Canaple, Montfromage, Girieux |
L'échine boisée qui s'intercale entre les sommets du Charmant Som et la Pinéa court du nord au sud depuis Canaple jusqu'au Montfromage en passant par la crête des Balmes de l'Air. Elle est constituée par les affleurements les plus méridionaux du domaine (à structure globalement anticlinale) de la Chartreuse médiane.
Elle sépare un versant oriental, parcouru par la route d'accès au Charmant Som, d'un vallonnement de Girieux, occidental qui se dessine à mi-pente du vallon de Tenaison et auquel on accède depuis Planfay par une route sylvo-pastorale dont l'accès est en grande partie interdit aux véhicules.
A/ la Crête de Canaple ferme du côté sud les pentes d'alpages du Charmant Som par un coude vers l'ouest que dessine la ligne faîtière à la butte rocheuse portant l'oratoire d'Orgeval (où passe la route sylvo-pastorale D57d du Charmant Som) pour se raccorder, par un tronçon en baïonnette à l'échine N-S menant à La Pinéa. Elle culmine à l'extrémité occidentale de ce tronçon avec un petit sommet, coté 1703 m., qui émerge à peine de la couverture forestière qui s'étend au delà en continu vers le sud).
Depuis ce rocher de Canaple on bénéficie d'un intéressant point de vue sur le versant sud-occidental du Charmant Som (analyse à la page "Charmant Som ouest"). |
Le secteur de Canaple se signale surtout par une particularité structurale remarquable, qui est de relever d'un style tectonique peu répandu dans les chaînons subalpins, savoir un dispositif d'écaillage*, c'est-à-dire mettant en jeu des surfaces de chevauchement imbriquées. Ici il s'agit du chevauchement, sur la voûte du dispositif anticlinal de Charmant Som, d'une "écaille de Canaple" dont on constate, dans le versant est de la montagne, qu'elle se dispose en imbrication sous le chevauchement de la Chartreuse orientale. Ce dispositif est est donc comparable en miniature à celui observé dans les pays de nappes de charriages. |
Le sommet de Canaple a la forme d'un pupitre boisé doucement incliné vers le sud-est, formé par une lame de terrains constituée d'Urgonien supérieur, de Lumachelle et de Sénonien, en succession normale et à l'endroit. Son rebord d'érosion surplombe du côté septentrional le cours supérieur du ruisseau du Fournel par les pentes boisées de Clos Colomb. Or c'est dans ce dernier, au pied de ces pentes, que les plis des alpages du Charmant Som (plus précisément la voûte urgonienne de l'anticlinal du Fournel, qui descend de l'échine de ce nom, et le cœur sénonien du synclinal des Haberts) s'enfoncent vers le sud, par "plongement axial". Cela les conduit de façon évidente à disparaître, en profondeur, en passant nettement sous la partie E-W de la crête de Canaple.
Le cliché ci-dessus montre la coupe naturelle de cette structure qu'offre la vue que l'on en a depuis les pentes du Charmant Som en regardant vers le sud. En effet la situation de ce point d'observation est favorable à cette analyse, du fait que toutes les structures s'enfoncent vers le sud, et qu'elles le font avec une pente proche de celle du regard porté depuis ce point. Comme l'altitude de la crête s'abaisse moins vite on s'élève dans l'édifice structural lorsqu'on parcourt du regard cette crête depuis le nord vers le sud. |
Coupe interprétative concernant la partie basse de la photo : l'orientation, ouest à droite, est choisie pour être la même que sur la photo. Ø = chevauchement de la Chartreuse orientale ; ØC = chevauchement de l'écaille de Canaple. (commentaires explicatifs dans le texte ci-après) |
Le fait que la lame d'Urgonien de Canaple coiffe le Sénonien du Charmant Som et repose en chevauchement lui est même démontré, sur le versant sud, à la faveur d'une petite "fenêtre"* qui perce la lame urgonienne : celle-ci, de diamètre hectométrique est traversée par la piste forestière qui mène, depuis le 4° lacet de la route D57d, jusqu'au sommet du télésiège situé sur l'échine sud de Canaple (voir la page "Orgeval").
