La Pinéa |
Le petit sommet de La Pinéa, qui culmine à 1771 m, est un piton rocheux coiffant l'extrémité méridionale de la voûte du chaînon du Charmant Som avant qu'elle s'abaisse vers le lit de la Vence. Il se reconnaît aisément, aussi bien quand on le voit du nord que du sud, par sa forme en croc qui résulte de ce qu'il est constitué par un petit panneau d'Urgonien incliné vers l'est, dont l'abrupt principal regarde vers le nord-ouest. Cette butte témoin d'Urgonien, préservée par l'érosion (alors que, tout autour, cette dernière a en général mis à nu les calcaires du Fontanil), correspond typiquement à ce que l'on appelle un "volet" synclinal. À ce titre il apparaît dans le paysage, par son inclinaison opposée, comme le symétrique de celui, plus volumineux, de Chamechaude.
Toutefois il n'appartient pas à un même pli mais à un synclinal de La Pinéa distinct, qui est séparé de Chamechaude par l'anticlinal de l'Écoutoux. Ce pli, le plus occidental à cette latitude de la Chartreuse orientale, est plutôt déjeté vers l'est ; la dissymétrie de son dessin au niveau de l'Urgonien vient de ce que sa charnière est rompue, sur la crête entre col de Porte et Pinéa, par une faille de Mauvernay occidentale, orientée N-S, qui suit le pied du volet urgonien et l'abaisse par rapport à l'Hauterivien de sa lèvre orientale.
C'est par une simplification sans doute un peu excessive que j'ai parfois désigné précédemment, dans les pages de geol-alp, le synclinal de la Pinéa sous le nom de synclinal du Néron. Si son rôle dans le relief est comparable de celui du Néron le synclinal de la Pinéa en différe néanmoins par le fait que les "volets " urgoniens que l'érosion a respecté de ces deux plis ont une disposition opposée, pentée vers l'est pour la Pinéa et vers l'ouest pour le Néron. |
A/ Au nord du sommet c'est à peu près à la charnière du synclinal de la Pinéa qu'appartiennent les calcaires du Fontanil qui forment la crête boisée du Montfromage, et ce jusqu'à l'orée de la prairie sommitale. Mais ils butent, très précisément là, contre le Sénonien de l'écaille de Canaple qui forme le soubassement de cette prairie : ce pli y est donc, à son tour, tranché en biseau par le chevauchement de la Chartreuse orientale.
Dans les pentes orientales du Mont Fromage, que traverse à mi-pente la route du Charmant Som entre le col de Porte et son tournant coté 1442 (voir la page "route pastorale"), il est difficile de suivre, en raison du couvert forestier, les accidents qui sont également observables sur la crête orientale, boisée, qui descend de la Pinéa, par la bosse de l'Husclas, jusqu'au col de Porte. Néanmoins les inversions de sens de pendage permettent d'y localiser au moins deux autres replis, anticlinal puis synclinal (d'ailleurs recoupés par deux failles presque N-S) : ils s'agit probablement des prolongements septentrionaux des replis de même style observables plus au sud à Sarcenas (voir la page "Quaix"). En tous cas eux aussi sont tranché en biseau du côté nord par le tracé du chevauchement de la Chartreuse orientale dans sa portion qui traverse en oblique les pentes à l'ouest du ruisseau que traverse le pont des Cottaves (voir la page "Col de Porte").
B/ Le versant sud de la Pinéa est également affecté par diverses complications, d'ailleurs souvent difficiles à voir en raison du couvert forestier : en premier lieu la crête méridionale est traversée par un décrochement de Léra qui passe immédiatement à l'extrémité sud de l'arête rocheuse sommitale de la Pinéa : il limite ses affleurements d'Urgonien et décale dans le sens dextre les autres cassures, orientées N-S. Ces dernières, au nombre de deux, ont des pendages sub-verticaux et sont donc sans doute de type extensif : elles se manifestent sur l'échine orientale, de Montvernet en dénivelant la limite entre Hauterivien et calcaires du Fontanil. En raison de son sens de rejet, c'est vraisemblablement le prolongement de la plus orientale qui dénivelle la barre des calcaires du Fontanil au revers est de l'éperon sud de la montagne.
