Saint-Gervais, Fessole |
Depuis la localité de La Rivière jusqu'à celle de Saint-Gervais la marge orientale de la plaine alluviale de l'Isère court parallélement à l'escarpement du bord occidental du Vercors, à peu près rectiligne et orienté à peu près N25. À la latitude de Rovon il s'en écarte pour s'orienter NE-SW. Il se dessine ainsi un rentrant que ferment vers le sud les reliefs de rive gauche du cours de la Drevenne qui appartiennent en fait à un chaînon plus occidental qui s'efface vers le nord mais se poursuit largement vers le sud (voir la page "Cognin"). Au nord de la Drevenne le bord du Vercors se présente simplement comme une haute barrière comportant plusieurs lignes parallèles de falaises étagées : cette disposition traduit le fait qu'il a été entaillé par l'érosion selon une direction presque parallèle à celle des structures tectoniques qui y affectent les couches).
Mais en fait lorsqu'on l'observe depuis la vallée la perpective, en contre-plongée, ne laisse souvent pas deviner que les deux lignes de falaise supérieures sont en réalité séparées par un vallon N-S. Ce vallon du Rivet court en contrebas de la ligne de crête, dont il est séparé par l'accident majeur qu'est le chevauchement de Rencurel. C'est en réalité la crête située en avant (à l'ouest) de ce vallon qui couronne le versant qui tombe sur Le Lignet et Saint-Gervais : du nord au sud elle est constituée successivement par les Rochers de la Fessie, du Paillet et du Malade.
A/ La partie inférieure du versant occidental
Les pentes qui tombent sur la vallée de l'Isère depuis La Rivière jusqu'à Saint-Gervais sont celles qui, en contrebas de Fessole et du vallon du Rivet, sont couronnées par la falaise urgonienne des Rochers de Paillet. Il est clair, pour de simples raisons de continuité des affleurements de part et d'autre du canyon des Écouges, que cette dernière prolonge vers le nord le flanc oriental de l'anticlinal des Coulmes (voir les pages "Malleval" et "Coulmes"), mais le reste de ce pli est ici complètement éventré par l'érosion.
Dans cette succession de son flanc oriental il s'individualise d'abord en contrebas une falaise basse, moins massive et moins continue (car partiellement garnie de bois), qui est celle des calcaires du Fontanil moyens, les plus massifs. La succession de ces couches de ce niveau y est très proche plus de celle qu'on leur connaît en Chartreuse occidentale, aux abords de la localité type du Fontanil (elle diffère par contre de celle, moins épaisse, des abords de Grenoble).
Plus bas le talus, semé de prairies, qui court du village des Monts au nord jusqu'à celui de Moléron au sud, montre surtout du Berriasien marno-calcaire ainsi que quelques pointements de Tithonique (surtout à la faveur des entailles de ravins). Ceux-ci correspondent au coeur de l'anticlinal des Coulmes, même si ce dernier s'y montre affecté du faisceau de petites cassures subverticales dont l'ensemble constitue la faille des Combes, qui parcourt le versant presque horizontalement. Les ressauts de calcaires du Fontanil qui soutiennent ce talus peuvent enfin être considérés comme le appartenant au flanc ouest de synclinal du Moléron, mieux caractérisé au sud du village de ce nom (voir plus loin).
Mais dans la partie septentrionale de ces basses pentes ce dispositif structural est tranché en biais par un accident dont le tracé court depuis le col de Montaud en traversant ce versant, ici orienté N-S, par un biais descendant qui débouche finalement sur la vallée de l'Isère dans la plaine alluviale peu au nord du village de Saint-Gervais. La direction de son tracé le place donc dans le prolongement de celui de la faille de Voreppe.
Toutefois plusieurs faits portent à conclure qu'il ne s'agit pas là d'un chevauchement mais plutôt d'une faille verticale donc plutot d'un décrochement. En premier lieu son tracé conserve une orientation NE-SW au passage du changement de versant du col de Montaud (il ne décrit donc pas l'inflexion anti-horaire que devrait déterminer le changement d'orientation du versant si la surface de cassure avait un pendage incliné vers l'est. Ensuite il se poursuit de façon presque rectiligne en dépit des accidents de relief (ravins et échines) qu'il traverse. Enfin les deux compartiments, NW et SE, qu'il sépare ne montrent pas des différences telles que l'on ne puisse y reconnaître des structures similaires, au prix d'un simple décalage dans le sens dextre.
De fait la faille des Combes trouve son prolongement dans la faille de La Rivière, qui est également sub-verticale et qui surhausse de façon similaire le cœur de l'anticlinal de Face Belle (voir la page "Montaud"). Il est donc très plausible de voir dans ce dernier la suite de celui des Coulmes : il en diffère surtout par le fait que sa voûte urgonienne soit moins éventrée, ce que cette interprétation explique bien puisque le rejet coulissant dextre la rend moins saillante vers l'ouest dans cette lèvre NW de la faille de Voreppe que dans l'autre. |
Il apparaît donc qu'au sud du col de Montaud le prolongement de la faille de Voreppe doit perdre toute composante de chevauchement et devenir un simple décrochement (ce qui s'accorde d'ailleurs avec le fait que cette dernière présente aussi, plus au nord, des indices de composante dextre). C'est pourquoi on a pu proposer d'y voir un accident relativement distinct et de l'appeler "faille de la Basse Isère", puisque son orientation l'amène peut-être à se prolonger au sud de Saint-Gervais selon l'axe de la plaine alluviale de cette rivière.