L'inclinaison, vers la gauche, de la surface du chevauchement de Canaple (ØC) correspond pour une large part au plongement axial, vers le sud, qui affecte toutes les structures de ce secteur. Il aurait fallu nettoyer la surface des affleurements du compartiment chevauché pour mettre en évidence les fins détails qui sont représentés sur le schéma ci-après. |
schéma interprétatif : La surface basale de la lame urgonienne () est très plane et porte des stries N130. Juste dessous on trouve des copeaux de Lumachelle épais de quelques décimètres et de section triangulaire : ils sont en fait coupés en biseau par des failles secondaires, branchées sous la surface de chevauchement (failles "de Riedel''). NB. : depuis 2012 cet affleurement n'est plus observable, par suite de l'éboulement d'un pan de quelques mètres à partir de l’Urgonien de son toit et d'une invasion consécutive par la végétation : il reste à espérer que les services de l'O.N.F. ou du Parc de Chartreuse auront les moyens et l'occasion de le rafraîchir .. |
Si on suit vers l'est la lame d'Urgonien qui constitue l'écaille de Canaple on constate, aux abords sud de l'oratoire d'Orgeval, qu'elle se rattache là, par continuité d'affleurements, à l'Urgonien supérieur du flanc est de l'anticlinal du Charmant Som. Ce paradoxe apparent trouve son explication dans l'étude de ce secteur (voir la page "Orgeval") et plus au nord, de celui du Charmant Som même : elle montre que c'est la rupture, par une faille inverse*, des couches supérieures de la voûte de ce pli, qui a permis à cette dalle rocheuse de s'avancer par dessus le flanc ouest de cet anticlinal et même, à Canaple, par dessus le synclinal des Haberts et l'anticlinal du Fournel. Ce faisant, la lame chevauchante ainsi détachée a rebroussé en crochon les couches du bord oriental du flanc est du synclinal des Haberts, occasionnant un renversement de ces couches, ce qui est bien observable à l'oratoire d'Orgeval même.
figure plus grande (page nouvelle) |
Individualisation progressive de l'écaille de Canaple. Le décollement progressif de l'écaille, aux dépens du flanc E de l'anticlinal du Charmant Som, s'accentue du nord au sud depuis le Charmant Som (où l'on ne rencontre que de modestes ébauches de chevauchement vers l'ouest de l'Urgonien supérieur), en passant par le parking 1634 (de l'oratoire d'Orgeval), où le crochon est déjà amplement dessiné. Ces schémas mettent en évidence le rôle de l'"entraînement", sous l'effet de l'avancée du chevauchement de la Chartreuse orientale, qui est probablement à l'origine du décollement de l'écaille. L'ordre de numérotation de ces coupes évoque
le fait qu'elles récapitulent sans doute aussi les étapes
chronologiques qui se sont succédées lorsque l'écaille
a progressé. |
Le passage entre le stade 2 et le stade 3, c'est-à-dire le début du chevauchement de l'Urgonien supérieur décollé, se manifeste sur la crête entre antécime et oratoire, donc aux alentours de la butte cotée 1676. Or c'est à peu près en ce point aussi qu'aboutit l'extrémité SW du décrochement de Maubouchet (voir la page "Versant est"). Le resserrement de la charnière de l'anticlinal que l’amortissement de ce décrochement a infligé là à sa lèvre méridionale peut donc apparaître comme une cause vraisemblable de la rupture et du départ en chevauchement de la dalle de l'Urgonien supérieur. |
C'est très vraisemblablement par un "effet d'entraînement" sous l'avancée du chevauchement de la Chartreuse orientale que l'écaille de Canaple a été ainsi décollée (au niveau des couches à Orbitolines) et entraînée vers l'ouest. D'autre part le fait que la surface de chevauchement sectionne le Sénonien de la voûte de l'anticlinal du Fournel montre que ce chevauchement a fonctionné alors que les plis de l'anticlinal médian chartreux étaient déjà dessinés.
