Le Dôme de Remollon


On désigne sous le nom de Dôme de Remollon un vaste bombement anticlinal que l'érosion a splendidement mis en relief et qui couvre les montagnes qui s'étendent au sud-est de Gap, jusqu'au delà de la partie E-W de la vallée de la Durance. Il fait affleurer des couches qui vont du Jurassique moyen au Trias selon une disposition dont la vallée de la Durance donne, entre Tallard et Serre-Ponçon, une coupe naturelle splendide (voir ci-après) mais incomplètement représentative.

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d'après une image extraite de "google-earth"
Le Dôme de Remollon et ses abords : vue générale depuis le N-NE
On n'a figuré que les très grandes lignes de l'organisation structurale :
- en bleu pâle la limite entre le Dôme de Remollon et le sillon de Gap ( = base des Terres Noires) ;
- en bleu foncé la limite inférieur des calcaires lités du Bajocien :
- en violet la limite entre le Lias inférieur calcaire et les alternances calcaréo-marneuses du Lias supérieur er du Jurassique moyen ;
- en rouge la limite Lias- Trias
- en rose la limite entre les terrains charriés de la nappe de Digne et leur autochtone des chaînons au NE de Sisteron.
- les failles (très incomplètement représentées) sont en blanc.

Dans le détail ce bombement est accidenté par un certain nombre de fractures qui s'y entrecroisent : ce sont pour beaucoup des cassures extensives, certaines de rejet pluri-hectométrique, comme celles délimitant le système de horst* et graben* de la vallée de l'Avance, qui ont sans doute aussi une composante de coulissement (voir plus de développements à la page "failles du Dôme de Remollon").

Carte géologique simplifiée du Dôme de Remollon (partie septentrionale, en rive droite de la Durance)
redessinée sur la base de la carte géologique d'ensemble des Alpes occidentales, du Léman à Digne, au 1/250.000°", par M.Gidon (1977), publication n° 074
catalogue des autres cartes de la section Gap-Digne


version plus grande de cette image
Deux coupes au travers du Dôme de Remollon
A / dans sa partie septentrionale, entre Gap et Serre Ponçon ; B/ au sud, le long du cours de la Durance.
Le Dôme de Remollon est fondamentalement constitué (comme l'indique l'orientation de sa schistosité) par un pli d'axe NW-SE, l'anticlinal occidental de Remollon, dont l'axe passe par Le Laus et par Gap et plonge de plus en plus vers le NW.
Ce plongement est dû à ce que ce pli a été déformé ultérieurement par un autre anticlinal, N-S celui-là, l'anticlinal oriental, d'Espinasses, dont l'axe passe à peu près par La Bâtie-Neuve. Ce dernier est le seul qui soit visible sur les coupes ci-dessus, du fait de leur orientation presque axiale (surtout pour la coupe A) par rapport à l'anticlinal occidental de Remollon.
(pour plus de détail se reporter aux publications113 et 183).
f.R = faille de Remollon ; f.T = faille de Théus ; f.V = faille de la Viste ; f.C = faille de Chorges (toutes ces failles majeures sont extensives, avec un compartiment oriental abaissé) ; f.T = faille de Théus (cette faille, également extensive, appartient à la famille conjuguée* par rapport aux précédentes).


Les couches du Dôme de Remollon s'enfoncent vers le nord sous celles du Jurassique supérieur qui forment le rebord subalpin au niveau de Gap. Cette ville s'est en effet abritée au creux du sillon de Gap, lequel est ouvert dans les Terres Noires de la périphérie septentrionale du dôme et représente donc l'équivalent le plus méridional du sillon subalpin tel qu'il est défini dans les massifs subalpins septentrionaux.

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L'extrémité nord-ouest du Dôme de Remollon et la ville Gap vues d'avion, du nord-est, depuis l'aplomb de Petit Larra (vallée de la Luye en amont de Gap).
a.R = anticlinal occidental de Remollon (on perçoit bien le plongement  de son axe vers le nord-ouest) ; f.F = faille des Fauvins (à rejet* cartographique dextre.
Tn Bj.s = niveaux inférieurs des Terres Noires, d'âge Bajocien supérieur ; Bj.i = cuesta des calcaires argileux lités du Bajocien inférieur ; Aal. sup. = combe des marnes de l'Aalénien supérieur.



Le relief du Dôme de Remollon se caractérise par le fait que l'érosion y a largement crevé les couches marno-calcaires du Jurassique moyen et a découpé les couches sous jacentes en mettant en relief les plus calcaires (plus résistantes) : elles forment une série de cuestas concentriques dont le regard est tourné vers le cœur du Dôme. Celui-ci montre du Trias et même du socle cristallin d'une part dans la vallée de la Durance autour de Remollon et d'autre part plus au nord, dans la vallée de l'Avance, entre le Laus et Avançon. En définitive cette disposition évoque fortement celle des écailles d'un oignon tranché par le couteau du cuisinier.