Les derniers affleurements vers le sud de la lèvre occidentale de cet accident, avant qu'il se perde sous les alluvions, sont ceux du Coteau d'Artets. Cette bosse boisée est constituée d'Urgonien dont les couches sont inclinées vers la vallée de l'Isère avec un pendage relativement fort qui d'autant mieux visible qu'elles y sont entaillées une très disgracieuse carrière. Du fait que ce pendage s'atténue vers le bas on peut interpréter cette disposition comme le flanc oriental, très redressé, d'un synclinal dont l'Urgonien du flanc ouest est enlevé ici par l'érosion de la vallée de l'Isère. Il est très probable que ce pli soit le prolongement, décalé par la faille de Voreppe, du synclinal de Moléron qui se dessine dans la lèvre orientale de cette dernière (voir le premier cliché de la présente page) : le rejet coulissant dextre explique aisément que du côté ouest de la faille il affecte des couches de niveau stratigraphique supérieur (Urgonien au lieu de calcaires du Fontanil).
Quoi qu'il en soit ce flanc de pli se rebrousse là vers le haut presque jusqu'à devenir vertical par l'effet d'une flexure synclinale d'Artets dont l'origine est probablement une torsion en crochon de la lèvre occidentale de la faille de Voreppe. On peut penser que c'est le fait de n'avoir pas pris ce détail structural en considération qui a fondamentalement été la cause de l'effondrement du front de taille qui s'est produit le 25 juillet 2024 et a recouvert la route D.1532 sur plusieurs centaines de mètres.
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En effet la progression du front de taille par des paliers successifs étagés vers le haut a conduit à y entailler des couches de plus en plus redressées par le jeu de la torsion synclinale, et donc de plus en plus susceptibles de glisser les unes par rapport aux autres sous l'effet de leur propre poids.
B/ Le ressaut supérieur : Fessole et le vallon du Rivet
La falaise urgonienne du crêt qui limite du côté nord le plateau septentrional du Vercors (Val d'Autrans) prend une orientation presque N-S à partir du coude qu'elle décrit au Bec de l'Orient. Tout d'abord, à la latitude de la crête de Nave, elle tombe presque directement sur la plaine de l'Isère, par un simple escalier de falaises (voir ci-dessus). La marche supérieure de cet escalier porte le petit alpage de Fessole dont la présence est due à des affleurements de Sénonien coiffés d'un petit chapeau de molasse miocène. Ces couches apparaissent là en contrebas du crêt urgonien de Nave par le jeu d'un accident assez important puisqu'il s'avère représenter la terminaison septentrionale du chevauchement de Rencurel (voir la page "Rencurel").
Il est important de remarquer que la coupe naturelle observable ici est orientée en moyenne N20°. C'est dire qu'elle n'est nullement perpendiculaire à la direction générale des déformations compressives mais au contraire presque parallèle aux axes de plis immédiatement plus orientaux, qui sont ceux du synclinal de Nave et de l'anticlinal du Bec de l'Orient, et à l'azimut des surfaces de chevauchement associées, c'est-à-dire pratiquement N00°. |
Cet accident est à l'origine du redoublement de la barre urgonienne et de l'existence d'une bande de molasse miocène intercalaire où l'érosion a ouvert, immédiatement au sud de la ferme du Rivet, la combe du Rivet, qui est donc suspendue au dessus de la vallée de l'Isère. En effet elle en est séparée par le crêt urgonien des Rochers de Paillet (qui se prolonge du côté nord, en contrebas de Fessole, par la falaise de La Fessie). Vers le sud ce crêt se continue jusqu'au canyon des Écouges, qui le tranche, et se pursuit au delà par celui du Bec de Neurre : il se raccorde clairement là à la dalle urgonienne du flanc oriental de l'anticlinal des Coulmes (voir les pages "Saint-Gervais" et "Coulmes").
La combe du Rivet se ferme vers le nord, "bouchée" par les affleurements urgoniens de Fessole en redoublement sur la barre urgonienne des Rochers de La Fessie par le jeu du chevauchement de Fessole. Ce dernier "prend naissance" 1 km au sud-est de la ferme du Rivet (à la latitude du chalet Montal), où il se connecte à angle aigu avec le chevauchement de Rencurel. Du côté nord, malgré la discontinuité des affleurements, il semble qu'une telle connexion à angle aigu a lieu aussi, symétriquement, dans les escarpements de La Pointière. Cet accident apparaît donc comme une branche secondaire du chevauchement de Rencurel et l'on est par conséquent porté à penser qu'il est dû à la rupture compressive de la dalle chevauchante de ce dernier.
