Glossaire des Roches sédimentaires des Alpes françaises |
a) Quelques types de "formations" importantes dans les Alpes |
Parmi les nombreux types de formations reconnus, de par le monde et aux divers niveaux de l'échelle stratigraphique, deux ont une importance particulière dans les Alpes.
Ce sont des grès à ciment de
calcaire argileux, contenant des grains de glauconie qui leur
confèrent une teinte verte, jaunissante en altération.
La dissolution du calcaire cimentant les grains rend la surface
de la roche friable après un long séjour à
l'air libre.
Ce sont d'anciens sables marins, qui se sont déposés
dans des deltas. Il s'y interstratifie des conglomérats
(à aspect de béton), formés de galets cimentés
par le grès.
Ces masses conglomératiques ont une section lenticulaire et mesurent aisément plusieurs centaines de mètres de large. Elles correspondent au remplissage des lits successifs des bras de rivière qui divaguaient dans le delta et y amenaient des matériaux grossiers, lors des crues.
Dans les Alpes de telles roches se sont formées au Tertiaire récent (Miocène), lors de l'invasion, par la mer, de la périphérie de la chaîne en cours de soulèvement, c'est-à-dire dans le sillon molassique périalpin. Leurs matériaux constitutifs étaient apportés par les rivières qui érodaient les Alpes à cette époque (la principale en ce qui concerne l'émersion de la chaîne). Ces rivières (et notamment l'Isère miocène ont finalement comblé ce sillon en y étalant leurs deltas, dont les dépôts atteignent maintenant 3000 m d'épaisseur.
Il s'agit d'un type de formation constitué par une répétition monotone de séquences d'épaisseur métrique à décamétriques débutant par des termes à gros grain et se terminant par des niveaux à grain fin. Typiquement un flysch est constituée par une alternance de bancs de grès (à base très nette) passant vers le haut à des schistes argileux.
Les flyschs se forment par avalanches sous marines de boues et de sables provenant de dépôts de faible profondeur. Chaque séquence correspond à une telle avalanche ("courant de turbidité") qui va plus ou moins loin sur les fonds marins plus profonds, où la pente est faible, et s'y décante (d'où le dépôt dans un ordre décroissant des calibres de grains). On dit donc qu'il s'agit d'une "turbidite".
La base du banc de grès par lequel débute la séquence turbiditique moule très souvent des figures d'érosion, dues au passage du courant de turbidité sur les sédiments du fond marin (sommet de la séquence précédente) : il y a de grandes variétés dans ces "figures de base de banc", qui permettent de déterminer la direction et le sens de déplacement des avalanches turbiditiques. Les plus communes sont les "flute-casts", moulages de sillons parallèles de largeur centimétrique à décimétrique et de longueur décimétrique à pluri-métrique.
Des flyschs sont connus à toutes époques. Dans les Alpes on a longtemps cru qu'il s'agissait de sédiments propres au Tertiaire (ce qui est vrai pour les zones les plus externes). En fait il s'en est formé dès le Crétacé supérieur dans les zones internes de la chaîne. Les flyschs sont en effet des témoins d'un instabilité de fonds peu profonds en marge d'une dépression sous-marine accentuée, ce qui est la situation qui prévaut lorsqu'une chaîne de montagne commence sa surrection à partir des fonds océaniques où a commencé sa gestation.
Le Flysch à Helminthoïdes est une variété
d'âge Crétacé supérieur, relativement
riche en lits calcaires, qui affleure surtout au sud-est du massif
du Pelvoux (il couvre de grandes surfaces en Embrunais-Ubaye). Son nom vient de la présence,
à la surface de certains bancs, de traces très sinueuses,
dénommées Helminthoïdes par allusion aux contournements
que les vers (marins ou de terre) décrivent avec leur corps.
Il s'agit en fait de l'empreinte du déplacement, sur la
vase du fond marin de l'époque,, d'animaux inconnus (gastéropodes
??) qui, sans doute, "broutaient" systématiquement
la surface de cette vase en décrivant leurs sillons à
la façon d'un agriculteur qui laboure son champ mais qui
ne saurait pas suivre une ligne droite.
En dehors des deux grands types précédents, divers secteurs des Alpes se caractérisent par l'importance qu'y prennent des formations un peu particulières qui vont parfois jusqu'à les caractériser. Tels sont par exemple :
- Les "schistes lustrés"
de la zone piémontaise ;
- Les calcaires dolomitiques (triasiques) de la zone briançonnaise
;
- Les calcaires à silex (sénoniens) du Dévoluy
;
- Les calcaires "Urgoniens" des massifs subalpins
septentrionaux ;
- Les "Terres Noires" des chaînes subalpines
dans leur ensemble ;
etc...
On trouvera dans la présentation
des zones alpines des indications générales
sur ces formations et sur le contexte de leur développement
dans ces régions.