En fait le dôme de Remollon est constitué de deux parties, séparées par une ligne de dislocation, majeure mais complexe, l'accident de l'Avance, qui est constitué par un faisceau de failles dont les plus importantes sont la faille de la Bâtie Neuve et celle de Remollon (cf. la vue d'ensemble ci-dessus).

 La partie occidentale du Dôme de Remollon, à l'ouest de cette localité et de la vallée de l'Avance, est caractérisée par le fait que les couches du Lias et du Dogger affectent, au sud-est de Gap, une disposition périclinale*, en plongeant de façon rayonnante, autour d'un noyau surélevé de Lias calcaire qui culmine au Puy Cervier.
Cette disposition est soulignée morphologiquement par le dessin arqué du sillon de Gap, ouvert dans l'enveloppe de Terres Noires qui ceinture le dôme. Elle correspond à un ample anticlinal de Remollon occidental, très ouvert, dont l'axe est orienté N 130 (comme l'indique la direction de la schistosité) et plonge vers le nord-ouest.

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La partie nord-occidentale du Dôme de Remollon vue du sud, d'avion depuis l'aplomb de Venterol.
a.R = anticlinal occidental de Remollon : on a indiqué le plongement vers le nord-ouest de son axe ; le Lias calcaire du coeur du pli est visible au Puy Cervier, à l'extrémité droite du cliché.
f.F = faille des Fauvins (compartiment oriental abaissé) ; f.Ra = faille de Rambaud (compartiment méridional abaissé) ; f.Re = faille de Remollon (compartiment oriental abaissé).


 La partie orientale du Dôme de Remollon, à l'est de Remollon et de la vallée de l'Avance, semble de prime abord constituer le flanc oriental de l'anticlinal de Remollon proprement dit ; mais en réalité les cuestas du Jurassique s'avèrent être enroulées par un anticlinal grossièrement parallèle, plongeant vers le nord, dont le cœur triasique se situe aux abords d'Espinasses. L'axe de cet anticlinal d'Espinasses (= anticlinal de Remollon oriental) est pratiquement N-S, comme le souligne le fait qu'il se prolonge au sud de la Durance en conservant une voûte orientée selon cet azimut au moins jusqu'aux abords de Seyne-les-Alpes.
Une interprétation plausible consiste à considérer que ce pli correspond au prolongement originel de la partie sud-orientale de l'anticlinal occidental (de Remollon proprement dit), mais qu'il a été déformé à la faveur du jeu de l'accident de l'Avance. Cette déformation consisterait essentiellement en un pivotement dans le sens horaire associé à une translation pluri-kilométrique vers le sud-ouest : elle se serait produite lors d'une phase tardive qui est vraisemblablement rapportable à la mise en place des nappes de 1'Embrunais et au charriage consécutif de la nappe de Digne (voir la page consacrée à l'ensemble de cette entité tectonique).

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Le dôme de Remollon et la retenue de Serre Ponçon vus du sud, d'avion, depuis l'aplomb des abords ouest de Saint-Jean - Montclar.
Le repère le plus visible dans la série stratigraphique du dôme est la corniche rousse des calcaires du Toarcien inférieur (tirets orangés), qui forme notamment son point culminant, le Mont Colombis.
Les grosses flèches indiquent le plongement de la voûte de l'anticlinald'Espinasses vers le NW (sous le Dévoluy occidental) comme vers le SE.
Entre les reliefs du Dévoluy et ceux du Pelvoux, s'ouvre en arrière-plan la vallée du Champsaur, qui se connecte au sillon des Terres Noires de Gap (non désigné mais bien visible au pied de ces massifs).
f.V = faille de la Viste (les autres failles n'ont pas été indiquées, à la fois dans un but de simplification et parce que leur orientation les rend difficile à suivre, sous cet angle perspectif)


À l'ouest du Dôme de Remollon les couches décrivent un pli d'ampleur comparable, le synclinal de Tallard, de direction axiale NW-SE (donc sensiblement parallèle à celle de l'anticlinal occidental de Remollon). Ce vaste pli s'avère représenter le prolongement méridional du grand synclinal N-S du Dévoluy (et donc, par conséquent, du remplissage de l'hémigraben de la Matheysine). Son flanc ouest est rompu par une importante faille inverse (dont le pendage est d'ailleurs assez fort), le chevauchement de Céüse - La Saulce. Cette dernière se prolonge vers le nord par le chevauchement médian du Dévoluy et vers le sud se raccorde à la surface principale de chevauchement  de la nappe de Digne.

