Le vallon de Barberine |
Le torrent de Barberine est un affluent de rive gauche de celui de l'Eau Noire, qui descend de Vallorcine vers le Rhône. Il tranche l'extrémité septentrionale du massif des Aiguilles Rouges mais surtout il recueille les eaux qui descendent sur le versant suisse depuis la crête Tenneverge - Mont Ruan (lequel ferme, du côté français, le vallon des sources du Giffre).
Ces eaux se rassemblent, au pied de ces crêtes, dans le grand lac d'Emosson (en contrebas de celui de Vieux Emosson) qui occupe le haut vallon de Barberine et qui est retenu derrière le barrage d'Emosson. Ce dernier est construit au dessus de la gorge de raccordement à la vallée de l'Eau Noire (le premier barrage, antérieur aux années 60, a été remplacé plus récemment par l'actuel, situé plus en aval qui a surhaussé son niveau antérieur, de 1888 m, jusqu'à l'altitude de 1950 m).
Le grand lac d'Emosson s'allonge à cheval sur la limite entre le socle cristallin des Aiguilles Rouges et sa couverture sédimentaire qui forme la crête frontière depuis le Tenneverge au sud jusqu'au Mont Ruan au nord. Mais plus on remonte le vallon de Barberine plus on s'élève dans l'édifice tectonique car le vallon est orienté en biais par rapport à la direction des couches.
A/ Versant oriental de la retenue
Depuis le barrage le parcours vers le nord de la rive orientale du lac le long de l'ancienne route reste dans le socle cristallin jusqu'à l'éperon saillant portant l'ancienne cantine de Barberine (point coté 1944). Au delà on traverse le placage triasique recouvrant le socle cristallin, lequel détermine en rive orientale le vallon du Col de Barberine, puis sur la rive septentrionale de ce dernier la bande de calcaires du Jurassique supérieur, qui reposent sur ce Trias de façon stratigraphique.
L'extrémité nord-orientale du grand vallon de Barberine, vue du sud-ouest depuis la rive occidentale du lac inférieur d'Emosson. (cliché original obligeamment communiqué par M. Michel Delamette). a.A? = emplacement présumé de la charnière de l'anticlinal d'Aboillon ; ØS = chevauchement de la couverture subalpine septentrionale ("nappe de Morcles"). Détail de la succession des calcaires noirs bajociens de la nappe : "Bjs" = corniche supérieure calcaire, "Bjm", niveau marneux supérieur, "Bji" = alternances marnes et calcaires inférieures. "Ti" = barre tithonique de la succession renversée de la nappe ; "M" = calcaires clairs rapportés au Jurassique supérieur (Malm) : ils reposent sur les dolomies triasiques autochtones. Voir la suite du paysage vers la gauche au cliché suivant. |
Le vallon d'Emosson est fermé peu en amont de l'extrémité nord du lac par un ressaut qui soutient le large replat suspendu du glacier des Fonds et des alpages de La Chaux (que dominent les sommets du Mont Ruan et de la Tour Sallière). À la latitude des cascades qui franchissent ce ressaut le versant ouest du replat est est assez vite couronné par la corniche tithonique, dont les couches sont presque horizontales dans le sens W-E (c'est-à-dire transversalement à la crête), mais pendent en réalité doucement vers le sud : cela correspond au fait que l'on se trouve ici à la voûte du dispositif anticlinorial du Ruan qui plonge dans cette direction, comme toutes les structures de ce massif (voir aussi la page "Tour Sallière").
Cette corniche est coiffée, depuis le sommet du Ruan jusque au delà du col du Ruan, par les couches du Crétacé inférieur ; elles culminent au sommet 2858 qui domine le col du Ruan avec le Barrémien basal inférieur (que la carte géologique suisse attribue par erreur au Tithonique). L'épaisseur de ce chapeau s’accroît vers le sud du fait que la ligne de crête est moins inclinée dans cette direction que le pendage des couches.
En fait cette corniche est redoublée par le chevauchement du Mont Ruan accident secondaire qui, curieusement, n'est pas indiqué sur la carte géologique suisse, alors que, sur le versant français (voir la page "Ruan"), on le suit au niveau du glacier du Ruan. |
coupe transversale de la crête frontière, au niveau du Bout du Monde et de la partie septentrionale du lac de Barberine (en attente : d'ici là, voir la page "Massif de Sixt")
B/ En rive occidentale de la retenue d'Emosson l'obliquité des lignes structurales par rapport à l'allongement du lac fait que le contact basal du Trias sur le socle cristallin est reporté plus au sud qu'en rive orientale, jusqu'au pied de l'éperon oriental de la Pointe de La Finive, où le socle affleure dans le verrou soutenant le lac du Vieux Emosson.