B/ Au sud du sommet de Canaple la crête boisée se poursuit jusqu'au Montfromage en suivant le dos de la barre urgonienne qui constitue l'essentiel de l'écaille de Canaple : souvent garnie de Lumachelle sur son versant est se dénude, au belvédère des Balmes de l'Air en dalles structurales urgoniennes du fait qu'elles y sont dénudées par l'entaille remontante de la ravine qui descend au nord-est du sommet du Montfromage (et que traverse la route pastorale au tournant rentrant 1374).
Entre les Balmes de l'Air et le sommet du Montfromage la crête se coiffe en outre de Sénonien inférieur. Mais dès le sommet même de cette butte ces couches sont tranchées par le décrochement du Montfromage, orienté NE-SW, dont la lèvre SE est formée par des calcaires du Fontanil : ceux-ci appartiennent en fait à la succession de la Chartreuse orientale dont la surface de chevauchement est décalée dans le sens dextre.
Du côté est du sommet du Montfromage les calcaires du Fontanil arment l'arête boisée bordant la ravine orientale des Balmes de l'Air, dans le Sénonien de la lèvre NW du décrochement. Le décalage du tracé du chevauchement, mesuré à altitude identique depuis le versant oriental de la crête jusqu'à son versant occidental est de plus de 1 km. |
Au sud du sommet du Montfromage ces calcaires du Fontanil forment la crête jusqu'au collet 1603 ; au delà ils s'abaissent dans le versant ouest et le traversent ainsi jusqu'en contrebas de La Pinéa (voir détails plus loin dans cette page).
C/ Le versant occidental (pentes de Girieux)
À l'opposé, tout du long de son versant occidental, l'écaille d'Urgonien de Canaple repose par le jeu de son chevauchement sur le Sénonien qui affleure peu en contrebas dans les pentes boisées qui descendent vers le replat de Girieux. Ses couches, d'ailleurs replissées, y montrent une disposition anticlinale conforme au fait qu'elles prolongent à flanc de pente celles du flanc occidental de l'anticlinal du Fournel c'est-à-dire le pli le plus occidental rattachable à la Chartreuse médiane et que la faille du Grand Poyat disparaît sous le chevauchement à la latitude nord des Balmes de l'Air (voir la page "Charmant Som ouest").
La lame urgonienne de l'écaille de Canaple est également sectionnée et fortement abaissée dans le versant occidental par le décrochement du Montfromage. C'est ce dernier qui détermine le vallon qui descend sous le Montvernet vers Girieux et qui permet ainsi au sentier Vermorel (qui accède à la Pinéa par le versant NW sous son sommet) de ne pas rencontrer cette lame d'Urgonien car il la rompt en extension.
Le sentier Vermorel quitte les molasses du fond du petit vallon de Montvernet pour s’élever à flanc de versant vers le sud en suivant pratiquement le toit de l'écaille de Canaple (à la limite entre Lumachelle de cette dernière et calcaires du Fontanil de la semelle du chevauchement de la Chartreuse orientale). Puis il franchit l'épaisseur des calcaires du Fontanil en décrivant quelques lacets, avant de traverser vers l'est l'Hauterivien jusqu'à rejoindre l'extrémité nord des affleurements urgoniens du sommet. |
Mais on la retrouve au sud de ce vallon où les affleurements de l'écaille de Canaple se poursuivent sous la forme de la barre rocheuse inférieure, urgonienne, des escarpement du socle de la Pinéa. La falaise urgonienne y dessine un net saillant vers l'ouest, qui correspond sans doute d'assez près au miroir de faille car des couches de molasse presque verticales affleurent jusqu'à proximité de son pied. C'est le décalage dû au décrochement qui explique ce fait que l'écaille de Canaple repose directement sur le contenu miocène du synclinal de Girieux. et que le Sénonien de l'anticlinal du Fournel disparaisse, son prolongement passant sans doute sous le chapeau chevauchant de La Pinéa.