On peut s'interroger sur l'éventualité d'un prolongement, jusqu'à cette latitude, de l'accident médian de Belledonne, au niveau du Jurassique inférieur et du socle cristallin, puisque cette paléofaille jurassique marque la limite occidentale de l'hémigraben de la Matheysine en séparant les faciès liasiques épais de cet hémigraben de ceux, réduits, du "dôme de la Mure", comme le fait ici la front de la nappe de Digne.
En effet cette cassure disparaît, cachetée par la sédimentation jurassique, au sud-ouest de La Mure, alors que son azimut s'y est déjà infléchi jusqu'à être N-S, ce qui la fait se diriger grossièrement dans la direction voulue pour passer aux abords de La Saulce. Il est donc très séduisant d'envisager que ce soit cette paléofaille qui ait originellement déterminé, à la latitude de la Durance, la limite entre les faciès réduits du Lias "autochtone" et les faciès épais du Lias de la nappe de Digne. On peut dès lors penser que c'est elle qui a ensuite servi d'amorce, par un phénomène d' "inversion tectonique", pour déclencher la mise en mouvement de cette nappe : c'est l'hypothèse retenue dans la publication n° 183 , et qui y est notamment illustrée par la figure 20 (sans, toutefois, que la paléofaille invoquée y soit assimilée au prolongement méridional de l'accident médian de Belledonne).

En raison de la présence d'affleurements de socle cristallin au coeur du Dôme de Remollon (à Remollon même et à Chaussetive), on a longtemps considéré qu'il s'agissait d'un bombement autochtone, comparable, en moins saillant, aux massifs du Pelvoux et de l'Argentera-Mercantour. Diverses considérations (cf publication n° 068) portent à penser, au contraire, que ce bombement fait partie d'un ensemble charrié, celui de la nappe de Digne. Dans cette perspective, diverses hypothèses peuvent être envisagées en ce qui concerne la structure profonde du Dôme et ses rapports avec les secteurs plus occidentaux.

Trois hypothèses sur la structure profonde du Dôme de Remollon et de ses alentours

Comment peut-on concilier l'apparition du socle cristallin au coeur du Dôme et l'existence, à peu de distance de là, de chevauchements qui semblent ne concerner que sa couverture stratigraphique ?
Une réponse (provisoire...!), s'apparentant à la fois aux hypothèses 2 et 3, a été donnée dans la publication183, et résumée dans ses figures 19 et 20.

 

voir des compléments et des développements supplémentaires, concernant surtout les prolongements méridionaux des structures associées au Dôme de Remollon, dans la page Baronnies orientales et dans la publication183

En périphérie du dôme de Remollon les pentes extérieures du sillon de Gap supportent, au nord-ouest de cette ville, les crêtes les plus méridionales du Dévoluy et, au nord-est, celles de l'Embrunais occidental (massif de Piolit). On n'y décèle guère de dislocations tectoniques, mais ceci découle en grande partie de la pauvreté des affleurements, qui sont trop souvent masqués sous des formations quaternaires.

En particulier il n'y a aucun indice, dans le secteur du seuil du col Bayard, du passage d'un prolongement vers le sud-ouest de la grande faille de Méollion : son tracé se perd au sud de Pont-du-Fossé mais il devrait aboutir assez précisément aux abords du col de Manse.
Toutefois on doit observer que c'est précisément à cet endroit que la succession se montre redoublée par le chevauchement de La Rochette. Or ce dernier a un rejet à vergence sud-ouest et il est donc susceptible d'absorber une bonne partie du mouvement du compartiment sud-est de la faille de Méollion, dont le dépacement relatif se fait bien dans cette direction ; d'autre part le tracé de la surface de ce chevauchement traverse le versant nord du sillon de Gap approximativement en direction de La Bâtie Neuve : elle doit donc y rencontrer le prolongement septentrional de la faille de La Bâtie Neuve qui limite du côté ouest le graben de l'Avance et qui montre aussi un rejet cartographique dextre.
On peut donc penser que la faille de Méollion se convertit en un chevauchement aux abords du col de Manse et que son rejet dextre se transfère, par cet intermédiaire, dans celui de la faille de La Bâtie Neuve : cette interprétation a l'avantage de permettre de comprendre pourquoi l'on ne trouve pas de prolongement de cette faille sur le versant gapençais du seuil de Bayard.


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Bochaine oriental
Champsaur
Champoléon
Bochaine méridional
secteurs voisins
Embrunais
Dépression de Laragne
chaînons au NE de Sisteron
Basse Ubaye
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