Le pied de la montagne est entaillé par l'entonnoir de réception du torrent du Rivet qui montre clairement le détail de la structure au niveau de l'abrupt de Roches, entaillé dans les calcaires du Fontanil.
Le versant méridional de la Pinéa (haut vallon du Rivet), vu du sud, depuis le sommet du Rachais. d.L = décrochement de Léra ; d.S = décrochement des Salanches ; f.pQ = faille des Prés de Quaix ; s.Pi = synclinal de la Pinéa ; f.MW = faille de Montvernet occidentale ; f.ME = faille de Montvernet orientale. s.mS (en bleu pâle) = grand synclinal "médio-subalpin" (orienté N45 il recoupe les autres plis en oblique). |
On y voit que le synclinal de la Pinéa appartient en fait à un couple de plis en genou* déversé vers l'est, dont le flanc intermédiaire (mitoyen de ses deux plis) est rompu par une "faille des Près de Quaix". Celle-ci, fortement pentée vers l'ouest, manifeste un rejet de soulévement de sa lèvre ouest, anticlinale, par rapport à sa lèvre est, synclinale, mais son fort pendage par rapport aux couches (qu'elle coupe presque orthogonalement) interdit de la considérer comme générée par une compression dans le plan de celles-ci.
L'analyse (ci-dessus) de ce dispositif suggère des commentaires de plusieurs ordres :
1 - Ses particularités sont tout-à-fait inhabituelles par rapport à celles des autres plis tant pour son dessin très ouvert et le partage de la faille en plusieurs cassures légèrement espacées que pour son déversement "rétroverse" : ces traits portent à penser qu'il s'agit d'une faille originellement extensive qui a été basculée, avec ses deux crochons, dans le sens horaire (ce qui lui confère apparemment une vergence est) . 2 - Sa situation est en outre exceptionnelle en ceci que l'on se trouve ici à peu près sur le tracé du grand synclinal méso-subalpin. Plus précisément ce basculement qui accroît les pendages vers l'est semble indiquer que l'on se trouve déjà dans le flanc occidental de ce grand pli, ce qui est en accord avec le tracé cartographique putatif que la vue d'ensemble des massifs subalpins septentrionaux conduit à lui attribuer (voir la page "chaînes subalpines"). 3 - Pour l'essentiel de son dessin cette structure est très similaire à celle de la Draye Blache et de la grotte Vallier qui affectent le versant oriental du Moucherotte (massif du Vercors). De plus leur contexte structural est remarquablement comparable : dans les deux cas on se trouve au revers de la structure anticlinale qui borde le grand chevauchement de la Chartreuse orientale. |
C/ Le versant occidental de la crête de la Pinéa tombe par de raides pentes boisées sur le vallon de Planfay (voir la page "Girieux"). La partie raide du versant appartient à la Chartreuse orientale, mais le vallonnement qu'elle domine est déterminé par les molasses du synclinal de Proveysieux, qui appartient pourtant déjà au domaine chartreux occidental.
On assiste donc, dès la latitude de la Pinéa, à la disparition de l'anticlinal de la Chartreuse médiane, dont la voûte de Sénonien est débordée, plus au sud, par l'avancée relative du front du chevauchement de la Chartreuse. orientale.
On ne peut pas attribuer cette disparition à
un simple enfoncement "en tunnel" de cette voûte de pli sous ce chevauchement car la lame de Sénonien supérieur de son flanc ouest se prolonge vers le sud (en tant que flanc oriental du synclinal de Proveysieux) jusque et au delà du talweg de la Vence, directement sous les calcaires du Fontanil chevauchants. Il faut donc en conclure que ce grand pli subit là un sectionnement en biseau, similaire à celui qui affecte les plis de la tranche de roches chevauchante. |
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Ce secteur est visité par le fascicule n°1T des itinéraires d'excursions.
Carte géologique du secteur de la PinéaLes dépôts quaternaires sont supposés enlevés voir la carte géologique du secteur situé immédiatement plus au nord (environs du Charmant Som). |
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(fond topographique d'après la carte IGN au 1/100.000°) |
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Girieux |
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Pinéa |
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