Structure du Vercors (secteur 3) : |
La bordure extrême orientale du Vercors septentrional est constituée par un chaînon orienté N-S qui domine à l'est la vallée inférieure du Drac et que borde à l'ouest le Val de Lans. Il court depuis le Moucherotte au nord jusqu'aux Deux-Sœurs au sud, en passant par le Pic Saint-Michel, le col de l'Arc, le Roc Cornafion et le col Vert et les Rochers du Parquet. C'est nettement le plus escarpé de tout le massif du Vercors et c'est en outre celui dont la tectonique est la plus difficile à analyser et à comprendre (ce qui justifie un exposé basé sur l'historique de ses interprétations).
-- 1/ L'interprétation tectonique "classique" (de la carte géologique)
Le dispositif tectonique à l'origine du surhaussement de ce chaînon et des redoublements de succession observables sur son versant oriental n'a commencé à être interprété d'une façon proche de la structure réelle que dans les années 1940 : en effet on le décrivit alors (M.GIGNOUX et L.MORET) comme étant un grand pli-faille raccordant la charnière anticlinale du Moucherotte à la charnière synclinale du Cornafion (croquis ci-dessous). Les corrections apportées depuis à cette conception ne sont en effet pas fondamentales, à part celles portant sur la structure du Peuil de Claix (qui ne correspond qu'à un tassement), celle des environs de La Tour Sans Venin (qui n'est pas un flanc inverse de chevauchement) et enfin celle au sud du Col de l'Arc (où il n'y a pas de charnière anticlinale mais un simple chevauchement, coupé par une cassure transversale).
Tectonogramme de l'ensemble du chaînon par Léon Moret (in géologie dauphinoise, 1952) |
Toutefois cette interprétation pêchait en imaginant un anticlinal couché doté d'un flanc inverse, certes étiré mais largement représenté. En fait la présence de couches véritablement en flanc inverse ne s'y observe jamais (les pendages ne basculant presque nulle par au delà de la verticale) et elle laisse place en réalité à la superposition de tranches de roches à l'endroit.
Il est donc apparu plus exact, dans les années 1960, de considérer que ce chaînon est structuré par la présence d'un grand accident, connu depuis sous le nom de "chevauchement du Moucherotte" (dont la surface correspond à celle du supposé étirement du flanc inverse du pli-faille). En effet au flanc ouest de cette montagne, entre Saint-Nizier et Lans, son évidence est particulièrement flagrante du fait que l'Urgonien de sa lèvre supérieure y repose brutalement (mais sans renversement) sur les conglomérats miocènes. Dans ce schéma les torsions de couches, anticlinal du Moucherotte et synclinal du Cornafion notamment, sont considérés comme des "crochons* d'entraînement" induits par la friction entre lèvre chevauchante et chevauchée, celle-ci affectant la bordure orientale du synclinal de Villard-de-Lans.
Le Moucherotte et le val de Lans vus d'avion, du nord, montrant la position du Moucherotte, qui constitue le promontoire septentrional de la barrière orientale du Vercors. a.M = "anticlinal" en genou du Moucherotte ; a.Sa = anticlinal de Sassenage ; c.Sa = chevauchement de Sassenage ; f.E = faille d'Engins ; s.Sa = synclinal N-S de Sassenage ; d.B = décrochement des Bruziers ; ØM = chevauchement du Moucherotte (se raccordant au précédent) ; s.VL = synclinal de Villard de Lans ; s.Su = synclinal des Suifs ; s.mS = tronçon passant à Saint-Nizier du synclinal "méso-subalpin" (en violet clair). Alluvions glaciaires wurmiennes (en bleu clair) : mW1 = moraine des Guillets (1° stade de retrait) ; mW2 = moraine des Charvets (2° stade de retrait). |
La carte géologique au 1/50.000° "Vif" (dessinée par J. Debelmas en 1965) prend en compte cette manière de voir et assigne à ce chevauchement un tracé globalement N-S qui longe le bord oriental du val de Lans. Elle indique aussi qu'il se prolongerait jusqu'aux abords du Col de l'Arc jusqu'à y rejoindre le tracé apparemment symétrique du chevauchement du Plateau Saint-Ange, lequel s'abaisse sur le versant oriental de la crête, en passant par le Plateau Saint-Ange, pour aboutir au niveau de la plaine aux abords de Claix et que le soubassement du Peuil de Claix correspond seulement à un paquet tassé sous lequel ce chevauchement disparaît.
