L'Embrunais |
Dans la région d'Embrun la vallée de la Durance a percé une fenêtre* à travers l'empilement de nappes qui recouvre les terrains autochtones de la zone dauphinoise. En fait il s'agit d'une demi-fenêtre qui est ouverte vers l'aval, car les affleurements du substratum autochtone qui affleurent en fond de vallée s'y prolongent en continu, vers l'ouest, avec ceux du Gapençais oriental (aux environs de Savines).
L'autochtone est formé presque uniquement par les Terres Noires du Jurassique supérieur (au sein desquelles percent toutefois deux pointements anticlinaux de Jurassique moyen). Tous les terrains plus récents ont subi une ablation (sans doute par érosion à l'air libre) avant l'arrivée des nappes d'origine interne* : il faut aller plus au nord, sur les flancs méridionaux du massif cristallin du Pelvoux, ou plus au sud, au delà des crêtes limitant dans cette direction le bassin hydrographique de l'Ubaye, pour retrouver ces terrains plus récents, crétacés et surtout Nummulitiques (grès du Champsaur et d'Annot).
On est donc conduit à conclure que le lobe de matériel charrié de l'Embrunais - Basse Ubaye, qui a envahi l'espace compris entre les bombements actuels des massifs cristallins du Pelvoux et de l'Argentera, y a été guidé par l'existence d'une large dépression créée par le déblaiement d'un bon millier de mètres d'épaisseur de roche ; le processus et les circonstances exactes de ce phénomène sont encore assez largement conjecturaux (voir à ce sujet la page consacrée au soubassement des nappes de l'Embrunais-Ubaye). |
Les terrains charriés sont constitués par l'empilement de quatre tranches superposées, qui correspondent chacune (schématiquement) à une nappe de charriage : cet empilement est particulièrement bien lisible dans la coupe naturelle du versant sud du chaînon de Piolit - Chabrières :
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Les quatre termes de cet empilement sont de bas en haut :
1 - la nappe de flysch à Helminthoïdes de l'Autapie, qui est exclusivement représentée en bordure nord-occidentale de la demi-fenêtre, dans le soubassement du massif de Piolit ; son matériel y affecte la forme d'un coin qui disparaît rapidement en direction de l'est, où il se biseaute entre l'autochtone et les nappes supérieures ;
2 -
un coussin presque continu de matériel sub-briançonnais, qui est d'ailleurs représenté très différemment d'ouest en est :
. du côté ouest on y trouve une succession typiquement subbriançonnaise "de sillon" allant, sans lacunes, du Trias supérieur au Crétacé. Elle forme au nord le massif de Piolit et au sud le chaînon du Morgon ; dans les deux cas, elle y est reployée de façon complexe ;
. dans la partie orientale de la fenêtre (à l'est de Savines) on lui rapporte seulement quelques affleurements de calcschistes du Crétacé supérieur ou de Jurassique moyen et surtout une lame assez épaise de flysch noir éocène (= unité subbriançonnaise basale) ;
3 - un chapelet très discontinu de blocs-klippes* de matériel briançonnais, reconnaissable à ses calcaires et dolomies du Trias moyen et accessoirement à ses lacunes de sa succession jurassique et éo-crétacée ; ils forment surtout, du côté nord de la demi-fenêtre, les sommets de La Pousterle et du Pic de Chabrières ;
4 - la nappe de flysch à Helminthoïdes du Parpaillon, largement représentée dans tout le pourtour oriental de la demi-fenêtre (à l'est de Savines) ; plus à l'ouest elle a été de plus en plus largement décapée par l'érosion et elle n'y subsiste finalement que sous forme de lambeaux résiduels posés en chapeau sur certains sommets (Autanes, au nord de Chorges ; Tête de la Gypière, au SE du Morgon).
La constitution de ce flysch se caractérise ici par la prédominance des strates gréseuses, plutôt de de celles calcaires, comme c'est le cas plus au SE, en Basse Ubaye. Son épaisseur, déjà considérable (plusieurs centaines de mètres) y est amplifiée par le fait que ce dernier est affecté de multiples plis.
On y observe notamment des plis majeurs, de grande taille, couchés et très fermés (isoclinaux) avec un plan axial qui a une flèche de plusieurs kilomètres et des axes orientés NW-SE. Les anticlinaux sont dotés d'un cœur de schistes noirs et pourpres ("complexe de base") qui forment des bandes visibles à flanc de certaines parois rocheuses (Mont Saint-Guillaume, Clotinaille), ce qui permet de les repérer assez aisément.
Il est remarquable que ces plis couchés sont tous tranchés vers le bas, obliquement à leur plan axial, par la surface de charriage de la nappe (voir les coupes de détail, notamment aux pages "Saint-Guillaume", "Châteauroux" et "Boussolenc"), ce qui veut dire qu'ils sont soit contemporains soit plus anciens que le charriage. D'autre part leurs azimuts axiaux tournent, depuis NW-SE en Champoléon jusqu'à une orientation NE-SW en Ubaye, en passant par N-S dans le massif du Parpaillon : ceci semble traduire une incurvation dans le sens dextre, sans doute postérieure au plissement également.
On dénombre trois anticlinaux majeurs qui sont du NE vers le SW : |
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Du côté nord-ouest des montagnes de l'Embrunais septentrional, c'est-à-dire dans la vallée du Drac Noir, la nappe du Parpaillon repose presque directement sur l'autochtone du massif du Pelvoux ; ce dernier est en outre essentiellement formé par les couches nummulitiques de la formation des Grès d'Annot, laquelle repose directement ou presque sur le socle cristallin, du fait d'une érosion anté-nummulitique qui affecte tout le domaine du massif du Pelvoux proprement dit.
Aller plus au nord : | (Oisans) | |
Aller plus à l'ouest : | (Gapençais) | |
Aller plus à l'est : | (Haute Ubaye) | |
Aller plus au sud : | Basse Ubaye |