(LES ROCHES DE CHARTREUSE)
Ces couches forment la falaise moyenne de la succession stratigraphique, falaise en général située un peu plus haut que mi-pente du talus qui sépare celles du Tithonique et de l'Urgonien.
En Chartreuse orientale, par exemple dans le chaînon de la Dent de Crolles, et dans la Chartreuse médiane les calcaires du Fontanil forment une barre assez peu épaisse (200 m), qui disparaît même assez facilement sous les éboulis ou le couvert végétal. Ils se subdivisent assez nettement en deux niveaux séparés par une vire à lits de marno-calcaires. L'inférieur, plus épais et plus pauvre en joints marneux séparant les bancs, repose assez brutalement sur les Marnes de Narbonne. Mais celles-ci se terminent cependant vers le haut par des couches de transition à bancs calcaires espacées (voir la page "Chamechaude").
La puissance et la compacité de leur falaise croissent d'E en W par le jeu d'un remplacement latéral, dans les niveaux sous-jacents (d'âge Berriasien), des faciès marneux par des faciès de plus en plus calcaires. De ce fait, dans les chaînons les plus occidentaux (de la Grande Sure à la Cochette) les calcaires du Fontanil dessinent une falaise aussi importante que celle de l'Urgonien et remplacent même ce dernier en tant qu'armature des crêtes principales.
Pour plus d'explications relativement aux termes d'étage (Berriasien, Valanginien etc...), de formation ("calcaires du Fontanil") et de membres ("membre du Peuil") employés dans les légendes des figures ci-après, se reporter aux paragraphes qui leur sont spécialement consacrés dans le glossaire stratigraphique. |
Le versant sud-oriental de la grande Sure vu du sud, depuis la crête nord de Lorzier, à l'ouest du col d'Hurtières (au débouché amont de la cheminée de Lorzier). Les tirets bleus indiquent l'emplacement de l'ancienne surface d'aplanissement (s.aplan.) qui a presque effacé la corniche urgonienne. Les couches calcaires de la Sure (en grande partie à faciès "calcaires du Fontanil") peuvent être réparties entre 3 niveaux (pour les dénominations ci-après se reporter à la coupe de référence du Fontanil) : cFs = calcaires supérieurs ("à silex") brunâtres et à lits marneux ; cFm = masse supérieure de calcaires francs à patine claire (= membre de la Rivoire), incluant un niveau massif corraligène (cFco) ; cFi = calcaires bioclastiques et argileux alternés en lits d'épaisseur irrégulière (= membre de Valetière), passant à ceux de la partie supérieure de la formation du Chevalon (cChs = membre des Oullières). Au pied des escarpements occidentaux de la Grande Sure affleure la formation du Chevalon moyenne (membre du Peuil), à marnes et marno-calcaires prédominants (notée cChm) puis les marnes et calcaires argileux du Berriasien inférieur (membre de Sautaret, noté cChi). Du point de vue chronologique cFs et cFm se rattachent à l'étage Valanginien ; cChs, cChm et cChi se rattachent à l'étage Berriasien et appartiennent à l'ensemble noté Be.mc dans divers autres secteurs de la Chartreuse. |
Les limites de cette formation sont donc diachrones* (voir son âge, plus loin dans cette page) : son sommet est valanginien supérieur apparemment partout mais sa base est d'autant plus âgée que l'on se trouve plus à l'ouest (en Chartreuse occidentale elle se situe même franchement au milieu de l'étage Berriasien) : c'est ce qui est schématisé dans la colonne stratigraphique.