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La falaise inférieure du versant occidental de la crête de la Pinéa est donc constituée par la lame urgonienne (disposée à l'endroit) de l'écaille de Canaple. Celle-ci se prolonge encore au sud de la ravine de Léra, au pied du rocher 1235 en rive gauche du haut Ruisseau d'Abos : le ressaut d'Urgonien qui s'intercale là entre calcaires du Fontanil chevauchants et molasse chevauchée en est le dernier affleurement bien visible (voir la page "Pinéa").
D/ Entre la crête de Canaple et le vallon de Tenaison
En contrebas ouest de la crête Canaple - Mont Fromage le replat de Girieux se situe à l'extrémité méridionale d'une zone de replats boisés, fortement surélevés par rapport au vallon de Tenaison qu'elle domine par des escarpements boisés : elle s'étend depuis l'est du Col de la Charmette, par Les Plats et Le Bois Courot, jusqu'à la prairie de Girieux.
Cet accident topographique découle d'une modification tectonique qui est l'apparition, au coeur de cette partie septentrionale du synclinal de Proveysieux, d'un repli qui est constitué par l'association d'un synclinal de Girieux et d'un anticlinal du Mont Rachais (voir la carte en fin de page) et dont l'extension longitudinale apparaît limitée à ce domaine latitudinaire.
L'anticlinal du Rachais prend naissance peu au nord de Planfay (voir la page "Proveysieux") sous l'aspect d'une voûte anticlinale de calcaires sénoniens dont l'axe s'élève rapidement vers le nord ; mais cette voûte se couche à l'horizontale au nord du point coté 1206 de l'échine rocheuse boisée du Mont Rachais, à partir duquel cet anticlinal prend la forme d'un pli en genou déjeté vers l'ouest. Les calcaires sénoniens de cette voûte se prolongent vers le nord, avec la même disposition, par l'épaulement boisé du Bois Chourot puis, à la latitude de Canaple par celui des Plats.
À l'est de l'anticlinal du Mont Rachais le Tertiaire est conservé dans un synclinal de Girieux qui est au contraire assez ouvert et dont la route forestière qui permet de gagner depuis Planfay la prairie de Girieux donne une coupe oblique : on y voit que le Miocène y repose sur le Sénonien par l'intermédiaire de marnes oligocènes. Vers le nord on observe des affleurements miocènes jalonnant ce pli et en montrant la charnière jusque dans le ravin nord du Bois Chourot.
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Vers le sud-est il est à remarquer que les couches du flanc oriental de ce synclinal (partout verticales ou très redressées) ne sont nullement affectées par le décrochement de Léra qui affecte le chevauchement. En fait depuis leurs affleurements septentrionaux du pied du sentier Vermorel en passant par la butte de Mollaret jusqu'à ceux de Trépaloup en rive droite de la Vence (voir la page "Proveysieux") ses conglomérats de base se poursuivent imperturbablement selon la direction N.30. De plus aucune trace d'affleurement de Sénonien ne s'y rencontre sous la surface du chevauchement de la Chartreuse orientale. Cela souligne à tout le moins l'importance du rejet du décrochement du Montfromage qui marque la limite nord de cette disposition.
si vous avez envie d'explorer plus en détail ce secteur vous pouvez aussi consulter les pages suivantes :
carte géologique détaillée du chaînon du Charmant Som | ||
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Carte géologique du secteur de la PinéaLes dépôts quaternaires sont supposés enlevés. Les flèches indiquent le sens du plongement axial des plis. voir la carte géologique du secteur situé immédiatement plus au nord (environs du Charmant Som). |
Ce secteur est visité par les itinéraires du fascicule n°1H
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LOCALITÉS VOISINES |
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Canaple |
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