Des développements plus circonstanciés sont
fournis d'autre part dans les pages consacrées à
la stratigraphie des diverses sections du site : ces pages sont
notamment accessibles via la barre de boutons de la section considérée
ou via sa page d'accueil, en cherchant le bouton "strati",
figuré ci-après.
b) Quelques roches sédimentaires particulières des Alpes |
Quelques roches particulières sont présentes dans de nombreuses régions et occupent à elles seules des volumes et des surfaces importantes, ce qui les rend bien visibles dans les paysages. Les exemples suivants méritent particulièrement d'être cités :
Roche blanche, d'aspect saccharoïde, parfois flammée de rouge, massive et/ou disposée en lamines.
Il s'agit de sulfate de calcium cristallisé, qui s'est formé par "précipitation" dans des eaux marines surchargées en sels sous l'effet d'une concentration provoquée par leur évaporation dans des mers fermées ou recevant peu d'apports en eaux douces.
Dans les Alpes françaises le gypse s'est principalement déposé à l'époque triasique (plus précisément au Trias supérieur).
Les gypses sont très solubles sous l'action des eaux météoriques et assez peu résistants à la charge car leurs cristaux n'ont, entre eux, qu'une faible cohésion. Il s'y forme une variété de relief karstique* caractérisé par l'effondrement des piliers séparant les cavités : les entrées d'avens s'y transforment en "entonnoirs de dissolution", formant souvent des espaces à "relief lunaire" sur d'assez grande surfaces.
Ces roches sont fréquentes dans les Alpes et se repèrent aisément à leur couleur orangée, à leur texture criblée de cavités et à leur relief qui donne souvent des pitons ruiniformes.
Elles sont le plus souvent associées au couches du Trias, parce qu'elles sont une sorte de sous-produit du comportement des gypses, que l'on trouve presque exclusivement à ce niveau stratigraphique dans les Alpes. On les trouve le plus souvent le long de dislocations tectoniques, failles et le plus souvent chevauchements, le long desquelles elles semblent avoir été injectées.
Les cargneules sont des brèches, le
plus souvent formées aux dépens de bancs de dolomie
car cette roche est particulièrement cassante. Il semble
qu'elles se forment par injection d'eau sous pression dans les
pores et fissures de la roche, ce qui la fait éclater (cette
eau proviendrait des gypses et en serait expulsée à
l'occasion des efforts tectoniques).
L'eau intersticielle sous pression aurait transformé la
roche originelle en une purée de graviers qui aurait pu
s'injecter et même jouer le rôle de lubrifiant le
long des surfaces de cassures et de glissement des masses rocheuses
en déplacement (nappes de charriage). En même temps
ces eaux, chargées de gypse (sulfate de calcium) dissout,
avaient le pouvoir de transformer la dolomite en calcite. Lorsque
cette eau a pu s'échapper la décompression a provoqué
la cristallisation des substances dissoutes, et notamment de la
calcite, qu'elle contenait
Après altération météorique ou à proximité de la surface du sol (1) les fragments rocheux de la brèche (dolomitiques en général) se dissolvent ou s'effritent en donnant les vacuoles, tandis que le ciment constitue les cloisons, d'aspect plus ou moins membraneux, essentiellement calcitiques.
N.B. : Les cargneules partagent leur aspect vacuolaire avec les tufs calcaires, beaucoup plus légers d'ailleurs car poreux et vacuolaires jusqu'en profondeur. Leur origine est totalement différente, liée à la précipitation du calcaire des eaux de source à leur émergence.
(1) Il y a eu des discussions nombreuses, voire des controverses, sur l'origine exacte des cargneules, tant en ce qui concerne la formation de la brèche que sa vacuolarisation : on en trouvera des échos dans la liste bibliographique
Ce nom couvre, de façon d'ailleurs imprécise, des amas, reconnaissables à leur teinte rouge brique, d'argiles ferrugineuses. Il s'agit d'anciens sols ferralitiques, parents de ceux qui se sont transformés en bauxite, qui remplissent le plus souvent des poches karstiques*.
Dans les Alpes on en trouve surtout dans des calcaires et dolomies du Trias briançonnais, le plus souvent sous des couches jurassiques (Dogger ou Malm) : ceci porte à penser qu'elles sont le résultat d'une pédogénése continentale d'âge fini-triasique ou liasique (indices d'une émersion de certains secteurs du Briançonnais à cette époque ?).
Marbres,
Calcaires relativement purs et homogènes dont les grains
sont cimentés par recristallisation du carbonate de calcium sous l'effet du métamorphisme.
voir aussi "cipolins"
Le terme "Marbres en plaquettes" était traditionnellement employé en Briançonnais pour désigner des calcschistes faiblement métamorphiques, d'âge néocrétacé-éocène, dont certains niveaux sont plus ou moins colorés de vert ou de pourpre (en Chablais et en Suisse on désigne la même formation du nom de "couches rouges")
Quartzites
Grès homogènes dont les
grains sont cimentés par recristallisation de la silice.