Les abrupts occidentaux des Rochers de Lorzier, vus du sud depuis le sommet de la Buffe (Vercors). Belle entaille de la succession des calcaires du Fontanil au sens large (elle est épaisse, car on est ici dans la Chartreuse occidentale). Elle permet de visualiser les subdivisions actuellement distinguées dans les terrains du Crétacé inférieur de ce secteur : La falaise la plus massive, qui forme l'arête faîtière, représente la partie basse de la formation des calcaires du Fontanil sensu stricto (membres de Valetière et de La Rivoire), qui appartiennent encore en majeure partie au Berriasien supérieur. La partie haute de cette formation n'est pas visible car elle affleure sur le revers opposé de la crète. Plus bas on entre dans la "formation du Chevalon". Les niveaux supérieurs de cette dernière, où des ressauts calcaires alternent avec des vires herbeuses (faisceaux de bancs plus riches en argile), constituent un terme de transition où se rencontrent déjà des bancs à faciès de calcaires du Fontanil. Ils appartiennent surtout au Berriasien moyen ("membre des Oullières", surmontant celui "du Peuil"). Les basses pentes, boisées ou garnies d'éboulis, correspondent aux alternances de marno-calcaires et de marnes du Berriasien moyen à inférieur ("membre de Sautaret"). patinées et colonisées par la végétation, où la roche paraît plus blanche. |
La succession des calcaires du Fontanil à la crête des Bannettes, vue du sud-ouest, depuis le tunnel du Mortier (Vercors nord). La crête elle-même, boisée ou herbeuse, est formée par les niveaux supérieurs des calcaires du Fontanil (dont la base correspond à la petite vire, bien marquée, du "membre de Mont-Saint-Martin"). La partie inférieure de la formation des calcaires du Fontanil forme la partie la plus massive de la falaise. Plus bas, seuls les bancs les plus calcaires de la "formation du Chevalon" forment de petits ressauts qui émergent du talus au pied de la falaise (pour la suite stratigraphique vers le haut voir le cliché de la page "Chalves"). Ces repères stratigraphiques sont décalés verticalement, au Pas de l'Âne, par la faille de Mont-Saint-Martin (F.MSM : pour plus de détails voir le cliché de la page "Chalais"). En arrière de la crête (angle supérieur droit du cliché), sur la rive opposée du vallon du Fournel (qui descend vers Mont-Saint-Martin), les éboulis qui tombent des falaises d'Urgonien des Rochers de Chalves ont presque totalement garni le talus de l'Hauterivien. |
La teinte des calcaires du Fontanil est rousse en patine ainsi que sur une frange épaisse de quelques centimètres à un ou deux décimètres au voisinage de la surface, alors qu'en profondeur ils sont en général bleutés ("calcaires bicolores"). Ceci est dû à une notable teneur en sels de fer, qui s'oxydent sous les actions atmosphériques. Ces dernières gagnent, le long des fissures, assez profondément à l'intérieur de la roche. Cet aspect "bicolore" de la roche est remarquable (mais il n'est cependant pas exclusivement spécifique de cette formation).
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Leur faciès est celui d'un sable coquiller (faciès dit "bioclastique"), d'aspect "spathique" (scintillant en cassure, par le jeu de la lumière sur les facettes des fragments cristallins de coquilles), mais de nombreuses nuances de détail viennent en varier l'aspect, d'un niveau à l'autre de la formation.
Vue rapprochée d'un affleurement de calcaires du Fontanil (route entre le Fontanil et Mont-Saint-Martin) La teinte rousse gagne depuis les zones diaclasées et la teinte bleue n'est conservée qu'à une distance minimale de 10 cm de la diaclase la plus proche. |
Si ces calcaires restent en général bien moins massifs que ceux de l'Urgonien cela vient de ce que leurs strates, décimétriques à métriques, sont séparées par des joints plus argileux, voire franchement marneux.
En fait l'étude détaillée
d'une coupe naturelle dans ces calcaires (par exemple celle de
la route du Guiers Mort, de part et d'autre du Pont
Saint-Bruno) montre clairement la variabilité verticale
de leur faciès, d'un banc au suivant.
A cet égard
les bancs peuvent y être regroupés en séquences
(d'épaisseur moyenne décamétrique) qui se
répètent une dizaine de fois sur la totalité
de la hauteur de la formation. Dans chaque séquence le
faciès des bancs varie assez progressivement du bas vers le haut
(voir l'exemple de la page "Fontanil"). Cette variation peut aller depuis des faciès argileux (relativement tendres, formant
des vires) en passant par des faciès à débris
(plus ou moins grossiers), jusqu'à -des faciès clairs
et massifs "sub-récifaux", proches de ceux de l'Urgonien, durs et formant des
corniches saillantes (qui sont notamment ceux de la falaise sommitale de la Grande Sure). Chaque séquence diffère d'ailleurs
quelque peu des autres par l'importance relative des termes les
plus tendres ou les plus durs (dans l'ensemble les séquences
de mi-hauteur de la succession sont les plus riches en faciès
calcaires massifs et celles de la base les plus riches en faciès
tendres, plus ou moins marneux).
