Col d'Izoard, Clot la Cime, Côte Belle

les abords de l'un des plus célèbres cols routiers des Alpes

Le col d'Izoard fait communiquer, au nord, la vallée de la Cerveyrette (qui appartient au Briançonnais proprement dit) avec celle d'Arvieux, en Queyras occidental, au sud. Ce col est surtout connu pour le spectaculaire site de La Casse Déserte (situé sur son versant méridional), qui est remarquable par son paysage d'éboulis d'où surgissent les pitons cargneuliques (voir la page "Arvieux").

La Casse Déserte vue du sud, depuis le belvédère du col de la Gypière (D.902).

Ces affleurements de cargneules appartiennent à une grande bande qui passe également au col et représentent la zone de contact entre les deux ensembles rocheux qui se superposent et/ou se juxtaposent ici : à l'est les calcaires dolomitiques du Pic de Côte Belle, à l'ouest les gypses du soubassement de la montagne de Clot la Cime. C'est très vraisemblablement sous l'influence des eaux sulfatées provenant de ces gypses que les calcaires dolomitiques sous-jacents ont été bréchifiés et partiellement dissous selon le processus de la cargneulisation*.

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Le versant septentrional du col d'Izoard, vu d'avion, du NNW, depuis l'aplomb du Laus de Cervières.
u.R = unité de Rochebrune ; ; u.bC = unité piémontaise externe du Bois des Coins ; u.C = unité des schistes lustrés ligures de Cervières.
u.N = unité de Nugue (= lame de quartzites rattachable aux "écailles intermédiaires" ?) ; u.bL = unité du Bois des Loubatières ; u.cB = unité de Côte Belle - Arpelin.
f.A = faille de l'Alp du Pied et du Laus (= prolongement méridional de la faille des Acles), partagée en deux branches, occidentale (f.AW) et orientale (f.AE) séparée par une navette* essentiellement constituée par un panneau affaissé de dolomies noriennes de l'unité de Rochebrune.
Pour l'interprétation de la partie gauche de cette image voir la page "Lasseron".


Les deux tronçons supérieurs des vallées qui se rejoignent au col, sont grossièrement N-S et ils s'avèrent avoir été guidés selon cette direction par la présence de cette grande bande d'affleurements de gypses et cargneules. L'étude des deux versants du col (mais surtout du versant septentrional) montre que ces gypses reposent reposent du côté oriental sur les calcaires du Trias moyen du flanc ouest de la montagne de Côte Belle et s'engagent presque horizontalement du côté ouest sous les couches plus récentes de la montagne de Clot la Cime, qui les coiffe et présente donc la géométrie d'une butte témoin*.

Contrairement à ce qui est le cas presque général pour ce genre de roches, il n'apparaît donc pas que cette bande gypso-cargneulique suive ici le tracé d'une grande fracture.

Il faut ajouter que, au sud du col, la bande des gypses et cargneules de l'Izoard se poursuit en marge orientale des schistes lustrés qui affleurent dans la vallée d'Arvieux, où ces derniers sont conservés en formant une klippe, également allongée N-S (voir la page "Arvieux"). Les cargneules qui bordent les schistes lustrés du côté oriental s'enfoncent alors d'est en ouest sous ces derniers, comme s'il constituait le soubassement tectonique de cette klippe.

 Cette situation suggère donc que ce matériel évaporitique ait pu s'être originellement mis en place par charriage, en jouant le rôle de coussinet basal vis-à-vis de la nappe des schistes lustrés : c'est l'une de ses interprétations le plus souvent retenue, mais elle ne s'accorde guère avec les observations que l'on peut faire à la montagne de Clot la Cime (voir plus loin).

Les gypses, qui reposent partout sur un matelas plus ou moins épais de cargneules, affleurent en fait dans une combe monoclinale : son bord oriental est formé par l'unité de Côte Belle - Arpelin, dont les calcaires anisiens s'enfoncent vers l'ouest, en pendage dans ce sens, sous les cargneules. Du côté septentrional du col on voit que le soubassement des cargneules qui supportent les gypses est constitué par les dolomies ladiniennes de l'unité du Bois des Loubatières (c'est dans ces couches, qui dessinent une large voûte antiforme, que la D902 décrit ses lacets en sous-bois).

 On peut donc se demander si la seconde de ces deux unités, dont la voûte plonge d'ailleurs vers le nord, ne représente pas simplement le prolongement nord-occidental de la première, après un court passage en tunnel sous les cargneules du col et des chalets d'Izoard. Ces rapports géométriques peuvent même porter à envisager que ces gypses représentent la couverture stratigraphique normale des calcaires triasiques de ces deux unités.

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Le versant septentrional du col d'Izoard vu du nord-ouest, depuis les pentes inférieures du Grand Peygu.
u.R = unité de Rochebrune ; u.cB = unité de Côte Belle - Arpelin ; u.bL = unité du Bois des Loubatières ; u.cC = unité de Clôt la Cime : ses gypses reposent sur les dolomies ladiniennes de l'unité des Loubatières par l'intermédiaire du coussin de cargneules du versant nord du col et des chalets d'Izoard.
f.A = faille orientale de Côte Belle (prolongement méridional de la faille des Acles) : elle est masquée derrière la crête de l'Arpelin.


À l'ouest du col d'Izoard la bande d'affleurement des gypses se poursuit vers l'ouest dans le soubassement nord de la montagne de Clot la Cime. Ces gypses semblent indéniablement recouverts, de façon stratigraphique c'est-à-dire  sans discontinuité tectonique, par les couches du Carnien qui forment la base de la succession calcaire jurassico-crétacée de ce sommet : cet ensemble peut donc être désigné du nom d'unité de Clot la Cime.

