Le défilé de Fourvoirie |
Le Guiers Mort termine le cours de ses gorges par la traversée d'une dernière cluse*, le défilé de Fourvoirie, peu après lequel il débouche dans la plaine alluviale de Saint-Laurent-du-Pont. Ces étroits correspondent à l'entaille du cœur de l'anticlinal le plus occidental de la Chartreuse, qui est plus précisément nommé, à cette latitude, l'anticlinal de Fourvoirie. Ce pli d'axe NE-SW, en fait quelque peu oblique au bord occidental du massif (voir la page "Chartreuse occidentale") dessine, au niveau des calcaires du Fontanil, une voûte d'une belle ampleur dans les pentes élevées de la rive droite comme de la rive gauche.
Le rebord occidental du massif de la Chartreuse occidentale, vue du sud, depuis le sommet de la Petite Vache. Ø1 = chevauchement de la Chartreuse occidentale ( = faille de Voreppe) ; a.É. = anticlinal des Égaux (crochon* du chevauchement = anticlinal chartreux occidental) ; s.C = synclinal de Couz ; d.C = décrochement de Cambise nord ; Ø2 = chevauchement de la Chartreuse médiane (décalé par le décrochement de Corde) ; a.M = anticlinal médian. On a indiqué d'une ligne de tirets rouges les deux secteurs où la voûte des anticlinaux sont tranchés par l'ancienne surface d'aplanissement. |
Par contre au niveau du lit de la rivière le cœur tithonique du pli s'avère crevé car la charnière de cet anticlinal, d'alleurs très fermée, est dessinée par les bancs du Séquanien. Le fait marquant est qu'en outre elle est rompue par la cassure majeure du chevauchement de la Chartreuse occidentale (= faille de Voreppe), de sorte que, peu en aval de l'usine de la Pérelle, l'on passe brutalement du flanc oriental au flanc occidental du pli.
Ce flanc occidental de l'anticlinal de Fourvoirie se limite à une barre rocheuse d'environ 300 m d'épaisseur que le Guiers Mort entaille d'un trait de scie ; l'ancien tracé de la route s'y insinuait mais le nouveau tracé contourne maintenant ce défilé de Fourvoirie par un tunnel qui justifie encore mieux son nom (= voie forée).
On a longtemps cru qu'il s'agissait là d'une barre d'Urgonien, étirée en flanc inverse d'un pli-faille mais l'examen attentif montre que cela est faux et que l'on y trouve juxtaposés Urgonien et calcaires du Fontanil sans que les bancs y soient étirés (seulement tronçonnés).
En fait dans cette épaisse barre rocheuse sont conservées les seules couches particulièrement résistantes des niveaux successifs de ce flanc du pli, c'est-à-dire les plus calcaires. Elles sont débitées en plusieurs tronçons qui se juxtaposent entre deux cassures majeures : celles-ci limitent ce que l'on peut considérer comme un large couloir de cisaillement et c'est donc cette tranche tectonisée (et non une surface unique) qui représente ici le chevauchement de la Chartreuse occidentale.
Le défilé de Fourvoirie 2b et 2c représentent les emplacements des deux points de stationnement indiqués sur la coupe. Ø' et Ø1 = sont les deux surfaces tectoniques (failles majeures) encadrant la zone cisaillée qui correspond ici au chevauchement de la Chartreuse occidentale. Toute la succession Jurassique supérieur - Crétacé inférieur (plus de 1000 m d'épaisseur originelle) est condensée par la déformation tectonique en moins de 300 m. Mais cet amincissement se fait non pas par étirement ductile mais par tronçonnement par le jeu de plusieurs cassures. |
Ce dispositif détermine une succession de barres rocheuses orthogonales au lit du Guiers Mort. On peut l'examiner le long de l'ancienne route, qui suit la gorge elle-même, parallèlement au tunnel, en y accèdant depuis l'entrée aval de ce dernier.
