticale vers le bas qui biseaute également le Nummulitique (grès d'Annot) de la couverture autochtone du socle. La structure de la zone briançonnaise se résout alors à un faicceau de failles, parallèles à l'allongement de la chaîne, entre lesquelles l'imbrication des panneaux rocheux correspondant aux nappes superposées est de moins en moins perceptible.
voir à ce sujet l'aperçu sur les thèmes tectoniques du revers du NE de l'Argentera" et la description structurale de la rive gauche de la Stura ...
Les caractères du linéament briançonnais occidental portent, en conclusion, à y voir des témoignages de mouvements tectoniques coulissants qui ont dû affecter les limites de la zone briançonnaise. Ces mouvements y sont sans doute intervenus à diverses étapes de la tectogénése mais surtout à un stade plutôt tardif, postérieur aux charriages internes à la zone.
page encore en cours de rédaction !
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Tectonique d'ensemble du Briançonnais |
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Le linéament briançonnais oriental |
On trouvera des vues nouvelles, inédites, sur les failles longitudinales des confins occidentaux du Briançonnais en Savoie (Tarentaise) à la page : "La faille de la moyenne Tarentaise" (section "Mont-Blanc - Beaufortain"). |