Deux points sont à considérer dans ce dispositif tectonique : les rapports du chevauchement de Rencurel avec la faille de Voreppe et l'interprétation plus précise du chevauchement de Fessole.
1- Par rapport à la faille de Voreppe il est très clair que le tracé, N-S, du chevauchement de Rencurel ne s'infléchit pas vers le nord pour se raccorder à celui, NE-SW, de cette faille, mais qu'il bute à 45° contre elle aux abords de La Pointière, sous le col de Montaud.
D'autre part la faille de Voreppe ne semble plus avoir joué, dès ici, en chevauchement comme elle fait plus au nord notamment en rive droite de l'Isère (voir la page "Voreppe") car son tracé reste rectiligne en dépit des accidents de terrain qu'il traverse, ce qui indique un pendage proche de la verticale. De plus la comparaison des structures de ses deux lèvres porte à lui attribuer un jeu en coulissement dextre : il est difficile en effet de ne pas considérer que l'anticlinal des Coulmes trouve son prolongement dans l'anticlinal de Face Belle (lequel n'en diffère que par le fait qu'il est moins profondément éventré par l'érosion) simplement au prix d'un décalage vers l'est de l'axe de ce dernier. C'est aussi ce que tend à confirmer le fait que le tracé de la falaise de la Fessie se termine, dans les escarpements de La Pointière, par une torsion de sens horaire que l'on doit sans doute interpréter comme un crochon dextre.
Mais l'on ne trouve aucun prolongement du chevauchement de Rencurel (ni de celui de Fessole) dans la lèvre nord-occidentale de la faille de Voreppe : ceci conduit à penser qu'il n'a pas été tranché par elle (après son fonctionnement) mais qu'il a dû fonctionner en même temps : en fait il doit se terminer du côté nord en se branchant sur elle selon les rapports "transformants" qui sont ceux entre un fond et un bord de tiroir, le premier étant en situation de chevauchement et le second de coulissement.
2- La géométrie du chevauchement de Fessole n'est guère conforme à ce que l'on attendrait d'une imbrication créèe par simple rupture de la dalle déplacée par le chevauchement principal, ici celui de Rencurel. En effet par rapport aux couches qu'il recouvre la surface du chevauchement de Fessole à un pendage vers l'est moins fort qu'elles, de sorte qu'elle les biseaute de plus en plus profondément d'est en ouest. C'est là une disposition qui semble indiquer un mouvement dirigé à contre-sens du chevauchement de Rencurel, comme si les affleurements de cette écaille de Fessole constituaient un coin rocheux embouti sous lui, d'ouest en est (voir la coupe ci-dessous).
Coupe W-E du rebord occidental du Vercors, orientée N.120° et passant 3 km au sud du Bec de l'Orient, entre les chalets de Fessole et du Rivet (extrait très retouché de la notice de la Carte géologique Grenoble à 1/50.000°). |
Cette disposition est difficile à interpréter, mais sa localisation à la marge de la lèvre sud-orientale de la faille de Voreppe incite clairement à la mettre en relation avec le fonctionnement de cette dernière. Or il est clair que le déplacement de cette lèvre sud-orientale de la faille se faisait d'est en ouest (comme l''indique l'azimut N-S du chevauchement de Rencurel, et celui des axes de ses plis, également N-S). Il se faisait donc en oblique, à près de 45°, par rapport à la surface de cassure, ce qui a nécessairement produit un serrage oblique à cette surface. Au nord du Col de Montaud il est vraisemblable que ce serrage ait déterminé l'avancée chevauchante de la lèvre SE par dessus la molasse du synclinal de Voreppe de la lèvre NW (comme le suggère le relèvement axial des plis de la première du sud vers le nord : voir à ce sujet la page "Buffe"). Par contre au niveau du Col de Montaud ce même serrage affrontait l'Hauterivien de la lèvre SE à l'Urgonien de la voûte de l'anticlinal de Face Belle (lèvre NW) : cette disposition était au contraire favorable à ce que ce dernier s'emboutisse dans le matériel plus déformable de la lèvre opposée, donc en sens inverse (vers le SE). Il est plausible que cela ait abouti à la formation d'une lame chevauchante essentiellement armée d'Urgonien qui s'est avancée comme une écharde, dans ce matériel, sous le chevauchement de Rencurel en cours de progression, avant d'être finalement détachée de sa lèvre d'origine par le jeu du coulissement dextre. |
Sous le chevauchement de Fessole le revers oriental de la barre urgonienne du Rocher de Paillet est garni directement par un peu de molasse miocène coincé sous le chevauchement. Le Sénonien y manque par lacune stratigraphique mais il réapparaît au sud de la latitude de Fessole à partir de la ferme du Rivet : c'est la discordance de la transgression miocène qui est cause de ce que son épaisseur s'amenuise jusqu'à sa disparition vers le nord.
Aperçu plus général à la page "Vercors septentrional" |
Carte géologique très simplifiée de l'extrémité septentrionale du Vercors.
redessinée sur la base de la carte géologique d'ensemble
des Alpes occidentales, du Léman à Digne, au 1/250.000°",
par M.Gidon (1977), publication n° 074
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