Les séquences des calcaires du Fontanil appartiennent au type dit "de Klüpfel", au sein desquelles la variation de faciès témoigne d'une réduction progressive de la profondeur de dépôt. On passe, au contraire, d'une séquence à la suivante par une interruption de sédimentation, accompagnée d'un accroissement brutal de profondeur, ce qui se manifeste par un changement de faciès (qualifié de "discontinuité" séquentielle), qui devient plus marneux. Chaque séquence majeure est affectée elle-même de variations séquentielles de même type mais moins amples (d'ordre mineur), correspondant à de petites oscillations de profondeur.
Enfin les niveaux les plus élevés sont riches en silex lités ou contournés, en forme de "poupées" . Ils présentent parfois (notamment aux environs de Mont-Saint-Martin) un niveau riche en coquilles d'huîtres bien conservées appartenant à l'espèce Arctostrea (= Alectryonia) rectangularis .
gros lit de silex |
Silex contournés, "en poupées". |
- Vers le haut le passage aux Marnes à miches de l'Hauterivien est franc, voire brutal, du fait d'un changement radical de faciès.
Il est localement souligné par un banc très glauconieux (vert sombre), atteignant jusqu'à deux mètres, où se rencontrent des coquilles d'ammonites (il est bien développé dans les falaises du Granier, à vrai dire peu accessibles, qui dominent La Plagne : des blocs éboulés en sont observables le long du chemin du col de l'Alpette).
- Vers le bas, au contraire, les calcaires
du Fontanil passent de façon transitionnelle, par enrichissement
en argile, aux formations sur lesquelles ils reposent :
- en Chartreuse orientale ils recouvrent assez brutalement
les Marnes de Narbonne,
par l'intermédiaire d'un membre de transition d'une cinquantaine
de mètres seulement. C'est ce que l'on observe notamment
à la Dent de
Crolles.
- en Chartreuse médiane et occidentale la transition
est beaucoup plus progressive et se fait par l'apparition (de
plus en plus bas d'est en ouest) de passées de bancs de
calcaires bioclastiques dans la partie haute des calcaires
gris berriasiens (= formation du Chevalon) : cela se voit
bien, par exemple, aux Rochers de
Lorzier.
L'étude précise des relations et
des limites chronologiques entre les calcaires du Fontanil et
les formations sous-incombantes a été reprise en
Chartreuse occidentale, dans les années 1980 (voir les articles n° 091 et 161), dans
le secteur éponyme du Fontanil, entre cette localité et le Chevalon de Voreppe.
On y a défini avec plus de précision les différents
"membres" qui se succèdent entre le Tithonique
et l'Hauterivien et on y a notamment pris en compte les nouvelles
possibilités de datation offertes par la meilleure connaissance
que l'on a désormais de la répartition au cours
du temps des différentes formes de ces micro-fossiles que
sont les calpionelles.
Sur la foi des études anciennes des ammonites récoltées dans les carrières du Fontanil (Valetière), la formation du Fontanil avait été réputée (pendant près d'une centaine d'années) avoir un âge Valanginien supérieur. Les nouvelles études (dont les résultats résumés dans le schéma ci-après) ont révélé que la formation des calcaires du Fontanil proprement dits a débuté ici vers le sommet de l'étage Berriasien, mais que les faciès de calcaires bioclastiques considérés comme caractéristiques de cette formation apparaissent en fait dès le Berriasien moyen (c'est-à-dire beaucoup plus tôt en Chartreuse occidentale qu'en Chartreuse orientale).
Remarque annexe : Contrairement aux conclusions de l'article n°161 l'auteur persiste à considérer que les membres de La Rivoire et de Valetière ne sont pas une seule et même entité mais bel et bien deux termes superposés (cela ressort clairement de la cartographie de la butte 375 située au nord-est de Valetière (et du cimetière de Mont-Saint-Martin), qui est formée à son sommet par le membre de la Rivoire et repose, à sa base, sur le membre de Valetière. |
autres vues photographiques de cette
succession :
pentes
du Fontanil - Chevalon ; abrupts
des Bannettes.
Pour en savoir plus sur la stratigraphie des calcaires du Fontanil
consulter les publications n° 091 et 161 Les calcaires du Fontanil ont été exploités dans diverses carrières des environs de Grenoble (voir plus de détails à la page "anciennes carrières"). |