Pointe de Rasis et ses crêtes septentrionales |
En amont de Ceillac la vallée du Cristillan est encore orientée pratiquement E-W, jusqu'au coude vers le SE qu'elle décrit au pied du col des Estronques. Entre cette section de son cours et la vallée du Guil à Château-Queyras, soit sur 10 km du sud au nord, se développe un système de crêtes puis d'échines orientées N-S qui débute à la Pointe de Rasis.
Il se partage immédiatement en deux au nord de ce sommet : la branche orientale culmine à la Roche des Clots et se prolonge vers le nord par l'échine du Sommet Bucher ; l'occidentale forme la Pointe de la Selle et se poursuit vers le nord par la lourde échine boisée de Montbardon - Mont de Bramousse.
Remarque toponymique : Le secteur entre Château-Queyras et Ceillac présente un problème de redondance de noms de lieux ; en effet le toponyme "Bramousse" y désigne une échine et un ravin à proximité de Château-Queyras, mais aussi, plus au sud, le village et les granges du même nom. |
Du point de vue géologique les deux crêtes qui divergent au nord de la Pointe de Rasis, bien que l'une et l'autre entièrement calcaires, sont dissemblables d'aspect et de constitution :
La pointe de la Selle et l'extrémité septentrionale de la Roche des Clots, vus du sud depuis la pointe de Rasis. |
- celle, occidentale, de la Selle, franchement rocheuse, est une lame, redressée aux approches de la verticale, de calcaires du Jurassique moyen et supérieur, que flanquent du côté oriental marbres en plaquettes et flysch noir, le tout bien caractéristique de la zone briançonnaise : c'est l'unité de Rasis ;
- celle, orientale, montre une succession stratigraphique de calcaires argileux et de calcschistes la rattache domaine piémontais externe. Elle est effectivement dépourvue de "roches vertes" et constituée par des schistes lustrés à brèches, d'âge jurassique, qui reposent sur des calcaires liasiques : elle est désignée sous le nom d'Unité de la Roche des Clots
A/ L'unité de Rasis est limitée du côté occidental par une importante bande de gypses et cargneules qui détermine le col de Fromage, entre la Crête des Chambrettes à l'ouest et la Pointe de Rasis à l'est.
La coupe naturelle du col de Fromage, entre la Crête des Chambrettes à l'ouest et la Pointe de Rasis à l'est est orthogonale aux bandes de terrain de ce secteur. De prime abord elle semble montrer une simple série stratigraphique : en effet on y rencontre d'ouest en est les termes successifs d'une unité briançonnaise de type classique, depuis ses termes inférieurs permo-triasiques jusqu'aux plus élevés, triasico-jurassiques, tous à pendage vers l'ouest et disposés en succession renversée.
Toutefois les calcaires triasiques y sont remplacés par la large bande de gypses et de cargneules du col de Fromage (qui déterminent du côté nord le haut ravin de Riou Vert) et il s'avère que la succession est partagée en deux, de part et d'autre de cette bande gypseuse, dont l'épaisseur est d'ailleurs inhabituelle en domaine briançonnais :
- Du coté ouest le chaînon du Bois de Riou Vert, qui culmine à la crête des Balmettes, est clairement rapportable à l'Unité de la Chapelue, en raison de la continuité d'affleurements de ses termes siliceux (quartzites et Verrucano) jusqu'aux gorges du Guil (où cette unité est définie : voir la page "Dent de Ratier"). Mais la limite occidentale de la bande gypseuse coupe en oblique les termes les plus élevés de cette unité, Trias calcaire puis Jurassique et enfin Crétacé : ces derniers, absents au niveau du col, réapparaissent en effet à tour de rôle plus au nord, dans les pentes de Montbardon.
- Du côté oriental la bande gypso-cargneulique recouvre en fait du Trias moyen calcaire qui affleure un peu sous les cargneules au sud du col et surtout largement, du côté nord, dans les échines du Mont de Bramousse (au nord des alpages de Fontantie). Or on voit là que ce Trias représente de façon indéniable le soubassement renversé du Jurassique de la crête de Rasis et qu'il doit donc être rapporté, avec lui, à une "unité de Rasis" indépendante de celle de la Chapelue (il en est séparé par la bande gypseuse qui traverse le Guil en aval du Rocher de l'Ange Gardien : voir la page "Château-Queyras").