À partir de là la rive occidentale du grand Lac d'Emosson tranche assez rapidement la bande de Jurassique supérieur intermédiaire, puis elle est entaillée sur presque sur toute sa longueur dans les couches du Jurassique moyen de la couverture subalpine charriée ("nappe de Morcles"). Ainsi les deux versants du vallon sont-ils constitués, à l'extrémité amont du lac, par les alternances de bancs marneux et calcaires du Bajocien inférieur. (voir les remarques stratigraphiques au sujet de cette succession)
L'interprétation de ce versant, constitué apparemment sur toute sa hauteur de Jurassique moyen encadré de part et d'autre par du Jurassique supérieur, semble à première vue conforme à celle du grand anticlinal couché, avec flanc inverse reposant sur l'autochtone que suppose le schéma classique de la structure de la nappe de Morcles (et qui s'observe clairement à la Tour Sallière).
Toutefois on n'y décèle pas véritablement une telle structure car la partie inférieure du versant n'a pas une constitution symétrique de sa partie haute : les couches qui y affleurent (et sont attribuées au Bajocien) s'y montrent riches en intercalations de gros bancs calcaires, parfois lenticulaires, discordants par rapport au litage des bancs plus minces : ce sont très vraisemblablement de corps sédimentaires résultant de remaniements en cours de sédimentation (interprétation communiquée par M. Michel Delamette).
De plus on ne voit pas se développer entre ces couches et celles, sous-jacentes, qui y sont rapportées au Tithonique les termes intermédiaires indiquant le passage stratigraphique du Jurassique moyen au Jurassique.
Toutefois il semble, d'après des observations récentes (octobre 2023) de M. Delamette, qu'une telle succession soit représentée, bien que sous une forme très amincie, au pied sud des escarpements de l'arête orientale de La Finive (voir la page "Emosson"). |
Enfin l'analyse plus précise de l'organisation stratonomique et tectonique de ces couches montre des faits qui ne paraissent pas cohérents avec cette interprétation "classique":
a - En effet on voit en plusieurs points que les gros bancs accidentels y sont à l'endroit car c'est leur base topographique actuelle qui ravine par une surface à dessin irrégulier les séquences de couches à litage normal (plus fin) et qui les recoupe en discordance (voir le cliché ci-après).
b - D'autre part l'épaisseur de ces couches, sans doute déjà importante, est accrue par l'existence en leur sein de multiples replis couchés décamétriques dont les axes sont en général peu obliques aux rives du lac mais orientés néanmoins de façon à rentrer dans le versant du SE vers le NW (donc plutôt NW-SE). La théorie selon laquelle on se trouverait là dans une structure en "nappe pli-couché" voudrait que ces plis mineurs se répartissent dans le schéma "en feuille de chêne" (voir la page "anticlinorium"). Ceci implique que ceux des hauts de versant devraient être des replis de flanc normal et ceux du pied de versant au contraire de flanc inverse.
Or ce dernier point ne paraît guère confirmé par l'analyse des replis observables au pied du versant (voir le cliché ci-après). En effet leurs rapports flancs courts - flancs longs indiquent un déversement vers le NE (vers la droite). Si leur enchaînement, analogue au dessin des replis visibles dans le soubassement du Tenneverge (voir la page "Fer à Cheval") s'accorde avec des replis de flanc normal d'un grand pli anticlinal fermé du côté nord du versant, par contre leurs directions d'axes sont sans rapport (en fait presque orthogonales) avec celles des plis majeurs du secteur (dont les axes sont NE-SW et le déversement vers le NW).
image sensible au survol et au clic |
En définitive il semble plausible d'envisager que soit intervenue une rupture du flanc inverse de l'anticlinal de la nappe de Morcles, par le jeu d'un chevauchement secondaire tel que la succession de e flanc ne soit conservée qu'à l'état de lambeaux laminés et froissés. Cet accident prend apparemment naissance dans les pentes orientales d'Aboillon, au nord du col de Barberine, pour s'aggraver en direction du SW (voir la page "Emosson").
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Bout du Monde |
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Finhaut, Châtelard, Croix de Fer |
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Barberine |
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