Au dessus des brèches dolomitiques carniennes, la succession de cette unité est de type briançonnais "classique", avec Dogger et Malm, calcschistes néocrétacés et même du flysch noir : une telle succession représente cependant un cas presque unique en Briançonnais car les autres unités briançonnaises sont dotées, selon les cas, de Norien entre Jurassique et Carnien ou de Trias moyen sous le Carnien.

La signification des gypses de Clot la Cime et de leur semelle de cargneules de l'Izoard reste cependant un peu conjecturale :

 Comme on l'a dit plus haut, on peut se demander si ces gypses ne représenteraient pas simplement la couverture stratigraphique originelle des unités de Cote Belle et des Loubatières, ce qui conduirait alors à réunir ces deux unités avec celle de Clot la Cime en un seul ensemble tectonique, caractérisé par une succession stratigraphique originale, identique à aucune autre en Briançonnais.
    Mais il n'est tout de même pas exclu que ces gypses et cargneules représentent la semelle d'une unité indépendante, de Clot la Cime, charriée sur les deux autres (auquel cas sa constitution et sa situation tectonique peut porter à la comparer à la "nappe des gypses" de Vanoise).

En tous cas les liens stratigraphiques de ces gypses avec la succession post-triasique de Clot la Cime interdisent d'y voir une semelle tectonique jalonnant la surface de charriage de la nappe des schistes lustrés, contrairement à ce que peut suggérer, au sud du col d'Izoard, le fait qu'ils semblent se poursuivre sous cette nappe dans le secteur d'Arvieux.

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Les abords du col d'Izoard, vus d'avion de l'ouest (cliché original obligeamment communiqué par M. Pierre Crozatier)
u.R = unité de Rochebrune ; u.cB = unité de Côte Belle - Arpelin ; u.Av = unité (piémontaise) d'Arvieux ; u.cC = unité de Clôt la Cime.
f.A = faille orientale de Côte Belle (prolongement méridional de la faille des Acles).
Lp = Lias piémontais ; sl = schistes lustrés ligures.


Les affleurements de gypses du pied des escarpements de Clot la Cime se suivent pratiquement en continu, jusqu'à ceinturer la montagne du côté ouest : en effet ce sont eux qui déterminent le col des Ourdeis, ainsi que le vallon de Joue Noire qui en descend vers le sud.

Les affleurements gypso-cargneuliques du versant nord de Clot la Cime se terminent, très peu à l'ouest du col des Ourdeis, en butant contre une grande faille N-S, la faille des Ourdeis . Cette dernière est sub-verticale et les juxtapose à la succession jurassique du Pic de Beaudouis dont les couches décrivent, dans le versant est de ce sommet un accordéon de plis couchés (voir la page "Ayes-Beaudouis") tout-à-fait sans rapports avec la disposition très simple de la succession de Clot la Cime.

 La surface de cassure est disposée de telle façon qu'elle tranche ces plis presque orthogonalement à leur plan axial, ce qui signifie que cette faille des Ourdeis a joué postérieurement au plissement de la couverture des nappes briançonnaises. De fait elle représente très vraisemblablement le prolongement méridional de la branche occidentale de la faille de la Clarée, c'est-à-dire de l'accident qui limite le linéament briançonnais oriental du côté ouest (voir la carte schématique ci-après). Elle se poursuit encore plus au sud, tout au long du flanc ouest (= rive droite) de la vallée d'Arvieux, pour finir par se raccorder, au sud du Guil, à la faille de Ceillac (laquelle se poursuit encore loin en Italie, dans la haute vallée de la Maira)

Au nord de Clot la Cime le relief en pente douce des alpages de Percagne, situés entre le col des Ourdeis et les chalets d'Izoard, semble bien résulter du décapage de cette puissante couche de gypses et correspond à la mise à nu de sa semelle de cargneules car les ravins montrent la présence de cette dernière sous les alluvions glaciaires : elle devait s'étendre jusqu'à tapisser le versant sud des Peygus, si l'on en juge par les traces de cargneulisation que l'on relève sur les pentes de l'extrémité méridionale de cette crête.

aperçu général sur la stratigraphie du Briançonnais
aperçu général sur la tectonique du Briançonnais

voir la carte structurale du Briançonnais méridional.


N.B : Sur ce schéma l'unité de la Grande Maye n'a pas été distinguée de celle de la crête des Granges (u.G)

Carte structurale schématique des
Confins orientaux du Briançonnais au sud-est de Briançon

En brun rouge les failles extensives du grand linéament du Briançonnais oriental : f.L = faille de Lenlon - col des Ayes ; f.Cl = faille des Ourdeis = prolongement méridional de la faille de la Clarée ; f.A = faille de l'Aup du Pied et du Laus = prolongement méridional de la faille des Acles.
f.rM = faille transverse de Roche Moutte.

suite de la légende à la page "cartes du Briançonnais"

 


cartes géologiques au 1/50.000° à consulter : feuille Briançon

Carte géologique simplifiée des montagnes à l'est de Briançon
redessinée sur la base de la carte géologique d'ensemble des Alpes occidentales, du Léman à Digne, au 1/250.000°", par M.Gidon (1977), publication n° 074

Carte géologique simplifiée des montagnes du Queyras occidental (environs d'Arvieux)
redessinée sur la base de la carte géologique d'ensemble des Alpes occidentales, du Léman à Digne, au 1/250.000°", par M.Gidon (1977), publication n° 074
catalogue des cartes locales de la section Briançonnais


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