(LES ROCHES DE CHARTREUSE)
Ce sont eux qui constituent les plus basses falaises du bord oriental du massif qui domine le Grésivaudan ; mais à l'intérieur du massif ces couches n'apparaissent le plus souvent qu'à la faveur des bombements anticlinaux.
image sensible au survol et au clic
Les abrupts orientaux du Saint-Eynard, vus du NE, d'avion, depuis l'aplomb de Saint-Ismier.
(f.pG = faille du Pas Guiguet ; f.A = faille du ravin de l'Aiguille)
Problème de Nomenclature : |
Les calcaires tithoniques, au sens large, forment une bande de falaises couronnée par une corniche. Cette "barre tithonique" (beaucoup plus franchement délimitée que celle des calcaires du Fontanil) est en général partagée en deux par un talus intermédiaire, ce qui fait qu'un examen plus détaillé la montre constituée de 3 termes superposés :
- La corniche supérieure (ou "calcaires de la Porte de France") correspond au Tithonique sensu stricto des stratigraphes ; elle est elle-même constituée d'alternances plus ou moins massives ou litées ;
- le talus intermédiaire, formé des "couches de la "galerie du Saint-Eynard" (du nom de la large vire qu'emprunte le sentier d'accès au Pas Guiguet) ; il est daté du Kimméridgien inférieur (= "Dorsétien" de la nomenclature des étages anglais ; cf. schéma, plus bas dans la présente page) ;
- La corniche inférieure est traditionnellement désignée du nom de Séquanien (qui est celui d'un ancien étage du bassin parisien, abandonné dans la nomenclature actuelle, et correspond aux couches de l'Oxfordien terminal et du Kimméridgien basal, dans la succession des étages standard.
La puissance totale de ces trois niveaux dans la corniche tithonique du Grésivaudan est d'environ 600 m, dont 200 m. pour le Tithonique proprement dit et 300 m. pour le Séquanien. Mais cette épaisseur s'accroît d'E en W (comme le fait d'ailleurs celle des calcaires du Fontanil) : elle atteint plus de 800 m en bordure ouest du massif, notamment dans le soubassement de la Grande Sure (Charminelle, gorges du Guiers Mort) soit à peu près 1,5 fois ce qu'elle est au Saint-Eynard.
Malgré une apparence à distance et un rôle dans le paysage assez semblables à ceux des deux niveaux repères précédents (Urgonien et calcaires du Fontanil) les calcaires du Jurassique supérieur ("tithoniques" au sens large) en diffèrent assez fondamentalement en ceci que ce sont des dépôts pélagiques, formés par décantation en haute mer. C'est ce dont attestent notamment les fossiles qu'ils contiennent : ammonites (du groupe des Perisphinctes ) et micro-organismes à tests fragiles tels que radiolaires (apparaissant comme des petites taches claires, à la loupe) et calpionelles (seulement visibles au microscope), dans les niveaux les plus élevés.
La teinte de la roche, malgré une patine très claire, est en général gris-brun ou café-au-lait plus ou moins sombre en cassure, sauf dans certains niveau de la partie haute, où elle vire au crème. Son aspect à la loupe révèle une pâte très fine mais mate, sans transparence, car formée de la juxtaposition de très fines particules, sans plages de calcite cristallisée (pâte "micritique").
Le litage est assez marqué, avec des surfaces de bancs bien nettes ou au contraire avec des joints décimétriques plus marneux, selon les niveaux. Ces joints, très minces ou absents dans la corniche inférieure (Séquanien) sont très importants, aussi épais que les bancs, à certains niveaux de la vire kimméridgienne. L'épaisseur des bancs, très variable, est en général de 20 à 50 cm, sauf dans la corniche supérieure, qui se caractérise par l'alternance de faisceaux de bancs centimétriques et de bancs pluri-métriques. Ces derniers se révèlent le plus souvent constitués de galets soudés, mal visibles parce que leur pâte est très peu différente de celle du ciment. Ces niveaux conglomératiques, connus de longue date sous le nom de "fausse brèche", résultent du glissement de la vase en cours d'induration ("slumping") et de son remaniement par des courants sous-marins.
Les calcaires du Tithonique ont été exploités dans diverses carrières des environs de Grenoble, notamment à la Porte de France (voir plus de détails à la page "anciennes carrières").
Dans le domaine jurassien (extrème bordure ouest du Vercors et chaînon du Ratz, notamment) les couches rattachables aux calcaires tithoniques par leur faciès pélagique et par leur paléofaune d'ammonites "tethysiennes" (qui permettent de les dater) n'existent pas : ils font place à des calcaires, déposés dans un environnement récifal, qui forment des falaises plus massives (dénuées de litage sur des épaisseurs de 50 à 100 m). Les plus connus, en raison des exploitations auxquelles ils avaient donné lieu, sont les calcaires de l'Echaillon (voir la page "Veurey" et la page "carrières").
Le tableau ci-dessous schématise grossièrement les relations chronologiques de cette formation (figuré de gros points rouges) avec celles du Jurassique terminal alpin et fait apparaître son caractère diachronique : les calcaires récifaux de la marge orientale du Jura couvrent un laps de temps allant du Kimméridgien supérieur au Berriasien inférieur, sans que l'on puisse y repérer les limites entre ces étages.
Tableau des étages et formations régionales classiques du Jurassique supérieur :
à gauche la succession du domaine boréal (anglais), anciennement considérée comme base des "étages standards" ; à droite la succession du domaine téthysien dans les environs de Grenoble, avec la position des étages Berriasien et Tithonien par rapport aux étages anglais.
Concernant la nomenclature des étages du Jurassique supérieur on trouvera des explications supplémentaires en lisant la conférence consacrée aux principes du découpage stratigraphique : la figure ci-dessus montre les équivalences latérales, à ces niveaux, entre les formations propres aux différents secteurs classiques.
On trouvera ci-après quelques exemples, classés de haut en bas de la succession :
La corniche tithonique du Châtel (Bonnet de Calvin), en Dévoluy : vue globale et vues de faciès de conglomérats bien caractérisés.
Vers le haut le sommet de la barre tithonique est souligné par un changement
très brutal de nature des roches, les calcaires clairs
faisant place à des calcaires très argileux, sombres,
facilement déblayés par l'érosion, ce qui
a souvent conduit l'érosion à en dégager
la dalle structurale au revers des crêts du Tithonique.
La netteté de cette limite est due à une petite
interruption de sédimentation, durant laquelle des courants
sous-marins profonds froids, dissolvants et oxydants, ont corrodé
la surface du dernier banc tithonique. Cela se marque par une
surface mamelonnée et enduite d'oxyde de fer ("hard-ground"),
observable chaque fois que cette dalle est dégagée
(par exemple sur le chemin
qui va du Jalla au vallon de Narbonne).
La surface sommitale des calcaires tithoniques a également pu être étudiée au niveau des tunnels de la route D.30 menant des Eymes à Saint- Pancrasse : elle y montre des traces de courants indiquant un glissement vers l'ouest des premiers sédiments berriasiens qui se sont déposés après l'interruption de sédimentation (voir la page "Berriasien")
Vers le bas il y a un passage assez transitionnel depuis les calcaires lités séquaniens aux alternances de marnes et de calcaires argileux de l'"Argovien". La succession de ces assises tout à fait inférieures ne se voit d'ailleurs bien, en Chartreuse, que le long de la route du col de Porte, au voisinage du col de Vence ou dans les ravins du versant inférieur des Petites Roches.
Monter d'un niveau dans la succession stratigraphique ? :
Descendre d'un niveau dans la succession stratigraphique ? :