De plus il avait été reconnu, dès 1965, qu'une bonne part du tracé attribué à la surface de chevauchement du Moucherotte correspond en fait au dispositif tectonique un peu complexe de l'accident des Bruziers, peu chevauchant, où le pendage de la cassure, est presque E-W et très redressé au lieu de prendre une faible inclinaison vers le SE pour aller rejoindre en profondeur dans cette direction le chevauchement de Comboire (voir figure ci-dessous et la page "Moucherotte").
Cet accident des Bruziers, s'avère être une déchirure dextre par laquelle le chevauchement s'interrompt du côté nord par une surface plus redressée et orientée presque W-E, c'est-à-dire en biais par rapport à l'axe de l'anticlinal du Moucherotte. Cette géométrie conduit à y voir la rampe latérale* de déplacement de ce dernier (voir la page "Moucherotte"). |
Il était donc admis, depuis les années 60, que le chevauchement de Saint-Ange constitue la réapparition de celui du Moucherotte du côté SE de la crête. Depuis on a avancé l'idée supplémentaire (M. Gidon, 1981) que ce dernier accident se raccorderait lui-même avec le chevauchement de l'Éperrimont (par l'intermédiaire d'un tronçon plus redressé, maintenant enlevé par l'érosion). Il y était en outre envisagé que le Tithonique de Comboire puisse représenter la réapparition, au nord de Claix, de celui chevauchant de l'Éperrimont et qu'il se raccorde là au chevauchement du Moucherotte, avant de disparaître vers le nord sous les alluvions du Drac à la latitude de Seyssins. Comme ceci a lieu 1 km au sud de l'endroit où le tracé du chevauchement du Moucherotte disparaît également sous le lit de l'Isère on était donc déjà porté à se demander si ces deux derniers accidents ne se rejoignent pas aussi là sous les alluvions au nord de Comboire et, en ce cas, quel schéma peut en rendre compte.
Une interprétation très différente a été présentée en 2020 dans un opuscule inédit réalisé par Mr. J.C. Chabod et diffusé à titre personnel à différentes personnes dont le rédacteur du présent site "geol-alp". Cet auteur, au terme d'une carrière d'ingénieur géologue, considére entre autres que les affleurements du Peuil de Claix représentent la partie la plus importante d'une unité tectonique charriée, intercalée entre les deux surfaces de chevauchement. Bien qu'illustrée par de nombreuses vues d'observations souvent sagaces, interprétées évidemment de façon à étayer cette conception "hérétique" elle s'oppose en trop de points et par trop de contexte interprétatif à l'interprétation retenue ici pour qu'il puisse en être discuté ici. |
-- 2/ Rectifications diveres
A/ Retouches à ce schéma entre Moucherotte et Col de l'Arc :
L'étude des données de ce secteur septentrional conduit à des résultats qui conduisent plutôt à conclure à une vue différente, notamment en y reconnaissant l'intersection de plusieurs étapes tectoniques, mais d'une façon nouvelle (et bien inattendue).