La plupart du temps c'est l'effet d'un métamorphisme.
De beaux quartzites, blancs à verdâtres, bien lités
caractérisent le Trias basal de la zone briançonnaise.
Verrucano
Formation conglomératique quartzeuse caractérisée
par la présence de fragments rouges de roche volcanique
permienne (Liparite). Elle forme un niveau presque constant mais
d'épaisseur variable (de quelques mètres à
plus de 200 m) à la partie inférieure des quartzites
triasiques briançonnais.
Dolomies
Roches carbonatées dans lesquelles
du carbonate de magnésium s'ajoute en proportions plus
ou moins importante (au moins 50%) au carbonate de calcium.
Les dolomies "primaires" résultent directement
de la nature du sédiment (dépôts de mers à
forte salure) alors que les dolomies "secondaires" résultent
d'un remplacement ultérieur du calcium par du magnésium
(phénomène de dolomitisation).
Marnes
Sédiments calcaréo-argileux
à plus de 35% d'argile.
Les calcaires marneux ont de 5 à 35% d'argile et
les marno-calcaires sont des alternances de bancs de marnes
et de calcaires marneux.
Argilites
Sédiments purement argileux,
non calcaires.
Pélites
Sédiments détritiques très fins, de nature
variable, le plus souvent argilo-gréseux.
Calcarénites,
Roches détritiques à texture gréseuse, mais à éléments
calcaires (et non siliceux), plus ou moins prédominants
sur la pâte qui les lie.
Parfois nommés "calcaires sableux" (notamment dans les notices de cartes géologiques alpines du BRGM), ceci à tort car il ne s'agit en rien de roches friables.
Elles peuvent être terrigènes mais sont souvent "bioclastiques", c'est-à-dire formés de débris de coquilles. Lorsque ces débris sont assez cristallisés pour se débiter avec des facettes scintillantes le calcaire est dit "spathique".
Ce terme sert à désigner toute roche ayant un débit en feuillets parallèles, épais de quelques millimètres ou moins.
En fait le terme schiste ne désigne pas une nature de roche mais à un type de débit de la masse rocheuse. En effet presque toute roche peut devenir un schiste, mais rares sont les roches formées de feuillets dès leur origine (cela nécessite des variations rapides et répétées de la nature du sédiment : les sédimentologues appellent de tels feuillets des lamines). Le plus souvent le feuilletage est l'effet d'un aplatissement, après le dépôt du sédiment originel, soit sous le simple poids des roches sur-incombantes , soit sous l'effet d'une compression tectonique.
Il y a donc des schistes de toutes natures
minéralogiques ; toutefois la schistosité
se développe de préférence :
- dans des roches argileuses ou argilo-siliceuses (ardoises)
dont les particules de minéraux argileux sont déjà
en forme de feuillets : elles tendent à se réorienter
orthogonalement à la direction de pression maximale. Cela
implique en général des pressions assez fortes,
à la limite du métamorphisme.
- dans les roches calcaréo-argileuses (marnes,
calcaires argileux) où la dissolution aqueuse de la calcite
aide à la mobilité des particules argileuses.
- dans les roches de toutes natures (notamment formées
originellement d'alternances) lorsqu'elles sont soumises à
un métamorphisme. Il s'y forme souvent des lits de minéraux
aplatis et non soudés, donc favorisant le clivage (tels
que des micas notamment), la roche devient un schiste des plus
typiques : c'est le cas des micaschistes* (de diverses
natures) et de nombreux gneiss* (bien que souvent leur
feuilletage soit épais, pluri-centimétrique).
Le feuilletage obtenu par métamorphisme peut cependant
ne pas favoriser le clivage si les lits alternés sont bien
soudés les uns aux autres par interpénétration
des cristaux à leurs limites : on parle alors de simple
"foliation" cristallophyllienne.
Enfin il faut que les roches initiales ne donnent pas naissance
à un seul minéral de recristallisation, comme les
calcaires purs, qui deviennent des marbres* ou les grès
siliceux purs, qui deviennent des quartzites*, etc....
De telles roches ne développent que très difficilement
de la schistosité, en raison de leur homogénéité.
Ces termes désignent d'une façon générale des concrétions siliceuses, le plus souvent contournées. Ils sont le plus souvent employées lorsque celles-ci ne sont pas de vrais "silex" mais des amas incomplètement silicifiés. Chert est parfois employé au sens restreint pour des concrétions au sein de roches calcaréo siliceuses alors que "chaille" désigne traditionnellement des miches au sein de marnes.
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