Cette bande de gypses et de cargneules de Fontantie et du col de Fromage a été interprétée par tous les auteurs comme représentant la semelle de charriage de l'unité de Rasis sur celle de la Chapelue (avant qu'elle ait été renversée vers l'est avec ces deux unités).
Mais elle coupe en biseau les couches de ces deux unités et elle se prolonge vers le sud (au sud-est de Ceillac) sous forme d'une cicatrice jalonnée de copeaux tectoniques qui incluent des lambeaux de caractéristiques ultra-briançonnaises (voir notamment la page "Rissace") : ces deux faits portent à considérer plutôt qu'elle jalonne un important accident tectonique, que l'on peut appeler la faille du col de Fromage et qui constitue la cassure la plus orientale du linéament du Briançonnais oriental (voir la page spéciale).
Dans cette hypothèse l'origine du matériel gypseux pourrait trouver une explication plus satisfaisante : il appartiendrait en fait au coussinet de charriage de l'unité d'Arvieux, ce que semble bien indiquer la continuité de ses affleurements avec ce dernier, dans le secteur de La Chapelue et de Beaubardon et le faible pendage de son contact sur l'unité de Rasis dans le secteur de Fontantie. Ce matériel n'aurait été pincé le long de la surface de cassure de la faille de Fromage qu'à l'occasion du jeu plus tardif de cette dernière ... |
B/ L'unité de la Roche des Clots est armée par les calcaires liasiques : ce sont plus précisément ces derniers qui forment la partie la plus acérée de l'arête en forme de crêt regardant vers l'est, qui court du nord (Serre des Vallonnets) au sud (La Rousse). elle couronne de ce côté les pentes de rive gauche de la vallée de l'Aigue Blanche en amont de son confluent avec l'Aigue Agnelle.
Au revers oriental de la crête les couches de cette unité reposent sur les schistes lustrés ligures de Saint-Véran, qui forment le bas de ce versant, par l'intermédiaire d'une lame de gypse épaisse de plusieurs dizaines de mètres : cette dernière court à flanc de versant depuis le niveau de la cabane du Puy, dans le ravin de Lamaron, au sud, jusqu'au col des Prés de Fromage, qu'elle détermine.
Les calcaires liasiques piémontais de la Roche des Clots constituent en apparence une simple barre dans une succession de couches parallèles superposées ; mais une observation attentive montre que cette barre est en réalité affectée de plis couchés multiples, à axe E-W (mais en l'absence d'indications complémentaires sur la polarité des couches, le sens de déversement de ces plis,vers le nord ou vers le sud, n'est toutefois pas déterminable.
L'abrupt oriental du sommet de la Rousse (2780), vu de l'est depuis Saint-Véran.(cliché original obligeamment communiqué par Mr. P. NICOLAS) La neige souligne les bancs, ce qui met en évidence leur reploiement complexe en plis couchés très aplatis. |
En fait les calcaires liasiques de cette longue barre de la Roche des Clots sont globalement en situation de cœur d'un pli couché, entre les couches jurassiques plus récentes (plus argilo-schisteuses). Ce style tectonique explique pourquoi ces couches réapparaissent de façon répétitive, à plusieurs niveaux dans la succession du versant est de la montagne, comme on le voit à l'extrémité sud de la crête principale, le long de la crête des Costes du Puy, au nord du vallon qui descend du col des Estronques (cliché ci-après).
L'unité de la crête des Clots se poursuit sur près de 10 km vers le sud : à la latitude du col des Estronques elle traverse la vallée du Cristillan pour former les basses pentes orientales de la crête de Beaubardon (voir la page "Rissace") et de la crête du Rissace. Là elle se termine en n'étant plus représentée que par ses calcschistes jurassiques qui s'intriquent en replis avec les schistes lustrés ligures : cela suggère que la barre des calcaires liasiques se ferme aussi par des replis anticlinaux dans cette direction et donc que les plis qui l'affectent dessineraient probablement un anticlinorium* déversé vers le sud. |
voir l'aperçu général sur le Queyras.
voir la carte structurale du Briançonnais méridional.
cartes géologiques au 1/50.000° à consulter : feuilles Guillestre et Aiguilles
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Bramousse |
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