En premier lieu il n'apparaît pas que l'anticlinal du Moucherotte soit un pli-faille (au sens de pli ayant évolué en chevauchement). En effet la forme de sa charnière n'évoque pas l'enroulement progressif que dessine un crochon* d'entraînement induit par un chevauchement. Au lieu d'être arrondie elle raccorde plutôt deux flancs plats, à la manière d'un pli "en genou"* (voir les coupes). Il semble donc plus vraisemblable que la structure du Moucherotte correspondait originellement (selon un style très commun dans l'Urgonien du Vercors), à un tel type de pli. En l'occurrence il constituait le bord oriental au synclinal coffré de Villard-de-Lans, symétrique à l'anticlinal de Sornin qui le borde à l'ouest ; c'est sans doute par l'effet du synclinal méso-subalpin tardif qu'il est maintenant déjeté vers l'ouest. En outre il y a lieu de penser que c'est aussi lors d'une étape plus tardive que ce pli initial a été rompu par la prolongation vers le sud du chevauchement de la Chartreuse orientale. En effet, plus au sud que le Moucherotte, l'analyse des rapports entre les plis et le chevauchement montre que ce dernier sectionne là le dispositif en genou à un niveau inférieur, puisqu'il le tracé du chevauchement s'y termine, aux abords de Lans, au sein même du fond plat du synclinal majeur de Villard-de-Lans. |
En deuxième lieu l'interprétation selon laquelle l'ensemble de sa structure s'explique en ne faisant appel qu'au jeu d'une seule surface de chevauchement, telle qu'elle est exprimée par la carte géologique, comporte plusieurs difficultés :
1 - On doit d'abord noter que la comparaison des deux versants de la crête du chaînon indique que la surface de chevauchement est en moyenne faiblement pentée en direction de l'ouest pour celui oriental (de Saint-Ange) et vers l'est pour celui du versant ouest (du val de Lans). Ces pendages opposés semblent donc interdire leur prolongement mutuel d'est en ouest.
Plus précisément la surface du chevauchement du Moucherotte montre dans le versant ouest, entre Saint-Nizier et la Roche Rousse, au nord de Lans, un tracé N-S quasi horizontal et un pendage vers l'est. Mais entre la Roche Rousse et Lans cette surface s'abaisse vers le sud. À l'opposé la surface de chevauchement de Saint-Ange s'élève progressivement du nord vers le sud ; de plus les constructions graphiques permises par les données de terrain indiquent que cette surface a un azimut non pas N-S mais proche de N120, et une pente vers le NNE inférieure à 30°. |
Mais l'analyse de la cartographie des abords de Claix (voir la page "Comboire") montre que le tracé du chevauchement de Saint-Ange (masqué plus au sud sous le paquet tassé du Peuil) doit aboutir peu à l'ouest des affleurements barrémiens de Malivers et qu'il doit vraisemblablement s'y prolonger vers le NE par la "faille de Malivers" (interprétable comme une sorte de rampe latérale plus ou moins orientée E-W). Or cela le conduit à passer sous le Rocher de Comboire, dont les couches tithoniques représentent clairement la base stratigraphique de la succession du Moucherotte.
Ce point est un argument important en faveur de l'hypothèse d'un raccord profond entre les deux chevauchements. En effet la construction des coupes transversales fait apparaître qu'il pourrait consister en un branchement, à cette latitude, du chevauchement du Moucherotte au toit de celui de Saint-Ange, ceci se produisant à l'occasion de la torsion en rampe du second et en dotant le premier d'une moindre longueur de fléche (c'est à dire en ne lui accordant qu'un caractère d'accident de second ordre, en quelque sorte accessoire).
Coupes de la partie septentrionale du chaînon du Moucherotte ØsA = chevauchement de Saint-Ange ; a.rR = anticlinal des Rochers Roux ; s.dB = synclinal de la Draye Blanche ; a.gV = anticlinal de la grotte Vallier ; a.M = anticlinal du Moucherotte ; ØM = chevauchement du Moucherotte proprement dit ; ac.Br = accident (décrochement) des Bruziers ; f.Pe = faille des Perrières (= chevauchement de la Chartreuse orientale) ; s.V = synclinal des Vouillants (flanc ouest du pli suivant) ; s.P = synclinal de Proveysieux ; s.mS = grand synclinal méso-subalpin. À gauche, en bas, (noms de lieu entre parenthèses) on a ajouté la coupe des pentes immédiatement plus méridionales que le Rocher de Comboire. La variation de pendage du chevauchement de Saint-Ange entre Comboire et Pont de Claix est conforme à l'hypothèse d'une rampe intercalée entre ses deux paliers plutôt pentés vers l'ouest. |
D'autre part il est évident qu'aucun chevauchement ne réapparaît vers le NE dans les pentes au nord de Comboire, jusqu'au tracé du décrochement des Bruziers et à celui de son éventuel prolongement oriental passant aux abords sud du chef-lieu de Seyssinet, et que c'est le matériel du chevauchement du Moucherotte qui constitue tout ce versant. Il apparaît donc que le chevauchement vraisemblablement unique prolongeant celui de Saint-Ange doit se poursuivre à l'est de ces pentes, sous les alluvions du Drac, plus ou moins en direction de la vieille ville de Grenoble et de la Bastille.