Cet ancien tracé, que l'on suit donc d'ouest en est, coupe d'abord les bancs de l'Urgonien supérieur puis montre la succession, bien dégagée, de ceux des couches à Orbitolines : elles sont disposées ici avec un pendage proche de la verticale, ce qui permet de les traverser en une vingtaine de mètres. A mi-parcours les affleurements de calcaires massifs de l'Urgonien inférieur sont interrompus sur les deux rives par un couloir transversal au lit du Guiers. Les deux abrupts rocheux qui limitent ce couloir sont des surfaces inclinées environ à 45° vers l'amont, qui ne sont pas parallèles aux strates mais qui les coupent au contraire presque orthogonalement : cet accident du relief ne correspond donc pas à un niveau stratigraphique qui serait plus facile à éroder. En fait il est déterminé par une faille compressive (Fb) qui met en contact direct, sur les calcaires massifs de l'Urgonien inférieur (qui forment la lèvre aval), des calcaires qui leur ressemblent mais appartiennent aux niveaux les plus massifs des calcaires du Fontanil (membre de la Rivoire : voir la page "calcaires du Fontanil"). Cette seconde barre rocheuse, transversale à la rivière est également limitée, côté amont, par une autre faille (Fc), également inclinée à 45° vers l'amont ; elle tranche aussi ses strates et les met en contact avec des alternances marno-calcaires d'âge berriasien. Ces deux cassures peuvent être considérées comme des failles secondaires de Riedel* par rapport aux cassures principales (Ø' et Ø1) qui limitent l'ensemble des barres calcaires du défilé de Fourvoirie, car elles sont disposées selon la même direction mais avec un pendage plus faible. |
Les
rochers de rive droite du Guiers vus de la rive gauche, dans l'azimut des surfaces de couches |
Les
rochers de rive gauche du Guiers et la sortie aval du tunnel de Fourvoirie |
Le débouché aval des gorges de Fourvoirie
(vu des bords du point de stationnement 2b).
Ø' = faille majeure limitant du côté
nord-ouest le couloir de failles du chevauchement de la Chartreuse
occidentale (ailleurs elle est le plus souvent masquée par des éboulis).
Le cliché de gauche montre sans ambiguïté
le sectionnement des strates (sans crochon ni étirement)
: on a bien affaire à un pli rompu et non à un
pli-faille*(voir l'article du glossaire).
Le cliché de droite est, au contraire, vu sous un
angle tel que les surfaces de strates sont pratiquement vues à
plat (leurs dalles structurales forment le mur dans lequel est
percée l'entrée du tunnel).
Ces mini-décrochements témoignent de ce que des mouvements en coulissement longitudinal se sont également effectués dans le couloir de failles du chevauchement de la Chartreuse occidentale. Ces mouvements représentent les ultimes effets du cisaillement transverse du décrochement de l'Alpette. Ce dernier traverse tout le massif chartreux mais s'exprime, en Chartreuse occidentale, aux abords de La Ruchère, par un faisceau de cassures (ses diverses "branches", dont la principale est celle du Pas Dinay) entre lesquelles se partage et se "diffuse" le rejet de ce grand accident. Ces cassures traversent en ne décalant que d'une façon peu visible les abrupts d'Urgonien qui courent des Rochers du Frou à ceux d'Arpison, et ceux des calcaires du Fontanil des Rochers de Fétrus (qui dominent les gorges de Fourvoirie du côté nord-est). Néanmoins la principale, prolongement du décrochement du Pas Dinay, se suit pratiquement jusqu'à Fourvoirie (voir cliché à la page Saint-Laurent-du-Pont) |
Après sa sortie du défilé de Fourvoirie le Guiers Mort décrit plusieurs sinuosités entre des pentes boisées plus douces, avant de rejoindre Saint-Laurent-du-Pont. Son cours entaille là des alluvions quaternaires qui masquent presque complètement leur bedrock. Il est repoussé vers le nord par le glissement de terrain de matériel morainique de sa rive gauche qui a partiellement détruit en 1935 les bâtiments de l'ancienne distillerie des chartreux. De ce fait sa rive droite entaille en abrupts boisés les alluvions fluviatiles plus anciennes (conglomérats interglaciaires) de sa rive droite.
La rive droite du lit du Guiers Mort, au niveau du tournant de l'ancienne distillerie. observer le litage horizontal des alluvions fluviatiles anciennes (conglomérats interglaciaires) |
Ces lits de conglomérats reposent en discordance sur le bedrock qui affleure au fond même du lit de la rivière.
Les affleurements molassiques du lit du Guiers, vus du sud vers le nord, depuis la rive gauche, à la hauteur de la maison forestière (le Guiers coule de la droite vers la gauche). Les conglomérats quaternaires (difficilement visibles, à travers les bois, sur ce cliché) sont lités très horizontalement (conformément aux tirets) alors que les bancs de molasse sont redressés à la verticale dans le lit du Guiers. |
Ce bedrock est constitué par les couches de la molasse miocène du flanc oriental du synclinal de Voreppe , qui sont, à vrai-dire, déjà présentes au sortir même des gorges de Fourvoirie sous forme de petits affleurements de grès grossiers du Burdigalien (voir plus haut).
On peut rappeler que le contenu miocène de ce synclinal à une situation "stratégique" car il s'intercale entre les affleurements jurassico - crétacés des chaînons subalpins d'une part (Grande Sure et Arpison) et des chaînons jurassiens d'autre part (ces derniers sont représentés, immédiatement à l'ouest de Saint-Laurent-du-Pont, par la montagne de Ratz). |
aperçu d'ensemble sur la Vallée du Guiers Mort . |
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