Les coupes de la figure ci-dessus essayent de confronter les deux compartiments séparés par l'accident des Bruziers. Pour cela on a les a projeté l'une sous l'autre selon l'azimut N40 de la faille des Perrières (qui est celui du prolongement du chevauchement du Moucherotte dans le compartiment occidental), à droite par rapport à l'accident des Bruziers. On y voit notamment que le chevauchement de Saint-Ange bute nécessairement vers le nord, contre l'accident des Bruziers, aux abords de Seyssinet. C'est en s'embranchant à son toit, dans le prolongement de la rampe de Comboire, que le chevauchement du Moucherotte peut se raccorder à lui. |
On peut dès lors se demander si ce n'est pas ce chevauchement unique ("du Moucherotte" au sens large) qui réapparaît du côté Chartreuse sous les traits de la faille de La Bastille (en effet cette dernière y coupe le Tithonique du flanc ouest de l'anticlinal de l'Écoutoux de façon analogue à la faille de Malivers). Cela suppose alors que sa surface décrive une nette inflexion synforme, dont on peut envisager qu'elle corresponde au synclinal du Néron (lequel est d'ailleurs tranché en biais par le chevauchement de la Chartreuse orientale).
2 - L'examen du versant occidental de la crête Moucherotte - Pic Saint-Michel justifie un certain scepticisme en ce qui concerne la connexion entre le chevauchement du Moucherotte et le chevauchement de Saint-Ange, telle qu'elle a été représentée sur la carte géologique (voir la page "Lans"). En effet au SW de Lans la carte géologique attribue à la lèvre chevauchante du chevauchement du Moucherotte une extension vers le sud-ouest et qui engloberait tout le chaînon boisé, constitué de Sénonien, de la montagne du Bois des Suifs et de la Grande Côte et limitée par un tireté suivant le pied de ces reliefs jusqu'au village du Peuil. Cela revient à faire recouvrir le bord oriental du Val de Lans par un lobe charrié sub-horizontal (même légèrement plongeant vers l'ouest) possédant une flèche de près de 2 km. C'est par une ligne tiretée similaire contournant symétriquement par le sud la montagne de la Grande Côte (par le vallon de Machiret jusqu'au col de l'Arc) que la carte dessine un raccord supposé avec le chevauchement de Saint-Ange.
Mais en fait ce dipositif structural est totalement interprétatif et son existence manque de fondements au niveau des observations de terrain :
Plus précisément le tracé du chevauchement s'abaisse vers le sud, à partir de la Roche Rousse jusqu'au village de Lans, mais pour autant sa surface ne semble pas basculer vers l'ouest parallélement aux couches (voir la page "Lans"). En ceci il diffère d'ailleurs du chevauchement annexe de la Croix des Ramées qui est lié à un glissement différentiel des couches de la voûte de l'anticlinal du Moucherotte. Au delà, entre Le Peuil et les Nobles (voir la page "Pic Saint-Michel") la rupture de pente qui surhausse le Sénonien de la montagne de la Grande Côte par rapport à celui du fond plat du Val de Lans est certainement due à une cassure. Mais rien n’étaye son interprétation en chevauchement, ni la courbure de son tracé vers l'est pour lui faire rejoindre le Col de l'Arc par le vallon de Machiret (voir la page "Col de l'Arc") ... |
Il semble plutôt que le rejet du chevauchement du Moucherotte s'amortit progressivement vers le sud, tout en tranchant successivement le flanc ouest de l'anticlinal du Moucherotte, puis le synclinal des Suifs. En même temps son rejet vertical s'affaiblit apparemment jusqu'à presque s'annuler à la latitude du village de Lans (voir la page "Lans"). Or cette transformation s'opère à peu près selon la transversale au chaînon qui est celle des abords de Comboire ; il y a donc lieu de penser qu'elle doit étre en rapport avec l'amortissement, dans les niveaux supérieurs de la série stratigraphique, du pli de rampe correspondant au tronçon de faille de Malivers, par lequel le chevauchement du Moucherotte semble se détacher vers le hau de celui de Saint-Ange (voir la page "Comboire").
3 - D'autre part la partie la plus méridionale du chevauchement de Saint-Ange, qui est observable en coupe transversale à la latitude du Col de l'Arc (au sud-ouest du Pré du Four), ne saurait se raccorder de façon simple à un éventuel prolongement méridional de celui du Moucherotte. La raison en est d'abord que sa disposition (azimut N120 et pendage vers le NNE) ne convient guère mais surtout le fait que son tracé disparaît brutalement au pied sud-oriental du Pic Saint-Michel en y butant contre la "faille de l'Arc" (au sud de cette dernière le "chevauchement des Crocs", à première vue similaire, est en fait situé 600 m plus haut et affecte en outre des niveaux décalés d'une même dénivellation dans la série stratigraphique).
En définitive une description objective conduit bien à distinguer deux chevauchements distincts (celui de Saint-Ange et celui du Moucherotte) car leurs tracés en surface ne sont nulle part raccordables de façon probante. Au plan interprétatif il
semble que soient intervenues (dans l’ordre chronologique) les déformations distinctes aboutissant aux structures suivantes : Un point annexe mais important de cette interprétation est qu'elle consiste à récuser la liaison génésique obligatoire, communément admise actuellement, entre les chevauchements et les plis (ces derniers n'étant considérés que comme induits par les premiers). Ils semble bien que, là encore, la nature soit rebelle à se plier aux lois de la théorie ! |
Néanmoins on ne peut totalement exclure qu'ils soient connectés l'un à l'autre en profondeur, mais en ce cas d'une façon énigmatique puisqu'à l'abri de nos regards. Quoi qu'il en soit c'est d'une façon encore différente que ce dispositif compressif (unique ou dédoublé) affecte la marge orientale du Vercors au sud du col de l'Arc (voir ci-après).
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B/ Un important changement de structure intervient le long de la transversale du Col de l'Arc. Deux points le caractérisent :
1 - Au sud du col il ne subsiste plus que le petit chapeau de la crête des Crocs qui puisse être éventullement considéré comme un témoin de l'épaisse tranche de couches chevauchante de Saint-Ange. Le matériel susceptible d'y être rattaché se limite en outre aux seules couches de l'Urgonien basal : en effet les couches plus basses qui devraient lui être attribuées (hauteriviennes et valanginiennes) disparaissent brutalement, environ 600 m en contrebas est du Pic Saint-Michel, en butant contre un accident majeur, transversal à la crête, la faille du Col de l'Arc. On peut envisager qu'elle représente une brutale rampe du chevauchement, mais ses caractéristiques ne se satisfont pas d'une telle interprétation (voir un peu plus loin).
2 - Sous le chapeau de la Crête des Crocs les Rochers de l'Ours on voit se manifester une structure totalement nouvelle, qui n'existe pas du tout au nord de cette fracture transversale : il s'agit du synclinal du Cornafion qui est dessiné en totalité par l'Urgonien enroulé sur près de 1000 m. d'épaisseur (ce qui n'a rien d'équivalent plus au nord ...). Il se greffe en fait sur le flanc oriental du grand synclinal de La Fauge, ce dernier pouvant, au prix d'un décalage dextre plutôt tmodeste, représenter le prolongement méridional du synclinal des Suifs (qui affecte le compartiment plus au nord).
Dans l'ancien contexte d'interprétation ce pli était censé représenter le crochon du chevauchement de Saint-Ange. Mais ceci est impossible puisqu'on ne voit nulle part ces deux éléments structuraux représentés ensemble ni au sud ni au nord de l'entaille du col de l'Arc.
Deux coupes de part et d'autre du Col de l'Arc (nord en haut, sud en bas). L'espace blanc séparant les deux coupes figure la disjonction tectonique ("rampe latérale") occasionnée par l'accident transverse de la faille du Col de l'Arc (f.A) à l'ouest, prolongée à l'est par la faille des Charbonniers (f.Ch). Sur la coupe inférieure on a représenté par un trait blanc le profil topographique correspondant au Roc Cornafion. fB = faille des Blancs ; s.V = flexure orientale du synclinal de Villard de Lans ; ØM? = ultime prolongement éventuel du chevauchement du Moucherotte ; ØsL = chevauchement de Saint-Ange ; ØCr = chevauchement des Crocs ; s.C = synclinal du Cornafion ; ØE? = chevauchement (supposé) de l'Éperrimont. |
En fait l'importance du changement de géométrie structurale qui s'y manifeste brutalement apparaît comme lié au jeu de la faille du Col de l'Arc. Celle-ci semble être une faille de déchirure plutôt qu'un décrochement au sens strict du terme : en effet elle a sans doute dû jouer en synchronisme avec le chevauchement, pour qu'une telle désolidarisation des déformations se soit produite alors de part et d'autre de la cassure.
Une première caractéristique de cet accident est que, s'il est globalement orienté sensiblement W-E (avec un pendage sub-vertical), son tracé comporte plusieurs tronçons inclinés différemment de bas en haut. Cette disposition fait que sa surface de cassure décrit une torsion bombée vers le nord. Ce dessin est sans doute dû à ce qu'elle se moule sur la torsion synclinale qui, dans son compartiment méridional, affecte l'urgonien du Cornafion. Le résultat en est que ce dernier s'emboutit dans les terrains, plus déformables car en prédominance marneux, du Crétacé inférieur de son compartiment septentrional, en les poinconnant horizontalement vers le nord. Une autre caractéristique est que, de part et d'autre de cet accident, l'azimut des lignes structurales des deux compartiments subit un changement d'orientation de l'ordre de 30°. Cela correspond à un pivotement en sens anti-horaire de la partie chevauchante du compartiment nord, par rapport au compartiment sud (le soubassement du chevauchement de Saint-Ange s'avère solidaire de ce dernier). On peut ajouter que, au sud du Roc Cornafion (Col Vert et Gerbier) les couches reprennent; par une inflexion de sens horaire, l'orientation qu'elles ont au nord du col de l'Arc : c'est donc la partie septentrionale du compartiment Cornafion qui est tordue par rapport au reste. de cette torsion azimutale suggère un coulissement sénestre de la faille de l'arc. |
C / Au sud du Col de l'Arc la structure se résume donc à l'existence du synclinal du Cornafion. Ce pli que dessine essentiellement l'Urgonien est en fait le résultat du renversement vers l'ouest du flanc oriental du grand synclinal de La Fauge (qui s'ouvre plus au nord en plongeant dans le synclinal de Villard-de-Lans). Deux traits le concernant méritent d'être mis en lumière car ils sont importants pour en comprendre la formation :
1 - En premier lieu les rapports qu'ont les couches néocrétacées du cœur du synclinal de La Fauge avec l'Urgonien du Cornafion attestent déjà d'une discordance progressive qui se manifeste tout du long de du flanc ouest de la crête du chaînon : cela montre en fait qu'elle résulte d'un basculement synsédimentaire des couches crétacées selon une ligne à peu près parallèle à cette crête.
Or ce processus sédimentaire se révèle capital dans la structuration de l'Urgonien au sud du Col vert (voir la page "Gerbier"). En effet le renversement des couches qui affleurent en haut de la crête du Ranc des Agnelons s'avère y résulter d'une succession de discordances angulaires qui sont intervenues au cours du dépôt de l'Urgonien. Cette disposition implique le jeu de basculements successifs du fond marin qui s'abaissait du côté ouest (où l'accroissement de profondeur favorisait l'existence de dépôts plus terrigènes que ceux habituels de la plateforme recouverte par les dépôts organiquement construits du faciès urgonien).
Coupe transversale à la crête des Rochers du Ranc des Agnelons (le profil en blanc suit les tracés des deux ravins qui convergent vers le haut à la Double Brèche). d.A = discordance "des Agnelons", la plus visible dans le relief : elle suit le pied de la forte falaise de rive gauche du ravin oriental de la Double Brèche ; plus au nord elle court également sur une bonne partie du versant occidental de la crète des Rochers du Ranc, au sommet de la vire qui le parcourt. Autres abréviations : comme sur les autres figures (sauf "pcO" les subbdivisions internes à l'Urgonien sont arbitraires et n'ont pas de signification sédimentologique) |
2 - En second lieu le relief assez particulier des abrupts supérieurs du versant oriental de la crête, à partir des Rochers de l'Ours (voir la page "Cornafion) jusqu'à l'extrémité des Rochers du Gerbier, avait porté à penser (voir la notice de la feuille Vif de la carte géologique) que ce pli est le crochon d'un chevauchement qui aurait tranché son flanc est : la pente topographique correspondrait à une ancienne surface de chevauchement simplement dénudée par l'érosion .
Depuis les Rochers de l'Ours jusqu'au Ranc des Agnelons inclus, le revers oriental de la crête du chaînon se fait remarquer par l'absence de vraie falaise, à la différence de ce qui se produit plus au sud aux Arêtes du Gerbier (voir la page "Cornafion"). Au nord les couches, sub-verticales, de l'Urgonien sont tranchées en sifflet par une surface topographique régulièrement inclinée à plus de 45° : il paraît en définitive très plausible que cette dernière soit d'origine tectonique et corresponde une surface de chevauchement dénudée par l'érosion car ces couches sont affectées par des failles à vergence ouest moins inclinées que le versant que l'on est tenté d'attribuer à des cassures secondaires "de Riedel" induites par une cassure majeure. |
Dans les pentes du Cornafion l'azimut de cette surface est N40, comme l'axe du pli mais, comme lui aussi elle passe à N10 au sud du Col Vert. Ces deux valeurs ne correspondent en fait à aucun des accident qui se manifestent au nord du Col de l'Arc. Par contre elles rendent très plausible l'hypothèse que ce rebroussement du synclinal du Cornafion soit le fait du chevauchement de l'Éperrimont, d'autant mieux que l'extension N-S à laquelle il se limite correspond au même intervalle latitudinaire (voir les pages "Gerbier" et "Éperrimont").
Cette disposition semblait même attestée (à tort en fait) par la structure du Ranc des Agnelons. Mais, bien que celle-ci ne représente en définitive pas le crochon d'un tel chevauchement, cela n'empèche pas d'envisager que sa surface topographique pentée vers l'est soit bien celle, dénudée, d'un ancien chevauchement.
Or la construction d'une coupe transversale montre que le prolongement de cette surface vers le bas aboutit dans le haut vallon du Lavanchon qui sépare du versant principal de la montagne son ressaut constitué par la Crête du Pieu et de l'Éperrimont. C'est aussi là qu'aboutit précisément la surface de chevauchement de l'Éperrimont, à l'extrémité ouest de son tracé de redoublement de la barre tithonique (voir la page "Éperrimont").
Cette interprétation implique toutefois que la surface de chevauchement subisse une modification de son pendage pour passer de celui, fort vers l'est, qui est le sien au niveau de l'Urgonien de la crête du col Vert à celui, presque horizontal qu'elle a sous l'Éperrimont. Le sens de cette inflexion est l'inverse de celui attribuable à une géométrie de rampe correspondant au sectionnement de la barre tithonique : on avait conclu que cette torsion synforme avait été réalisée lors d'un phase tardive de plissement. En définitive il est désormais plus satisfaisant de penser qu'elle a été imposée à la propagation vers l'ouest du mouvement de chevauchement, pour lui faire surmonter l'obstacle constitué par le bourrelet de couches crétacée correspondant au synclinal du Cornafion (voir la page "Eperrimont").
On persiste donc dans les pages du site, à employer le nom de "chevauchement de l'Éperrimont" pour désigner la cassure fortement pentée vers l'est dont on soupçonne l'existence par les effets secondaires qui lui sont attribués sur le versant est de la crête du chaînon du Cornafion. Sans doute vaudrait-il mieux parler, par exemple, de "chevauchement des Agnelons", mais j'ai pour l'instant renoncé à cette modification de nomenclature tectonique car elle implique une révision de trop de textes et de figures du site!). |
3/ Vue globale et histoire tectonique
(partie suivante en cours de révision totale)
En définitive un schéma d'ensemble nouveau semble maintenant pouvoir être proposé en le plaçant dans le cadre régional de la déformation des Alpes française occidentales ...
En premier lieu, même s'il est impossible de prolonger simplement le chevauchement de l'Éperrimont par celui de Saint-Ange leurs analogies portent à penser qu'il s'agit fondamentalement de deux tronçons d'un même dispositif, dissociés par le jeu complexe, à la latitude de Saint-Paul-de-Varces, de la faille en quelque sorte "transformante" du col de l'Arc - Charbonniers.
On peut enfin se demander de quelle manière ce dispositif de chevauchement se prolongeait plus à l'est dans les niveaux stratigraphiques plus anciens du sillon subalpin. C'est ce que cherchait à illustrer la planche de coupes, où sont comparées les données de plusieurs transversales plus septentrionales, qui accompagne l'article de M.GIDON, 1981. |
même fenêtre < image plus grande > nouvelle fenêtre Coupes comparatives au travers du sillon subalpin aux abords de Grenoble - coupe supérieure (septentrionale) à l'extrémité sud de la Chartreuse ; - coupe moyenne dans les collines bordières au sud-est de Grenoble ; coupe inférieure (méridionale) au sud de Grenoble (Pont de Claix - Vizille). suite de la légende ci-dessous : |
La coupe supérieure montre l'analogie du chevauchement
de Comboire avec les chevauchements du Jalla (1J). Plutôt que ces deux dernières hypothèses c'est finalement un raccord analogue à celui entre Corenc et Gières (coupe supérieure), avec éventuellement amortissement couches sur couches au sein des Terres Noires, qui paraît en définitive le plus vraisemblable. Par ailleurs cette figure pâtit d'une erreur qui affecte la partie gauche de la coupe inférieure : elle consiste à ne y avoir distingué le chevauchement de Saint-Ange de celui du Moucherotte, suivant en cela l'interprétation explicitée par la notice de la feuille Vif de la carte géologique. |
Complément relatif à l'historique des conceptions tectoniques :
Trois coupes "sériées" de la bordure orientale du Vercors au SW de Grenoble Ces coupes parallèles illustraient la conception développée par l'auteur en 1981, quant aux transformations que subit du nord (1) au sud (3) le grand accident, supposé unique, alors appelé chevauchement Jalla-Moucherotte. Ce dernier accident était interprété comme résultant d'un rejeu post-miocène d'un chevauchement précoce (plus modeste), antérieur à la formation des grands plis (synclinal de la Fauge, anticlinal de Sassenage et synclinal du Néron) et aurait été tordu lors de la formation de ces plis (ce qui paraissait patent au niveau de la coupe 2). |
Carte structurale schématique En jaune les affleurements de Miocène ; le trait vert correspond à la faille des Presles, le trait rouge au chevauchement de Rencurel et le trait bleu au chevauchement du Moucherotte. Plis (d'est en ouest) : |